[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [23 septembre 1789.] 125 M. le Président invite plusieurs comités à se réunir dans la journée', il indique la séance du soir pour 7 heures et lève la séance du matin. Séance du mercredi 23 septembre 1789, au soir. M. le Président instruit l’Assemblée de plusieurs dons faits à la caisse patriotique et en particulier d’une lettre de M. Buis qui envoie 600 livres en trois primes de l’emprunt du 29 octobre 1780; d’une seconde lettre de M. Desvernay, curé de Villefranche et membre de cette Assemblée, qui fait hommage de tout ce qui excédera douze cents livres dans le traitement qu’on lui a assigné ; d’une troisième lettre des comédiens italiens ordinaires du Roi, qui ont envoyé une soumission de 12,000 livres payables dans le courant du mois d’octobre; d’une quatrième lettre d’un de MM. les députés d’Alsace, qui a envoyé une soumission de 4,000 livres payables en un mois; d’un envoi de 120 livres fait par M. Despaux, chirurgien-dentiste à Paris ; et enfin d’une autre lettre des sieurs Rousseau et frères, rôtisseurs et traiteurs à Versailles, qui ont envoyé une somme de 24 livres. M. Treilhard, un des membres du comité des affaires ecclésiastiques, fait un rapport sur le remplacement des dîmes appartenant aux ecclésiastiques et gens de main-morte. Le rapporteur dit que les dîmes ecclésiastiques abolies les 4 août et jours suivants, ne l’ont été que sauf à pourvoir d’une autre manière aux frais du culte divin et autres objets énoncés dans l’arrêté, en sorte qu’il en résulté qu’elles n’ont pas été abolies sans remplacement. Le premier moyen de remplacement devrait être tiré des bénéfices qui sont aux économats, moyen insuffisant; le second devrait être trouvé dans le titre des bénéfices qui ne sont pas nécessaires et qui viendront à vaquer; le troisième se trouve dans les biens monastiques. M. Treilhard pense qu’il ne faut pas supprimer d’ordre entier, parce que les pensions des membres de ces ordres absorberaient tous les revenus, mais qu’on doit seulement faire refluer les religieux de plusieurs maisons moins considérables, dans un certain nombre de maisons du même ordre, alors on pourra disposer des biens des maisons évacuées ; mais jusqu’à quel point trouvera-t-on des ressources dans ces opérations? On ne pourra le savoir qu’en se procurant la connaissance de tous les biens ecclésiastiques. C’est pour pourvoir à ces connaissances préliminaires que le comité ecclésiastique propose le projet d’arrêté suivant : « L’Assemblée nationale autorise le comité des affaires ecclésiastiques à se procurer tous les renseignements nécessaires sur les dîmes et sur les biens ecclésiastiques. » (Cette partie du rapport est adoptée.) M. Treilhard proposait en outre : 1° Qu’il sera fourni par le directeur des économats un état exact de tous les bénéfices étant actuellement aux économats, de tous leurs revenus, de toutes les charges dont les économats peuvent être grevés, même des états des revenus de tous les bénéfices consistoriaux qui ont été aux économats ; 2° Que le Roi sera instamment supplié de suspendre la nomination à tous bénéfices étant à sa disposition, autres toutefois que les évêchés et bénéfices à charge d’âmes et à résidence, et les bénéfices simples dont le revenu est au-dessous de 3,000 livres ; 3° Qu’il sera fourni par les administrations provinciales, municipalités, chambres ecclésiastiques, syndics des diocèses, procureurs généraux, archevêques, évêques, chefs d’ordres et supérieurs de maisons, un état exact de tous les titres de bénéfices, établissements ecclésiastiques, hôpitaux, collèges, séminaires et communautés étant dans leur ressort, avec un état de tous les revenus desdits bénéfices et établissements ainsi que des charges dont lesdits revenus et notamment les dîmes peuvent être grevés; 4° Toute personne qui peut avoir des connaissances particulières sur la valeur des biens ecclésiastiques est invitée à les fournir. 