405 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [1er février 1790.] cées, au gré du caprice el du plaisir, dans les sites les plus heureux. La ville d’Aix trouve toutes ses ressources dans quelques gens d’affaire, attirés vers elle par les établissements civils, politiques et religieux qu’elle renferme depuis dix-huit cents ans. Elle est perdue, si la constitution la prive de cet unique et faible avantage. La raison, la justice et les convenances demandent qu’il lui soit conservé. Elle est au centre du département, Marseille est à l’extrémité; vos décrets et l’intérêt des administrés plaident ici pour elle... Que Marseille ait ou n’ait pas les établissements nouveaux, elle n’en sera pas moins la plus florissante ville de l’univers. Le bienfait de la révolution n’est pas de faire mourir, pour ainsi dire, d’une apoplexie politique, des hommes engraissés par le luxe, les richesses et le commerce. M. Bouche termine son opinion en rappelant un grand nombre de faits historiques, preuves frappantes du patriotisme des habitants d’Aix. Il représente, comme une raison qui doit prévaloir sur tous les avantages politiques, le fléau de la peste, qui règne continuellement dans le lazaret de Marseille, et qui, au premier soupçon, oblige d’intercepter les communications et de fermer les barrières et les tribunaux. Il conclut en demandant que le chef-lieu et les établissements du déparlement de l’ouest de la Provence soient accordés à la ville d’Aix. M. JLejeâns représente les droits anciens de Marseille, son importance, sa population , ses contributions. Il observe qu’il ne faut que trois heures pour se rendre d’Aix à Marseille, et que la peste exige que cette dernière ville soit le siège d’une administration qui veille sans cesse pour écarter ce fléau. Vous ne décidez pas, dit-il, les intérêts de Marseille, mais les vôtres, mais ceux de toute la France. M. de Boisgclin, archevêque d’Aix, appuie la conclusion de M. Bouche par des raisonnements dont voici les résultats. Le chef-lieu du département doit être rapproché du centre, Aix est le lieu de correspondance nécessaire. 11 faut consulter l’intérêt de plus grand nombre; Marseille et son territoire présentent une population de cent cinquante mille hommes ; mais plus de deux cent mille sontrépandus dans le reste du département. Il faut consulter les convenances : les consommations, extrêmement chères à Marseille, rendraient trop coûteux le séjour des administrateurs et des électeurs. Enfin le besoin de favoriser les pays les moins riches, est un motif que la sagesse de l’Assemblée a toujours pris en grande considération. ( Voy . le mémoire de M. de Bois-gelin, annexé à la séance de ce jour.) On ferme la discussion. « L’Assemblée nationale à une grande majorité, décrète : « Que la ville de Marseille sera du département de l’ouest de la Provence, et que celle d’Aix en sera le chef-lieu. » M. Gossln propose ensuite de diviser le département des deux Flandres, du Hainaut et du Cambrésis en huit districts, en laissant aux électeurs du département la faculté de décider si le chef-lieu du district serait à Bergues ou à Dunkerque. M. Merlin demande que Bergues soit chef-lieu de district préférablement à Dunkerque, attendu que Bergues est plus central et d’un accès plus facile. H propose, en outre, de laisser aux électeurs du district, et non à ceux du département, la faculté de décider celle des deux villes qui obtiendra le tribunal. La motion mise aux voix est adoptée dans les termes suivants : « L’Assemblée nationale décrète, d’après l’avis du comité de constitution : « t° Que le département des deux Flandres, du Hainaut et du Cambrésis est divisé en huit districts, dont les chefs-lieux sont: Valenciennes, le Quesnov, Avesnes, Cambrai, Douai, Lille, Has-brouck et Bergues ; « 2° Que le tribunal de justice du district d’flasbrouck sera placé à Bailleul ; « 3° Que le tribunal du district de Bergues sera placé à Bergues ou à Dunkerque, au choix des électeurs dudit district • « 4° Que les villes de Valenciennes, Avesnes, le Quesnoy, Cambrai, Lille et Douai réuniront les deux établissements ; sauf â statuer sur les limites de la Flandres et de l’Artois, ainsi que sur le chef-lieu du