[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [12 décembre 1789.] g] 7 soit retranché d’un des articles du décret sur les bois et forêts; l’Assemblée décide que ce mot sera retranché. M. Didaul t, député de Franche-Comté, fait des réclamations sur le droit d’affouage et de triage, dont jouissent les villes et communautés, soit dans les forêts du Roi, soit dans celles des particuliers, il est décidé que cette demande sera renvoyée au comité des finances. M. Mareux, député de Péronne , présente, pour cause de mauvaise santé, sa démission à l’Assemblée nationale; elle est acceptée. M. le Président rend compte à l’Assemblée d’une lettre de IM. Pagès, électeur de la ville de Béziers qui présente un don patriotique consistant en quelques bijoux et qui supplie l’Assemblée nationale de recevoir l’hommage d’un ouvrage intitulé : ? Avis aux bons citoyens. » M. le Président fait lecture d’une lettre de M. l’abbé d’Espagnac, qui demande que, d’après un décret qui a été rendu par l’Assemblée nationale, le comité des finances rende compte du plan qu’il lui a présenté et qu'il lui soit permis d’être entendu à la barre. M. d’Ailly. Le comité, ayant reconnu que ce plan mérite d’être pris en considération, a chargé deux de ses membres de lui en faire le rapport. Mais comme ils sont au nombre des commissaires auxquels l’Assemblée a confié l’examen des plans de MM. Necker et de --L'aborde, ils ont été obligés de suspendre leur travail sur celui de M. l’abbé d’Espagnac. L’Assemblée invite M. l’abbé d’Espagnac à faire imprimer' son plan. le Président dit qu’il vient de recevoir de ïoulo» un paquet apporté par un courrier extra-xordinaire et renfermant plusieurs pièces relatives / à l’affaire de M. d’Albert de Rioms et autres of-f ficiers de la marine. ( Voy . aux annexes de la f séance, le mémoire justificatif de M. d'A lbert de Rioms.) L’Assemblée décide que l’examen de ces papiers sera renvoyé au comité des rapports. M. le Président dit que le comité des dix ne lui avait pas fait savoir si le rapport du plan de M. de Laborde de Méréville était prêt à être présenté à l’Assemblée. M. d’Ailly. Le comité des finances continue son travail avec la plus grande assiduité. Ce soir à six heures nous devons conférer avec le ministre des finances. Lundi dernier nous avons entendu les administrateurs de la Caisse d’escompte; nous nous rassemblerons encore demain et lundi; M. Lecouteulx de Canteleu fera le rapport du travail mardi 15 décembre. M. de Talleyrand, évêque d'Autun. Je demande la suppression de la loterie royale et je propose de charger le comité des finances de pourvoir à son remplacement. (Voy. aux annexes de la séance l’opinion de M. Talleyrand sur les loteries. ) Les députés de la province d’Alsace rendent compte que, s’étant assemblés pour remplacer dans le comité d’agriculture M. de Turckeim, qui a donné sa démission de député à l’Assemblée nationale, ils ont nommé M. Hell, représentant du bailliage de Haguenau. Plusieurs membres réclament que l’ordre du jour qui est consacré aux finances, soit exactement suivi. D'autres membres proposent de donner la parole au-comité militaire. M. de Thiboutot demande que le plan de finances deM. Ferrières, négociant de Lyon, que ses concitoyens ont jugé à propos de faire imprimer, et qui se recommande par la simplicité, la grandeur des vues et la facilité de l’exécution, soit mis sous les yeux de l’Assemblée. M. Rewbell dit que M. Pétion de Villeneuve est chargé d’en présenter les développements et d’en donner lecture. Il propose de délibérer immédiatement sur ce plan qui est très-remarquable. M. le comte de Mirabeau demande que sa motion additionnelle au décret sur les municipalités soit mise en discussion. Cette demande est ajournée. M. le comte de Oillon. Le département de la guerre présente beaucoup d’économies à faire. ; elles ne peuvent être réalisées tant que le plan d'organisation militaire ne sera point arrêté. L’examen des différents projets qui y sont relatifs peut être considéré comme matière de finance. L’Assemblée arrête de s’occuper sur-le-champ de l’organisation de l’armée. Un membre fait lecture d’un mémoire adressé à ce sujet, au comité militaire, par le ministre de la guerre. Il est ainsi conçu : Mémoire sur l’organisation de l’armée , adressé à l'Assemblée nationale , par M. le comte de la Tour-du-Pin, ministre et secrétaire d'Etat au département de la guerre. Messieurs, l’Assemblée nationale a chargé son comité de constitution de lui présenter le plus promptement possible des projets de lois : 1° Sur