|Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. DEFERMON. Séance du mardi 26 juillet 1791, au matin (1). La séance est ouverte à neuf heures du matin. Un de MM. les secrétaires fait lecture du procès-verbal de la séance du lundi 25 juillet, qui est adopté. M. Meynier de Salinelles, au nom du comité d’agriculture et de commerce , fait un rapport sur le régime à donner au port et au territoire de Marseille , quant aux droits de douane; il s’exprime ainsi : Messieurs, si les franchises accordées à un port, à une ville, n’étaient qu’un privilège particulier à ce port, à cette ville, on ne pourrait pas mettre en question si ces privilèges doivent encore exister : leur proscription serait prononcée par l’article 10 de vos arrêtés du mois d’août 1789. La question que votre comité d’agriculture et de commerce vient vous proposer se réduit donc à savoir s’il est de l’intérêt du royaume d’avoir des ports francs, et si les inconvénients qu* peuvent présenter ces franchises sont contrebalancés par les avantages qu’elles procurent. 11 semble que, pour éclaircir cette question, il faut commencer par connaître l’origine des ports francs, et à quel usage ils sont destinés. La protection que nous devons à nos manufactures et à nos productions territoriales, les droits auxquels quelques-unes sont assujetties chez les puissances étrangères, et les prohibitions dont d’autres y sontgrevées, nous ontobligés d’établir, à l’égard des étrangers, une sorte de représailles : mais nous n’avons pas voulu nous interdire la faculté d’acheter leurs marchandises pour les revendre à d’autres, et pour donner à notre commerce et à notre navigation un plus grand mouvement. Il a donc fallu trouver les moyens de rendre ces sortes de spéculations commerciales possibles, sans nuire à nos manufactures, et sans préjudicier aux droits de la nation. De là est venue l’origine des ports francs. Un port absolument franc est, dans l’Empire, une exception au régime des douanes; il est traité comme étranger; il est hors des barrières, il est destiné à remplir la double fonction de recevoir des marchandises nationales et des marchandises étrangères pour les réexporter à l’étranger. La facilité avec laquelle les marchandises étrangères ont pu pénétrer de ces ports dans le royaume, en fraude des droits ou des prohibitions, malgré la garde toujours insuffisante que l’on entretenait sur leurs avenues, a été infiniment nuisible à nos productions territoriales et industrielles. La main-d’œuvre de nos rivaux a mis, sur beaucoup d’objets, la nôtre dans l’inaction, et le eomm'Tce étranger a envahi une partie du commerce national. Il en est résulté de grands bénéfices pour quelques individus, et une perte réelle pour la nation. Cette considération suffit pour vous faire connaître combien il est instant de prononcer sur ces franchises; mais, comme elles ne sont pas de (1) Cette séance est incomplète au Moniteur. [26 juillet 1791.J (537 même nature pour tous les ports francs du royaume, qu’elles n’ont pas le môme régime, que leur établissement particulier a eu un but politique qui est propre à chacun d’eux, il est impossible de De pas les distinguer; il serait dangereux de les confondre. Votre comité espère même justifier par les détails qu’il mettra sous vos yeux que, si vous vous déterminiez par un principe unique, vous pourriez sacrifier des biens réels à des craintes éloignées; combler des sources qui fécondent les lieux qu’elles arrosent, parce que, dans un point opposé, vous craindriez les ravages d’un torrent. La franchise de Marseille, par exemple, ne ressemble en rien à celles de Dunkerque et de Bayonne; cette ville à une régie qui lui est particulière : c’est sur cette régie et sur l’amélioration dont elle est susceptible, que le nouveau régime des traites exige que vous statuiez promptement; c’est de cette ville seule que je vais vous entretenir en ce moment. Marseille est, vous le savez, Messieurs, le siège du commerce du Levant, et les exportations pour ce commerce sont de 28 à 30 millions ; les importations de 33 à 36 millions. Nos envois en Turquie consistent, pour la plus grande partie, en denrées territoriales et en marchandises