472 (Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (30 avril 1791.] (L’Assemblée, consultée, décrète qu’elle passe à l’ordre du jour sur le projet de décret de M. l’abbé Maury.) M. d’Aubergeon de Marinais. Je demande qu’avant de passer à l’ordre du jour, M. de La Tour-Maubourg qui seul peut avoir une connaissance exacte des faits soit entendu à la tribune. M. l’abbé Maury. Je demande pardon de la liberté avec laquelle je vais parler. Vous ne me soupçonnerez ni de vouloir vous offenser, ni de vouloir vous menacer, car je ne suis pas fou. Nous n’avons connaissance ni du rapport, ni des pièces qui y sont jointes; nous déclarons, en conséquence, que nous ne prendrons aucune part à la délibération. ( Rires à gauche ; applaudissements à droite.) M. de Menon, rapporteur. Personne ne s’oppose à la communication des pièces justificatives; je vais les remettre toutes au comité diplomatique où chacun aura la liberté d’en prendre connaissance. M. l’abbé Maury. Et votre rapport? Nous en voulons aussi communication. M. de Menou, rapporteur. Vous le trouverez également au comité. (La suite de la discussion est renvoyée à demain.) M. le Président annonce l’ordre du jour de la séance de demain et lève la séance à trois heures et demie. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. REWBELL. Séance du samedi 30 avril 1791, au soir (1). La séance est ouverte à six heures du soir. M. d’Estourmel donne lecture d’une adresse des maîtres perruquiers de la ville de Cambrai , département du Nord, qui demandent la conservation de leurs charges. (L’Assemblée en ordonne le renvoi au comité de la liquidation.) Un de MM. les secrétaires donne lecture des pétitions et adresses suivantes : Pétition des employés aux barrières incendiées ; ils sollicitent l’Assemblée de réaliser la promesse qui leur avait été faite par la Ferme générale et le ministre d’une indemnité. (Cette pétition est renvoyée au comité des pensions.) Adressedu sieur Dubiez, fermier à Arcquanières, dans le Hainaut autrichien; il supplie l'Assemblée d’ordonner qu’une somme de 4, 608 livres saisie sur le sieur Camine, conducteur de moutons, par les employés du bureau de Bercu, lui sera restituée. (Cette adresse est renvoyée, avec les pièces y annexées, au pouvoir exécutif.) Adresse des administrateurs du directoire dudé - partement du Cantal; ils demandent la translation des religieuses de Notre-Dame et delà Visitation de Saint-Flour. dans Jè monastère de la ci-devant abbaye de Feniers près Condat. (Cette adresse est renvoyée aux comités ecclésiastiques et des recherches, chargés de présenter leur avis incessamment à cet égard.) Lettre et pétition des huissiers des d'devant cours et juridictions de Paris , lesquels ont l’honneur de soumettre à l’Assemblée un projet de règlement relatif à l’exercice de leurs fonctions dans les nouveaux tribunaux. (Celte pétition est renvoyée aux comités de Constitution et de judicature.) Procès-verbal de la municipalité de la ville du Mur-de -Barrés, au département de l'Aveyron , contenant, avec le détail des honneurs rendus à la mémoire de M. de Mirabeau, une adhésion à tous les décrets et l’annonce de la prestation de serment de la presque totalité des fonctionnaires publics ecclésiastiques du district. M. Boussiôn. Messieurs, je suis chargé paF lettre du district de Lauzun, département de Lot-et-Garonne, de prendre l’avis de l’Assemblée nationale pour dénoncer un membre de l’Assemblée qui est absent ou qui a abandonné son poste depuis le mois d’octobre 1789; il s’agit de M. Malateste de Beaufort, curé de Montastruc, district de Lauzun. Le fait est que la municipalité l’a dénoncé au tribunal, le tribunal à l’accusateur public sous l’inculpation de prédications séditieuses. L’accusateur public a obtenu la permission d’informer; il y a déjà 2 témoins ouïs ; la procédure s’instruit. Mais, comme M. de Beaufort est censé être membre de l’Assemblée nationale, l’accusateur public se propose d’envoyer... (Murmures.) Plusieurs membres : Puisque M. de Beaufort n’est pas réclamé par l’Assemblée, l’accusateur public peut le poursuivre. ( Murmures et marques cC approbation.) Un de MM. les secrétaires: Voici une adresse de M. Loisel qui demande que Loisel, jurisconsulte, son aïeul, soit mis au rang des grands hommes. (Rires.) Plusieurs membres : Qu’a-t-il fait ? M. Gonpil-Préfeln. Ce Loisel est un ancien jurisconsulte qui a traduit les lois romaines et qui, le premier, a proclamé cette maxime : « Si veut le roi, si veut la loi. ». M. Prieur. Est-on bien sûr que ce soit le même? M. Goupil -Préfeln. Oui, Monsieur; c’est Antoine Loisel, de Beauvais, auteur des Instituts du droit civil, ouvrage dans lequel il a consacré la maxime que j’ai déjà éooncée. M. Prieur. En ce cas, il faut renvoyer la pétition à l’ancien régime. ( Rires et vifs applaudissements.) M. Guirault, citoyen de Bordeaux , est admis à la barre et dit : « Messieurs, l’importance de vos travaux et votre zèle pour la chose publique m’ont persuadé que je servais votre zèle si, abrégeant l’une de vos opérations, la plus longue et la plus délicate, je parvenais à ménager vos précieux moments. Sous ce rapport, je vous présente (1) Cette séance est incomplète au Moniteur. 