28 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE que le comité a toujours suivies, et dont il a senti plus fortement le besoin de ne pas s’écarter dans l’affaire de Joseph Lebon. Ses accusateurs auraient désiré peut-être que c’eût été une occasion de discussion domestique ou d’altercations entre les représentants du peuple. D’autres malveillants auront pensé peut-être établir une sorte de jurisprudence litigieuse et divisante entre des hommes qui doivent être également attachés à la cause de la république, ou engager le comité à prendre parti. Mais le comité ne connaît que la république; il ne vise qu’à l’intérêt général, et cet intérêt consiste à abattre l’aristocratie, à la poursuivre dans toutes ses sinuosités, à défendre les patriotes, et à soutenir, à seconder les opérations de la représentation nationale, en les dégageant de ce qu’elles peuvent avoir ou d’âpre ou d’exagéré dans les formes, ou d’erroné dans les moyens. D’après ces vues, un de vos décrets porte que toutes les réclamations élevées contre les représentants doivent être jugées dans le comité. C’est ce qu’il a fait, et, après avoir entendu les plaintes et les réponses des représentants, il les a rappelés ou maintenus, il les a renvoyés ou soutenus. Le comité doit-il agir dans cette hypothèse d’une manière différente ? il ne le pense pas. Il est plus utile qu’on ne peut le croire à la tranquillité des délibérations de la Convention que, sous la forme de pétitions ou sous prétexte du bien public, des passions hideuses et des intérêts de localité ne viennent pas troubler les actes du gouvernement ou les délibérations du législateur. Le résultat et les motifs de conduite, voilà ce que nous recherchons. Les motifs sont-ils purs ? le résultat est-il utile à la révolution ? profite-t-il à la liberté ? les plaintes ne sont-elles que récriminatoi-res, ou ne sont-elles que les cris vindicatifs de l’aristocratie ? C’est ce que le comité a vu dans cette affaire. Des formes un peu acerbes ont été érigées en accusation; mais ces formes ont détruit les pièges de l’aristocratie : une sévérité outrée a été reprochée au représentant; mais il n’a démasqué que de faux patriotes, et pas un patriote n’a été frappé. - Et que n’est-il pas permis à la haine d’un républicain contre l’aristocratie ! et de combien de sentiments généreux un patriote ne trouve-t-il pas à couvrir ce qu’il peut y avoir d’acrimonieux dans la poursuite des ennemis du peuple ! Il ne faut parler de la révolution qu’avec respect, et des mesures révolutionnaires qu’avec égard. La liberté est une vierge dont il est coupable de soulever le voile. (Vifs applaudissements). Il pourra venir un temps où le délit de ceux qui ont cherché à laisser respirer l’aristocratie pourrait être recherché; mais Joseph Lebon, quoiqu’avec quelques formes que le comité a improuvées, a complètement battu les aristocrates; il a comprimé les malveillants, et fait punir à Cambrai surtout les contre-révolutionnaires et les traîtres; les mesures vigoureuses qu’il a prises ont sauvé Cambrai couvert de trahison; ce service nous a paru assez décisif pour ne pas donner un triomphe à l’aristocratie. C’est moins Joseph Lebon que nous défendons que l’aristocratie que nous poursuivons. Il ne doit pas être permis aux représentants de s’attaquer par des écrits polémiques, et de mettre en jugement les ressorts et les mouvements révolutionnaires. Cette méthode ressemble trop à la guerre que les ennemis de la liberté lui ont faite constamment (l). Le comité propose de passer à l’ordre du jour sur les pétitions faites contre les opérations de Joseph Lebon. Cette proposition est décrétée en ces termes : « La Convention nationale, après avoir entendu le comité de salut public sur les pétitions faites sur les opérations de Joseph Lebon, représentant du peuple, dans le département du Pas-de-Calais, passe à l’ordre du jour » (2). (Applaudissements). 57 Le même membre [BARÈRE] fait part à la Convention des succès des armées. Du Midi au Nord, et de la Sambre au Rhin, les troupes de la République sont encore victorieuses : l’armée des Pyrénées-Orientales continue sa marche dans la Cerdagne-Espagnole; de riches magasins d’effets militaires, de munitions et de cartouches, les fusils que leurs manufactures d’armes renfermoient, sont en nos mains : les établissemens sont ruinés et détruits, pour que l’Espagnol n’en use plus contre la liberté. Le poste de l’Etoile a été pris avec 300 tentes, des mulets chargés de munitions et quelques prisonniers ; plusieurs drapeaux et des saints d’argent ont été apportés au camp des Français. L’armée commandée par Dugommier a tué 600 Castillans et fait 400 prisonniers. Sur le Rhin, l’armée a attaqué le Prussien; sur tous les points, l’ennemi a été frappé et poursuivi; par-tout les avant-postes ont été taillés en pièces, et tous les villages, tous les postes emportés avec la plus grande valeur. Plusieurs Prussiens ont péri dans le combat : aucun n’a échappé, ils les ont traités comme des Anglais. L’armée de Sambre et Meuse avance vers Bruxelles; Nivelles, Jemmapes, Marbaix, Som-brefe sont occupés par les républicains : les villes de Gand et Oudenaarde sont aussi en notre pouvoir (3). BARERE : Citoyens, l’intervalle de quelques jours pour les nouvelles des armées a réuni plu-(1) Mon., XXI, 172; Débats, n° 657; J. Mont., n° 74. (2) P.V., XLI, 139. Minute de la main de Barère. Décret n° 9859. Reproduit dans Bm, 21 mess, (suppl1); J. Sablier, n° 1427 ; J. Matin, n°715; J. Paris, n° 556; C. Univ., n° 921 ; J. Perlet, n°655; Rep., n°202; J. Fr., n°653; Audit, nat., n°654; F.S.P., n° 370; Ann. R.F., n°221; Mess. Soir, n°690; J. S. Culottes, n° 510. (3) P.V., XLI. 139. Minute de la main de Barère. Décret (d’insertion) n°9861. Bin, 21 mess. (ler et 2e supplts); Débats, nos 689, 690, 691; J. Univ., n08 1689, 1690, 1691; J. Sablier, n° 1427; F.S.P., n08 370-371; J. Perlet, nos 655, 656 ; J. Paris, n08 556, 557 ; J. Fr., nos 653, 654 ; Ann. R.F., nos 221,223; Audit, nat., n08 654, 655; C. Eg., nos690,691; J. S. Culottes, n08 510, 511; J. Matin, n°715; M.U., XLI, 349-350; J. Mont., n°74; C. Univ., n°921; Rép., n°202; Ann. pair., n°DLV; J. Lois, n° 649. 