SÉANCE DU 4 PRAIRIAL AN II (23 MAI 1794) - N° 69 577 69 Le rapporteur du Comité de salut public [BARERE] se présente à la tribune, pour rendre compte du nouvel attentat commis contre la représentation nationale. Il rapporte que dans la nuit précédente, un monstre nommé Lamiral, placé à la ci-devant Loterie nationale, en qualité de garçon de bureau, par ce qu’il appelle le marquis de Mauzy, chambellan du tyran d’Autriche, au service duquel il a été pendant 2 ans, ayant demeuré au service du ministre Bertin, de l’abbé son frère, et de sa sœur Belle Isle, tous émigrés, logé depuis 3 mois dans la maison où habite Collot-d’Herbois, rue Favart, a tiré deux coups de pistolet sur ce député; que ces deux coups de pistolet ont fait long-feu, qu’ainsi (nouvelle preuve de la destinée heureuse de la République) nous n’avons point à pleurer la mort d’un nouveau martyr de la liberté. Il ajoute que le même assassin avoit essayé de pénétrer chez Robespierre, qu’il l’a cherché dans la salle de la Convention, qu’il l’a attendu dans la galerie qui mène au Comité de salut public et par laquelle Robespierre se retire ordinairement; que ces tentatives parricides ont également été vaines. Il annonce que l’assassin a été saisi et arrêté, qu’il est traduit au tribunal révolutionnaire et interrogé. Le rapporteur développe ensuite, d’après divers rapprochements et le résultat de nos relations diplomatiques, le nouveau plan du gouvernement anglois, qui, ne pouvant nous vaincre, veut assassiner la représentation nationale, et diriger ses coups plus particulièrement contre les Comités de salut public et de sûreté générale. Le rapporteur communique ensuite les pièces parvenues aux Comités de sûreté générale et de salut public. 1°. Un procès-verbal du Comité révolutionnaire de la section Lepeletier, qui constate le crime commis par Lamiral, et les premières réponses de ce scélérat criminel, royaliste de sang-froid et avec une horrible préméditation. 2°. La copie de l’interrogatoire prêté par Lamiral devant le tribunal révolutionnaire, où il avoue s’être trouvé le 10 août aux Tuileries avec le bataillon des Filles St-Thomas, et confirme tous les détails atroces de ses projets et de ses crimes. 3°. Une lettre des membres du Comité révolutionnaire de la section Lepeletier, qui, en annonçant à la Convention les forfaits de Lamiral et son arrestation, cite le trait touchant de la conduite du citoyen Geffroy, serrurier, bon patriote et père de famille de cette section, qui s’est trouvé le premier pour arrêter Lamiral, et a ordonné à Collot-d’Herbois, au nom du peuple, de se retirer; et, après avoir été blessé d’une balle, s’est saisi lui-même de l’assassin. Le rapporteur lit ensuite un projet de décret (1). (1) P.V., XXXVIII, 90. BARERE, au nom de Comité de salut public : Citoyens, C’est dans une section de Paris, désignée par le nom d’un martyr de la liberté, qu’un autre représentant du peuple vient d’être assassiné par un scélérat; mais du moins cette fois nous n’avons pas à pleurer la mort d’un républicain : Collot-d’Herbois est au milieu de nous. Tel est notre sort tandis que nous ne cessons de travailler au salut de la République, le crime et l’assassinat veillent à la porte de ce temple des lois. Us épient dans les places publiques et dans les spectacles, ils s’introduisent jusque dans les foyers des représentants du peuple ils habitent sous le même toit pour porter des coups plus assurés, et pour inspirer moins de défiance. C’est donc trop peu pour les tyrans de l’Europe et leurs vils suppôts en France d’avoir fait immoler Lepeletier, Chalier et Marat; c’est donc trop peu pour l’aristocratie sacerdotale et nobiliaire d’avoir fait périr tant de républicains dans les campagnes rebelles de la Vendée; c’est donc trop peu pour les mânes parricides des Danton, des Hébert, des Brissot et des Chaumettes d’avoir mis cent fois la chose publique en péril, et d’avoir stipulé au milieu de nous pour la guerre civile, pour tous les crimes, pour la noblesse et pour la royauté; il leur faut encore de nouveaux martyrs de la foi républicaine; il faut de nouvelles victimes aux héritiers impies des Capet et des contre-révolutionnaires qui ont péri comme lui sur l’échafaud élevé par la justice du peuple; il faut aux gouvernements royaux des forfaits et des assassinats : ils ne peuvent pas vaincre l’énergie du peuple français, ils ne résistent plus au courage de ses armes. Qu’on empoisonne, qu’on assassine, est la réponse des tyrans coalisés. Quel autre présent pourriez-vous attendre de ce fléau de l’espèce humaine décoré du nom d’empereur et de roi ? Leurs factions ont péri; leurs complices, déguisés sous mille bannières différentes, sont démasqués, saisis, frappés de mort. Leurs intelligences corruptrices sont dévoilées sur les frontières, leurs espions fusillés, leurs intrigues déjouées, leurs canons pris, leurs troupes battues, leurs hordes fugitives et leurs villes prises : que feront-ils ? ce qu’ils ont toujours fait des crimes. Sur qui les commettront-ils ? Ils ont, pendant une année entière, organisé l’assassinat de la Convention nationale, après en avoir tenté cent fois la dissolution par elle-même, ou par l’égarement de quelques citoyens. C’est sur les deux Comités de sûreté générale et de salut public qu’ils ont déversé leur haine, préparé leurs complots et dirigé leurs coups. Les factions intérieures, dont le glaive de la loi abat de temps en temps les chefs et les instruments, ressemblent à ces plantes vénéneuses qui pullulent aussitôt que le cultivateur oublie de les extirper entièrement. Les factions intérieures ne cessent de correspondre avec le gouvernement britannique marchand de coalitions et acheteur d’assassinats, qui ne cesse de poursuivre la liberté comme sa plus grande