[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [5 septembre 1791.] 2J7 la jurisprudence des tribunaux ; cette jurisprudence est très versatile et, d’un autre côté, la loi romaine suivie dans les pays de droit écrit et qui permet à un testateur d’imposer à celui qui fait l’objet d’un don ou d’un legs la condition de ne pas épouser telle ou telle personne, sous peine d’exhérédation, est impolitique, immorale et propre à éterniser les haines dans les familles. Le décret qui l’abrogera sera reçu avec transport; il est temps enfin d’annuler ces clauses barbares qui violent les lois les plus douces de la nature et d’avoir une loi uniforme et générale pour tout le royaume. La seule modification qui pourrait être apportée dans l’article proposé consisterait dans la substitution du mot « est réputée », au mot : « sera réputée ». M. Martineau. Je demande la parole. Plusieurs membres à droite appuient M. Martineau. M. Ooupillean. Les lois anciennes étaient si obscures, qu’il s’élevait à cet égard une multitude de procès longs et ruineux. C’est pour remédier surtout à ces inconvénients que l’article soumis à votre délibération vous a été présenté. M. Martineau. Je demande au moins que vous ne compreniez pas dans l’article le droit qu’a évidemment un père de défendre à son enfant d’épouser une femme qui pourrait faire son malheur, une femme perdue de mœurs. {Murmures.) Sans cela, vous anéantissez l’autorité paternelle, à laquelle vous avez déjà porté trop d’atteintes. MM. Le Boys-Desguals et Lanjuinais représentent combien l’esprit de la Constitution exige l’adoption delà mesure proposée par M. Bar-rère. M. Loys. La proposition de M. Martineau ne porte aucune atteinte à la liberté civile de l’héritier ou du donataire; car s’il lui était interdit d’épouser une telle, il pourrait trouver, pour satisfaire son goût, d’autres personnes. {Murmures.) Quand un ci-devant noble empêcherait son fils d’épouser une telle roturière, cela ne l’empêcherait pas d’épouser une autre roturière quelconque. Je le demande à tout honnête homme, si un joune� homme de 18 à 20 ans, à cet âge on prend goût à tout, venait au Palais-Royal faire une conquête, ne serait-il pas permis à son père... (Rires et murmures.) Plusieurs membres : Aux voix ! aux voix! (La discussion est fermée.) L’article proposé par M. Barrère-Vieuzac est mis aux voix, avec l'amendement de M. Roger, dans les termes suivants : « L’Assemblée nationale, après avoir entendu ses comités de Constitution et d’aliénation, décrète que toute clause impérative ou prohibitive qui serait contraire aux lots ou aux bonnes mœurs ; ui porterait atteinte à la liberté religieuse du onataire, héritier ou légataire; qui gênerait ta liberté qu’il a, soit de se marier même avec telle personne, soit d’embrasser tel état, emploi ou profession, ou qui tendrait à le détourner de remplir les devoirs imposés, et d’exercer les fonctions déférées par la Constitution aux citoyens actifs et éligibles, est réputée non écrite. » (Ce décret est adopté après une épreuve douteuse.) M. le Président. La parole est à M. deNoailles, à qui l’Assemblée a décidé samedi dernier qu’elle serait accordée pour énoncer son opinion sur les mesures définitives prises contre les ennemis extérieurs et sur les dispositions des puissances étrangères relatives à la France. M. de Hoailles. La Constitution est achevée ; ses principes doivent désormais diriger nos mouvements sociaux ; il est temps de faire régner une pleine sécurité dans nos villes et dans nos campagnes; il est temps enfin que la volonté nationale, déclarée par ses représentants, ne puisse plus être éludée, et que la force publique puisse, sans se méprendre, réprimer les agitateurs, et protéger ceux qui, sincèrement attachés au régime de la liberté, veulent jouir de ses bienfaits. Mais, pour arriver à ce premier résultat de notre Révolution, nous avons besoin d’être rassurés sur lt s dangers qui menacent nos frontières; nous avons besoin de nous occuper sérieusement des conjurations qui se trament au dehors contre notre liberté; conjurations trop encouragées par l’esprit d'incertitude qui, jusqu’ici, a dirigé nos mesures relativement à nos rapports extérieurs. Quel citoyen réfléchi peut se faire illusion sur la nécessité de nous expliquer enfin d’une manière digne de la nation, avec les puissances qui nous donnent de l’ombrage ? Qui ne voit que le ressort du gouvernement restera faible ou enchaîné, tant que les mécontents pourront espérer que la crainte des puissances étrangères affaiblira notre attachement à la Constitution maintenant décrétée. Non, 1 Etat ne peut plus rester exposé au danger des résolutions faibles, des mesures non exécutées ou suivies avec lenteur; il faut enfin prendre une attitude qui nous fasse connaître tous nos ennemis, qui leur montre que, si nous ne les craignans pas, c’est parce que nous sommes en étal de les combattre. Il est possible que les puissances qui nous menacent n’aient pu encore former le plan de leurs opérations contre nous ; que leurs propres querelles et les intérêts qui les divisent suspendent, encore quelque iernps, le concert dont ils ont besoin pour nous attaquer ; il est possible aussi que plusieurs d’entre elles trouvent plus convenable à leur politique de ne pas entrer en guerre avec une nation qui, ne leur faisant aucun mal, peut leur faire beaucoup de bien; il est possible enfin que toutes craignent les conséquences qu’aurait infailliblement dans leurs propres Etats la guerre qu’elles déclareraient ouvertement à des opinions précieuses pour tous les hommes, à des opinions de nature à se propager avec plus de rapidité par l’effet des obstacles qu’on leur oppose; car il est hors de doute que nos victoires allumeraient des feux de joie chez nos ennemis ; il n’est pas moins certain qu’un deuil effrayant accompagnerait partout nos défaites. Mais ces réflexions ne suffisent pas à notre sûreté; c’est à ces puissances à les faire; c’est à elles à envisager leur entreprise dans tous ses rapports. Notre devoir est de consulter l’expé-rieuce; elle nous apprend que les princes sont, comme tous les hommes, sujets à de grandes erreurs, et souvent entraînés par la passion dans des mesures que la raison et la prudence condamnent. Eloignons donc de notre esprit tout autre motif de sécurité, si ce n’est celui qui doit résulter de