département dont il s’agit. » M. &ossin fait un dernier rapport concernant le département d'Evreux et rend compte de toutes les réclamations qui se sont produites à cet égard. Il propose dediviser le département en six districts. qui seraient Evreux,Bernav,Pont-Audemer,les Andelys, Verneuil et Louviers. Plusieurs autres villes réclament des districts et il en faudrait au moins douze pour satisfaire Vernon, Pont-de-l’Arche, Breteuil, Ivry, Roger, Harcourt et Beaumont. Le comité pense que les réclamations de ces villes ne sont pas fondées et que la division arrêtée par les députés de Normandie est bien faite. Toutes les subdivisions réclamées n’intéressent que quelques petites villes qui sont trop près les unes des autres et qui ne consultent que leurs intérêts. Les campagnes ne demandent rien et les campagnes ne doivent pas être attribuées comme des propriétés à ces rivalités de clocher. Si les districts ne doivent pas être trop grands, ils ne doivent pas non plus être trop petits, car ce serait écraser les campagnes, au profit des petites villes, en frais de justice et d’administration. M. Buzot dit que la division de la forêt de Lions entre le département d’Evreux et celui de Rouen, occasionnera de grandes difficultés dans l’exploitation. M. Decretot dit que la division occasionnerait un doublement d’officiers et multiplierait les frais d’adjudication. M. I’abbé Lebrun demande que la forêt de Lions, ne soit pas divisée, dans quelque département qu’on la place, et que le concordat fait entre les Andelys et Gisors soit renvoyé à l’assemblée de département : L’Assemblée ferme la discussion et décrète ce qui suit : « L’Assemblée nationale décrète, d’après l’avis du comité de constitution : « 1° Que le département d’Evreux, dont Evreuxest le chef-lieu, est divisé en six districts, dont les chefs-lieux sont : Evreux, Bernay, Pont-Audemer, Louviers, les Andelys et Verneuil ; « 2° Que les électeurs du département détermineront s’ils trouvent nécessaire ou utile de former un plus grand nombre de districts dans ce département ; [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [1" février 1790.] « 3° Que le tribunal du district des Andelys sera placé à Gisors ; « 4° Que la demande de la ville d’Elbeuf d’être distraite du département de Rouen, avec quelques paroisses environnantes, pour être unie à celui d’Evreux, lui est réservée, et qu’il lui sera libre de présenter sa réclamation à cet effet au département, et ensuite à la prochaine législature -, « Sauf, en faveur des villes de la province qui en paraîtront susceptibles, la répartition des établissements et des tribunaux qui seront déterminés par la constitution. » M. le Président lit à l’Assemblée une lettre du régiment de Dillon, conçue en ces termes : « Monsieur le Président, « Le régiment de Dillon a reçu la lettre qui lui a été adressée au nom de L’Assemblée nationale. Ce régiment dévoué depuis plus d’un siècle, sous le même nom, au service de la nation française, a toujours fait ses efforts pour bien mériter d’elle par son attachement à la patrie, et sa fidélité au Roi. 11 n’a jamais cru qu’un représentant de la nation eût pu se permettre de méconnaître, dans le sein de votre auguste Assemblée, la gloire de l’armée française dont il a l’honneur de faire partie. « Le régiment de Dillon, toujours fidèle à ses serments, n’oubliera point celui qu’il a prêté à la nation, à la loi et au Roi. « Nous sommes avec respect, Monsieur le Président, vos très-humbles et très-obéissants serviteurs, « Signé: LES OFFICIERS DU RÉGIMENT DE DILLON. « A Bergues, le 29 janvier 1790. » On demande et l’Assemblée ordonne l’insertion de cette lettre au procès-verbal. M. le Président. Dans une de vos précédentes séances vous avez décidé que le comité militaire serait entendu. En conséquence, je donne la parole à M. le vicomte de Noailles, qui, au nom de ce comité, est chargé de nous présenter un rapport sur les objets constitutionnels de l’armée ; sur quelques rapports entre les milices nationales et les troupes réglées ;sur la manière dont plusieurs décrets de l’Assemblée doivent être interprétés et exécutés; enfin sur l’avancement des officiers, bas-officiers et soldats (1). M. le vicomte de