ennemie; ainsi, tandis que vous placiez à l’ordre du jour la justice et la vertu, les tyrans coalisés mettaient à l’ordre du jour le crime et l’assassinat. Oui, partout vous trouvez le fatal génie de l’Anglais et des factions intérieures qu’il ne 39 SÉANCE DU 4 PRAIRIAL AN II (23 MAI 1794) - N° 69 577 69 Le rapporteur du Comité de salut public [BARERE] se présente à la tribune, pour rendre compte du nouvel attentat commis contre la représentation nationale. Il rapporte que dans la nuit précédente, un monstre nommé Lamiral, placé à la ci-devant Loterie nationale, en qualité de garçon de bureau, par ce qu’il appelle le marquis de Mauzy, chambellan du tyran d’Autriche, au service duquel il a été pendant 2 ans, ayant demeuré au service du ministre Bertin, de l’abbé son frère, et de sa sœur Belle Isle, tous émigrés, logé depuis 3 mois dans la maison où habite Collot-d’Herbois, rue Favart, a tiré deux coups de pistolet sur ce député; que ces deux coups de pistolet ont fait long-feu, qu’ainsi (nouvelle preuve de la destinée heureuse de la République) nous n’avons point à pleurer la mort d’un nouveau martyr de la liberté. Il ajoute que le même assassin avoit essayé de pénétrer chez Robespierre, qu’il l’a cherché dans la salle de la Convention, qu’il l’a attendu dans la galerie qui mène au Comité de salut public et par laquelle Robespierre se retire ordinairement; que ces tentatives parricides ont également été vaines. Il annonce que l’assassin a été saisi et arrêté, qu’il est traduit au tribunal révolutionnaire et interrogé. Le rapporteur développe ensuite, d’après divers rapprochements et le résultat de nos relations diplomatiques, le nouveau plan du gouvernement anglois, qui, ne pouvant nous vaincre, veut assassiner la représentation nationale, et diriger ses coups plus particulièrement contre les Comités de salut public et de sûreté générale. Le rapporteur communique ensuite les pièces parvenues aux Comités de sûreté générale et de salut public. 1°. Un procès-verbal du Comité révolutionnaire de la section Lepeletier, qui constate le crime commis par Lamiral, et les premières réponses de ce scélérat criminel, royaliste de sang-froid et avec une horrible préméditation. 2°. La copie de l’interrogatoire prêté par Lamiral devant le tribunal révolutionnaire, où il avoue s’être trouvé le 10 août aux Tuileries avec le bataillon des Filles St-Thomas, et confirme tous les détails atroces de ses projets et de ses crimes. 3°. Une lettre des membres du Comité révolutionnaire de la section Lepeletier, qui, en annonçant à la Convention les forfaits de Lamiral et son arrestation, cite le trait touchant de la conduite du citoyen Geffroy, serrurier, bon patriote et père de famille de cette section, qui s’est trouvé le premier pour arrêter Lamiral, et a ordonné à Collot-d’Herbois, au nom du peuple, de se retirer; et, après avoir été blessé d’une balle, s’est saisi lui-même de l’assassin. Le rapporteur lit ensuite un projet de décret (1). (1) P.V., XXXVIII, 90. BARERE, au nom de Comité de salut public : Citoyens, C’est dans une section de Paris, désignée par le nom d’un martyr de la liberté, qu’un autre représentant du peuple vient d’être assassiné par un scélérat; mais du moins cette fois nous n’avons pas à pleurer la mort d’un républicain : Collot-d’Herbois est au milieu de nous. Tel est notre sort tandis que nous ne cessons de travailler au salut de la République, le crime et l’assassinat veillent à la porte de ce temple des lois. Us épient dans les places publiques et dans les spectacles, ils s’introduisent jusque dans les foyers des représentants du peuple ils habitent sous le même toit pour porter des coups plus assurés, et pour inspirer moins de défiance. C’est donc trop peu pour les tyrans de l’Europe et leurs vils suppôts en France d’avoir fait immoler Lepeletier, Chalier et Marat; c’est donc trop peu pour l’aristocratie sacerdotale et nobiliaire d’avoir fait périr tant de républicains dans les campagnes rebelles de la Vendée; c’est donc trop peu pour les mânes parricides des Danton, des Hébert, des Brissot et des Chaumettes d’avoir mis cent fois la chose publique en péril, et d’avoir stipulé au milieu de nous pour la guerre civile, pour tous les crimes, pour la noblesse et pour la royauté; il leur faut encore de nouveaux martyrs de la foi républicaine; il faut de nouvelles victimes aux héritiers impies des Capet et des contre-révolutionnaires qui ont péri comme lui sur l’échafaud élevé par la justice du peuple; il faut aux gouvernements royaux des forfaits et des assassinats : ils ne peuvent pas vaincre l’énergie du peuple français, ils ne résistent plus au courage de ses armes. Qu’on empoisonne, qu’on assassine, est la réponse des tyrans coalisés. Quel autre présent pourriez-vous attendre de ce fléau de l’espèce humaine décoré du nom d’empereur et de roi ? Leurs factions ont péri; leurs complices, déguisés sous mille bannières différentes, sont démasqués, saisis, frappés de mort. Leurs intelligences corruptrices sont dévoilées sur les frontières, leurs espions fusillés, leurs intrigues déjouées, leurs canons pris, leurs troupes battues, leurs hordes fugitives et leurs villes prises : que feront-ils ? ce qu’ils ont toujours fait des crimes. Sur qui les commettront-ils ? Ils ont, pendant une année entière, organisé l’assassinat de la Convention nationale, après en avoir tenté cent fois la dissolution par elle-même, ou par l’égarement de quelques citoyens. C’est sur les deux Comités de sûreté générale et de salut public qu’ils ont déversé leur haine, préparé leurs complots et dirigé leurs coups. Les factions intérieures, dont le glaive de la loi abat de temps en temps les chefs et les instruments, ressemblent à ces plantes vénéneuses qui pullulent