[Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [16 décembre 1789.] 615 du Roi de 1786, en accordant 700 livres, aux premiers, et 350 livres, aux seconds, et qu’en conséquence ladite déclaration, non encore enregistrée au parlement de Pau, lui soit incessament envoyée pour qu’elle soit transcrite sur ses registres; et que pareil envoi et que pareille inscription soient ordonnés à l’égard des autres parlements qui pourraient être dans le retard. On propose que cette motion soit renvoyée au comité ecclésiastique, et l’Assemblée alors décrète que le comité ecclésiastique en rendra compte vendredi à deux heures. Les Suisses des châteaux et parcs de Versailles et Marly, admis à la barre, offrent en don patriotique leurs boucles d’argent, et une somme de 572 livres. Ils témoignent leurs regrets de ce que leurs faibles moyens ne leur ont pas permis de réunir entre eux un don plus considérable. M. le Président leur témoigne la satisfaction que cause à l’Assemblée leur patriotisme. Il est fait ensuite lecture du procès-verbal des deux séances de la veille. Plusieurs membres demandent la parole sur la rédaction de la partie du procès-verbal qui rend compte de la séance du soir. Un d’entre eux, sollicite vivement la suppression des détails d’une scène affligeante et propose à l’Assemblée de décréter qu’il ne sera inscrit sur le procès-verbal que les décrets prononcés pas l’Assemblée, relativement à l’affaire de M. le vicomte de Mirabeau, et qu’il ne sera fait aucune mention des motions sur lesquelles on n’a pas délibéré, ni des différentes réflexions faites pendant le cours de cette discussion. La question préalable demandée met l’Assemblée dans le cas de décréter qu’il n’y a pas lieu à délibérer sur cette motion,- ce qui laisse le procès-verbal sans aucun changement dans sa rédaction. On passe à l’ordre du jour, et on reprend la discussion sur le rapport du comité' militaire concernant le mode de recruter V armée, et sur la préférence à donner , ou à la conscription militaire, ou aux engagements volontaires. M. Bureaux de Pusy, député d’ Amont (1). Messsieurs, je ne viens point offrir à l’Assemblée le plan d’un nouveau mode de recrutement pour l’armée ; en adoptant celui qui existe sauf quelques modifications nécessaires , je me bornerai à rapprocher et à développer (2) davantage quelques-unes des objections qui ont été faites contre le projet d’une conscription militaire. D’abord , en considérant la disposition qu’on vous propose, dans son sens Je plus mitigé , soit qu’elle s’étende à la totalité des forces militaires du royaume, soit qu’elle se borne à la formation et à l’entretien de l’armée auxiliaire , destinée à (1) Le Moniteur ne donne qu’une analyse de ce discours. (2) Cette opinion, telle qu’elle avait été conçue, offrait des détails, et s’appuyait sur des moyens que Ton a cru devoir supprimer, comme étant devenus faibles ou surabondants, depuis ce qu’avaient dit M. le duc de Liancourt et M. le baron rte Wimpfen, et Ton a pensé que pour achever d’éclaircir la question, il suffirait de donner à quelques rapports que les préopinants n’avaient fait qu’indiquer sommairement, les développements dont ces rapports étaient susceptibles. (Note de M. Bureaux d« Pusy.) compléter ou à renforcer l'armée active en cas de guerre, je dis que l’intention d’une telle loi ne sera presque jamais remplie que par l’homme pauvre qui, privé de la faculté de se substituer un avoué, supportera seul unjoug auquel l’homme riche aura tous les moyens de se soustraire. La loi n’atteindra donc pas” son but, qui est d’imposer une obligation égale et personnelle à tous les membres de l’Etat, pour l’intérêt commun de tous. Au lieu d’obliger l’universalité des citoyens, elle ne pèsera donc plus que sur quelques individus Or, tonte loi générale qui, par la facilité d’en éluder les dispositions, se transforme en une loi particulière, si elle n’est pas décidément mauvaise, est au moins bien imparfaite. Passant à l’examen des effets ultérieurs de cette loi, prise dans son sens le plus absolu, je n’en vois pas résulter le bien qu’on se propose de produire par elle. Je crois même qu’en organisant l’armée d’après ce principe , on tomberait dans des inconvénients très-graves, que je vais exposer le plus succinctement qu’il me sera possible. Premièrement, on se priverait de la faculté de choisir les sujets dont serait composée l’armée. En second lieu, on arracherait à l’agriculture, à l’industrie, au commerce, aux arts, aux talents, des hommes précieux , pour les changer tout au plus en de médiocres soldats ; car rarement on fait bien ce qu’on ne fait point librement et par choix. Troisièmement, qu’est-ce que veulent ceux qui demandent une conscription militaire ? épurer la composition de l’armée, la rendre aussi solide, aussi digne de la confiance de la nation qu’il sera possible, en substituant, dans sa formation, aux hommes achetés qui la composent, des soldats citoyens pénétrés de l’importance et de la dignité des fonctions auxquelles ils seront appelés par les lois de la patrie et par la voix de l’intérêt public. Si l’Assemblée nationale pouvait être séduite , sans doute elle serait excusable de céder à l’illusion brillante d’un projet qui rappelle, qui semble mettre en jeu le patriotisme et toutes les vertus civiques. Mais, Messieurs , on l’a dit avant moi, et je le répète avec confiance : gardons-nous de décider des questions politiques d’après la seule impression du sentiment. En effet, comme l’a dit un des préopinants : si toutes les communes ont réclamé contre le tirage au sort de la milice... si cette institution a laissé une impression profonde de douleur dans des cœurs qui se sentaient nés pour la liberté ; je demande comment l’on conçoit que la nouvelle loi qui, au lieu de forcer quelques volontés, les contraindra toutes, sera plus favorable à la liberté..? Je demande si l urne qui renfermera le sort de tous les citoyens, ne présentant jamais qu’un billet noir à chacune des victimes de l’obéissance, leur paraîtra moins fatale alors , que dans le temps où celui qui allait y puiser l’arrêt de sa destinée, savait en y portant la main, qu’un grand nombre de chances heureuses militait en sa faveur ; et qui même, lorsque la fortune avait trompé ses vœux, avait au moins conservé jusqu’au dernier instant, les charmes et les dédommagements de l’espérance ? Je demande encore pourquoi des enrôlements faits avec choix, discernement, et surtout avec décence, ne procureraient pas à l’armée des soldats aussi sûrs, aussi dignes de confiance, que ceux que le hasard seul appellerait sous les drapeaux ? Que j’examine ensuite les caractères moraux