28 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE que le comité a toujours suivies, et dont il a senti plus fortement le besoin de ne pas s’écarter dans l’affaire de Joseph Lebon. Ses accusateurs auraient désiré peut-être que c’eût été une occasion de discussion domestique ou d’altercations entre les représentants du peuple. D’autres malveillants auront pensé peut-être établir une sorte de jurisprudence litigieuse et divisante entre des hommes qui doivent être également attachés à la cause de la république, ou engager le comité à prendre parti. Mais le comité ne connaît que la république; il ne vise qu’à l’intérêt général, et cet intérêt consiste à abattre l’aristocratie, à la poursuivre dans toutes ses sinuosités, à défendre les patriotes, et à soutenir, à seconder les opérations de la représentation nationale, en les dégageant de ce qu’elles peuvent avoir ou d’âpre ou d’exagéré dans les formes, ou d’erroné dans les moyens. D’après ces vues, un de vos décrets porte que toutes les réclamations élevées contre les représentants doivent être jugées dans le comité. C’est ce qu’il a fait, et, après avoir entendu les plaintes et les réponses des représentants, il les a rappelés ou maintenus, il les a renvoyés ou soutenus. Le comité doit-il agir dans cette hypothèse d’une manière différente ? il ne le pense pas. Il est plus utile qu’on ne peut le croire à la tranquillité des délibérations de la Convention que, sous la forme de pétitions ou sous prétexte du bien public, des passions hideuses et des intérêts de localité ne viennent pas troubler les actes du gouvernement ou les délibérations du législateur. Le résultat et les motifs de conduite, voilà ce que nous recherchons. Les motifs sont-ils purs ? le résultat est-il utile à la révolution ? profite-t-il à la liberté ? les plaintes ne sont-elles que récriminatoi-res, ou ne sont-elles que les cris vindicatifs de l’aristocratie ? C’est ce que le comité a vu dans cette affaire. Des formes un peu acerbes ont été érigées en accusation; mais ces formes ont détruit les pièges de l’aristocratie : une sévérité outrée a été reprochée au représentant; mais il n’a démasqué que de faux patriotes, et pas un patriote n’a été frappé. - Et que n’est-il pas permis à la haine d’un républicain contre l’aristocratie ! et de combien de sentiments généreux un patriote ne trouve-t-il pas à couvrir ce qu’il peut y avoir d’acrimonieux dans la poursuite des ennemis du peuple ! Il ne faut parler de la révolution qu’avec respect, et des mesures révolutionnaires qu’avec égard. La liberté est une vierge dont il est coupable de soulever le voile. (Vifs applaudissements). Il pourra venir un temps où le délit de ceux qui ont cherché à laisser respirer l’aristocratie pourrait être recherché; mais Joseph Lebon, quoiqu’avec quelques formes que le comité a improuvées, a complètement battu les aristocrates; il a comprimé les malveillants, et fait punir à Cambrai surtout les contre-révolutionnaires et les traîtres; les mesures vigoureuses qu’il a prises ont sauvé Cambrai couvert de trahison; ce service nous a paru assez décisif pour ne pas donner un triomphe à l’aristocratie. C’est moins Joseph Lebon que nous défendons que l’aristocratie que nous poursuivons. Il ne doit pas être permis aux représentants de s’attaquer par des écrits polémiques, et de mettre en jugement les ressorts et les mouvements révolutionnaires. Cette méthode ressemble trop à la guerre que les ennemis de la liberté lui ont faite constamment (l). Le comité propose de passer à l’ordre du jour sur les pétitions faites contre les opérations de Joseph Lebon. Cette proposition est décrétée en ces termes : « La Convention nationale, après avoir entendu le comité de salut public sur les pétitions faites sur les opérations de Joseph Lebon, représentant du peuple, dans le département du Pas-de-Calais, passe à l’ordre du jour » (2). (Applaudissements). 57 Le même membre [BARÈRE] fait part à la Convention des succès des armées. Du Midi au Nord, et de la Sambre au Rhin, les troupes de la République sont encore victorieuses : l’armée des Pyrénées-Orientales continue sa marche dans la Cerdagne-Espagnole; de riches magasins d’effets militaires, de munitions et de cartouches, les fusils que leurs manufactures d’armes renfermoient, sont en nos mains : les établissemens sont ruinés et détruits, pour que l’Espagnol n’en use plus contre la liberté. Le poste de l’Etoile a été pris avec 300 tentes, des mulets chargés de munitions et quelques prisonniers ; plusieurs drapeaux et des saints d’argent ont été apportés au camp des Français. L’armée commandée par Dugommier a tué 600 Castillans et fait 400 prisonniers. Sur le Rhin, l’armée a attaqué le Prussien; sur tous les points, l’ennemi a été frappé et poursuivi; par-tout les avant-postes ont été taillés en pièces, et tous les villages, tous les postes emportés avec la plus grande valeur. Plusieurs Prussiens ont péri dans le combat : aucun n’a échappé, ils les ont traités comme des Anglais. L’armée de Sambre et Meuse avance vers Bruxelles; Nivelles, Jemmapes, Marbaix, Som-brefe sont occupés par les républicains : les villes de Gand et Oudenaarde sont aussi en notre pouvoir (3). BARERE : Citoyens, l’intervalle de quelques jours pour les nouvelles des armées a réuni plu-(1) Mon., XXI, 172; Débats, n° 657; J. Mont., n° 74. (2) P.V., XLI, 139. Minute de la main de Barère. Décret n° 9859. Reproduit dans Bm, 21 mess, (suppl1); J. Sablier, n° 1427 ; J. Matin, n°715; J. Paris, n° 556; C. Univ., n° 921 ; J. Perlet, n°655; Rep., n°202; J. Fr., n°653; Audit, nat., n°654; F.S.P., n° 370; Ann. R.F., n°221; Mess. Soir, n°690; J. S. Culottes, n° 510. (3) P.V., XLI. 139. Minute de la main de Barère. Décret (d’insertion) n°9861. Bin, 21 mess. (ler et 2e supplts); Débats, nos 689, 690, 691; J. Univ., n08 1689, 1690, 1691; J. Sablier, n° 1427; F.S.P., n08 370-371; J. Perlet, nos 655, 656 ; J. Paris, n08 556, 557 ; J. Fr., nos 653, 654 ; Ann. R.F., nos 221,223; Audit, nat., n08 654, 655; C. Eg., nos690,691; J. S. Culottes, n08 510, 