343 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [5 octobre 1789.] Une condition positive et dont je ne rtfë départi-j rai jamais, c’est que, par le résultat général §e! 1 vos délibérations, le pouvoir exécutif ait son ëtt-;tier effet entre les mains du monarque. Une sftite ;de faits et d’observations, dont le tableau sérn'fliis ' sous vos yeux, vous fera connaître que, dans l’Ordre actuel des choses, je ne puis protéger éffica-cernent, ni le recouvrement des impositions légales, ni la libre circulation des subsistances, ni la sûreté individuelle des citoyens. Je veux cependant remplir ces devoirs essentiels de la royauté : . le bonheur de mes sujets, la tranquillité pubii-' que et le maintien de l’ordre social en dépendent. Ainsi, je demande que nous levions en commun tous les obstacles qui pourraient contrarier une fin si désirable et si nécessaire. ; « Vous aurez sûrement pensé que les institutions et les formes judiciaires actuelles ne pouvaient éprouver de changements qu’au moment où un nouvel ordre de choses leur aurait été substitué ; ainsi je n’ai pas besoin de vous faire aucune observation à cet égard. « Il me reste à vous témoigner avec franchise que si je donne mon accession aux divers arti-clés constitutionnels que vous m’avez fait remettre, ce n’est pas qu’ils me présentent tous indistinctement l’idée de la perfection ; mais je crois qu’il est louable en moi de ne pas différer d’avoir égard au vœu présent des députés de la nation, et aux circonstances alarmantes qui nous invitent si fortement à vouloir, par-dessus tout, le prompt rétablissement de la paix, de l’ordre et de> la confiance. « Je ne m’explique point sur votre déclaration des droits de l’homme et du citoyen : elle contient de très-bonnes maximes, propres à guider vos travaux; mais des principes susceptibles d’applications, et même d’interprétations différentes, ne peuvent être justement appréciés, et n’ont besoin de l’être qu’au moment où leur véritable sens est fixé par les lois auxquelles ils doivent servir de première hase. » Signé : LOUIS. ; L’Assemblée décide que cette réponse sera im-; primée à la suite de tous les décrets et des articles auxquels le Roi promet accession. M. le Président avertit l’Assemblée que la nouvelle composition des bureaux est terminée, mais que, pour ne pas perdre de temps, chaque membre en prendra connaissance au secrétariat. On allait reprendre l’ordre du jour, c’est-à-dire la rédaction du décret sur l’imposition du quart des revenus, lorsque M. Muguet a changé la délibération, en demandant la parole sur la réponse du Roi. M. Aluguet de Nanthou. Rappelez-vous les intentions de vos commettants, lorsqu’ils ont exigé qu’aucun impôt ne fût accordé avant la Constitution. Vous pouvez aujourd’hui en faire l’application aux circonstances. Quelle réponse ambiguë et insidieuse vous venez d’entendre 1 , Ce n’est pas là la réponse que la nation avait ; droit d’attendre : elle fait entrevoir que cette Constitution pourrait être altérée par la suite. Si nous accordons au Roi le droit de la modifier, n’est-ce pas lui donner celui de la refuser? s’il eut la changer j ne pourra-t-il pas la détruire ? ette faculté anéantit la liberté, consacre le despotisme. La déclaration des droits expose ceux de tous les hommes et de toutes les nations : cës principes sont indestructibles ; ils sont inattaquables. Le Roi ne peut que les reconnaître dès qu’ils sont présentés. 11 faut donc lui en demander sur-le-champ une acceptation pure et simple. La contribution extraordinaire doit être le prix de notre liberté ; il faut donc que notre liberté soit assurée sans retard. • ' Je propose de continuer le travail de la Constitution et d’arrêter que le décret proposé par le premier ministre des finances n’aura son exécution, et que la contribution né sera payée qu’après la Constitution acceptée. M. Robespierre. La réponse du Roi est destructive, non-seulement de toute Constitution, mais encore du droit national à avoir une Constitution, On n’adopte les articles constitutionnels qu’à une condition positive : celui qui peut imposer une condition à une Constitution a lé droit d’empêcher cette Constitution ; il met sa volonté au-dessus du droit de la nation. On vous dit que vos articles constitutionnels ne présentent pas tous Vidée de la perfection; on ne s'explique pas sur la déclaration des droits ; est-ce au pouvoir exécutif à critiquer le pouvoir constituant, .de, quiil émane? Il n’appartient à aucune puissance de la terre d’expliquer des principes, de s’élever au-dessus d’une nation, et de censurer ses volontés. Je considère donc la réponse du Roi comme contraire aux principes, aux droits de la nation, et comme opposée à la Constitution. Tout vous fait assez connaître que lés, ministres veulent rivaliser d’autorité avec la nation : on a sanctionné vos arrêtés, les uns par un arrêt du conseil, avec les formes anciennes du despotisme, car tel est notre bon plaisir , etc. ; un autre est transformé en règlement, et le Roi fait des lois sans vous, tandis que vous n’en pouvez faire sans lui. Vous n’avez d’autre moyen d’éviter les obstacles qu’en brisant les obstacles. Quelle espèce de religion y a-t-il donc à couvrir les droits de là nation d’un voile qui ne sert qu’à favoriser les atteintes qu’on voudrait leur porter % Il faut examiner franchement s’il est une puissance humaine qui puisse opposer aucun obstacle à la Constitution qu’un peuple veut se donner : si le veto suspensif doit porter sur les actes d’une Convention nationale, il faut régler la formule de l’ acceptation de ces actes et celle de la sanction pour les actes des législatures ordinaires. M. Bouche, après avoir démontré la différence qui se trouve entre le décret sur les subsistances et le règlement donné à la suite par le pouvoir exécutif, sorte d’usurpation de l’autorité législative, s’écrie : où est le législateur ? Est-ce le monarque? est-ce vous? 11 propose un projet d’arrêté qui est ainsi conçu : « La déclaration des droits de l’homme en société et la Constitution seront acceptées par le monarque avant qu’aucun impôt soit accordé par la nation. La Constitution étant achevée, le mo-marque se rendra dans le sein de l’Assemblée nationale ;là il jurera pour lui et ses successeurs au trône de France, l’observation de la déclaration des droits de l’homme en société et de la Constitution. Le serment prêté, l’Assemblée nationale prêtera le sien pour la nation en présence du monarque, pour former la réciprocité entre deux parties, dont l’une doit jurer de gouverner et l’autre d’obéir conformément aux lois. »