manufacturées dans le royaume; nos retours se font au contraire, presque en totalité, en matières premières, dont nous employons la majeure partie dans nos fabriques, et nous envoyons le superflu à l’étranger, notre navigation en Turquie entretient continuellement 400 bâtiments à la mer. Si nous passions aux autres commerces que fait Marseille, nous voyons que tous y sont en action. Les habitants des quatre parties du monde y viennent trafiquer; le pavillon de touier les nations flotte dans son port, et elle est le grenier de tontes nos provinces méridionales et de toute la Méditerranée. Indépendamment du commerce maritime, Marseille a des manufactures importantes; elle a enlevé à Gênes la fabrication du savon, qui est un objet annuel de 19 à 20 millions; elle a ôté à Livourne la mise en œuvre du corail ; les peaux qu’on y met en couleur, et les maroquins qu’on y fabrique, sont supérieurs à ceux de Barbarie ; elle est parvenue à établir dans son sein des teintures et des manufactures de bonnets et d’étoffes qui ne se fabriquaient que dans le Levant, et elle a vendu aux orientaux eux-mêmes les produits d’une industrie dont elle a su les dérouiller. Toutes les années, elle met en mer 1,500 bâtiments. Sa navigation est la base des classes de la Méditerranée ; elle occupe plus de 80,000 ouvriers, et ses échanges s’élèvent annu-llement à la somme de 300 millions. Il est sensible que cette masse de commerce n’a pu se former, ne peut se soutenir et s’accroître que par une action et une réaction continuelle, à laquelle la liberté dont Marseille jouit pour toutes ses exportations, et pour la majeure partie oe ses importations, a dû beaucoup contribuer. Si l’on considère ensuite la nature des exportations de Marseille à l’étranger, on voit que près des quatre cinquièmes consistent en productions de not:e sol, de nos colonies et de notre industrie, et que les productions étrangères n’y entrent guère que pour un cinquième. D’après ce tableau, on ne peut pas se dissimuler que le royaume entier ne retire de grands avantages de la franchise de Marseille, et qu’en changeant le régime qui, jusqu’ici, a favorisé ce commerce, il serait à craindre qu’on n’obstruât 638 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [26 juillet 1791.] un des principaux canaux qui portent la fécon-' dité dans toute l’étendue de l'Empire. On ne peut s’empêcher de se livrer à cette crainte, quand on jette lin coup d’œil sur la Méditerranée, et qu’on aperçoit, au voisinage très prochain de Marseille, 4* ports francs, Gênes, Nice, Livourne et Trieste, qui sont prêts à saisir tout ce que des combinaisons erronées pourraient faire perdre à leur rivale. L’histoire de l’affranchissement de Marseille est bien propre à confirmer l’opinion où est votre comité sur la nécessité de maintenir les mesures qui ont été prises pour ne pas contrarier le vœu de la nature, qui appelait le commerce de l’univers entier dans cette partie de la domination française. Marseille, que le commerce a fondé, avait, au moyen de sa franchise (qui était presque entière, puisqu’il ne payait qu’un droit de poids et casse établi par les comtes de Provence), joui d’une très grande prospérité jusqu’au XVIIe siècle; mais alors la cupidité fiscalevint traverser sonbonheor et harceler son industrie. Le conseil de Louis XIV s’en aperç it ; Colbert apprécia le danger; il voulut l’arrêter, et, pour y parvenir, il ne vit d’autre parti que de faire promulguer l’édit de 1669, qui rétablit la franchise à laquelle on avait porté atteinte. Des lois fiscales ayant porté une nouvelle atteinte à cette franchise, il fallut la faire rétablir par un arrêt de 1703, qui l’étendit au territoire attenant à la ville; mais cette loi défendit, pour l’intérêt de nos fabriques et de notre navigation, l’entrée à Marseille de quelques étoffes et de la morue étrangère. En 1719, on ouvrit le port de Marseille au commerce des colonies ; ce commerce y fut soumis au droit de domaine d’Occident et aux mêmes formalités que dans les autres ports. En 1785, on défendit l’introduction, dans le royaume, des toiles peintes, des toiles de coton et de plusieurs autres espèces de marchandises. Dès lors, l’entrée à