511; J. Matin, n°715; M.U., XLI, 349-350; J. Mont., n°74; C. Univ., n°921; Rép., n°202; Ann. pair., n°DLV; J. Lois, n° 649. SÉANCE DU 21 MESSIDOR AN II (9 JUILLET 1794) - N° 57 29 sieurs succès dont je viens vous entretenir. Du Midi au Nord, et de la Sambre au Rhin, les troupes de la république sont encore victorieuses. Il y a quelques jours, l’orgueil de la maison d’Autriche a passé sous le joug; aujourd’hui c’est la vanité de la maison Capet espagnole qui a subi le même sort. (Applaudissements). L’armée des Pyrénées-Orientales continue sa marche dans la Cerdagne espagnole. De riches magasins d’effets militaires, de munitions et de cartouches, les fusils que leurs manufactures d’armes renfermaient sont en nos mains. Ces établissements sont ruinés et détruits, pour que l’Espagnol n’en abuse plus contre la liberté. (On applaudit). Le poste de l’Etoile a été pris avec 300 tentes, des mulets chargés de munitions et quelques prisonniers. Plusieurs drapeaux et des saints d’argent, trésor de l’avarice monacale, ont été apportés au camp des Français. (Nouveaux applaudissements). Encore de nouvelles victoires contre les fiers Castillans : l’armée commandée par Dugommier a frappé ces esclaves ; 600 d’entre eux sont morts, 400 sont prisonniers. C’est au milieu de ces succès que les volontaires ont donné de nouvelles preuves de leur courage et de leur activité guerrière. Vous ne pourrez les entendre sans en décréter une mention honorable dans le procès-verbal. Si des Pyrénées nous passons sur le Rhin, vous y verrez que cette armée a attaqué le Prussien sur tous les points, et l’ennemi a été frappé et poursuivi partout ; les avant-postes ennemis ont été taillés en pièces, et tous les villages, tous les postes ont été emportés avec la plus grande valeur, et plusieurs Prussiens ont péri dans le combat; aucun n’a échappé; ils les ont traités comme des Anglais. (Nouveaux applaudissements). De l’armée de Sambre-et-Meuse, nous apprenons qu’elle avance vers Bruxelles. Nivelles, Jemmapes, Marbaix, Sombrefe sont occupés par les républicains, et les troupes fameuses de Cobourg ont été repoussées jusqu’à l’entrée de la forêt de Soignes. (On applaudit à plusieurs reprises). C’est là que l’Autriche passera tout entière sous le joug; car la prospérité des armes de la république semble ne pouvoir plus reculer. Je n’aurais point dit tous nos succès si j’oubliais de vous raconter que les villes de Gand et d’Oude-naarde sont aussi en notre pouvoir. Nous avons pris dans cette dernière place vingt-quatre pièces de canon, comme il y en a eu vingt pièces à Tournai, dix mille boulets, avec trois cent mille rations de fourrage et avoine, avec quatorze bateaux chargés de munitions, et une multitude d’autres effets qui remboursent à la république une partie des frais de l’école révolutionnaire qu’elle a établie pour les tyrans et les privilégiés de l’Europe (l). Il donne lecture des dépêches qui contiennent ces nouvelles; il est écrit en tête, la victoire ou la mort. [Applaudissements]. [Richard, repr. prés. VA. du Nord, au C. de S. P.; Ypres, 19 mess. Il] [ 2). (l) Mon., XXI, 175. (2) Mon., XXI, 179. « Vous êtes déjà instruits sans doute que nous sommes à Gand. L’ennemi continue de fuir à mesure que nous avançons ; nous ignorons à quel point il prétend s’arrêter. Malgré les évacuations considérables qu’il a faites, il nous laisse partout beaucoup de denrées et même d’artillerie. J’ai pris des mesures pour empêcher que le gaspillage et la dilapidation privent la république de ces utiles ressources. « Nous faisons justice d’un assez grand nombre d’émigrés qui nous tombent chaque jour entre les mains; on doit en fusiller 4 ici aujourd’hui, parmi lesquels se trouve le nommé Lauretan, de Saint-Omer, l’un des plus fougueux partisans de l’étranger, qui recrutait publiquement sur nos frontières ». [Jourdan, command f en chef de VA. de Sambre et Meuse, au C. de S P.; Au quartier gal de Seneffe, 19 mess. II]. « Citoyens représentans, je vous préviens que l’armée de Sambre-et-Meuse s’est mise en mouvement hier matin à 3 heures. Une colonne s’est dirigée sur Braine-le-Comte, une autre sur Nivelles, une sur Genappe, une sur Marbaix, enfin une autre sur Sombrefe; partout l’armée a eu des succès, notamment l’avant-garde, qui est à la hauteur de Braine-l’Alleu, et qui a poussé l’ennemi jusqu’à l’entrée de la forêt de Soignes. « J’ai trouvé partout une grande résistance, ce qui me persuade que l’ennemi a réuni ses forces entre Namur et Bruxelles ; mais partout nous avons été vainqueurs, et nous occupons les positions dont nous avons chassé l’ennemi ». Jourdan [Au quartier gal de Gand, 18 mess. Il] Nous sommes entrés hier matin dans la place de Gand, et à midi dans celle d’Oudenaarde, après en avoir chassé les esclaves, qui sont en pleine retraite sur Bruxelles. J’aurais bien désiré pouvoir te faire part exactement de toutes nos victoires. « A Tournai, il est resté 20 pièces de canon enclouées, 10 000 boulets, de la poudre, 200 000 rations de fourrage et avoine, avec quelques autres magasins. Nous avons pris près de la ville 14 gros bateaux chargés de munitions qui filaient par l’Escaut : l’ennemi en a beaucoup brûlé, ayant été poussé trop chaudement pour les faire suivre ». Jourdan. [Dugommier, gal en chef, au C. de S. P.] - [Au quartier gal du Boulou, 16 mess. II]. « Citoyens représentans, après vingt jours de souffrance, je suis enfin rendu à la République et à mes fonctions. Le premier usage que je fais de ma convalescence est de vous offrir le résultat de l’expédition du général Doppet. « Vous avez dû voir, par le rapport de sa marche sur Campredon, que vous adressa, le 22 prairial, le chef de l’état-major, qu’il avait quitté Puigcerda, le 16 prairial, pour se porter sur cette première place. Je l’avais invité à ce mouvement que j’avais concerté avec lui, pour assurer la droite de cette armée à Saint-Laurent de la Muga, et nous protéger mutuellement. « Sous ce rapport, le but de son invasion concou-SÉANCE DU 21 MESSIDOR AN II (9 JUILLET 1794) - N° 57 29 sieurs succès dont je viens vous entretenir. Du Midi au Nord, et de la Sambre