aussitôt que le cultivateur oublie de les extirper entièrement. Les factions intérieures ne cessent de correspondre avec le gouvernement britannique marchand de coalitions et acheteur d’assassinats, qui ne cesse de poursuivre la liberté comme sa plus grande ennemie; ainsi, tandis que vous placiez à l’ordre du jour la justice et la vertu, les tyrans coalisés mettaient à l’ordre du jour le crime et l’assassinat. Oui, partout vous trouvez le fatal génie de l’Anglais et des factions intérieures qu’il ne 39 578 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE cesse de nourrir au milieu de nous, dans nos marchés, dans nos achats, sur les mers, dans le continent, chez les roitelets de l’Europe comme dans nos cités. C’est la même tête qui dirige les mains qui assassinent Basseville, notre résident à Rome, les marins français dans le port de Gênes, les Français fidèles en Corse; c’est la même tête qui dirige le fer contre Lepeletier et Marat, la guillotine sur Challier et les armes à feu sur Collot d’Herbois. C’est de lui, c’est de ce représentant incorruptible et courageux que je viens vous parler; c’est sur lui que la main du crime a voulu s’appesantir; c’est lui qui est une nouvelle preuve de la destinée heureuse de la République ! Un homme... non, c’est un monstre; vous le verrez par ses réponses à l’interrogatoire. La-miral est son nom. Placé à la loterie nationale, en qualité de garçon de bureau, par ce qu’il appelle le marquis de Mauzy, chambellan du tyran d’Autriche, au service duquel il a été deux ans; ayant toujours le costume de sans-culottes, sous lequel se sont déguisés si souvent les nobles et les contre-révolutionnaires, ayant demeuré au service du ministre Bertin, de l’abbé, son frère, et de sa sœurs Belle-Isle, tous émigrés, La-miral est allé se loger depuis trois mois dans la maison où loge Collot d’Herbois, à la rue Favart. Habillé constamment avec le costume de sans-culottes, c’est là qu’il a cru sans doute pouvoir ourdir plus facilement une partie du complot dont il devait être le principal exécuteur sur d’autres membres des comités. Ici nous devons dire à la Convention le résultat de nos relations diplomatiques. Le gouvernement anglais, à qui la République française est apparue dans sa vigueur actuelle et dans sa grandeur prochaine, a juré d’acheter, à quelque prix que ce soit, tous les crimes nécessaires à la désorganisation du gouvernement. Il a disséminé la calomnie dans les deux mondes, et vomi parmi nous la trahison et la guerre. Il a peuplé Paris de conspirateurs, et entouré la représentation nationale d’assassins; mais le peuple veille, la Convention nationale délibère et le gouvernement révolutionnaires agit. Voici ce que nous lisons dans une lettre d’un de nos agens en Hollande; elle nous est communiquée par le commissaire des relations extérieures, et ce n’est pas à l’Europe que nous dénonçons ces crimes britanniques; l’Europe est trop avilie sous les rois pous nous entendre, nous parlons aux républicains français qui vengeront tant d’attentats, et à l’humanité entière qui saura y applaudir. [ Extrait de la lettre de Hollande , 17 flor. II.] « Je répéterai encore que les comités doivent « employer toute leur vigilance pour prévenir «les complots dirigés de Londres contre eux-« mêmes, et particulièrement contre Robes-« pierre; Pitt prodigue à cela son or; il voit avec «beaucoup de chagrin l’institution du gouver-«nement révolutionnaire, dont il ne peut ce-« pendant s’empêcher de faire l’apologie lui-« même. Voici comme s’exprime un de ses « correspondants à ce sujet : Nous craignons «beaucoup l’influence de Robespierre. Plus le « gouvernement français républicain sera con-« centré, dit le ministre, plus il aura de force, « et plus il sera difficile de le renverser » (1) . Ainsi c’est sur Robespierre que devaient être portés les premiers coups. L’assassin contre-révolutionnaire a essayé de pénétrer chez lui; il l’a cherché dans la salle de la Convention; il l’a attendu dans la galerie qui mène au comité, et par laquelle Robespierre se retire ordinairement; mais le destin de la République a veillé sur ses jours comme sur ceux de Collot d’Herbois. Les dangers qu’a courus ce dernier sont incalculables, et l’issue de ce complot horrible tient du prodige : deux fois l’arme à feu s’est refusée au crime de Lamiral, et le mur de l’escalier a reçu le plomb mâché qui devait priver le peuple d’un de ses représentants, la République de celui qui, le premier, l’a proclamée et fait décréter, et le comité d’un de ses membres précieux. (On applaudit.) R est temps de vous lire les pièces qui viennent d’être envoyées aux Comités de sûreté générale et de salut public, soit de la part du Comité révolutionnaire de la section, soit de la part de l’accusateur public du tribunal révolutionnaire. Le zèle civique et l’empressement attendrissant que les autorités constituées ont mis à la garantie légale de la représentation nationale méritent d’être remarqués; leur récompense est dans la satisfaction publique. Déjà l’assassin de la patrie est traduit au tribunal et interrogé. Voici les projets du crime sortis de sa bouche, avec ce sang froid et cette préméditation qui n’appartiennent qu’au crime, au royalisme et à l’esprit des factions. Je vais lire les procès-verbaux. [Paris, 4 prair. II. Au C de S. P.] Citoyens représentants, je m’empresse de vous adresser un procès-verbal qui constate que le nommé Lamiral avait conçu l’affreux projet d’assassiner les citoyens Robespierre et Collot d’Herbois; qu’hier, tout le jour, il a parcouru la terrasse dite des Feuillants et les avenues du Comité de salut public, pour joindre le citoyen Robespierre; que vers une heure de la nuit ce forcené, qui demeurait dans la même maison du citoyen Collot, l’a attendu dans l’escalier, et, au moment où le citoyen Collot montait à son appartement, il a tiré sur lui un coup de pistolet, qui heureusement a fait long feu et a sauvé la vie au citoyen Collot. Dès que j’ai été informé de cet attentat, j’ai fait traduire à la Conciergerie ce monstre, que je me propose de mettre en jugement cejour-d’hui, 2 heures. S. et F. Q. Fouquier (Accusateur public du trib. révol.) [P.V. de la Sion Lepelletier. C. révol.; 4 prair. II.] Le 4 prairial, l’an 2e de la République une et indivisible, une heure du matin, sont comparus à notre Comité les citoyens Nicolas-Silas Horque, architecte, demeurant à Paris, rue Fa-(1) Cet extrait, imprimé sans guillemets dans Mon. (p. 540), a fait l’objet d’une réclamation de la part de Barère. Voir séance du 6 prair, n° 45. 