473 (Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (30 avril 1791.J un mode d’invention nouvelle d’un tableau d’ap-fiel nominal, pour économiser le temps et éviter a plus petite erreur, et délivrer M. le secrétaire de cette captivité laborieuse et pénible. Ce tableau est aussi simple que facile dans son exécution. Trois assemblages de tubes reçoivent, l’un les voix positives, l’autre les voix négatives, le troisième celles des absents. Ces voix sont marquées par des boules aux trois couleurs de la nation, qui, en s’élevant dans les tubes par leur nombre et par leur volume, donnent très rapidement la somme des voix, à cause des divisions qu’on a pratiquées en dehors des tubes. Quand l’opération est faite, en ôtant une tablette, les boules viennent se réunir dans trois réservoirs séparés, et mettent à même de renouveler aussitôt l’opération, si la première ne donnait aucun résultat. « Telle est, Messieurs, la machine dont j’ai l’honneur de vous faire hommage. Vos commissaires l’ont approuvée. Us ont arrêté qu’il vous en serait fait un rapport. Je demande d’en faire l’essai en grand et a mes frais, pour servir aux travaux de l’Assemblée nationale. » M. le Président répond : « Un moyen qui pourrait simplifier et assurer le résultat des scrutins et ménager un temps qui est si précieux pour la prospérité publique mériterait l’attention de l’Assemblée nationale. Elle ne dédaignera pas, sans doute, de faire vérifier les avantages que peut renfermer l’invention que vous proposez. Elle rend justice au zèle et au patriotisme qui vous a porté à leur en faire hommage, et vous accorde les honneurs de la séance. » M. Guillotin, commissaire de la salle. Vos commissaires ont examiné la machine qui vient de vous être présentée. Il résulte, de cet examen, que la machine inventée par le sieur Guirault, en mettant le public, comme l’Assemblée nationale, dans la possibilité de voir d’un seul coup d’œil le recensement des voix, donne toujours un résultat précis et certain; la simplicité et futilité de cette machine sont évidentes. D’après ces considérations, Messieurs, vos commissaires ont approuvé le tableau offert par M. Guirault. Us vous proposent de faire exécuter en grand la machine inventée par M. Guirault, pour que l’Assemblée s’en serve toutes les fois qu’elle aura à faire l’appel nominal. M. Gouptl-Préfeln. Avant d’adopter la machine de M. Guirault, je demande que le comité de Constitution soit chargé de donner son avis. M. Gaultier-Blauzat. J’observe que l’on ne peut décider que l’on emploiera un tel moyen pour faire l’appel nominal, avant de savoir si la machine en grand n’aura pas des inconvénients que des expériences nombreuses sur un petit appareil n’auraient pas fait voir. M. Prieur. Je me suis trouvé dans un bureau où cette machine était déposée avant la séance... M. Ganltier-Biaiizat. Appelle-t-on? M. Prieur. Oui ! M. Gaultier-Bianzat. Je demande alors où est l’économie du temps. M. Prieur. Voici comment se fait l’opération. Il y a trois colonnes, ainsi que vous l’a dit l’auteur. Trois secrétaires sont dépositaires, l’un des boules rouges, l’autre des boules blanches, le troisième des boules bleues. Les boules rouges représentent l’opinion négative. On appelle un membre; son opinion est négative; le secrétaire dépositaire des boules rouges en prend une et la met dans le tube négatif. M. Gaultier-Bianzat. Eh bien, je m'oppose à ce que cette machine soit adoptée. Vous mettriez ainsi entre les mains d’un seul le résultat des délibérations les plus importantes de l’Assemblée. (Après quelques débats, l’Assemblée décrète que, avant de se prononcer sur l’invention de M. Guirault, le comité de Constitution lui donnera son avis.) « L’ordre du jour est la suite de la discussion du projet de décret du comité de la marine sur les Invalides de la marine (1). M. Bégouen, rapporteur. Messieurs, dans la séance du 28 avril courant, vous avez décrété le titre Ier du projet de décret de votre comité de la marine sur les Invalides de la marine; je vais vous soumettre la suite des articles de ce projet. Voici l’article 1er du titre II : TITRE II. Des formes à observer pour constater ceux qui ont des droits à des pensions ou demi-soldes sur la caisse des Invalides. Art. lor. « Les syndics élu3 par les citoyens de profession maritime dresseront, au commencement de chaque année, une liste des invalides et pensionnaires de leur syndicat morts dans l’année; ils recevront les demandes de demi-soldes qui leur seront faites par les marins, veuves et enfants, pères et mères des marins de leur territoire ; ils en donneront l’état, contenant les motifs de chaque demande, et feront certifier les faits par la municipalité du chef-lien du syndicat, et adresseront un double de l’état, et les pièces au soutien, au commissaire de leur quartier. -> (Adopté.) M. Bégouen, rapporteur , donne lecture de l’article 2 aimi conçu : « Les commissaires établis dans les quartiers vérifieront les faits contenus aux états et pièces à eux envoyés par les syndics ; ils joindront leurs observations à chaque demande, feront certitier le tout parles administrateurs du district de leur résidence et en feront ensuite l’envoi à l’ordonnateur en chef de leur déparlement. « Quant aux marins, leurs veuves, enfants, père on mère, résidant dans les lieux non compris dans uu syndicat des classes, ils présenteront leur demandes motivées à la municipalité du lieu de leur résidence, laquelle certifiera les faits qui seront à sa connaissance et adressera lesdites demandes et les pièces au soutien, au ministre du département de la marine. >» Un membre propose, par amendement à cet article, de décréter que les commissaires des (1) Voy. ci-dessus, séance du 28 avril 1791, au soir, pages 401 et suiv.