au Rhin, les troupes de la république sont encore victorieuses. Il y a quelques jours, l’orgueil de la maison d’Autriche a passé sous le joug; aujourd’hui c’est la vanité de la maison Capet espagnole qui a subi le même sort. (Applaudissements). L’armée des Pyrénées-Orientales continue sa marche dans la Cerdagne espagnole. De riches magasins d’effets militaires, de munitions et de cartouches, les fusils que leurs manufactures d’armes renfermaient sont en nos mains. Ces établissements sont ruinés et détruits, pour que l’Espagnol n’en abuse plus contre la liberté. (On applaudit). Le poste de l’Etoile a été pris avec 300 tentes, des mulets chargés de munitions et quelques prisonniers. Plusieurs drapeaux et des saints d’argent, trésor de l’avarice monacale, ont été apportés au camp des Français. (Nouveaux applaudissements). Encore de nouvelles victoires contre les fiers Castillans : l’armée commandée par Dugommier a frappé ces esclaves ; 600 d’entre eux sont morts, 400 sont prisonniers. C’est au milieu de ces succès que les volontaires ont donné de nouvelles preuves de leur courage et de leur activité guerrière. Vous ne pourrez les entendre sans en décréter une mention honorable dans le procès-verbal. Si des Pyrénées nous passons sur le Rhin, vous y verrez que cette armée a attaqué le Prussien sur tous les points, et l’ennemi a été frappé et poursuivi partout ; les avant-postes ennemis ont été taillés en pièces, et tous les villages, tous les postes ont été emportés avec la plus grande valeur, et plusieurs Prussiens ont péri dans le combat; aucun n’a échappé; ils les ont traités comme des Anglais. (Nouveaux applaudissements). De l’armée de Sambre-et-Meuse, nous apprenons qu’elle avance vers Bruxelles. Nivelles, Jemmapes, Marbaix, Sombrefe sont occupés par les républicains, et les troupes fameuses de Cobourg ont été repoussées jusqu’à l’entrée de la forêt de Soignes. (On applaudit à plusieurs reprises). C’est là que l’Autriche passera tout entière sous le joug; car la prospérité des armes de la république semble ne pouvoir plus reculer. Je n’aurais point dit tous nos succès si j’oubliais de vous raconter que les villes de Gand et d’Oude-naarde sont aussi en notre pouvoir. Nous avons pris dans cette dernière place vingt-quatre pièces de canon, comme il y en a eu vingt pièces à Tournai, dix mille boulets, avec trois cent mille rations de fourrage et avoine, avec quatorze bateaux chargés de munitions, et une multitude d’autres effets qui remboursent à la république une partie des frais de l’école révolutionnaire qu’elle a établie pour les tyrans et les privilégiés de l’Europe (l). Il donne lecture des dépêches qui contiennent ces nouvelles; il est écrit en tête, la victoire ou la mort. [Applaudissements]. [Richard, repr. prés. VA. du Nord, au C. de S. P.; Ypres, 19 mess. Il] [ 2). (l) Mon., XXI, 175. (2) Mon., XXI, 179. « Vous êtes déjà instruits sans doute que nous sommes à Gand. L’ennemi continue de fuir à mesure que nous avançons ; nous ignorons à quel point il prétend s’arrêter. Malgré les évacuations considérables qu’il a faites, il nous laisse partout beaucoup de denrées et même d’artillerie. J’ai pris des mesures pour empêcher que le gaspillage et la dilapidation privent la république de ces utiles ressources. « Nous faisons justice d’un assez grand nombre d’émigrés qui nous tombent chaque jour entre les mains; on doit en fusiller 4 ici aujourd’hui, parmi lesquels se trouve le nommé Lauretan, de Saint-Omer, l’un des plus fougueux partisans de l’étranger, qui recrutait publiquement sur nos frontières ». [Jourdan, command f en chef de VA. de Sambre et Meuse, au C. de S P.; Au quartier gal de Seneffe, 19 mess. II]. « Citoyens représentans, je vous préviens que l’armée de Sambre-et-Meuse s’est mise en mouvement hier matin à 3 heures. Une colonne s’est dirigée sur Braine-le-Comte, une autre sur Nivelles, une sur Genappe, une sur Marbaix, enfin une autre sur Sombrefe; partout l’armée a eu des succès, notamment l’avant-garde, qui est à la hauteur de Braine-l’Alleu, et qui a poussé l’ennemi jusqu’à l’entrée de la forêt de Soignes. « J’ai trouvé partout une grande résistance, ce qui me persuade que l’ennemi a réuni ses forces entre Namur et Bruxelles ; mais partout nous avons été vainqueurs, et nous occupons les positions dont nous avons chassé l’ennemi ». Jourdan [Au quartier gal de Gand, 18 mess. Il] Nous sommes entrés hier matin dans la place de Gand, et à midi dans celle d’Oudenaarde, après en avoir chassé les esclaves, qui sont en pleine retraite sur Bruxelles. J’aurais bien désiré pouvoir te faire part exactement de toutes nos victoires. « A Tournai, il est resté 20 pièces de canon enclouées, 10 000 boulets, de la poudre, 200 000 rations de fourrage et avoine, avec quelques autres magasins. Nous avons pris près de la ville 14 gros bateaux chargés de munitions qui filaient par l’Escaut : l’ennemi en a beaucoup brûlé, ayant été poussé trop chaudement pour les faire suivre ». Jourdan. [Dugommier, gal en chef, au C. de S. P.] - [Au quartier gal du Boulou, 16 mess. II]. « Citoyens représentans, après vingt jours de souffrance, je suis enfin rendu à la République et à mes fonctions. Le premier usage que je fais de ma convalescence est de vous offrir le résultat de l’expédition du général Doppet. « Vous avez dû voir, par le rapport de sa marche sur Campredon, que vous adressa, le 22 prairial, le chef de l’état-major, qu’il avait quitté Puigcerda, le 16 prairial, pour se porter sur cette première place. Je l’avais invité à ce mouvement que j’avais concerté avec lui, pour assurer la droite de cette armée à Saint-Laurent de la Muga, et nous protéger mutuellement. « Sous ce rapport, le but de son invasion concou- 30 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - rait avec le plan général d’une entreprise sur la Catalogne. « Le général Doppet s’empara de Tonges et de Ribas; il s’établit le 19 prairial à Camprodon, et marcha le 23 sur Ripoll, où les Espagnols avaient une manufacture d’armes, fameuse par le nombre de ses ateliers et la quantité de fusils qui en sort; les troupes de la république