147 [Assemblée nationale. J ARCHIVES PARLEMENT AIRES. 130 octobre TT30J 4e cette ville , Louis Grelieau, faisant les fonctions du procureur de la commune, absent, écrivant sous nous et le sieur Jacques-Joseph Duchêne, greffier, commis à la municipalité, assermenté, nous nous sommes transportés, à la réquisition de Jeanne-Louise Bertrand, veuve de Jean fias, marchand de vin de cette ville, assisté du sieur Bancal, géomètre, directeur des travaux publics, dans la maison où logeait ledit sieur Gas, en exécution de l’ordonnance délibérée par le corps municipal, au fait de voirie, le jour d’hier, apposée au bas.de la requête de ladite veuve, portant qu’il sera procédé en notre présence par ledit M. Bancal à la vérificaiion de la maison dudit feu Jean Gas, à l’effet de rapporter s’il s’y trouve une ou plusieurs caves, si leur sol est formé d’un gré ou mastic pierreux, bien serré, s’il paraît qu’il y ait été touché et pratiqué des excavations et des mines ; si les murs des caves d'icelles ont été dégradés, percés ou réparés, ou s’ils paraissent être dans leur ancien état ; si la voie publique, le Palais et Pancienné salle de spectacle ont éprouvé le moindre dommage par le fait du sieur Gas ou autrement, soit dans le bas, soit dans le haut de ladite maison ;en conséquence nouss somme entrés dans une maison, actuellement inhabitée, vitrée, auprès du Palais de Justice, rue Entre-Deux, ci-devant tenue à loyer par ledit feu Gas, où étant nous avons parcouru ladite entière maison avec ledit sieur Bancal, lequel, après l’avoir attentivement examinée, nous a rapporté: 1° qu’il n’existe qu’une seule cave, dont l’ouverture est en face de la porte d’entrée de la rue, que le pavé de ladite cave est établi sur un terrain ferme, qu’une partie est pavée en pierres, et l’autre est de tuf, vulgairement appelé sistre ; qu’il s’y trouve trois rangs de sièges de tonneaux faits en pierres de taille, dont aucune paraisse pas même avoir été dérangée; qu’il n’y a été fait aucune excavation ni changement ; que les murs du pourtour de la cave, empreint d’une moissisure que l’humidité produit, n’offrent aucune nouvelle œuvre ; qu’ils sont dans l’état d’ancienneté comme le reste de la maison et qu’il ne paraît pas qu’il y ait été fait de fouille ni de construction de maçonnerie moderne ; 2° que les aboutissants intérieurs et extérieurs de ladite maison n’ont éprouvé aucune main-d’œuvre tendant à pratiquer une mine; que ladite maison étant séparée du Palais par une rue publique et de l’ancienne salle de spectacle par plusieurs maisons et par une petite rue, elles n’ont pu éprouver la moindre atteinte par le fait dudit Gas, attendu que dans toute ladite maison et au rez-de-chaussée nous n’avons trouvé aucune marque ni vestige de nouvelle œuvre pour pratiquer une mine; tout au contraire, s’y trouvant dans un délabrement bien grand, puisque les cheminées y sont démolies, les portes et les fenêtres brisées, les placards et les armoires enfoncés, les toits bien dégradés, les cloisons abattues et le tout entièrement dévasté. Et de tout ce dessus nous avons dressé notre présent procès-verbal à la réquisition de ladite veuve Gas, restée dans le moulin deM. Guiraud, situé vis-à-vis la maison, pendant le temps que nous procédons, pour ne pas accroître l'affliction qu’elle éprouve depuis la mort de son mari ; et nous sommes signés avec ledit Me Bancal, Du-cbêne, greffier, Ferrand-Demissol, Grelieau, faisant les fonctions du procureur de la commune, absent. Collationné sur l'original : BERD1NCY, secrétaire-greffier, DEUXIÈME ANNEXE À LA SÉANCE DE L’ÂSSEMBLÉE NATIONALE du 30 octobre 1790. Lettre de M. VOÜLLAND, député du département du Gard, à MM. les députés à l'Assemblée nationale, au sujet des troubles de Nîmes. Paris ce 30 octobre 1790. Messieurs et chers collègues, il a été distribué avec affectation, dans Paris ët à chacun de vous, une adresse de la veuve Gas , dont le mari a été tué dans les désordres de Nîmes. L’état d’une veuve, dont le mari a péri aussi misérablement, celui des orphelins qui ont perdu leur père, n’ont pu que produire des impressions de compassion sur des âmes sensibles, oe fut le premier sentiment que j’éprouvai. Le sort de cette malheureuse famille aurait inspiré plus d’intérêt si ses défenseurs n’avaient affaibli ce sentiment par des calomnies qu’ils ont répandues dans Décrit qu’ils ont publié en son nom. J’ai le droit de repousser ces calomnies, puisque je vois au nombre de èeux auxquels on impute ce meurtre, un de mes parents, dont la probité et la douceur de caractère sont généralement connues, c’est