578 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE cesse de nourrir au milieu de nous, dans nos marchés, dans nos achats, sur les mers, dans le continent, chez les roitelets de l’Europe comme dans nos cités. C’est la même tête qui dirige les mains qui assassinent Basseville, notre résident à Rome, les marins français dans le port de Gênes, les Français fidèles en Corse; c’est la même tête qui dirige le fer contre Lepeletier et Marat, la guillotine sur Challier et les armes à feu sur Collot d’Herbois. C’est de lui, c’est de ce représentant incorruptible et courageux que je viens vous parler; c’est sur lui que la main du crime a voulu s’appesantir; c’est lui qui est une nouvelle preuve de la destinée heureuse de la République ! Un homme... non, c’est un monstre; vous le verrez par ses réponses à l’interrogatoire. La-miral est son nom. Placé à la loterie nationale, en qualité de garçon de bureau, par ce qu’il appelle le marquis de Mauzy, chambellan du tyran d’Autriche, au service duquel il a été deux ans; ayant toujours le costume de sans-culottes, sous lequel se sont déguisés si souvent les nobles et les contre-révolutionnaires, ayant demeuré au service du ministre Bertin, de l’abbé, son frère, et de sa sœurs Belle-Isle, tous émigrés, La-miral est allé se loger depuis trois mois dans la maison où loge Collot d’Herbois, à la rue Favart. Habillé constamment avec le costume de sans-culottes, c’est là qu’il a cru sans doute pouvoir ourdir plus facilement une partie du complot dont il devait être le principal exécuteur sur d’autres membres des comités. Ici nous devons dire à la Convention le résultat de nos relations diplomatiques. Le gouvernement anglais, à qui la République française est apparue dans sa vigueur actuelle et dans sa grandeur prochaine, a juré d’acheter, à quelque prix que ce soit, tous les crimes nécessaires à la désorganisation du gouvernement. Il a disséminé la calomnie dans les deux mondes, et vomi parmi nous la trahison et la guerre. Il a peuplé Paris de conspirateurs, et entouré la représentation nationale d’assassins; mais le peuple veille, la Convention nationale délibère et le gouvernement révolutionnaires agit. Voici ce que nous lisons dans une lettre d’un de nos agens en Hollande; elle nous est communiquée par le commissaire des relations extérieures, et ce n’est pas à l’Europe que nous dénonçons ces crimes britanniques; l’Europe est trop avilie sous les rois pous nous entendre, nous parlons aux républicains français qui vengeront tant d’attentats, et à l’humanité entière qui saura y applaudir. [ Extrait de la lettre de Hollande , 17 flor. II.] « Je répéterai encore que les comités doivent « employer toute leur vigilance pour prévenir «les complots dirigés de Londres contre eux-« mêmes, et particulièrement contre Robes-« pierre; Pitt prodigue à cela son or; il voit avec «beaucoup de chagrin l’institution du gouver-«nement révolutionnaire, dont il ne peut ce-« pendant s’empêcher de faire l’apologie lui-« même. Voici comme s’exprime un de ses « correspondants à ce sujet : Nous craignons «beaucoup l’influence de Robespierre. Plus le « gouvernement français républicain sera con-« centré, dit le ministre, plus il aura de force, « et plus il sera difficile de le renverser » (1) . Ainsi c’est sur Robespierre que devaient être portés les premiers coups. L’assassin contre-révolutionnaire a essayé de pénétrer chez lui; il l’a cherché dans la salle de la Convention; il l’a attendu dans la galerie qui mène au comité, et par laquelle Robespierre se retire ordinairement; mais le destin de la République a veillé sur ses jours comme sur ceux de Collot d’Herbois. Les dangers qu’a courus ce dernier sont incalculables, et l’issue de ce complot horrible tient du prodige : deux fois l’arme à feu s’est refusée au crime de Lamiral, et le mur de l’escalier a reçu le plomb mâché qui devait priver le peuple d’un de ses représentants, la République de celui qui, le premier, l’a proclamée et fait décréter, et le comité d’un de ses membres précieux. (On applaudit.) R est temps de vous lire les pièces qui viennent d’être envoyées aux Comités de sûreté générale et de salut public, soit de la part du Comité révolutionnaire de la section, soit de la part de l’accusateur public du tribunal révolutionnaire. Le zèle civique et l’empressement attendrissant que les autorités constituées ont mis à la garantie légale de la représentation nationale méritent d’être remarqués; leur récompense est dans la satisfaction publique. Déjà l’assassin de la patrie est traduit au tribunal et interrogé. Voici les projets du crime sortis de sa bouche, avec ce sang froid et cette préméditation qui n’appartiennent qu’au crime, au royalisme et à l’esprit des factions. Je vais lire les procès-verbaux. [Paris, 4 prair. II. Au C de S. P.] Citoyens représentants, je m’empresse de vous adresser un procès-verbal qui constate que le nommé Lamiral avait conçu l’affreux projet d’assassiner les citoyens