5° Enfin l’Assemblée nationale charge le comité des affaires ecclésiastiques de suivre avec soin l’exécution du présent arrêté. L’Assemblée ne statue rien sur ces cinq articles. M. Treilhard n’insiste pas pour que la discussion continue. M. le Président fait donner lecture du décret sur la gabelle, adopté le lundi 21 septembre, et qui a été renvoyé au comité de rédaction. Après avoir rejeté divers amendements, l’Assemblée décrète ce qui suit : DÉCRET. L’Assemblée nationale, prenant en considération les circonstances publiques relatives à Ja gabelle et autres impôts, et les propositions du Roi, énoncées dans le rapport du premier ministre des finances, du 27 août dernier; considérant que par son décret du 17 juin dernier, elle a maintenu dans la forme ordinaire la perception de toutes les impositions qui existent, jusqu’au jour de la séparation de l’Assemblée, ou jusqu’à ce qu'il y ait été autrement pourvu; considérant que l’exécution de ce décret importe essentiellement au maintien de l’ordre public et à la fidélité des engagements que la nation a pris sous sa sauvegarde; voulant néanmoins venir, autant qu’il est en elle, au secours des contribuables, en adoucissant dès à présent le régime des gabelles, Elle a décrété et décrète ce qui suit : Art. 1er. Les administrations provinciales, les juridictions et les municipalités du royaume, tant dans les villes que dans les campagnes, veilleront aux moyens d’assurer le recouvrement des droits subsistants, que tous les citoyens seront tenus d’acquitter avec la plus grande exactitude; et le Roi sera supplié de donner les ordres les plus exprès pour le rétablissement des barrières et des employés, et pour le maintien de toutes les perceptions. Art. 2. La gabelle sera supprimée aussitôt que le remplacement en aura été concerté et assuré avec les assemblées provinciales. Art. 3. Provisoirement, et à compter du 1er octobre prochain, le sel ne sera plus payé que trente livres par quintal, poids de marc, ou sia: sous la livre de seize onces, dans les greniers de grande et petite gabelle. Les provinces qui payent le sel un moindre prix, n’éprouveront aucune augmentation. Art. 4. Les règlements qui, dans plusieurs villes, bourgs et paroisses des provinces de grande gabelle, ont établi le sel d’impôt n’auront plus lieu, à compter du 1® janvier prochain. Art. 5. Les règlements qui, dans les mêmes provinces, ont soumis les contribuables imposés à plus de trois livres de taille ou de capitation, à lever annuellement, dans les greniers de leur ressort, une quantité déterminée de sel, et qui leur ont défendu de faire de grosses [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [23 septembre 1789.] salaisons sans défelateUion, n’aüroüt plus lieu également, à compter du 1er janvier prochain. Art. 6. Tout habitant des provinces de grande gabelle jouira, comme il en est Usé dans celles dé petite gabelle, et dans celles de gabelle locale, de la liberté des approvisionnements du sel nécessaire à sa consommation, dans tels greniers ou magasins de sa province qu’il voudra choisir. Art. 7. Tout habitant pourra appliquer à tel emploi que bon lui semblera, soit de menues, soit de grosses salaisons, le sel qu’il aura ainsi levé ; il pourra même faire à son choix les levées, soit aux greniers, soit chez les regratiers. Il së conformera, pour le transport, aüx dispositions dü règlement, qui ont été suivies jusqu’à présent. Art. 8. Lèâ saisies domiciliaires sont abolies et supprimées. Il est défendu aux employés ët commis des fermes de s’introduire dans les maisons et lieux fermés, et d’y faire aucunes recherches ni perquisitions. Art. 9. Les amendes prononcées contre les faüx-sau-niers coupables du faux-saünage, et non payées par eux, ne pourront plus être converties en peines afflictives ; et quant aux faux-sauniefs en récidive, les lois qui les soumettent à une procédure criminelle et à des peines afflictives, sont également révoquées ; ils . ne pourront être condamnés qu’à des amendes doubles de celles encourues pour le premier faux-saunage. Art. 10. Les commissions extraordinaires et leurs délégations, en quelques lieux qu’elles soient établies pour connaître de la contrebande, sont dès à présent révoquées; en cOhséquéncé les contestations dont lesdites commissions éonnàissent, seront portées par devant les tribunaux qui en doivent connaître. L’Assemblée charge M. le président de présenter incessamment le décret à la sanction royale. Sur le rapport du comité des vérifications de Souvoirs, M. Gillon a été adtnis à la place de Deulnau, député des communes du bailliage de