Marseille en fut interdite; car le gouvernement d’alors pensait qu’il suffisait qu’une marchandise étrangère fût généralement prohibée, pour qu’elle ne pût point entrer à Marseille. Si le traité de commerce conclu avec l’Angleterre a levé à l’entrée de Marseille les prohibitions auxquelles étaient sujettes les marchandises nommément comprises dans ce traité, c’est à la charge d’acquitter les droits. Ainsi, au moment de l’exécution du nouveau tarif, Marseille était assujetti à toutes les prohibitions, payait des droits sur les savons, les sucres et les productions de pêche étrangère; sur les marchandises d’Angleterre, sur les denrées coloniales, et acquittait sur tout ce qu’il recevait, de l’étranger et du royaume, un droit de poids et casse qui est perçu, par des peseurs publics, sur toutes les marchandises qui se vendent au poids dans cette ville. D’un autre côté, ses fabriques étaient reçues dans le royaume en acquittant les droits locaux. On voit, par tous ces détails, que la franchise du port de Marseille et de son territoire n’est point une franchise absolue : c’est un régime particulier calculé sur une multiplicité de circonstances et d’intérêts, qui ne permettent pas d’adopter un principe uniforme pour diriger toutes les parties de commerce qui se font dans cette ville. Ce régime peut paraître extraordinaire :on y voit la franchise à .côté de la prohibition, l’exemption à côté de la perception, la liberté à côté des formalités, le caractère étranger à côté du caractère national; mais on a cru devoir admettre des oppositions, pour profiter de tous les avantages que pouvait procurer la position de cette ville, etpouradapter, sans inconvénients, les ressources étrangères aux besoins nationaux. Il paraît à votre comité que cette combinaison, qui repousse ce qui peut être dangereux, et qui donne de l’elfort à ce qui peut être utile, a ouvert de grandes sources de prospérité et de richesse ; car la population de Marseille, qui est actuellement de 100 à 120,000 âmes, a augmenté successivement. Son territoire, amas de sables et de rocs, qui, dans ses plus longs prolongements, n’a que deux lieues d’étendue, entretient 20 à 24,000 habitants. C’est par cette ville que la France s’est appropriée les deux tiers du corn-' merce du Levant. C’est cette ville qui féconde les départements des Bouches-du-Rhône, du Var et des Basses-Alpes, qui, sans son secours, soutiendraient difficilement les frais de culture d’une terre avare, dont les productions sont de peu de valeur; elle a enlevé à l’étranger les fabriques les plus précieuses; elle est le marché général de la Méditerranée, et les efforts que les princes ddtalie ont fait pour la rivaliser, en affranchissant leurs ports, sont presque devenus inutiles. Cet état de choses est si heureux, qu’il faudrait de grandes raisons pour le détruire. Votre comité a en conséquence pensé que le fond du régime commercial de Marseille devait être maintenu; que cette ville devait jouir de toutes les facilités qui peuvent augmenter les richesses et la prospérité de la nation, et qu’il ne fallait lui interdire que ce qui peut nuire à l’industrie et au commerce du reste de la France. Avant de fixer les détails du régime que votre comité estime devoir diriger le commerce de Marseille, il est nécessaire d’examiner quelques questions. La franchise dont on laissera jouir Marseille continuera-t-elle de s’étendre jusqu’aux extrémités de son territoire, ou sera-t-elle restreinte à ses murs ? Quelles modifications mettra-t-on à cette franchise? Comment seront traitées ses fabriques? Si on laisse jouir le territoire de Marseille de la franchise, les barrières resteront à ses extrémités ; si son territoire en était détaché, il faudrait mettre, les bureaux de perception aux portes de cette ville. Au premier coup d’œil, on croit voir de l’avantage à adopter ce dernier parti, puisque la restriction de la franchise diminuerait le cercle dans lequel elle serait renfermée ; mais des considérations puissantes s’élèvent contre cette mesure. Le territoire de Marseille, qui n’a que deux lieues d’étendue dans ses plus longs prolongements, contient cependant 8,000 habitations. Si les denrées qui s’y