Robespierre et Collot d’Herbois; qu’hier, tout le jour, il a parcouru la terrasse dite des Feuillants et les avenues du Comité de salut public, pour joindre le citoyen Robespierre; que vers une heure de la nuit ce forcené, qui demeurait dans la même maison du citoyen Collot, l’a attendu dans l’escalier, et, au moment où le citoyen Collot montait à son appartement, il a tiré sur lui un coup de pistolet, qui heureusement a fait long feu et a sauvé la vie au citoyen Collot. Dès que j’ai été informé de cet attentat, j’ai fait traduire à la Conciergerie ce monstre, que je me propose de mettre en jugement cejour-d’hui, 2 heures. S. et F. Q. Fouquier (Accusateur public du trib. révol.) [P.V. de la Sion Lepelletier. C. révol.; 4 prair. II.] Le 4 prairial, l’an 2e de la République une et indivisible, une heure du matin, sont comparus à notre Comité les citoyens Nicolas-Silas Horque, architecte, demeurant à Paris, rue Fa-(1) Cet extrait, imprimé sans guillemets dans Mon. (p. 540), a fait l’objet d’une réclamation de la part de Barère. Voir séance du 6 prair, n° 45. SÉANCE DU 4 PRAIRIAL AN II (23 MAI 1794) - N° 69 579 vart, n° 422, de cette section, caporal de garde au poste central; François Riom, perruquier, demeurant susdite rue Favart, n° 42, susdite section, fusilier, lesquels nous ont dit qu’étant à faire patrouille, et passant sur la place du théâtre de la rue Favart, ils ont entendu crier : A l’assassin ! qu’ils se sont portés à l’instant par la rue Favart, d’où partaient les cris; qu’arrivés à la porte de la maison n° 4, laquelle était ouverte, ils sont entrés sous la porte, où ils ont trouvé le citoyen Collot d’Herbois, représentant du peuple, membre du Comité de salut public, nu-tête, disant : « A moi ! on m’assassine à coups de pistolet ! » qu’à l’instant ils sont montés, un d’eux avec deux autres citoyens, tout au haut de la maison, où était un homme qui leur criait : « Avancez , scélérats, je vous tuerai »; qu’ils ont frappé à la porte pour le provoquer à l’ouvrir; qu’il l’a ouverte en effet, et à l’instant a tiré un coup de fusil, duquel a été blessé un citoyen de garde qui l’accompagnait; qu’alors ils sont tombés sur lui, s’en sont saisis, et l’ont conduit au corps de garde du poste de la rue Favart; que ce particulier s’est trouvé être le nommé Lamiral, ci-devant employé aux ci-devant loteries; qu’ils lui ont entendu dire qu’hier matin il avait attendu Robespierre au Comité de salut public pendant 4 heures pour l’assassiner, et que, n’ayant pu réussir, il s’est déterminé à assassiner Collot d’Herbois; qu’il se repentait bien de l’avoir manqué; que ç’aurait été une belle journée pour lui, et qu’il aurait été aimé et admiré de toute la France; qu’il était malheureux pour lui d’avoir acheté une paire de pistolets 90 livres, et qu’ils aient raté. Signé Horque et Riom. Est de suite comparu le citoyen Bernard Arnaud, membre du conseil général de la commune, demeurant à Paris, rue Favart, n° 4, lequel nous a déclaré qu’il y a environ une heure, étant couché, il a entendu la voix du citoyen Collot d’Herbois crier : « A moi ! on m’assassine ! qu’il a sauté de son lit, nu-jambes, et est descendu dans la cour, décoré de son ruban; qu’il a trouvé sur l’escalier et sur son pallier un chapeau et la pointe d’un sabre cassé, et une poignée de cheveux; que de suite il est entré au corps de garde de la rue Favart, à côté de sa porte, où il a trouvé le nommé Lamiral entre les mains de la force armée dudit poste, accusé d’avoir tiré des coups de pistolet sur la personne du citoyen Collot; qu’à l’instant, en sa présence, ledit Lamiral a été fouillé, et qu’il a été trouvé dans ses poches trois pièces de monnaie de billon, dont deux de 2 sous et une de 1 sou; quatre balles de plomb, propres pour un pistolet, enveloppées dans deux papiers, dont un est un billet de garde au nom du-di Lamiral, en date du 27 ventôse; qu’il s’en est chargé, ainsi que d’une paire de lunettes dans son étui qu’il nous représente, et a signé après lecture faite. Signé B. Arnaud. Avons ensuite fait comparaître devant nous, membres dudit Comité, ledit Lamiral, lequel, interrogé de ses nom, prénoms, âge, pays de naissance, état et demeure, a répondu se nommer Henri Lamiral, natif d’Auzolet, district d’Issoire, département du Puy-de-Dôme, âgé de cinquante ans, ci-devant employé à la loterie royale en qualité de garçon de bureau, demeurant rue Favart, n °4, section Lepelletier. Interrogé s’il n’a pas tiré deux coups de pistolet sur la personne de Collot d’Herbois dans l’intention de l’assassiner, lesquels pistolets ont raté. Répond qu’il a tiré deux coups de pistolet sur ledit citoyen Collot d’Herbois dans l’intention de le tuer; qu’il est bien fâché de l’avoir manqué, les pistolets ayant fait faux feu; qu’il les avait achetés exprès pour le tuer, ainsi que Robespierre; que, s’il les avait tués tous deux, il aurait eu une belle fête. Interrogé s’il n’avait pas été le matin au Comité de salut public, dans l’intention d’assassiner Robespierre. Répond que le fait est vrai; que le matin il fut à la Convention nationale; que, les rapports n’étant pas bien intéressants, il s’était endormi; que, s’étant réveillé, il est sorti de la Convention, s’est mis à couvert sous le portique de l’une des portes du Comité de salut public, dans l’intention d’y rencontrer Robespierre, et qu’il lui aurait tiré un coup de pistolet; qu’il se serait tiré le second à lui-même, et que la République aurait été sauvée. Interrogé sur ce qui le portait à commettre un pareil assassinat. Répond qu’il n’a pas entendu commettre un assassinat, mais bien une œuvre de bienfaisance envers la République; qu’il se repent d’avoir manqué son coup. Interrogé à quel heure il est sorti de chez lui le matin. Répond qu’il était sur