y pénétrèrent après quelque résistance. « Les superbes ateliers d’armes de ce lieu, les forges et les fourneaux que les Espagnols y entretenaient, les magasins qu’ils y avaient amassés, ont été ruinés par les troupes de la République, les outils et les instruments de cette manufacture enlevés et apportés à nos ouvriers; grand nombre de fusils sont venus augmenter notre collection d’armes espagnoles; enfin, les coups les plus sensibles ont encore été portés aux Castillans. « La brigade aux ordres de Lemoine a marché le 2 messidor sur Besalu ; a enlevé le même jour, de vive force, le poste de l’Etoile; a pris 103 tentes aux ennemis, 5 mulets chargés de munitions, et est entrée le lendemain dans la ville, après une fusillade assez vive et une heure de combat. « Nous y avons trouvé un magasin d’effets militaires, 40 barils de poudre, 22 tonneaux de cartouches, des pierres à fusil et des tire-balles. Nos frères d’armes ont emporté ce qu’ils ont pu et ruiné le reste; 10 prisonniers, 5 chevaux, 4 drapeaux sont tombés en nos mains, et nous n’avons eu que 2 hommes blessés. « La position de Besalu ne nous étant pas utile, les troupes qui s’en étaient emparées ont eu ordre de rentrer dans leurs lignes le 3 messidor; leur retour s’est effectué sans obstacle; 12 000 hommes commandés par le chef de brigade Lannes, et que le général Augereau avait envoyés au-devant d’elles, sont tombés sur un parti d’émigrés qui s’était répandu entre nos communications, ont tué les uns à coups de baïonnettes, dispersé les autres, et ont fait prisonnier un de leurs capitaines. Ce scélérat a été fusillé aux cris de vive la république ! « Le représentant du peuple Soubrany, qui cherche toujours les périls, était à cette dernière affaire, et a eu un cheval blessé sous lui, ainsi que le chef de brigade Lannes. Nous n’avons pas perdu un seul homme. « Aujourd’hui ont été apportés ici les drapeaux pris sur l’ennemi, les croix, bâtons d’argent et toutes les dépouilles d’un monastère de Besalu. J’avais oublié de vous dire que l’argenterie des églises de Camprodon et de Ripoll a été également enlevée par Doppet. Ce sont les richesses du despotisme monacal qui vont accroître le trésor national. Dugommier » [Au quartier g°l Boulou, 11 mess. II]. « Citoyens représentants, l’ennemi, en attaquant la division de Puigcerda, vient encore de fournir à nos frères d’armes la matière d’une victoire. Le 8 messidor, 6 000 Espagnols se sont présentés devant notre avant-garde de Bellver, tandis qu’une autre colonne, composée d’infanterie et de cavalerie, laissant ce poste derrière soi, s’est répandu avec confiance jusque dans la plaine de Puigcerda. Les troupes aux ordres du général Charlet avaient marché à Bellver; sur l’avis qu’il avait reçu de ces CONVENTION NATIONALE mouvements, celles du général Doppet venaient d’arriver à Puigcerda. Partout l’ennemi a été reçu avec notre vigueur accoutumée : partout il a été renversé. « Au poste de Bellver surtout, contre lequel les plus grands effets étaient dirigés, il a été complètement battu : quelques Suisses, amis de la liberté, mêlés parmi eux, sont venus se jeter entre les bras des républicains. Nos frères d’armes en ont porté de plus rudes coups aux Espagnols. Selon tous les rapports que je reçois, il en a coûté à ces derniers 600 hommes pour leur tentative, et le nombre des prisonniers et des déserteurs rejoints se porte à 400 hommes. Parmi les exemples de dévouement et de confiance dans les travaux que donnent chaque jour nos frères d’armes, je ne dois pas vous laisser ignorer celui-ci. Des volontaires revenus de l’expédition de Camprodon manquaient la plupart de souliers; on leur annonce que l’ennemi s’avance, qu’ils doivent marcher à sa rencontre; ils coupent leurs sacs de peau d’un mouvement spontané; ils en font des semelles qu’ils attachent sous leurs pieds; ils courent, ils triomphent; voilà un fait qu’il était de mon devoir de vous transmettre, et qui trouvera sans doute sa place dans les annales guerrières de la république. « Je reçois dans l’instant des nouvelles de la division de droite; autre succès, même héroïsme: les ennemis s’étaient venus recamper au poste de l’Etoile, d’où ils avaient été chassés le 2 de ce mois. Le général Augereau a envoyé le chef de brigade Bon, avec les 3e et 6e bataillons de chasseurs, et un détachement du 9e de la Drôme, pour les mettre une seconde fois en fuite, et recueillir leurs tentes. Cette mission a été parfaitement remplie. Nos frères d’armes sont entrés au pas de charge dans le camp, ont battu et dispersé tous ceux qui s’y trouvaient, ont fait 34 prisonniers, du nombre desquels sont un colonel, 2 lieutenants colonels, et plusieurs autres officiers espagnols : ils sont revenus emportant avec eux une garniture complète d’effets de campement et bravant toutes les fatigues d’un chemin long et difficile pour enrichir les magasins de la république. « Dugommier. » [Michaud, command 1 VA. du Rhin, au C. de S. P. ; Au quartier g°l d’Offenbach, 1 5 mess. II]. « Citoyens représentants, hier, à la pointe du jour, nous avons attaqué sur tous les points; l’ennemi se reposait sur ses forces, et ne s’attendait sûrement pas à une attaque, malgré le grand nombre d’espions qu’il a dans ce pays. Toutes les dispositions des généraux étaient si bien faites que l’ennemi fut surpris partout. « Les divisions du centre et de la gauche avaient aussi surpris et égorgé les avant-postes. Plusieurs villages furent emportés avec la plus grande valeur, même à la gauche de l’avant-garde, où l’infanterie et la cavalerie firent, comme dans la division du centre, commandée par le général Saint-Cyr, des prodiges de valeur, malgré la nombreuse artillerie que les ennemis avaient sur tous les points. « Les satellites prussiens, retranchés dans des montagnes, en furent débusqués par notre brave infanterie, qui avait une ardeur incroyable. «L’ennemi a perdu beaucoup; des déserteurs nous ont assuré que différents bataillons avaient eu 30 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - rait avec le plan général d’une entreprise sur la Catalogne. « Le général Doppet s’empara