M. Ribot: il est désigné comme ayant conduit les légionnaires qui avaient tué le nommé Gas, et même comme ayant mis sa tête à prix; les autres circonstances sont ou si atroces ou si envenimées, que, d’après la connaissance que j’ai de son caractère et de ses mœurs, il m’a été impossible d’ajoülerfoi à ce récit. Cependant j’ai suspendu mon jugement, j’ai souhaité de connaître la vérité, j’ai demandé des éclaircissements fidèles sur ces inculpations. L'attachement que j’ai pour mon parent, ce que je dois à un citoyen qui a mérité jusqu’à ce jour l’estime générale, et surtout l’hommage que je dois à la vérité, qu’il importe de connaître au milieu des calomnies par lesquelles on veut l’obscurcir, m’oblige à vous communiquer, Messieurs, ce que j’ai appris à ce sujet. Je fais imprimer, à la suite de cette lettre, la déclaration de M. Ribot. Il affirme et il offre de prouver qu’il n’a point approché de la maison de Gas de tout le lundi, qu’il ne i’a vu ni mort ni vivant : j’apprends de plus, ce que je savais déjà, que si M. Ribot avait montré de la vigueur, ç’avait été pour sauver de la vengeance des gardes nationales, M. Vidal, procureur de la commune, et M. Laurens, officier municipal, auxquels il avait conservé la vie, en les conduisant dans la salie des électeurs. Ce fait isolé, le seul que j’eusse un intérêt personnel à éclaircir, doit vous faire préjuger, Messieurs, l’infidélité d’un récit déjà faux dans une de ses principales circonstances. La même adresse accuse un négociant de Nîmes (M. Isaac Vincent) d’avoir, avec M. Ribot, fait tuer le mari de la veuve Gas. M. Vincent dément aussi cette calomnie par une preuve péremptoire ; c’est qu’étant électeur, il ne sortit point de l’assemblée électorale, hors pour aller voir sa femme, qui était dans ie travail de l’accouchement; et, de même que M. Ribot, M. Vincent n’employa ses services qu’en faveur de l’ordre, pour surveiller la visite de la maison d’un chanoine, où l’on soupçonnait qu’il y avait des armes cachées. Il s’y rendit à la réquisition d’un neveu même de ce chanoine (M. Surville), dont il protégea aussi la maison. J’en fais imprimer ie certificat. 148 [Assemblée national®.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [30 octobre 1790.] Les écrivains de la veuve Gas la font donc mentir sur deux faits principaux. Cette adresse est un recueil de faussetés, et une suite de déclamations calquées sur les écrits des officiers municipaux de Nîmes (1). Le nommé Gas n’était point, comme le dit le mémoire, un marchand de vin accrédité; il tenait simplement un bouchon à Nîmes, devant la porte du Palais. Il était du nombre des légionnaires à poufs rouges, et un des plus furieux ligueurs. Il eût été absurde de s’adresser à cet homme dont l’opinion et les rapports n’étaient point ignorés, pour l’engager à appuyer une liste de bons citoyens; et quand on lui fait dire avec une noble fierté: « Je suis libre, et je ne veux faire tomber « mon choix que sur ceux qui me seront désignés par la vertu », ce beau discours sera regardé comme une invention ridicule par tous ceux qui ont connu cet homme. On voulut fouiller, dans la journée du 14 juin, la maison de Gas. On opposa de la résistance; on tira, des fenêtres, quelques coups de fusil; la maison fut forcée, et le cabaretier fut tué. Je suis loin d’excuser les désordres qui se sont commis à Nîmes; la colère, la chaleur du combat, l’opiniâtreté de la résistance sont même de faibles excuses pour ce qui s’est passé dans la ville. Mais que dira-t-on sur les meurtres commis à la campagne, loin du tumulte des armes? Un M. Noguiér et sa femme, âgés de plus de 70 ans, massacrés par les légionnaires à houpe rouge, dans le temps qu’ils dînaient tranquillement ; un M. Maigre et son fils, les plus respectables négociants de Nîmes, massacrés de sang-froid à quatre lieues de la ville; un enfant de 12 ans du sieur Peire, assassiné tandis qu’il allait porter à dîner à son père, occupé à la campagne; de pauvres ouvriers, descendus des Gévènes pour le travail des vers à soie, tués par ces hommes féroces, dès qu’ils étaient connus pour protestants. Voilà les horreurs que j’aurais voulu taire pour l’honneur de l’humanité et de ma patrie, et que les indignes mémoires fabriqués par M. Boyer, substitut du procureur delà commune de Nîmes, et colportés par le maire, son digne collègue, me forcent à publier. L’Assemblée nationale rendra bientôt un décret qui apprendra à toute la France quels sont les véritables auteurs de nos malheurs et de nos troubles. On saura que le prétexte de la religion, saisi par les ennemis de la