SÉANCE DU 16 BRUMAIRE AN III (6 NOVEMBRE 1794) - N08 40-41 473 plus longtemps des Jacobins. Si, chaque fois qu’on avance un fait à cette tribune, tous les citoyens venaient en demander compte, il faudrait les entendre tous, décréter l’insertion au Bulletin de toutes leurs pétitions. Je demande l’ordre du jour. L’ordre du jour est adopté (129). 40 Le citoyen Mangin, architecte, fait offre de plans pour l’embellissement de Paris. Mention honorable, renvoyé au comité de Salut public (130). 41 La discussion est reprise sur la loi relative aux émigrés, article de la pénalité du crime d’émigration. ESCHASSERIAUX : Avant de vous proposer des dispositions pénales contre la complicité avec les émigrés, je crois devoir vous présenter, pour les motiver, quelques observations essentielles sur les différents cas qui constituent cette complicité. Parmi ceux auxquels vous avez reconnu ce caractère, il en est dont les nuances ne doivent point échapper au législateur, qui doit toujours peser dans la balance de l’équité les peines qu’il prononce. En effet, si l’on considère le but de l’action dans laquelle réside cette complicité, on sentira qu’il existe réellement entre les complices des émigrés une différence qui doit également s’étendre aux peines que doit leur appliquer la loi. Ceux, sans doute, qui ont pris une part active aux complots des émigrés, qui leur ont fourni des secours, ou porté des citoyens à se joindre à ces perfides et scélérats ennemis de la République, doivent être associés à leurs peines, comme ils l’ont été à leurs forfaits ; mais en doit-il être ainsi de ceux qui n’ont eu, dans leurs relations avec les émigrés, que l’intention de les soustraire au châtiment qui leur est réservé? On ne peut se dissimuler la gravité de leur délit; mais lorsqu’il s’agit de l’application de la peine, on reconnaitra aisément qu’il est entre les délits des uns et des autres une différence bien marquée, et que les motifs de ceux qui ont réellement secondé et favorisé les projets des émigrés doivent être jugés sous un (129) Moniteur, XXII, 442. Ann. Patr., n° 675; Ann. R. F., n° 46; C. Eg., n° 810; Mess. Soir, n° 811; J. Fr., n° 772; M. U., XLV, 270-271 ; F. de la RépubL, n° 47; J. Perlet, n° 774; Rép., n° 47 ; J. Paris, n° 47 ; J. Mont., 24 ; J. Univ., n° 1807 ; Gazette Fr., n° 1039. (130) P.-V., XL EX, 14. autre rapport que ceux qui ont déterminé l’action qui constitue la complicité des autres. Pour fixer à cet égard vos idées, je pense qu’il suffira de vous rappeler que vous avez reconnu cette différence en ne prononçant, dans la loi du 28 mars 1793, que la peine de quatre années de fers contre ceux qui auraient favorisé la rentrée d’un ou plusieurs émigrés sur le territoire de la République. De là naturellement on doit induire que votre intention n’est pas, si vous jugez que cette disposition doive être maintenue, d’en séparer des cas qui lui paraissent analogues. En effet, recéler un émigré ou favoriser sa rentrée sur le territoire de la République ne sont-ils pas des délits identiques qui concourent évidemment au même but, celui d’atténuer les dispositions pénales de la loi à l’égard de l’émigré, et ne s’ensuit-il pas par cela même qu’il doit y avoir parité ou au moins approximation de peines pour ces mêmes délits? C’est d’après ce rapprochement que j’ai cru, avec les membres qui composent la commission chargée de la révision de la loi sur les émigrés, devoir vous proposer de décréter une semblable peine contre ceux qui seraient convaincus de cette espèce de complicité avec les émigrés. Quant à ceux qui ont fabriqué de faux certificats, leur délit a dû paraître beaucoup plus grave, en ce qu’il soustrait en même temps à la loi et la personne et les biens de l’émigré, et c’est sous ce rapport qu’il a été jugé convenable de donner plus d’intensité à cette peine. Au reste, si, dans le projet qui vous a été présenté, l’opinion de la commission n’était pas celle que je vous soumets en ce moment, c’est qu’elle se trouvait alors obligée de la subordonner à une loi funeste, celle du 22 prairial, qui frappait indistinctement de la même peine tous les délits qui ont trait à la révolution; mais cette loi n’existant plus, vous jugerez sans doute qu’il est de votre sagesse de revenir aux principes que vous avez déjà consacrés, en reconnaissant qu’une loi qui prononce des peines disproportionnées aux délits est presque toujours illusoire, en même temps qu’elle excède les bornes d’une juste sévérité. Plusieurs membres ajoutent des observations à celles du rapporteur. Les articles suivants sont décrétés (131). La discussion se reprend sur la loi concernant les émigrés; les articles sui-vans sont décrétés. Titre IV. Peines contre les émigrés et leurs complices. Section première. Article premier. - Les émigrés sont bannis à perpétuité du territoire français et leurs biens sont acquis à la République. (131) Moniteur, XXII, 471-472.