recueillent, et qui sont de peu de valeur et du besoiû de chaque instant, étaient soumises, à leur introduction à Marseille, à des formalités, à des visites, à des impôts, elles seraient repoussées d’une ville à laquelle elles sont indispensables. Si le propriétaire d’un champ, souvent obligé de se rendre plusieurs fois dans le jour de la campagne à la ville, essuyait chaque fois des visites à la sortie et au retour, s’il était obligé de payer des droits sur les objets usuels qu’il rapporterait, il se dégoûterait bientôt d’une exploitation pénible, dispendieuse et aussi assujettissante. Les visites sur ce qui entrerait et sortirait d’uue pareille cité opéreraient une obstruction qui [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [23 juillet 1791.] arrêterait le mouvement que le commerce ne doit jamais perdre. Il existerait aussi un grand obstacle dans la nécessité de faire une nouvelle enceinte pour enfermer la ville et ses faubourgs attenant', et qui ne sont peuplés que de négociants, de manufacturiers et d’ouvriers que le commerce emploie. Il faut encore observer que le lazaret est hors de la ville; qu’il y a beaucoup de fabriques qui sont répandues dans le territoire, des opérations d’industrie qu’il faut faire à la campagne; que les toiles et étoffes fabriquées à Marseille, sont blanchies ou étendues dans le terr.toire ; qu’en le séparant de la ville, on romprait une correspondance indispensable. Peut-être-, d’ailleurs, serait-il plus difficile de s’opposer à la contrebande, en portant les barrières aux portes de Marseille, qu’en les laissant subsister aux limites du territoire, parce qu’une contrebande qui se ferait par-dessus les murs ou sur les côtes qui bordent le territoire, ou par les portes où les visites ne peuvent jamais être exactes, se trouverait la plupart du temps consommée aussitôt son introduction, au lieu qu’une contrebande projetée, qui a 2 lieues à parcourir, donne à l’exercice et à la surveillance des préposés un jeu et des moyeus qui peuvent mieux s * combiner. D’après ces considérations, votre comité estime qu’il convient de laisser subsister les barrières aux confins du territoire de Marseille. Je passe aux modifications dont la franchise de cette ville et de son territoire est susceptible. On a senti, depuis 1703, que, pour que le royaume retirât de la position de Marseille les avantages qu’il était en droit d’exiger, il fallait soumettre cette ville à des prohibitions et à la perception de quelques droits qui favorisassent l’in I us trie nationale. Ce principe a paru à votre comité devoir être conservé et même étendu ; l’intérêt de nos manufactures, celui de notre commerce aux colonies et celui de nos pêches et de notre agriculture, exigent que nous ne mettions pas dans un de nos principaux marchés les produits de l’industrie, de la pêche et de la culture nationale en concurrence avec les productions étrangères de même espèce. Tout ce que notre sol et notre industrie produisent, tout ce que notre navigation nous apporte, doit avoir la préférence dans nos consommations et dans notre commerce, et nous ne devons employer la main-d’œuvre étrangère que quand la nôtre est insuffisante, et que les avantages ultérieurs qui peuvent dériver de nos transactions commerciales l’exigent impérieusement. Il a été en conséquence jugé nécessaire d’éloigner de la consommation de Marseille les marchandises qui y étaient défendues ou sujettes à des droits, et les objets manufacturés que la France peut fournir à la consommation et au commerce. C’est en étendant au port de Marseille les prohibitions portées par le nouveau tarif et les droits qu’il impose sur les productions industrielles de l’étranger, que nous remplirons ce but. Mais ces dispositions n’ont pas paru à votre comité pouvoir s’étendre sur quelques marchandises fabriquées qui viennent du Levant (1), parce qu’elles sont le résultat des échanges forcés du commerce le plus avantageux qu’aucune nation puisse le faire. Elles ne lui ont pas paru non plus devoir porter sur les objets manufacturés qui (1) Les bourres de soie, les toiles de coton, et les toiles peintes et teintes au Levant. 