Noailles. Messieurs, vous remplissez une obligation vraiment sacrée en vous occupant de l’armée. Cent-cinquante mille Français ont été privés du droit de suffrage dans les assemblées primaires; et si votre justice a regardé comme nécessaire ce sacrifice, votre humanité doit s’efforcer de le compenser. En écoutant vos dispositions, en vous rappelant l’estime que vous avez conçue pour les troupes, l’admiration que vous ont inspirée leur conduite, leur courage, leur patience, les services distingués qu’elles ont rendus dans tous les temps, vous dicterez des lois militaires qui feront chérir à l’armée et vos décrets, et votre constitution, et vous trouverez dans son zèle le plus ferme appui de la liberté françaiser. (1) Le Moniteur ne donne qu'un sommaire de ce rapport. 409 Le comité, pénétré de vos principes, a tâché, dans le plan qu’il va vous soumettre, de concilier le génie delà constitution avec les lois de l’avancement dans les troupes. Il s’est proposé de tirer de la composition de l’armée toutes les ressources qu’elle peut avoir pour la rendre ce qu’elle doit être; d’éviter d’assujétir les Français au régime des autres peuples; de préparer des liens intimes et durables entre les citoyens et les troupes réglées ; de fixer invariablement que, dans le choix des officiers, l’on n’aura égard ni au rang, ni à la fortune, mais aux talents et aux vertus, enfin de favoriser l’émulation, seule capable de produire des hommes dignes de commander. En écartant tout ce qui est étranger à son objet, le comité a senti combien il était difficile, dans ce travail important, de recueillir tout ce qui est nécessaire à le compléter. Dans cette carrière, il nous a paru que le premier pas à faire était de déterminer l’état civil de l’armée ; et, pour cet effet, nous avons pensé qu’à la vérité la réunion sous les drapeaux ne pouvait pas former un domicile, mais que le temps de service, toujours compté par la patrie, conserverait à celui qui l’aurait ainsi employé, l’avantage de jouir, dans son domicile naturel, de la plénitude des droits de citoyen actif, toutes les fois qu’il viendrait s’y présenter. Le comité a pensé aussi que trente années consécutives de service militaire, sans interruption, devaient obtenir, à celui qui les aurait remplies, toutes les prérogatives accordées aux citoyens actifs. De semblables récompenses, prises daDsle nouvel ordre de choses, le rendront aussi recommandable à chacun qu’il est utile à tous, et c’est l’objet que le législateur doit toujours se proposer. Après avoir fixé l’existence de l’armée, sous le rapport social, nous passons aux rapports de l’armée avec la puissance qui ordonne et avec celle qui exécute. Le pouvoir qui exécute ne doit pas fixer le nombre de troupes, ni régler la dépense de l’armée, par la raison que la quotité de troupes est la valeur représentative de l’impôt destiné à remplacer le service personnel. Par une suite de ce principe, la disposition première des troupes dans le royaume doit être le fruit d’une convention entre les deux pouvoirs de législation et d’exécution. Les conditions, auxquelles le pouvoir exécutif exerce l’autorité suprême sur l’armée, étant ainsi posées, il reste encore au pouvoir constituant de remettre les éléments de l’armée au pouvoir exécutif, qui en dispose hors du royaume, et qui peut la faire mouvoir, selon sa volonté, dans l’intérieur, toutes les fois que cette volonté est conforme à la loi, ou qu’elle a pour but d’agir contre l’ennemi de la nation. Avant de fixer les éléments qui doivent contribuer à l’organisation de l'armée, il serait bon de déterminer comment les troupes peuvent et doivent se comporter avec les milices nationales, lorsqu’elles ont à opérer ensemble. Le principe militaire défend de confondre les corps divers ; ce n’est qu’en se trouvant dans leur ordre naturel que les troupes peuvent entreprendre avec fruit. Il faudrait éviter, toutes les fois qu’il y aura des milices nationales et des troupes réglées, de les réunir surtout par petites divisions ; elles agiront plus efficacement étant séparées. Il paraîtra convenable que le militaire, qui ne cesse pas d’être citoyen, en s’offrant pour la défense de la patrie, conserve, sur les milices