[10 ùiail790.j [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. M. Barrère de 'Wleuïac. L’Assemblée doit se prononcer maintenant sur les cinq premiers articles du projet afin que, s’ils sont adoptés, on les remette tous dans l’ordre logique des idées. M. Camus. Tous ces articles ne sont nullement bons à décréter; ils sont inutiles et dangereux, ils tendraient à ramener les vexations qu’on a exercées sous prétexte que des propriétés particulières étaient des propriétés domaniales. J’observe, sur l’article 2, qu’il ne faut pas dire que les biens domaniaux sont réversibles à la couronne, car ils appartiennent à la couronne : j’ajoute qu’il ne faudrait pas même dire à la couronne, parce que le nation a ce qui appartient à la nation. L’article 3 tient à l’ancien régime. Vous vous rappelez l’affaire des alluvions de la Garonne. Une partie des objets mentionnés dans l’article appartient aux départements; un îlot qui se forme dans une rivière appartient au lieu où cet îlot s’est formé. Il faut du moins plus de clarté dans l’article, et distinguer ce qui appartient aux communautés de ce qui n’appartient à personne. Je ne vois dans l’article 3 que les successions vacantes par défaut d’héritiers qui doivent être conservées, et encore pourquoi dire au roi, et non pas à la nation ? Je demande donc l’ajournement de tous ces articles. (L’ajournement est prononcé.) M. Eiecouteulx de Canteleu, membre du comité des finances, fait le rapport qui suit au sujet des assignats. Messieurs, il y a deux millions de signatures à faire pour les assignats; chaque assignat doit porter deux signatures ; vos commissaires pensent qu’il faut nommer vingt signataires pour ce travail : à raison de trois mille signatures par jour, il ne pourra pas être achevé avant un mois. Je suis chargé de vous présenter le projet de décret suivant : « L’Assemblée nationale décrète qu’il y aura vingt personnes auxquelles sera attribuée la fonction de signer les assignats, et que le roi sera supplié de faire connaître, par une proclamation, les noms des signataires que Sa Majesté aura choisis. » Il nous a semblé que ces fonctions, donnant lieu à une espèce de comptabilité, appartiennent au pouvoir exécutif, et qu’aux termes de vos décrets vos commissaires ne peuvent pas en être chargés. Le projet du comité des finances est ensuite mis aux voix et adopté dans les termes qui suivent : « L’Assemblée nationale décrète que la fonction de signer les assignats sur les biens nationaux sera attribuée à vingt personnes, et que le roi sera supplié de faire connaître, par une proclamation, les noms des signataires que Sa Majesté aura choisis. » M. Ituffo de Léric, évêque de Saint-Flour, prie l’Assemblée de lui permettre de s’absenter pour un mois ou six semaines, pour affaires et à raison de santé; cette permission lui est accordée. M. le Président indique l’ordre du jour de demain. La séance est levée à deux heures. ASSEMBLÉ B .NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. THOURET. Séance du lundi 10 mai 1790, au matin (1). M. Palasne de Champeaux, secrétaire , donne lecture du procès-verbal de la séance d’hier, qui est adopté sans réclamation. M. Chabroud, secrétaire, donne communication à l’Assemblée : 1° d’une adresse du prieur claustral et des religieux de Notre-Dame de Mont-didier, relative aux biens ci-devant attachés à leur maison, et à des difficultés qu’ils éprouvent de la part du prieur co mmenda taire ; 2° d’une lettre des juifs résidant à Paris, à M. le président, dans laquelle ils demandent que l’Assemblée s’occupe séparément de leur sort, si des circonstances locales ne permettent pas d’étendre aux juifs de toutes les provinces du royaume le décret qui leur accordera les droits des citoyens. Cette dernière adresse est ainsi conçue : « Monsieur le président, « Les juifs résidant à Paris, pénétrés du plus profond respect pour tous les décrets de l’Assemblée nationale, attendent avec soumission le décret qui décidera de leur sort ; nous ne doutons pas, d’après le patriotisme, la sagesse et la justice de cette auguste Assemblée, qu’elle n’ho-nore tous les juifs du royaume des droits de l’homme et du citoyen; mais s’il y avait quelques difficultés dans certaines provinces pour donner aux juifs ce titre honorable, nous vous supplions de vouloir bien l’accorder aux juifs de Paris, qui ne soupirent et ne vivent que dans l’espérance d’être citoyens actifs et de suivre les lois de la nouvelle Constitution, renonçant à leurs anciens privilèges, suivant l’adresse qu’ils ont présentée à l’Assemblée nationale. Nous appuyons notre demande du vœu de MM. les représentants de la commune de Paris, ainsi que de cinquante-trois districts de la capitale, et nous osons croire que nous nous sommes rendus dignes de ce vœu par notre zèle pour la cause commune, depuis le commencement de cette heureuse Révolution. « L’Assemblée nationale va décréter un plan de municipalité particulier pour la ville de Paris; ne serait-ce pas une occasion favorable pour déclarer les juifs de Paris citoyens actifs, et laisserez-vous échapper, par cette occasion, de manifester votre justice et de donner à la ville de Paris une marque touchante de vos bontés en accueillant sa demande? Au reste, Monsieur, de quelque manière que l’Assemblée nationale prononce à notre égard, nous vous renouvelons le serment que nous avons eu l’honneur de prêter dans nos districts et sous nos drapeaux respectifs, que nous serons fidèles à la nation, à la loi et au roi, et que nous maintiendrons de toute notre fortune et jusqu’à la dernière goutte de notre sang la Constitution et les décrets de l’Assemblée nationale acceptés et sanctionnés par le roi. « Nous vous supplions, Monsieur le président, de vouloir bien faire lecture de notre adresse à l’Assemblée nationale. « Nous sommes, avec le plus profond respect, (1) Cette séance est incomplète au Moniteur. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [10 mai 1790. 453 Monsieur le président, vos très humbles et très obéissants serviteurs, « Signé : Frenelle, député; Weil, député; Luzarofacof, député. « Paris, ce 4 mai 1790. » L’Assemblée renvoie la première adresse à son comité ecclésiastique, et la seconde à son comité de Constitution. M. le Président annonce à l’Assemblée qu’il a présenté hier dimanche à la sanction du roi les décrets suivants : Décret du 8 mai. « Qui, en confirmant l’option faite par la ville d’Availle, la joint au département de la Vienne et au district de Givray. Décret dudit jour. « Qui confirme le choix des électeurs du département des Ardennes, et déclare la ville de Mé-zières chef-lieu, et celle de Charleville, chef-lieu de son district. Décret dudit jour. « Portant élargissement du sieur Le Corgne, sénéchal d’Aurav, et le déclarant habile à toutes les fonctions municipales. Ce même décret an-nulle l’élection des officiers municipaux faite à Auray; ordonne qu’il sera procédé à une nouvelle élection ; commet le maire d’Hennebon pour y procéder, et l’autorise à régler le montant de la contribution pour être citoyen actif. Décret dudit jour. « Tendant à déterminer les rapports des anciennes mesures avec les nouvelles, et à supplier Sa Majesté de donner des ordres pour que chaque municipalité remette au secrétaire de l’Académie des sciences un modèle Parfaitement exact des poids et mesures élémentaires qui sont en usage; portant, en outre, que Sa Majesté sera suppliée d’écrire à Sa Majesté Britannique pour qu’elle veuille bien engager le parlement d’Angleterre à concourir avec l’Assemblée nationale à la fixation de l’unité naturelle de mesures et de poids. Décret dudit jour. « Tendant à savoir s’il convient de fixer invariablement le titre des métaux monnayés, de manière que les espèces ne puissent jamais éprouver d’altération que dans le poids. Décret du 9 mai. « Portant exécution jusqu’au 11 novembre de la présente année des baux passés aux sieurs Kurcher et Braun, et autres particuliers de la Lorraine allemande, du droit connu en Lorraine sous la dénomination de droit de troupeaux à part. Décret dudit jour. « Portant confirmation de l’élection des maire et procureur de la commune de Saint-Sulpice-le-Châte!, faite le 7 et 14 février dernier; portant, en outre, que, pour cette fois, l’assemblée primaire, qui devait se tenir dans ladite paroissse de Saint-Sulpice, se tiendra dans celle de Bona. Décret dudit jour. « Portant que les invalides détachés recevront, à compter du 1er mai présent mois, l’augmentation de solde que l’Assemblée nationale a décrétée pour l’armée. » M. l’abbé Gouttes, en cédant la place de président de l’Assemblée à M. Thouret, nouveau président proclamé à la séance du soir de samedi dernier, dit : « Messieurs, « Trop faible pour soutenir le fardeau qui m’avait été imposé, j’avoue que c’est à vos bontés et à votre indulgence que je dois le peu de succès que je puis avoir eu dans la place éminente à laquelle vous m’aviez élevé. Vous aviez voulu, Messieurs, honorer en moi la religion dont je suis le ministre, et détruire par votre choix les mauvaises impressions que les méchants jetaient contre vous dans le public, en vous accusant de vouloir la détruire dans le temps que vous combliez d’honneur ses ministres précieux jadis si méprisés, et que vous vous occupiez à leur procurer à tous une honnête subsistance dont ils avaient été si longtemps privés. « Ils ont voulu faire croire au peuple que dépouiller des ministres trop riches des biens qu’ils possédaient, et dont la plupart faisaient un si mauvais usage, c’étaient attaquer et détruire la religion, et la motion de Dom Gerle n’a été que le prétexte dont ils se sont servis pour cela, comme si la religion ne s’était pas établie sans le secours des richesses, comme s’il était au pouvoir des hommes de détruire et faire perdre cette religion qui s’est établie malgré les oppositions des hommes et leurs passions; que dis-je? malgré tous les efforts de l’enfer irrité, comme si la pureté de sa morale et les vertus de ses ministres n’étaient pas les seuls moyens que Dieu a employés pour l’établir, et les seuls capables de la faire respecter et triompher sur toute la terre. « Vos vues, Messieurs, ont été remplies en partie ; différentes lettres que j’ai reçues de plusieurs provinces en sont la preuve ; Dieu veuille que vos intentions mieux connues produisent partout le même effet, y rétablissent le calme et la tranquiiité si nécessaire au bien public, et n’interrompent point vos glorieux travaux ! » M. Thouret prend place et dit : « Messieurs, « Le nouveau témoignage de confiance dont vous m’honorez m’impose l’obligation d’un surcroît de zèle et de dévouement au service de l’Assemblée. En vous offrant tout ce que je puis, j’ose vous demander non seulement votre indulgence,