6 TJ n’arrivent de l’étranger à Marseille que pour être employés à son commerce du Levant, ou réexportés chez d’autres puissances étrangères. En refusant à ces objets l’entrepôt de Marseille, nous favoriserions, à notre préjudice, les ports francs étrangers situés dans la Méditerranée, et dans lesquels ces sortes de marchandises entrent librement : nous forcerions nos négociants pour le Levant, à continuer de s’arrêter à Livourne pour y prendre les mousselines et les autres marchandises dont ils ont besoin pour assortir leurs magasins dans les Echelles. Les établissements étrangers iraient y rivaliser les nôtres; les retours du Levant, qui devraient être déposés presque en totalité à Marseille, continueraient d’être partagés avec l’étranger; notre navigation n’aurait pas l’emploi qu’elle devrait avoir et notre commerce serait moins étendu. Une considération majeure vient à l’appui de l’opinion de votre comité sur l’utilité de cet entrepôt. Votre nouvelle Constitution appelant tous les peuples à venir à se naturaliser en France, il est à présumer qu’aucun préjugé ne retiendra désormais sur un sol asservi des hommes riches et industrieux qui soupirent après la liberté. Une portion de ces hommes, ainsi que votre comité vous l’a fait apercevoir dans son rapport sur le commerce du Levant, se fixera sans doute à Marseille. 11 est donc bien intéressant de réunir dans ce port tout ce qui est nécessaire pour faire un grand commerce. Si l’ancien gouvernement eût pu calculer ainsi, Marseille, qui n’a qu’une prospérité relative aux combinaisons étroites des temps passés, serait peut-être aujourd’hui la ville d’Europe la plus commerçante et la plus peuplée. C’est à la sagesse actuelle à réparer les erreurs de l’anci mne politique. Un entrepôt qui servira d’aliment à toutes les spéculations, sans pouvoir nuire à l’industrie nationale, attirera dans une des principales villes du royaume, une source de biens qui reflueront dans toutes les parties de l’Empire. Nous vous proposons de n’assujettir à aucun droit les marchandises ainsi entreposées, de supprimer pour toutes le droit de poids et casse qui était perçu à l’entrée de Marseille, et qui correspond à celui de poids le roi dont vous avez déjà prononcé l’abolition; de supprimer également le droit de 5 sols qui était dû par manifeste ou déclaration remise à la douane de cette ville. Marseille devant, à quelques exceptions près, être considéré comme l’étranger, et son régime étant un obstacle à ca que la garde en soit exacte, il a paru naturel que les productions qui en seraient importées pour l’intérieur du royaume, fussent traitées comme si elles venaient de l’étranger. L’application de ce principe était difficile à l’égard des huiles d’olive étrangères qui sont confondues dans le port de Marseille. Celles venant de la côte d’Italie étant imposées, à raison de leur plus haut prix, à 3 livres par quintal de plus que les huiles provenant des autres pays étrangers, il a semblé convenable d’autoriser les préposés de la régie à user, pour les huiles d’olive importées de Marseille dans le royaume, de la même voie de retenue qui est accordée pour les marchandises sujettes aux droits d’après la valeur. Après avoirpourvu aux moyens d’assurer aux manufactures nationales la préférence sur celles de l’étranger, pour la consommation de Marseille, votre comité a dû s’occuper des fabriques de cette ville. Il a pensé que, si la franchise de 640 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [26 juillet 1791.] Marseille était absolue, il faudrait fermer les portes du royaume à tout ce qui aurait été fabriqué dans cette ville; parce que, communiquant librement avec l’étranger, l’identité de la main-d’œuvre nationale ne pourrait être conrta-téc ; mais, que Marseille étant soumis aux prohibitions et aux droits sur les productions étrangères, il n’v avait pas de raisons pour priver les fa b tiques marseillaises de la consommation nationale. 11 lui a paru juste que les fabricants de cette ville et de son territoire, qui sont soumis aux mômes charges que les autres fabricants du royaume, jouissent des facultés qui appartiennent à tous. 11 a pensé qu’il serait impolitique de resserrer la franchise de cette ville, si une portion de sa main-d’œuvre devait être traitée à son importation dans le royaume comme la main-d'œuvre étrangère. 