les huit ou neuf heures; qu’il fut par les boulevards jusque chez Robespierre, rue Saint-Honoré; qu’ayant demandé sa demeure à une fruitière qui lui dit : « Citoyen adressez-vous dans la maison, vous vous adresserez à ceux qui sont près de lui », et qu’ayant réfléchi que l’on ne pouvait pas lui parler facilement. Il a été déjeuner sur la terrasse des Feuillants, qu’il a dépensé 15 liv. que de là il fut à la Convention. Interrogé depuis quand il demeure rue Favart. Répond qu’il y demeure depuis 3 mois et plus. Interrogé si, lorsqu’il a loué dans cette maison son projet d’assassinat n’était pas déjà formé. Répond que non, qu’il y a 8 jours qu’il a formé ce projet, qu’il y a été porté par les reproches qui lui ont été faits par plusieurs personnes, notamment par Calvet et Tomé, sur les opinions qu’il a manifestées dans l’assemblée de sa section. Interrogé à quel heure il est rentré ce soir chez lui. Répond qu’il est rentré chez lui à 11 heures du soir, sortant de souper chez le traiteur au coin de la place; qu’il a arrangé son fusil et ses pistolets et attendu la rentrée de Collot d’Herbois; que l’ayant entendu frapper à la porte, il est descendu avec ses 2 pistolets à la main; que la cuisinière dudit citoyen Collot descendit pour l’éclairer, qu’il courut sur lui et l’a rencontré sur son palier, en disant : scélérat, voici tes derniers momens, lui tirant ses 2 pistolets qui ont fait long feu successivement; qu’alors ledit Collot d’Herbois descendit en criant : « on m’assassine»; que lui est remonté dans sa chambre où il s’est enfermé, et a rechargé ses armes, SÉANCE DU 4 PRAIRIAL AN II (23 MAI 1794) - N° 69 579 vart, n° 422, de cette section, caporal de garde au poste central; François Riom, perruquier, demeurant susdite rue Favart, n° 42, susdite section, fusilier, lesquels nous ont dit qu’étant à faire patrouille, et passant sur la place du théâtre de la rue Favart, ils ont entendu crier : A l’assassin ! qu’ils se sont portés à l’instant par la rue Favart, d’où partaient les cris; qu’arrivés à la porte de la maison n° 4, laquelle était ouverte, ils sont entrés sous la porte, où ils ont trouvé le citoyen Collot d’Herbois, représentant du peuple, membre du Comité de salut public, nu-tête, disant : « A moi ! on m’assassine à coups de pistolet ! » qu’à l’instant ils sont montés, un d’eux avec deux autres citoyens, tout au haut de la maison, où était un homme qui leur criait : « Avancez , scélérats, je vous tuerai »; qu’ils ont frappé à la porte pour le provoquer à l’ouvrir; qu’il l’a ouverte en effet, et à l’instant a tiré un coup de fusil, duquel a été blessé un citoyen de garde qui l’accompagnait; qu’alors ils sont tombés sur lui, s’en sont saisis, et l’ont conduit au corps de garde du poste de la rue Favart; que ce particulier s’est trouvé être le nommé Lamiral, ci-devant employé aux ci-devant loteries; qu’ils lui ont entendu dire qu’hier matin il avait attendu Robespierre au Comité de salut public pendant 4 heures pour l’assassiner, et que, n’ayant pu réussir, il s’est déterminé à assassiner Collot d’Herbois; qu’il se repentait bien de l’avoir manqué; que ç’aurait été une belle journée pour lui, et qu’il aurait été aimé et admiré de toute la France; qu’il était malheureux pour lui d’avoir acheté une paire de pistolets 90 livres, et qu’ils aient raté. Signé Horque et Riom. Est de suite comparu le citoyen Bernard Arnaud, membre du conseil général de la commune, demeurant à Paris, rue Favart, n° 4, lequel nous a déclaré qu’il y a environ une heure, étant couché, il a entendu la voix du citoyen Collot d’Herbois crier : « A moi ! on m’assassine ! qu’il a sauté de son lit, nu-jambes, et est descendu dans la cour, décoré de son ruban; qu’il a trouvé sur l’escalier et sur son pallier un chapeau et la pointe d’un sabre cassé, et une poignée de cheveux; que de suite il est entré au corps de garde de la rue Favart, à côté de sa porte, où il a trouvé le nommé Lamiral entre les mains de la force armée dudit poste, accusé d’avoir tiré des coups de pistolet sur la personne du citoyen Collot; qu’à l’instant, en sa présence, ledit Lamiral a été fouillé, et qu’il a été trouvé dans ses poches trois pièces de monnaie de billon, dont deux de 2 sous et une de 1 sou; quatre balles de plomb, propres pour un pistolet, enveloppées dans deux papiers, dont un est un billet de garde au nom du-di Lamiral, en date du 27 ventôse; qu’il s’en est chargé, ainsi que d’une paire de lunettes dans son étui qu’il nous représente, et a signé après lecture faite. Signé B. Arnaud. Avons ensuite fait comparaître devant nous, membres dudit Comité, ledit Lamiral, lequel, interrogé de ses nom, prénoms, âge, pays de naissance, état et demeure, a répondu se nommer Henri Lamiral, natif d’Auzolet, district d’Issoire, département du Puy-de-Dôme, âgé de cinquante ans, ci-devant employé à la loterie royale en qualité de garçon de bureau, demeurant rue Favart, n °4, section Lepelletier. Interrogé s’il n’a pas tiré deux coups de pistolet sur la personne de Collot d’Herbois dans l’intention de l’assassiner, lesquels pistolets ont raté. Répond qu’il a tiré deux coups de pistolet sur ledit citoyen Collot d’Herbois dans l’intention de le tuer; qu’il est bien fâché de l’avoir manqué, les pistolets ayant fait faux feu; qu’il les avait achetés exprès pour le tuer, ainsi que Robespierre; que, s’il les avait tués tous deux, il aurait eu une belle fête. Interrogé s’il n’avait pas été le matin au Comité de salut public, dans l’intention d’assassiner Robespierre. Répond que le fait est vrai; que le matin il fut à la Convention nationale; que, les rapports n’étant pas bien intéressants, il s’était endormi; que, s’étant réveillé, il est sorti de la Convention, s’est mis à couvert sous le portique de l’une