Révolution, a occasionné ces scènes d’horreur, que ces ennemis n’ont pas craint d’exposer le pays qui nous a vus naître à la plus horrible dévastation, pour tâcher de soutenir leurs anciennes prérogatives, en séduisant le pauvre peuple par un motif si respectable, et en renouvelant une haine qu’on n’avait pas lieu de soupçonner avant les perhdes manœuvre qu’ils ont osé se permettre sous les dehors trompeurs d’une fausse piété. (1) La femme Gas, pour donner un prétexte spécieux au voyage qu’on l’a engagée à faire à Paris, allègue qu’elle n’est venue à la suite de l’Assemblée nationale, que parce qu’elle n’a pu faire entendre sa plainte à M. Brunei, procureur du roi, et à M. Fajon, lieutenant-criminel. L’intégrité généralement connue de ces magistrats, et le choix que viennent de faire d’eux les électeurs du district, pour le nouveau tribunal, les disculpent d’avance de cette téméraire assertion : ils sauront bien la réfuter ; mais je n’ai pu me défendre de leur rendre ce témoignage. La confiance des électeurs qui m’ont honoré moi-même de leurs suffrages pour une place de suppléant, me rend la cause de ces magistrats en quelque sorte personnelle. Attaché sincèrement à ma patrie et à la religion catholique que j’ai le bonheur de professer, je le déclare hautement, je n’ai vu dans toute cette malheureuse affaire que les machinations des ennemis de la Constitution : je déclare hautement que si la religion pouvait être attaquée, je voudrais être un de ses plus ardents défenseurs, que je me croirais heureux, si les circonstances l’exigeaient, de verser jusqu’à la dernière goutte de mon sang, pour rendre hommage à la foi de mes pères qui n’est nullement en péril. Mais ici, Messieurs, je crois les catholiques indignement calomniés, quand les anti-patriotes donnent exclusivement ce nom respectable aux séditieux qui lèvent une tête rebelle contre les décrets de l’Assemblée nationale ; quand ils ont tenté, dans les campagnes de Jallez, de soulever les peuples, sous les faux prétextes que la religion était attaquée ; quand sept officiers municipaux de Nimes osent signer un écrit propre à réveiller les haines, et à exciter des troubles sur des événements dont les bons citoyens voudraient pouvoir anéantir la mémoire; quand ils présentent comme un complot fait pour détruire la religion, la défense que les patriotes ont opposée à leurs machinations. Mais iis vont bientôt être connus et obtenir la justice qu’ils ont droit d’attendre de celle de l’Assemblée nationale. Dans le décret qu’elle va porter sur l’affaire de Nîmes, elle saura bien discerner des vrais patriotes , ceux qui en empruntent le masque tardif et trompeur ; et\son jugement, en frappant sur les vrais coupables , consolidera bientôt l'opinion publique (1 j . Je suis, avec un profond respect, Messieurs et chers collègues, votre très humble et très obéissant serviteur, Jean-Henri Voulland, citoyen d'Uzès, député du département du Gard à l'Assemblée nationale . TROISIEME ANNEXE A LA SÉANCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE DU 30 OCTOBRE 1790. Nouvelle adresse de la veuve Gas et de ses enfants à l'Assemblée nationale , en réponse à la lettre (1) C’est ainsi que s’expriment les administrateurs du département du Gard, dans une adresse qu’ils ont présentée, le 25 septembre dernier, à l’Assemblée nationale. Iis s’y plaignent amèrement, que les officiers municipaux se sont permis de traiter de libelle incendiaire , le récit que ces administrateurs furent chargés de rédiger par ordre exprès de l’assemblée électorale des événements arrivés à Nîmes, les 13, 14, 15, 16 et 17 juin dernier. Ce récit a été adressé à l’Assemblée nationale et au roi, par les commissaires du département du Gard. « Tous les faits, disent les administrateurs chargés « de la rédaction , qui sont consignés dans ce récit furent œ scrupuleusement examinés; chaque phrase, chaque « mot furent sévèrement discutés: le corps adminis-« tratif jugea qu’il devait se renfermer dans un énoncé « exact de ce qui s’était passé sous ses yeux; il s’abs-a tint de tout raisonnement, de toute réflexion, et vou-« lut que son premier pas dans l’honorable carrière qui a venait de lui être ouverte fût marqué du sceau de « l’impartialité. Le mensonge est audacieux et violent, « la vérité doit être simple et calme. » L’adresse et le récit dont il est fait mention seront remis, avec plusieurs autres pièces, à MM. les députés: on les prie de vouloir bien porter leur attention sur ce récit, en les comparant avec tous ceux dont les officiers municipaux inondent la capitale et la province.