l’emploi des forces militaires dans l’intérieur du royaume, et sur leur rapport, soit avec le pouvoir civil, soit avec les gardes nationales ; 2° Sur l’organisation des tribunaux et la forme des jugements militaires ; 3° Sur les moyens de recruter les forces militaires en temps de guerre, en supprimant le tirage des milices. Le mémoire que l’on met sous vos yeux, Messieurs, a donc uniquement pour objet de traiter les différents articles énoncés dans votre _ décret du 28 février>dernier, sanctionné par le Roi. 1° Sur les sommes à affecter annuellement pour la défense de l'armée. L’intention de l’Assemblée nationale paraissant être que la dépense du département de la guerre ne puisse excéder 84,000.000, c’est à cette somme qu’est fixée la dépense de l’armée dont on vous présente les tableaux. 2° Sur le nombre d’hommes dont l'armée doit être composée. Pour se renfermer dans la somme indiquée par [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [12 décembre i~89.] 51 o l'Assemblée nationale, on a réduit l’armée à 150,000 hommes, les officiers compris : l’augmentation à laquelle celte armée doit pouvoir s’élever en temps de guerre, ne permet pas de la tenir plus faible en temps de paix. 3° Sur l'augmentation de la paye du soldat. Un décret de l’Assemblée nationale, sanctionné par le Roi, ayant accordé au soldat français une augmentation de 32 deniers, dont l’emploi serait déterminé par les ordonnances militaires, on a pensé que la répartition devait en être faite de manière à améliorer le sort du soldat sous tous les rapports. C’est pour remplir ces vues que l’on propose d’en porter : 12 deniers au prêt ; 10 au pain de munition; 6 au linge et chaussure; 4 à l’habillement. Total... 32. Le prêt étant destiné aux premiers besoins du soldat, l’augmentation qu’il recevra par ce supplément lui procurera une nourriture plus saine et plus solide. A l’égard du pain de munition, le soldat n’en a actuellement que 24 onces; il est reconnu que cette quantité nVst pas, à beaucoup près, suffisante, et l’on propose de la porter à 28 onces. Les prix des grains variant du nord au midi, il a été nécessaire d’établir une masse commune pour toute l’armée; et ces prix, combinés avec l’emplacement des troupes, porteront celui de la ration de 28 onces à 40 deniers. On s’est étudié, Messieurs, à lier le plan de cette administration avec la nouvelle organisation des départements, et leurs assemblées fixeront annuellement le prix de la ration dans chaque département d’après ceux des denrées. Par là les agents de l’administration, dans une partie aussi délicate, se trouveront à l’abri de tout soupçon, et leur travail se bornera à veiller sur la stricte exécution des marchés. On a cru devoir ajouter 6 deniers à la masse du linge et chaussure de chaque soldat, parce qu'il était obligé d avoir recours à mille moyens pour faire face à cette dépense. On croit que ce supplément doit lui suffire, et qu’il est d’ailleurs essentiel de ne pas le mettre dans le cas de perdre l’habitude du travail. 11 reste, Messieurs, à vous indiquer l’emploi des 4 deniers re.-tant sur les 32 qui ont élé ordonnés. Deux moyens se présentent de les employer utilement pour le soldat. Le premier, de les ajouter au prêt, déjà augmenté de 12 deniers. Le second, de les destiner à procurer, tous les deux ans, un habillement neufau soldat, qui n’est actuellement habillé que tous les trois ans, et c’est le parti que l’on pense qu’il faudrait prendre. Vous trouverez sans doute juste, Messieurs, d’accorder aux soldats des régiments allemands la même paye qu’aux soldats français. C’est d’après cette persuasion que les tableaux que l’on joint ici ont été rédigés. 4° Sur les règles d'admission et d'avancement dans tous les grades. Un article constitutionnel porte que tout citoyen sera admissible à tout emploi public, sans autre distinction que celle des vertus et des j talents ; les ordonnances ne s’écarteront point de cette disposition. Quant au mode de l’avancement, on a cru qu’il fallait donner aux droits, ainsi qu’aux espérances de chaque militaire, toute l'extension que permet la nature des choses. L’ancienneté paraît le premier des titres; ile.