des portes du Comité de salut public, dans l’intention d’y rencontrer Robespierre, et qu’il lui aurait tiré un coup de pistolet; qu’il se serait tiré le second à lui-même, et que la République aurait été sauvée. Interrogé sur ce qui le portait à commettre un pareil assassinat. Répond qu’il n’a pas entendu commettre un assassinat, mais bien une œuvre de bienfaisance envers la République; qu’il se repent d’avoir manqué son coup. Interrogé à quel heure il est sorti de chez lui le matin. Répond qu’il était sur les huit ou neuf heures; qu’il fut par les boulevards jusque chez Robespierre, rue Saint-Honoré; qu’ayant demandé sa demeure à une fruitière qui lui dit : « Citoyen adressez-vous dans la maison, vous vous adresserez à ceux qui sont près de lui », et qu’ayant réfléchi que l’on ne pouvait pas lui parler facilement. Il a été déjeuner sur la terrasse des Feuillants, qu’il a dépensé 15 liv. que de là il fut à la Convention. Interrogé depuis quand il demeure rue Favart. Répond qu’il y demeure depuis 3 mois et plus. Interrogé si, lorsqu’il a loué dans cette maison son projet d’assassinat n’était pas déjà formé. Répond que non, qu’il y a 8 jours qu’il a formé ce projet, qu’il y a été porté par les reproches qui lui ont été faits par plusieurs personnes, notamment par Calvet et Tomé, sur les opinions qu’il a manifestées dans l’assemblée de sa section. Interrogé à quel heure il est rentré ce soir chez lui. Répond qu’il est rentré chez lui à 11 heures du soir, sortant de souper chez le traiteur au coin de la place; qu’il a arrangé son fusil et ses pistolets et attendu la rentrée de Collot d’Herbois; que l’ayant entendu frapper à la porte, il est descendu avec ses 2 pistolets à la main; que la cuisinière dudit citoyen Collot descendit pour l’éclairer, qu’il courut sur lui et l’a rencontré sur son palier, en disant : scélérat, voici tes derniers momens, lui tirant ses 2 pistolets qui ont fait long feu successivement; qu’alors ledit Collot d’Herbois descendit en criant : « on m’assassine»; que lui est remonté dans sa chambre où il s’est enfermé, et a rechargé ses armes, 580 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE qu’ayant armé son fusil il s’en mis le canon dans la bouche, mis la pointe de son sarbre sur la gâchette, et a essayé de le faire partir, mais qu’il a fait long feu. Avons présenté audit Lamiral le paquet contenant les 4 balles, les 3 pièces monnayées, la lunette et l’étuit trouvés sur lui : les a reconnus. Interrogé si, lorqu’il a ouvert la porte, il n’a pas tiré un coup de fusil, duquel a été blessée un volontaire de garde ? Répond qu’il a tiré son coup de fusil, espérant qu’ensuite quelqu’un le tuerait. Lecture faite des présens interrogatoires et de ses réponses, a dit icelles contenir vérité et a signé : Lamiral, Perron, Alliaume, Tachereau, Vergne. Pour copie conforme à la minute restée en ma possession à Paris, le 4 prair. II, L’accusateur public près le trib. ré vol : Fouquier. [ Interrogatoire de Henri Lamiral .] Cejourd’hui, 4 prair. An II de la République une et indivisible, à 9 h. du matin. Nous, François Dumas, président du tribunal révolutionnaire établi à Paris, par la loi du 10 mars 1793, sans aucun recours à un tribunal de cassation, et encore en vertu des pouvoirs délégués au tribunal par la loi du 5 avril de la même année, assisté de F. Gérard, de qui nous avons reçu serment de greffier du tribunal, en l’une des salles de l’auditoire du Palais, et en présence de l’accusateur public, avons fait amener de la maison de..., auquel nous avons demandé ses, noms, âge, profession, pays. A répondu se nommer Henri Lamiral, âgé de 50 ans, né à Auzolette, district d’Issoire, département du Puy-de-Dôme, duquel lieu il est sorti il y a environ 26 ans, pour venir à Paris où il a demeuré jusqu’à présent, sauf les absences qu’il a faites en suivant les maîtres qu’il a servis, ayant été attaché à la loterie anciennement dite royale, en qualité de garçon de bureau, jusqu’à l’époque de la suppression de ladite loterie. D. Quels sont les maîtres qu’il a servi ? R. Qu’il a été au service de la maison de Bertin, et principalement de la fille Belle-Isle, sœur du ministre Bertin, de l’abbé Bertin, et d’une autre fille Bertin; celle-ci, l’abbé et le ministre étant émigrés, ce dernier étant mort depuis environ un an à Coblentz ou aux invi-rons. D. Comment il a su le lieu où s’étoient retirés lesdits Bertin, le lieu, le décès de l’un d’eux ? R. Qu’il a su ces choses par un domestique ayant émigré avec son maître, étant entré en France lorsque les ennemis étoient en Champagne, ne pouvant désigner ni le nom du maître, ni celui du domestique. D. Comment il s’est trouvé en Champagne à cette époque ? R. Qu’il y est allé comme volontaire dans le 6e bataillon de Paris, ayant quitté le bataillon pour cause d’infirmités. D. S’il n’a pas été au ci-devant château occupé par le tyran, avec les grenadiers qui étoient de complicité avec le tyran ? R. Qu’il est allé toutes les fois que le rappel a été battu, et qu’il y faisoit le service de piquet ou de patrouille. D. Où il étoit le 10 août 1792 ? R. Qu’il étoit aux Tuileries avec le bataillon des Filles-Saint-Thomas, ayant regardé comme un devoir d’obéir aux ordres de Tassin. D. Par qui il avoit été placé à la loterie nationale ? R. Qu’il a été placé par le marquis de Mauzy, chambellan du tyran d’Autriche et directeur de la loterie de Bruxelles, au service duquel il a été pendant environ deux ans, à trois différentes époques, l’ayant vu pour la dernière fois le 6 octobre 1789, avec sa femme, sur le chemin de Versailles à Paris. D. Quelles sont les personnes qu’il fréquen-toit habituellement à Paris, et spécialement s’il n’a pas connu particulièrement Enjubault et s’il n’a pas existé entre eux des