de Tonges et de Ribas; il s’établit le 19 prairial à Camprodon, et marcha le 23 sur Ripoll, où les Espagnols avaient une manufacture d’armes, fameuse par le nombre de ses ateliers et la quantité de fusils qui en sort; les troupes de la république y pénétrèrent après quelque résistance. « Les superbes ateliers d’armes de ce lieu, les forges et les fourneaux que les Espagnols y entretenaient, les magasins qu’ils y avaient amassés, ont été ruinés par les troupes de la République, les outils et les instruments de cette manufacture enlevés et apportés à nos ouvriers; grand nombre de fusils sont venus augmenter notre collection d’armes espagnoles; enfin, les coups les plus sensibles ont encore été portés aux Castillans. « La brigade aux ordres de Lemoine a marché le 2 messidor sur Besalu ; a enlevé le même jour, de vive force, le poste de l’Etoile; a pris 103 tentes aux ennemis, 5 mulets chargés de munitions, et est entrée le lendemain dans la ville, après une fusillade assez vive et une heure de combat. « Nous y avons trouvé un magasin d’effets militaires, 40 barils de poudre, 22 tonneaux de cartouches, des pierres à fusil et des tire-balles. Nos frères d’armes ont emporté ce qu’ils ont pu et ruiné le reste; 10 prisonniers, 5 chevaux, 4 drapeaux sont tombés en nos mains, et nous n’avons eu que 2 hommes blessés. « La position de Besalu ne nous étant pas utile, les troupes qui s’en étaient emparées ont eu ordre de rentrer dans leurs lignes le 3 messidor; leur retour s’est effectué sans obstacle; 12 000 hommes commandés par le chef de brigade Lannes, et que le général Augereau avait envoyés au-devant d’elles, sont tombés sur un parti d’émigrés qui s’était répandu entre nos communications, ont tué les uns à coups de baïonnettes, dispersé les autres, et ont fait prisonnier un de leurs capitaines. Ce scélérat a été fusillé aux cris de vive la république ! « Le représentant du peuple Soubrany, qui cherche toujours les périls, était à cette dernière affaire, et a eu un cheval blessé sous lui, ainsi que le chef de brigade Lannes. Nous n’avons pas perdu un seul homme. « Aujourd’hui ont été apportés ici les drapeaux pris sur l’ennemi, les croix, bâtons d’argent et toutes les dépouilles d’un monastère de Besalu. J’avais oublié de vous dire que l’argenterie des églises de Camprodon et de Ripoll a été également enlevée par Doppet. Ce sont les richesses du despotisme monacal qui vont accroître le trésor national. Dugommier » [Au quartier g°l Boulou, 11 mess. II]. « Citoyens représentants, l’ennemi, en attaquant la division de Puigcerda, vient encore de fournir à nos frères d’armes la matière d’une victoire. Le 8 messidor, 6 000 Espagnols se sont présentés devant notre avant-garde de Bellver, tandis qu’une autre colonne, composée d’infanterie et de cavalerie, laissant ce poste derrière soi, s’est répandu avec confiance jusque dans la plaine de Puigcerda. Les troupes aux ordres du général Charlet avaient marché à Bellver; sur l’avis qu’il avait reçu de ces CONVENTION NATIONALE mouvements, celles du général Doppet venaient d’arriver à Puigcerda. Partout l’ennemi a été reçu avec notre vigueur accoutumée : partout il a été renversé. « Au poste de Bellver surtout, contre lequel les plus grands effets étaient dirigés, il a été complètement battu : quelques Suisses, amis de la liberté, mêlés parmi eux, sont venus se jeter entre les bras des républicains. Nos frères d’armes en ont porté de plus rudes coups aux Espagnols. Selon tous les rapports que je reçois, il en a coûté à ces derniers 600 hommes pour leur tentative, et le nombre des prisonniers et des déserteurs rejoints se porte à 400 hommes. Parmi les exemples de dévouement et de confiance dans les travaux que donnent chaque jour nos frères d’armes, je ne dois pas vous laisser ignorer celui-ci. Des volontaires revenus de l’expédition de Camprodon manquaient la plupart de souliers; on leur annonce que l’ennemi s’avance, qu’ils doivent marcher à sa rencontre; ils coupent leurs sacs de peau d’un mouvement spontané; ils en font des semelles qu’ils attachent sous leurs pieds; ils courent, ils triomphent; voilà un fait qu’il était de mon devoir de vous transmettre, et qui trouvera sans doute sa place dans les annales guerrières de la république. « Je reçois dans l’instant des nouvelles de la division de droite; autre succès, même héroïsme: les ennemis s’étaient venus recamper au poste de l’Etoile, d’où ils avaient été chassés le 2 de ce mois. Le général Augereau a envoyé le chef de brigade Bon, avec les 3e et 6e bataillons de chasseurs, et un détachement du 9e de la Drôme, pour les mettre une seconde fois en fuite, et recueillir leurs tentes. Cette mission a été parfaitement remplie. Nos frères d’armes sont entrés au pas de charge dans le camp, ont battu et dispersé tous ceux qui s’y trouvaient, ont fait 34 prisonniers, du nombre desquels sont un colonel, 2 lieutenants colonels, et plusieurs autres officiers espagnols : ils sont revenus emportant avec eux une garniture complète d’effets de campement et bravant toutes les fatigues d’un chemin long et difficile pour enrichir les magasins de la république. « Dugommier. » [Michaud, command 1 VA. du Rhin, au C. de S. P. ; Au quartier g°l d’Offenbach, 1 5 mess. II]. « Citoyens représentants, hier, à la pointe du jour, nous avons attaqué sur tous les points; l’ennemi se reposait sur ses forces, et ne s’attendait sûrement pas à une attaque, malgré le grand nombre d’espions qu’il a dans ce pays. Toutes les dispositions des généraux étaient si bien faites que l’ennemi fut surpris partout. « Les divisions du centre et de la gauche avaient aussi surpris et égorgé les avant-postes. Plusieurs villages furent emportés avec la plus grande valeur, même à la gauche de l’avant-garde, où l’infanterie et la cavalerie firent, comme dans la division du centre, commandée par le général Saint-Cyr, des prodiges de valeur, malgré la nombreuse artillerie que les ennemis avaient sur tous les points. « Les satellites prussiens, retranchés dans des montagnes, en furent débusqués par notre brave infanterie, qui avait une ardeur incroyable. «L’ennemi