-t celui qui concilie le mieux l’intérêt public et l’intérêt particulier : le choix du plus ancien n’humibe personne, l’autorité ne peut qu’y gagner par le respect qu’iuspirent naturellement de plus anciens services; et l’obéissance pèse moins, pa�ce qu’elle n’est qu'une avance dont on est sûr d’être un jour remboursé. Mais si l’espoir d’un avancement certain est un puissant moyen d’attacher chaque individu à son corps, ainsi qu’à son état, il peut aussi quelquefois assoupir le talent et arrêter les élans de l’émulation : pour éviter cet inconvénient, sans perdre cependant aucun des avantages que présente l’ordre de l’ancienneté, on pense qu’il conviendrait de faire concourir alternativement le méiite que le temps semble encore éloigner des prétentions avec celui que l’âge appelle aux emplois supérieurs. Mais une sage mesure doit être apportée à cet encouragement. C’est du grade de capitaine que celte prérogative parait devoir dater : jusque-là les services n’ont point assez d’importance pour mériter une semblable distinction, et cette longue épreuve donnant le temps et les moyens nécessaires pour connaître à fond les sujets, mettrait Sa Majesté à même de ne jamais se méprendre dans ses choix ni dahs�ses récompenses. Ainsi, depuis l’entrée �service jusqu’au grade de capitaine inclusivementf-vpn n’avancerait que par ancienneté; mais à dater dèNçe grade, on deviendrait susceptible de partagerSfavancement avec elle, de telle sorte que la lieutenàftce-colonel d’un régiment venant à vaquer, elle seràifalter-nalivement donnée au premier capitaine de régiment, et à un capitaine choisi sur tous ceux h® farinée; qu’un régiment venant à vaquer, iî\ serait alternativement donné au plus ancien colonel de la même arme, et à un lieutenant colonel choisi parmi ceux de cette arme. Les colonels arriveraient au grade de maréchal de camp, moitié par ancienneté, moitié au choix du Roi; mais le soulagement des finances et la considéralion nécessaire au grade d’officier général détermineront Sa Majesté à ne remplacer annuellement que le tiers des maréchaux de camp qui viendront à mourir jusqu’à ce quhls soient réduits au nombre de 300. Les grands emplois exigeant une capacité peu commune, et la nature des choses ne permettant pas de laisser aux hasards de l’ancienneté la nomination des lieutenants généraux, le mérite seul a le droit d’en déterminer le choix. Les mêmes raisons qui portent à restreindre le nombre des maréchaux de camp doivent également déterminer à ne nommer qu’à la moitié des places de lieutenants généraux qui viendront à s’éteindre, jusqu’à ce qu’ils soient réduits au nombre de 100. Aucune règle, aucune loi ne doivent fixer le nombre des maréchaux de France; ce dernier terme clés honneurs militaires ne peut être que le prix des actions les plus brillantes et des services les plus importants. 5» Sur la forme et les conditions des engagements. Vous avez décrété, Messieurs, que le recrutement de l'armée en temps de paix continuerait [Assemblée nationale.] à' se faire par des engagements volontaires; les dernières ordonnances avaient pris les plus sages précautions pour en écarter jusqu'à l’ombre de ta fraude et de la violence : en conservant plusieurs de ces formes, on pourrait régler qu’à l’avenir tout engagement serait déposé au bureau de police du lieu où il aurait été contracté, et laisser à l’homme de recrue deux fois 24 heures pour s’en désister : le terme de 8 ans paraît devoir être conservé. 6° Sur l’admission des troupes étrangères. Le nombre des troupes étrangères est actuellement de 24,000 hommes : les raisons politiques qui rendent leur admission nécessaire ne paraissent pas permettre de réduire ce nombre au-dessous de 22,000 hommes. Cette réduction ne portera pas sur les Suisses, dont l’état et le nombre en France sont fixés par les plus expresses et les plus solennelles capitulations. 7° Sur les lois relatives aux peines et aux délits militaires. Vous ne voudrez, sans doute, Messieurs, vous occuper du code pénal militaire qu’après l’entière confection du code pénal civil; mais, pressé de faire jouir l’armée des bienfaits du décret provisoire que Sa Majesté a sanctionné, le Roi m’a ordonné de chercher les moyens d’appliquer aux procédures militaires les formes que vous avez prescrites, et j’ai remis un mémoire sur ce sujet à vos comités militaire et de jurisprudence. Il serait à désirer, Messieurs, que vous pussiez entendre au plus tôt le rapport qu’ils doivent vous en faire. 