696 [Assemblé# nationale.! ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [1 0 août 1790.] M. Malonet. Je crois qu’il est dangereux de s’en tenir à une simple improbation et qu'il faut nécessairement donner une réparation aux ministres étrangers. La municipalité aurait dû au moins consulter son district, avant de commettre cette imprudence, avant de violer le secret de la poste. Je conclus à ce que la municipalité soit ou blâmée, ou suspendue, ou mandée à la barre. M. Martineau. Il faut, en tous cas, rappeler aux municipalités le principe de l’inviolabilité des lettres et de la liberté des courriers. Ces divers amendements sont fondus dans le décret qui est rendu en ces termes : < L’Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité des recherches, considérant que le secret des lettres est inviolable, et que, sous aucun prétexte, il ne peut y être porté atteinte, ni par les individus, ni par les corps, décrète : « Qu’elle improuve la conduite de la municipalité de Saint-Aubin, pour avoir ouvert un paquet adressé à M. d’Ogny, intendant général des postes, et plus encore, pour avoir ouvert ceux adressés au ministre des affaires étrangères et aux ministres de la cour de Madrid. « SUe charge son Président de se retirer devers le roi, pour le prier de donner les ordres nécessaires, afin que le courrier porteur de ces paquets soit mis en liberté, et pour que le ministre du roi soit chargé de témoigner à M. l’ambassadeur d’Espagne les regrets de l’Assemblée de l’ouverture de ses paquets. » M. le Président annonce que le comité des rapports s’est occupé de l’affaire de Saint-Lau-trulet et qu’il est prêt à en rendre compte. L’Assemblée décide qu’il sera entendu ce soir. M. le Président. L’ordre du jour est la suite de la discussion sur l’ordre judiciairs. Titre VIL Du ministère public. M. Bouchotte. L’intérêt public doit seul décider la question qui vous est soumise, et tout le monde sait que l’intérêt public est composé de l’intérêt particulier. Comment concilier les fonctions de juge et celles d’accusateur, et conserver l’impartialité du juge? Le coupable doit toujours penser que le juge ne cherche point à aggraver la peine; mais s’il devient une fois son accusateur, il peut avoir des craintes, et je conçois qu’elles sont légitimes. Un pareil usage était effectivement consacré chez les Romains. Mais dans quel temps, je vous le demande? c’était lorsque des despotes insolents leur dictaient des lois. Le crime est la violation de la loi. Celui qui est chargé du pouvoir exécutif doit avoir le droit de se plaindre, lorsqu’elle est violée, sans quoi il lui manquerait une partie essentielle de ses fonctions; mais s’il est obligé de poursuivre la loi' violée, la société a encore un droit bien plus indispensable; elle doit exercer ce droit, et c’est là le motif du décret que je vais vous proposer. — - Les commissaires du roi doivent intenter les accusations publiques; la société a aussi le droit de nommer des accusateurs particuliers, les plaintes seront faites à la requête du commissaire national et du commissaire royal; celles qui seront communiquées à l’un devront aussi l’être à l’autre. — Le commissaire du roi ne pourra se désister que de l’avis du commissaire national. M. Prugnon. L’homme du roi, dépouillé de l’accusation publique, ne serait plus le ministère public. La société entière repose sur sa vigilance. L’accusation publique doit reposer dans les mains du dépositaire de la force publique, ce serait l’annihiler que de la lui refuser. Ce sont là des conventions éternelles qui ont leur racine dans l’essence même des choses. Pour être accusateur, il faut être imposant : quelle consistance pourrait avoir un juge qui ne serait pas sûr du lendemain? Quelle confiance pourrait-on avoir en un homme qui descendrait de son siège pour accuser, et qui y remonterait pour juger? Je ne crois pas qu'il y ait des têtes où ces deux idées puissent se concilier. On nous a répété jusqu’à satiété les dangers de l’accusation publique confiée à l’officier du roi; mais l’institution des jurés remédie à tous les inconvénients. Dans les grandes occasions ce sera le peuple qui jugera, ce sera lui qui forcera les mains au tribunal dénonciateur. N’a-t-on pas vu le peuple forcer un tribunal à condamner l’homme le plus juste? N’est-ce pas lui qui a étendu Galas sur la roue? Je ne veux pas de despotisme, pas même de celui de la beauté. En resserrant mes idées, je dis que si l’on ne délègue pas au roi l’accusation publique, ce sera une sentinelle désarmée. Je demande donc qu’elle lui soit attribuée. M. Chabroud. Mon opinion ne diffère pas de celle que vous a exposée hier M. de Beaumetz. Je pense, comme lui, que tuut citoyen actif a le droit de se rendre accusateur, tout citoyen l’avait dans l’ancien régime; ce n’est pas à cet égard que l’on doit innover; mais alors on était réduit à l’exercer dans l’obscurité. A l’avenir, il n’y aura de suspect que l’obscurité; l’esclave délateur se cachait, l’homme libre accusera le front levé. Voilà le premier bien qui résultera du décret proposé par M. de Beaumetz. Mais tous les délits ne provoqueront pas un accusateur privé. Il faut donc qu’il existe un ministère chargé de la poursuite, et la question est toujours de savoir à qui l’on doit le confier. Je ne connais qu’un guide dans la discussion de cette question , c’est l’intérêt du peuple : l’intérêt du peuple est qu’une grande action soit établie, pour prévenir ou réprimer la violation des lois et de l’ordre général. Je dis qu’on ne peut attendre cette grande action que du roi, et je conclus que la poursuite des accusations doit être confiée au roi. Voici l’ordre de mes idéps : 1° le système du comité, et en général tout autre moyen que la délégation du roi, est contraire aux principes et insuffisant; 2° la délégation au roi n’a aucune espèce de danger. Le comité propose que la poursuite des accusations publiques soit confiée aux juges; que, dans chaque tribunal, l’un d’eux, désigné par ses collègues, en soit annuellement chargé. Il me seu ble que le comité nous jetie bien loin des idées naturelles; ainsi donc l’homme dans lequel le peuple a mis sa confiance pour les jugements sera détourné vers d’autres fonctions; ainsi le juge descendra du tribunal pour devenir partie; ainsi, dans ce tour de rôle de fonctions réciproques, on devra craindre que la volonté des juges ne crée l’accusation, ou que la volonté de la partie ne dicte l’instruction sur le jugement qui en est la suite. Je dis que le comité vous propose une confusion monstrueuse de ministres. Je n’aurais pas vu, sans peine, dans l’ancien régime, les juges et les officiers du ministère public réunis dans les mêmes compagnies. J’avais eu des occasions d’observer, dans le rapport étroit qui liait ces officiers, l’influence inquiétante des juges sur .