a perdu beaucoup; des déserteurs nous ont assuré que différents bataillons avaient eu SÉANCE DU 21 MESSIDOR AN II (9 JUILLET 1794) - N° 58 31 plus de 100 hommes tués, et beaucoup de blessés. Le général Anhait-Pleis a été du nombre, ainsi que plusieurs officiers; nous avons perdu peu. « Aujourd’hui nous harcelons encore l’ennemi. Aussitôt que les traits d’héroïsme de cette journée seront recueillis, je vous les transmettrai; ils sont nombreux : les troupes en général étaient animées du plus grand courage; elles ont fait aux Prussiens et aux Autrichiens l’application de la loi qui porte qu’il ne sera point fait de prisonniers anglais; très-peu ont échappé. « Michaud. » 58 Le même rapporteur [BARÈRE] fait connaître les traits sublimes de valeur et de civisme qui ont éclaté dans le combat naval du 13 prairial. Les Anglais eux-mêmes n’ont pu les dérober à l’histoire; leurs papiers nous rapportent que leurs matelots, de retour dans leur île, comparoient les Français à des cailloux qui, plus on les frappe, plus ils rendent de feu. L’ame des républicains s'élève à mesure des progrès de la révolution; elle devient encore plus énergique, et leur courage est plus exalté en raison des dangers et des malheurs : la passion de la liberté les suit par-tout, elle les console dans les fers, elle les encourage dans l’adversité. Le matin, de très-bonne heure, disent les journaux anglais, les prisonniers des prises françaises commençoient à débarquer : ils chantèrent pendant leur débarquement et pendant toute la route leurs hymmes républicains, avec leur gaieté ordinaire. Leur enthousiasme, au doux souvenir de la patrie, fut si grand, que les conducteurs anglais prirent les expressions brûlantes de la liberté pour des mouvements de rébellion, et qu’ils eurent la barbarie de faire cesser ces chants consolateurs par un signal de mort; un Français fut tué par un soldat de l’escorte, et la marche vers le lieu du cantonnement fut continuée dans le silence. Le rapporteur détourne l’attention de l’assemblée des atrocités de ces exécrables insulaires, pour la reporter aux traits sublimes du courage et du développement patriotique dont l’Océan fut témoin le 13 prairial. Le combat le plus terrible venoit d’être livré, le feu le plus vif, la fureur la plus légitime, de la part des Français, augmentoit les horreurs et le péril de cette journée; trois vaisseaux anglais étoient coulés bas, quelques vaisseaux français étoient désemparés, la canonnade ennemie avoit entr’ouvert un de ces vaisseaux, et il réunissoit la double horreur d’un naufrage certain et d’un combat à mort. Mais le vaisseau étoit monté par des hommes qui avoient reçu cette intrépidité d’ame qui fait braver le danger, et l’amour de la patrie qui fait mépriser la mort. Une foule de pièces d’artillerie tonne sur le Vengeur; les mats rompus, les voiles déchirées, les membrures de ce vaisseau couvrent la mer : les Français républicains ne se remettront pas en des mains perfides, ils ne transigeront pas avec de vils Anglais ; la République les contemple, ils sauront vaincre ou mourir pour elle. Plusieurs heures de combat n’ont pas épuisé leur courage; ils combattent encore, l’ennemi reçoit leur dernier boulet, et le vaisseau fait eau de toutes part. Les républicains qui montent ce vaisseau sont encore plus grands dans l’infortune que dans les succès; une résolution ferme a succédé à la chaleur du combat : imaginez le vaisseau le Vengeur, percé de coups de canons, s’entr’ouvrant de toutes parts, et cerné de tigres et de léopards anglais; un équipage composé de blessés et de mourants, luttant contre les flots et les canons; tout-à-coup le tumulte du combat, l’effroi du danger, les cris de la douleur des blessés cessent, tous montent ou sont portés sur le pont; tous les pavillons, toutes les flammes sont arborés : les cris de vive la République ! vivent la liberté et la France se font entendre de tous côtés : c’est le spectacle touchant et animé d’une fête civique, plutôt que le moment terrible d’un naufrage. Un instant ils ont dû délibérer sur leur sort ; mais non, citoyens, nos frères ne délibèrent plus; ils voient les Anglais et la patrie; ils aimeront mieux s’engloutir que de la déshonorer par une capitulation : ils ne balancent point, leurs derniers vœux sont pour la liberté et pour la République; ils disparoissent !... Le récit de cet événement héroïque excite dans l’assemblée et dans les tribunes des senti-mens d’admiration, de reconnoissance et d’attendrissement qui ne peuvent être rendus. Le rapporteur propose de suspendre à la voûte du Panthéon français un vaisseau qui sera l’image du Vengeur, et d’inscrire sur la colonne du Panthéon les noms des braves républicains qui composoient l’équipage de ce vaisseau, avec l’action courageuse qu’ils ont faite (l); BARÈRE : Citoyens, le comité m’a chargé de faire connaître à la Convention des traits sublimes qui ne peuvent être ignorés d’elle ni du peuple français. Depuis que la mer est devenue un champ de carnage, et que les flots ont été ensanglantés par la guerre, les annales de l’Europe n’avaient pas fait mention d’un combat aussi opiniâtre, d’une valeur aussi soutenue, et d’une action aussi terrible, aussi meurtrière que celle du 13 prairial, lorsque notre escadre sauva le convoi américain. Vanstabel, en conduisant la flotte américaine dans nos ports, a passé à travers des flots teints de sang, des cadavres et des débris de vaisseaux. L’acharnement du combat qui avait précédé l’arrivage du convoi a prouvé combien nos escadres sont républicaines, puisque la haine du nom anglais a dirigé les coups; et plus les forces étaient inégales de la part des Français, plus la résistance a été grande et courageuse. Les matelots anglais revenus dans leur île n’ont pu dérober à l’histoire cet aveu remarquable. Voici ce que leurs papiers rapportent des matelots de l’escadre anglaise : « Les Français, disaient-ils à leurs camarades restés dans les ports, sont comme les cailloux : plus on les frappe, plus ils rendent de feu. » (On applaudit.) L’âme des républicains s’élève insensiblement à mesure des progrès de