11 n’a pas cru, en un mot, que l’on pût priver les vil es qui avoisinent Marseille, des ressources que leur offre son industrie, et qu’elles n’auraient pas si cette industrie était écartée par de forts droits d’entrée. Mais, s’il est équitable de ne pas repousser de la consommation du royaume les productions des fabriques de Marseille, il n’est pas moins juste que ces fabriques n’aient point d’avantages sur les fabriques de l’intérieur. Marseille, étant affranchi de droits sur beaucoup de matières étrangères qui sont nécessaires à sa fabrication, doit être assujetti à payer, sur les objets manufacturés, à leur introduction dons le royaume, dos droits représentatifs de ceux que les” autres fabriques auront acquitté'. Cette juste compensation peut être établie par une imposition à l’entrée du royaume, de droits b en combinés sur les objets qui seront fabriqués à Marseille, et qui en seront susceptibles, et le tarif de ces droits sera joint à votre décret. Votre comité ne vous propose d’exceptions qu’à l’égard des productions marseillaises, qui seront destinées pour la Corse et les colonies françaises. Ces productions peuvent, sans inconvénient, continuer de passer daus ces iles en exemption de droits. Marseille a besoin d’une autre facilité. Les habitants d’Àubagne et de plusieurs autres villes qui l’avoisinent, au lieu de tirer directement des fabriques de l’intérieur les objets dont ils ont besoin, s’en approvisionnent à Marseille, qui les tire des fabriques. Si ces objets, à leur rentrée dans l’intérieur étaient traités comme étrangers, Marseille perdrait ce commerce de détail. Il a paru juste de ne leur faire supporter que les mêmes droits qui seront acquittés sur les fabrications marseillaises. 11 a paru égalementraison-nable de n’en exiger aucuns sur ceux de ces objets qui ne seront renvoyés dans les fabriques que pour y être réparés. On ne pouvait pas davantage refus r aux fabricants de Marseille la continuation de la facilité, dont ils jouissent, d’envoyer dans l’intérieur les matières premières qui ont besoin de recevoir quelques apprêts avant d’étre mises en œuvre, et de les en retirer. Votre comité en forme la demande. Il insiste également pour que les cires b’anches qui s’exporteront par Marseille, et qui proviendront de cires venues en jaune de l’étranger, continuent d’obtenir le remboursement des droits acquittés à l’entrée de ces cires jaunes. 11 profite de cette disposition pour vous proposer de confirmer celle qui subsiste depuis plus d’un siècle. à l’égard de toutes les cires étrangères, qui, après avoir été blanchies dans le royaume, retournent à l’étranger. Les fabriques de Marseille, étant véritablement nationales, ont également paru à votre comité devoir jouir de la faculté de tirer du royaume, en exemption de droits, les matières premières qui leur sont nécessaires. Il a semblé que l’on ne pouvait pas davantage refuser à cette ville la mê ne franchi e sur les bois et charbons, les bestiaux et les vins que ses habitants tirent du royaume tour leur consotr.- maiion. Mais, afin de prévenir les abus qui po erraient résulter de cette disposition, à l'égara des bestiaux et des vins, votre comité vous propose de les assujettir aux droits de sortie du tarif, lors qu’ils passeront de Marseille à l’étranger. De très grandes quantités de marchandises, qui passent du Midi de la France dans le Nord, et réversiblemen', empruntent la ville et le territoire de Marseiile.il paraît juste que ce transit soit franc. Mais, lorsque ces marchandises séjourneront à Marseille, il est indispensable qu’elles y soient entreposées, afin de n'être pas confondues avec celles étrangères de même espèce. Il reste à traiter du commerce des colonies françaises relativement à Marseille; il est naturel que cette ville jouisse, pour ses armements et ses retours, des mêmes avantages, et soit sujette aux mêmes droits que tous les autres ports du royaume. Maiscomme le gingembre, la canéfice, et quelques autres denrées étrangères de même espèce gue celles de nos colonies, continueront d’arriver à Marseille sans payer de droits, et qu’iL y seront confondus avec les denrées des colonies françaises, il a paru convenable que celles-ci ne fussent admisesdans le royaume, en venant de Marseille, qu’autant que leur identité serait constatée. 