Verdun, qui a dottné sa démission. Ensuite des détails donnés par un membre du comité des rapports, sur une lettre du sieur Roussel, doyen des conseillers du bailliage d’Epinal, qui demande la marche qu’il doit suivre dans les procédures contre les perturbateurs du repos public, l’Assemblée décide que M. le président adressera au sieur Roussel un exemplaire du décret du 10 août relatif à la tranquillité publique. Sur un troisième rapport fait par un membre du comité des recherches, touchant les réclamations d’un citoyen accusé d’avoir tenu des propos séditieux, l’Assemblée nationale décrète que ce citoyen étant détenu dans les prisons de Troyes, et les juges ordinaires nantis de la procédure , il n’y a pas lieu à délibérer. M. le premier ministre des finances instruit l’Assemblée qu’il d ordre du Roi dé venir rendre compte de la situation des finances, et demande l’heure qui convient à l’Assemblée. M. le président est autorisé à Répondre à ce ministre, que l’Assemblée l’entendra demain dans la matinée. M. le président lève la séance. ANNEXE h la séance de l’Assemblée nationale du 23 septembre 1789. Nota. Dans la séance du 23 septembre, M. le chevalier de Ricard, remit au président de l’Assemblée nationale, une motion relative à l’organisation de la foHe publique. Oétte motion ayant été distribuée à toüs les députés doit naturellement trouver, sa place à la suite de la séance dans laquelle elle a été présentée. M. de Ricard. Nous proposerons que dans tout le royaume une force nationale, prudemment dirigée paf des règlements uniformes et distribuée dans de justes proportions, assure les bienfaits de la paix et des lois; nous demanderons que l’armée soit solidement constituée; que l’examen de notre situation actuelle locale et politique, combinée avec une sage économie, détermine sa formation et son entretien; que pendant la paix, ses corps se recrutent eux-mêmes, répondent de ce qu’ils doivent être ; qu’au premier signal de la guerre, de nouveaux corps d’une milice réglée, préparés, mais toujours inférieurs par le nombre aux troupes disciplinées qui les attendront, soient promptement à portée d’apprendre d’elles, en les imitant, quels sont les vrais principes qui doivent disposer de la valeur; qu’une prévoyante organisation dans l’intérieur de l’Etat, remplace sur-le-champ, par une nouvelle milice également préparée à l’avance, celle qui aura joint les drapeaux des anciennes bandes françaises et que cette armée, toujours entretenue par la volonté et le courage des citoyens, puisse s’augmenter et se fortifier sans cesse quand les hôpitaux et les combats affaibliront ses ennemis. Ces premières Réflexions annoncent tout le système de cet écrit. SECTION PREMIÈRE. PRINCIPES de l’organisation dë la force PUBLIQUE. Les lois déterminent et prescrivent les rapports de toute espèce entre les citoyens, afin qu’ils jouissent tous de la plus grande somme de bonheur à laquelle ils ont droit de prétendre. C’est pour maintenir les lois que les gouvernements doux et modérés sont institués. Le gouvernement ne fait point la loi, mais son devoir est d’en maintenir l’exécution par l’usage de tous les moyens qui sont de son essence. Le pouvoir qu’il exerce est le pouvoir exécutif. Les moyens dont il se sert sont de plusieurs sortes. Au nombre de ces moyens, sont ceux qui naissent de la persuasion, de la volonté libre et de l’amour de l’ordre, la morale les donne, et la raison les emploie. Si la raison était toute-puissante, si les intérêts particuliers, les préjugés et les passions ù’agis-saient point oü n’agissaient que faiblement, ces moyens moraux seuls donneraient aux gouvernements la force coactive suffisante au bonheur des sociétés qulls dirigent. Ces moyens ne sont pas suffisants ; mais ils sont infiniment utiles quand lé gouvernement se sert de leurs invisibles ressorts etqu’il saitles employer avec sagesse et persévérance. Ces moyens agissant sur le sentiment intime et sur les eoüsciences sont pris dans la religion et les mœurs. Le respect pour les décrets de l’Etre suprême tels qu’ils se font entendre dans le fond de nos cœurs, l’obéissance au cuite établi, la décence dés mœurs soumises à des règlements publics, décence qui n’étant même qu’extérieure, adoucissant les âmes et les assujettissant par le pou-