8<> Sur le traitement de l’armée en cas de licenciement. À la vue des réformes qu’entraîne la réduction de l’armée, le cœur de Sa Majesté a été douloureusement affecté, et sa confiance dans vos principes d’équité a pu seule adoucir la peine qu’elle éprouve. Vous penserez sans doute, Messieurs, qu’au moment où de grandes réformes sont annoncées et tienneut chacun inquiet sur son état comme sur sa fortune, vous ne sauriez trop vous presser de faire connaître les consolations que Vous nous préparez. Une nation juste et généreuse n’oubliera jamais les services de tant de braves militaires; elle regardera-comme une dette sacrée l’obligation de les récompenser; elle dédaignera de trop rigoureux calculs; elle se résoudra sans peine à des sacrifices qui, légers pour elle, vont devenir leur unique dédommagement. Après avoir mis sous vos yeux, Messieurs, les différents objets dont vous avez demandé que les dispositions vous fussent présentées, on croit devoir vous soumettre encore quelques observations qui méritent votre attention. L’Assemblée nationale, en abolissant la vénalité des charges militaires, a-t-elle entendu comprendre dans cette suppression les charges des commissaires des guerres? On observera, sur cet objet, qu’une grande partie des dépenses de l’armée n’ayant lieu qu’en vertu des vérifications et des arrêtés des commissaires des guerres, il serait peut-être de la prudence de maintenir ces charges en finance, comme un cautionnement de leur estion. D’ailleurs, en fixant cette finance à 0,000 livres, on épargnerait à l’Etat un remboursement de près de 8 millions dont il ne paye que 4 1/2 0/0 d’intérêt pas an, considération [19 décembre 1789. [ 519 importante, que l’on croit devoir soumettre à l’Assemblée nationale. Enfin, Messieurs, comme on ne met point en doute que vous ne vous occupiez du sort de ceux qui, après avoir consacré leur vie à veiller et combattre pour la patrie, ont droit d’atiendre d’elle la juste récompense de leurs services, il vous sera présenté un projet dont les moyens ne peuvent réussir qu’avec l’expresse garantie du Corps législatif. C’est par les fonds mêmes assignés au département de la guerre qu’il serait pourvu avantageusement aux dépenses des retraites militaires, sans jamais surcharger de nouveaux frais le Trésor public. Ces moyens ne sauraient, au reste, produire cet heureux effet qu’après une période déterminée d’années, pendant laquelle il serait encore nécessaire de laisser à la charge de l’Etat la dépense éventuelle des retraites militaires. M. le Président appelle à la tribune M. Dubois de Crancé qui fait un rapport au nom du comité militaire sur l’établissement des milices nationales et le recrutement de l'armée (1). M. Dubois de Crancé. Messieurs, M. de Bouthillier vous a rendu compte des bases sur lesquelles le comité militaire s’était concerté avec le ministre de la guerre, pour la nouvelle composition de l’armée : quelque importantes que soient vos occupations, vous ne pouvez refuser à ce travail une sérieuse attention. Je ne vous dissimulerai pas que l’armée est dans un désordre inexprimable; vous sentez que des hommes sans patrie, sans domicile fixe, uniquement contenus par une discipline sévère et quelquefois injuste, lorsque les liens de cette discipline sont rompus, peuvent devenir infiniment dangereux aux intérêts de la société. Vous avez d’ailleurs à considérer deux choses : vous désirez jouir de votre liberté et de tous les droits de citoyens, sous l’empire des lois; et nos troupes sont gouvernées par un régime despotique. L’exemple de tous les siècles nous apprend les malheurs qu’une force aveugle a su accumuler sur les têtes des peuples; et le premier qui en a soudoyé un autre pour défendre ses foyers et sa liberté, a forgé le premier anneau delà chaîne dont il a fini par être accablé. Les rois instruits dès leur enfance à se croire supérieurs à tout, souffrent impatiemment le joug de la loi. Leurs ministres sont sans cesse occupés, tantôt sourdement, tantôt avec l’appareil de la toute-puissance, à étendre leur autorité. Combien de fois fa défense de la patrie a-t-elle servi de prétexte aux plus violentes usurpations? eh !« qui ne sait pas que les triomphes de Louis XIV ont été plus funestes à la liberté politique de la France, que les malheurs de Charles Vil? Il est donc de votre sagesse, Messieurs, de combiner vos besoins et vos dangers; une vieille routine a trop longtemps abusé les nations : vous devez à l’Europe un grand exemple ; et D'ouvrage que vous avez commencé est trop beau pour ne pas ÿ donner la dernière main. Les ministres sont' très-disposés à tous les sacrifices que les circonstances exigent; et nous devons à M. de la Tour-du-Pin la justice de déclarer que son intention est d’améliorer le sort du soldat, celui même des officiers; de rendre les emplois militaires au mérite et à l’ancienneté, et de supprimer toutes les places aussi dispendieuses qu’inutiles. L’har-ARCHIYES PARLEMENTAIRES. (1) Ce rapport est incomplet au Moniteur.