11 a fallu une disposition parlicul ère pour empêcher, qu’à la faveur de l’exemption dont jouiront les cafés des colonies, passant de Marseille dans l’intérieur, on n’introduisit d es cafés du Levant, entrés librement dans ce port, et qui devront à ce passage un droit de 12 livres par quintal. Votre comité n’a trouvé de moyen de prévenir ce genre de fraude, qu’en autorisant les préposés de la régie au bureau de passage, à retenir les cafés qui leur seraient présentés comme cafés des colonies, en payant la valeur desdits cafés, et le dixième en sus. L’état d s prix des marchandises coloniales, qui s’arrête chaque année, servira à constater celte valeur, et la différence qui se trouve entre ce prix et celui des cafés des colonies retiendra celui qui voudrait faire passer, comme café desdites colonies, du café du Levant. Je rue ré.-ume. Votre c omité vous propose : 1° de laisser subsister à l’entrée de Marseille le petit nombre de prohibitions conservées par le nouveau tarif; 2° d’y faire acquitter les droits de ce tarif sur tout ce qui pourrait rivaliser avec avantage notre culture, nos manufactures et noire pêche; 3° d’exempter de droits à l’entrée do celte ville non seulement l’universalité des marchandises du commerce du Levant, le tabac excepté, mais-encore toutes les productions étrangères qui ne peuvent pas porter de préjudice à notre industrie ; 4° d’y supprimer le droit de poids et cosse et celui de manifeste; 5° d’y favoriser le commerce de réexportation par mer ; 6° d’exempter des droits de sorties au passage du royaume à Marseille, toutes les productions na'ionales nécessaires aux fabriques de cette ville et à ses. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [26 juillet 1791.] 641 armements, même les vins et les bestiaux destinés à sa consommation; 7° de n’assujettir aux droits, â la sortie de ce port pour l'étranger, que les vins et les bestiaux; 8° de ne percevoir sur les objets des fabriques de Marseille, passant dans le royaume, que des droits représentatifs de ceux qu’auraient acquittés à l'entrée des autres ports les matières dont lesdites fabrications auront été composées ; d’affranrhir même de ces droits les exportations pour l’ile de Corse et nos colonies; enfin, de soumettre Marseille à toutes les formalités et à tous les droits auxquels sont assujettis les autres ports du royaume, pour le commerce des colonies françaises et de i’Inde. La fixation des droits à établir sur les toiles teintes ou peintes à Marseille, importées dans le royaume, en suivant les bases que je viens de vous proposer, a présenté des difficultés. En effet, si ces toiles étaient imprimées sur toiles blanches étrangères ou du commerce français dans i’Inde, et que ces toiles acquittassent les droits du nouvau tarif à la destination de Marseille, elles ne devraient, en passant de Marseille dans le royaume, qu’un droit équivalent à celui des drogues teinturantes qui seraient entrées dans l’impression desdites toiles; si, au contraire, ces toi!» s étaient imprimées sur toiles de coton du Levant qui seront affranchies à l’entrée de Marseille, elles uevraient, à leur passage de Marseille dans le royaume, au moins le droit de 20 livres par quintal, imposé sur les toiles blanches de coton du Levant qui auront la même destination. Un des moyens d’obvier à cet inconvénient serait d'entreposer les toiles du Levant arrivant à Marseille, et de faire acquitter à celles qui seraient retirées de l’entrepôt pour être employées à Marseille, le droit de 20 livres par quintal qu’elles devront payer à leur sortie de Marseille pour les autres parties du royaume. Mais la laveur que méritent les retours du Levant a paru militer pour que les toiles de coton dont on se charge dans les Echelles, continuassent de jouir à Marseille d’une exemption de droits absolue. Les députés de Marseille ont, en conséquence, demandé qu’il ne fut perçu à la destination de cette ville que 60 livres par quintal, au lieu de 75 livres sur les toiles de colon blanches étrangères, et 20 livres seulement, au lieu de 37 1. 