la révolution; elle devient (1) P.V., XLI, 140. SÉANCE DU 21 MESSIDOR AN II (9 JUILLET 1794) - N° 58 31 plus de 100 hommes tués, et beaucoup de blessés. Le général Anhait-Pleis a été du nombre, ainsi que plusieurs officiers; nous avons perdu peu. « Aujourd’hui nous harcelons encore l’ennemi. Aussitôt que les traits d’héroïsme de cette journée seront recueillis, je vous les transmettrai; ils sont nombreux : les troupes en général étaient animées du plus grand courage; elles ont fait aux Prussiens et aux Autrichiens l’application de la loi qui porte qu’il ne sera point fait de prisonniers anglais; très-peu ont échappé. « Michaud. » 58 Le même rapporteur [BARÈRE] fait connaître les traits sublimes de valeur et de civisme qui ont éclaté dans le combat naval du 13 prairial. Les Anglais eux-mêmes n’ont pu les dérober à l’histoire; leurs papiers nous rapportent que leurs matelots, de retour dans leur île, comparoient les Français à des cailloux qui, plus on les frappe, plus ils rendent de feu. L’ame des républicains s'élève à mesure des progrès de la révolution; elle devient encore plus énergique, et leur courage est plus exalté en raison des dangers et des malheurs : la passion de la liberté les suit par-tout, elle les console dans les fers, elle les encourage dans l’adversité. Le matin, de très-bonne heure, disent les journaux anglais, les prisonniers des prises françaises commençoient à débarquer : ils chantèrent pendant leur débarquement et pendant toute la route leurs hymmes républicains, avec leur gaieté ordinaire. Leur enthousiasme, au doux souvenir de la patrie, fut si grand, que les conducteurs anglais prirent les expressions brûlantes de la liberté pour des mouvements de rébellion, et qu’ils eurent la barbarie de faire cesser ces chants consolateurs par un signal de mort; un Français fut tué par un soldat de l’escorte, et la marche vers le lieu du cantonnement fut continuée dans le silence. Le rapporteur détourne l’attention de l’assemblée des atrocités de ces exécrables insulaires, pour la reporter aux traits sublimes du courage et du développement patriotique dont l’Océan fut témoin le 13 prairial. Le combat le plus terrible venoit d’être livré, le feu le plus vif, la fureur la plus légitime, de la part des Français, augmentoit les horreurs et le péril de cette journée; trois vaisseaux anglais étoient coulés bas, quelques vaisseaux français étoient désemparés, la canonnade ennemie avoit entr’ouvert un de ces vaisseaux, et il réunissoit la double horreur d’un naufrage certain et d’un combat à mort. Mais le vaisseau étoit monté par des hommes qui avoient reçu cette intrépidité d’ame qui fait braver le danger, et l’amour de la patrie qui fait mépriser la mort. Une foule de pièces d’artillerie tonne sur le Vengeur; les mats rompus, les voiles déchirées, les membrures de ce vaisseau couvrent la mer : les Français républicains ne se remettront pas en des mains perfides, ils ne transigeront pas avec de vils Anglais ; la République les contemple, ils sauront vaincre ou mourir pour elle. Plusieurs heures de combat n’ont pas épuisé leur courage; ils combattent encore, l’ennemi reçoit leur dernier boulet, et le vaisseau fait eau de toutes part. Les républicains qui montent ce vaisseau sont encore plus grands dans l’infortune que dans les succès; une résolution ferme a succédé à la chaleur du combat : imaginez le vaisseau le Vengeur, percé de coups de canons, s’entr’ouvrant de toutes parts, et cerné de tigres et de léopards anglais; un équipage composé de blessés et de mourants, luttant contre les flots et les canons; tout-à-coup le tumulte du combat, l’effroi du danger, les cris de la douleur des blessés cessent, tous montent ou sont portés sur le pont; tous les pavillons, toutes les flammes sont arborés : les cris de vive la République ! vivent la liberté et la France se font entendre de tous côtés : c’est le spectacle touchant et animé d’une fête civique, plutôt que le moment terrible d’un naufrage. Un instant ils ont dû délibérer sur leur sort ; mais non, citoyens, nos frères ne délibèrent plus; ils voient les Anglais et la patrie; ils aimeront mieux s’engloutir que de la déshonorer par une capitulation : ils ne balancent point, leurs derniers vœux sont pour la liberté et pour la République; ils disparoissent !... Le récit de cet événement héroïque excite dans l’assemblée et dans les tribunes des senti-mens d’admiration, de reconnoissance et d’attendrissement qui ne peuvent être rendus. Le rapporteur propose de suspendre à la voûte du Panthéon français un vaisseau qui sera l’image du Vengeur, et d’inscrire sur la colonne du Panthéon les noms des braves républicains qui composoient l’équipage de ce vaisseau, avec l’action courageuse qu’ils ont faite (l); BARÈRE : Citoyens, le comité m’a chargé de faire connaître à la Convention des traits sublimes qui ne peuvent être ignorés d’elle ni du peuple français. Depuis que la mer est devenue un champ de carnage, et que les flots ont été ensanglantés par la guerre, les annales de l’Europe n’avaient pas fait mention d’un combat aussi opiniâtre, d’une valeur aussi soutenue, et d’une action aussi terrible, aussi meurtrière que celle du 13 prairial, lorsque notre escadre sauva le convoi américain. Vanstabel, en conduisant la flotte américaine dans nos ports, a passé à travers des flots teints de sang, des cadavres et des débris de vaisseaux. L’acharnement du combat qui avait précédé l’arrivage du convoi a prouvé combien nos escadres sont républicaines, puisque la haine du nom anglais a dirigé les coups; et plus les forces étaient inégales de la part des Français, plus la résistance a été grande et courageuse. Les matelots anglais revenus dans leur île n’ont pu dérober à l’histoire cet aveu remarquable. Voici ce que leurs papiers rapportent des matelots de l’escadre anglaise : « Les Français, disaient-ils à leurs camarades restés dans les ports, sont comme les cailloux : plus on les frappe, plus ils rendent de feu. » (On applaudit.) L’âme des républicains s’élève insensiblement à mesure des progrès de la révolution; elle devient (1) P.V., XLI, 140.