10 s., sur celle du commerce de l’Inde. Daus ce cas, toutes les toiles de coton blanches, peintes ou teintes, passant de Marseille dans le royaume, acquitteraient le droit de 20 livres par quintal, droit qui, sur les toiles étrangères et de l’Inde, formerait un supplément suffisant à prévenir tout abus, et qui ferait payera celles du Levant, sous quelque forme qu’elles fussent présentées, l’impôt auquel on a voulu les assujettir. Voire comité croit, Messieurs, pouvoir vous propo.-er d’adopter cette mesure. Par elle, il est vrai, Marseille jouira d’une diminution de droits sur les toiles de coton blanches étrangères et de l’Inde qu’elle consommera; mais cetie diminution sera compensée par l’augmentation à laquelle elle sera assujettie lorsqu’elle voudra introduire daus le royaume les mêmes toiles, ou celles qui auront été peintes ou teintes à Marseille, sur ces deux espèces de toiles blanches. C’est pour parvenir à exécuter ces dispositions, que j’ai l’honneur de vous proposer, au nom de votre comité d’agriculture et de commerce, le projet de décret suivant : TITRE Ier. Des relations de Marseille avec l’étranger. Art. 1er. « Les maîtres, capitaines et patrons de bâtiments entrant dans le port de Marseille, ou en sortant, continueront de faire, à la douane nationale de ladite ville, dans les 24 heures de leur arrivée pour les navires entrant, et avant le départ pour ceux sortant, la déclaration de leur chargement, en observant, pour l’entrée, de distinguer par ladite déclaration les marchandises qui seront destinées à la consommation de Marseille, de celles que l’on voudra y mettre en entrepôt. « Si les bâtiments entrant dans le port de Marseille sont chargés de marchandises dont les unes soient destinées pour Marseille et les autres pour l’étranger, il sera fait des déclarations particulières relativement à chaque destination; et par rapport aux marchandises destinées pour l’étranger, il suffira, si l’entrée est permise, d’indiquer le nombre de caisses, balles ou ballots, leurs marques et numéros; mais, si elles sont prohibées, les espèces et quantités seront énoncées dans la déclaration; le tout à peine de confiscation desdites marchandises, et de 100 livres d’amende. » {Adopté.) Art. 2. « La déclaration des bâtiments devra être faite, quand même ils seraient sur leur lest. Les patrons des barques et autres bateaux pêcheurs en sont cependant dispensés dans ce cas et daus celui où ils seraient seulement chargés du produit de leur pèche, mais à condition qu’ils se placeront dans le port à l’endroit particulier qui leur est destiné, après avoir fait leur débarquement de poisson frais sur les quais ordinaires, voisins des marchés publics. » {Adopté.) Art. 3. « Toutes les prohibitions à l’entrée du royaume, ordonnées par la loi du 15 mars dernier, sur le tarif général, auront lieu à l’entrée du port et territoire de Marseille; sans cependant que les marchandises prohibées, chargées sur des bâtiments de 100 tonneaux et au-dessus, et ayant une destination ultérieure pour l’étranger, puissent être saisies. » {Adopté.) M. Meynier de Salinelles, rapporteur , donne lecture de l’article 4 ainsi conçu : « Le sucre, le café, le cacao, l’indigo, le thé, le savon, l’amidon, la poudre à poudrer, l’eau-de-vie de vin, la bière, les chairs salées, le poisson autre que le thon mariné, les huiles de poissons et les tabacs, dont l'importation est permise par la loi du 15 marsdernier,les cuirs tannés et corroyés, les ouvrages de cuirs, les chapeaux, ti-sus de laine, fil du chèvre, soie, coton, chanvre et lin, les cotons filés, autres que du Lev.mt, laines filées, bourres de soie cardées et filées, filo-selleset fleurets, plombs et étains laminés ou autrement ouvrés, le cuivre de toute sorte, le laiton, le bronze, l’airain, et tous autres métaux avec alliage, le soufre, les papiers, la verroterie, la cire blanche, la porcelaine, le liège ouvré, la mercerie, la quincaillerie, la bijouterie, tous autres ouvrages en or, en argent et en cuivre, ainsi que ceux de fer et d’acier, à l’exception des ca-41 lre Série. T. XXVIII.