confidences sur les desseins que l’un et l’autre pouvaient avoir. R. Qu’il n’a pas eu de fréquentations particulières, quoiqu’il vit beaucoup de monde dans les cafés et ailleurs; qu’il a vu plus souvent Enjubault, auquel il a pronostiqué une mort probable, et auquel il a dit qu’au surplus il falloit mourir en homme. D. Combien y a-t-il qu’il n’a vu Enjubault ? R. Qu’il a vu Enjubault jusqu’au jour de son arrestation. D. Quelles sont les personnes qu’il a fréquentées plus particulièrement depuis huit jours ? R. Qu’il a vu sans particularité les personnes qu’il fréquentoit habituellement. D. Quelles armes il avoit chez lui, et depuis quand il les possédoit ? R. Qu’il avoit un fusil de munition, venant de la section, et à lui remis depuis environ 3 mois, par Nally, capitaine de la 2e compagnie du bataillon Lepeletier; un sarbre à lui remis lors de son départ avec le 6e bataillon de Paris, une paire de pistolets qu’il a achetés d’un passant, à lui inconnu, dans la rue des Petits-Champs, il y a environ 8 jours. D. A lui observé qu’aucun passant colporteur ne vend ostensiblement des pistolets dans les rues, et que sa réponse ne contient pas vérité ? N’a voulu faire d’autre réponse. D. Dans quel dessein il a acheté lesdits pistolets ? R. Qu’il les a achetés pour l’exécution du crime qu’il a commis hier. D. Quel étoit ce dessein ? R. Qu’il avoit le dessein d’assassiner Collot d’Herbois et Robespierre. D. Quel tentative il a faite pour l’exécution de ce dessein ? R. Que depuis trois jours, il portoit ses pistolets, étant résolu de s’en servir, selon son dessein, à la première occasion. Que le jour d’hier, il est sorti de chez lui à 9 heures du matin; qu’il est allé dans la rue Honoré, où s’adressant à une fruitière, il lui a demandé à quelle heure Robespierre alloit au comité; laquelle lui a dit de s’adresser au fond de la cour, où étoit son domicile, et que là il demanderoit ce qu’il vouloit savoir; qu’il est entré dans la cour jusqu’à la distance de dix pas; qu’il a rencontré un volontaire le bras en écharpe, et une citoyenne, lesquels lui ont dit que Robespierre étant occupé, il ne pourroit lui parler, pourquoi il s’est retiré. 580 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE qu’ayant armé son fusil il s’en mis le canon dans la bouche, mis la pointe de son sarbre sur la gâchette, et a essayé de le faire partir, mais qu’il a fait long feu. Avons présenté audit Lamiral le paquet contenant les 4 balles, les 3 pièces monnayées, la lunette et l’étuit trouvés sur lui : les a reconnus. Interrogé si, lorqu’il a ouvert la porte, il n’a pas tiré un coup de fusil, duquel a été blessée un volontaire de garde ? Répond qu’il a tiré son coup de fusil, espérant qu’ensuite quelqu’un le tuerait. Lecture faite des présens interrogatoires et de ses réponses, a dit icelles contenir vérité et a signé : Lamiral, Perron, Alliaume, Tachereau, Vergne. Pour copie conforme à la minute restée en ma possession à Paris, le 4 prair. II, L’accusateur public près le trib. ré vol : Fouquier. [ Interrogatoire de Henri Lamiral .] Cejourd’hui, 4 prair. An II de la République une et indivisible, à 9 h. du matin. Nous, François Dumas, président du tribunal révolutionnaire établi à Paris, par la loi du 10 mars 1793, sans aucun recours à un tribunal de cassation, et encore en vertu des pouvoirs délégués au tribunal par la loi du 5 avril de la même année, assisté de F. Gérard, de qui nous avons reçu serment de greffier du tribunal, en l’une des salles de l’auditoire du Palais, et en présence de l’accusateur public, avons fait amener de la maison de..., auquel nous avons demandé ses, noms, âge, profession, pays. A répondu se nommer Henri Lamiral, âgé de 50 ans, né à Auzolette, district d’Issoire, département du Puy-de-Dôme, duquel lieu il est sorti il y a environ 26 ans, pour venir à Paris où il a demeuré jusqu’à présent, sauf les absences qu’il a faites en suivant les maîtres qu’il a servis, ayant été attaché à la loterie anciennement dite royale, en qualité de garçon de bureau, jusqu’à l’époque de la suppression de ladite loterie. D. Quels sont les maîtres qu’il a servi ? R. Qu’il a été au service de la maison de Bertin, et principalement de la fille Belle-Isle, sœur du ministre Bertin, de l’abbé Bertin, et d’une autre fille Bertin; celle-ci, l’abbé et le ministre étant émigrés, ce dernier étant mort depuis environ un an à Coblentz ou aux invi-rons. D. Comment il a su le lieu où s’étoient retirés lesdits Bertin, le lieu, le décès de l’un d’eux ? R. Qu’il a su ces choses par un domestique ayant émigré avec son maître, étant entré en France lorsque les ennemis étoient en Champagne, ne pouvant désigner ni le nom du maître, ni celui du domestique. D. Comment il s’est trouvé en Champagne à cette époque ? R. Qu’il y est allé comme volontaire dans le 6e bataillon de Paris, ayant quitté le bataillon pour cause d’infirmités. D. S’il n’a pas été au ci-devant château occupé par le tyran, avec les grenadiers qui étoient de complicité avec le tyran ? R. Qu’il est allé toutes les fois que le rappel a été battu, et qu’il y faisoit le service de piquet ou de patrouille. D. Où il étoit le 10 août 1792 ? R. Qu’il étoit aux Tuileries avec le bataillon des Filles-Saint-Thomas, ayant regardé comme un devoir d’obéir aux ordres de Tassin. D. Par qui il avoit été placé à la loterie nationale ? R. Qu’il a été placé par le marquis de Mauzy, chambellan du tyran d’Autriche et directeur de la loterie de Bruxelles, au service duquel il a été pendant environ deux ans, à trois différentes époques, l’ayant vu pour la dernière fois le 6 octobre 1789, avec sa femme, sur le chemin de Versailles à Paris. D. Quelles sont les personnes qu’il fréquen-toit habituellement à Paris, et spécialement s’il n’a pas connu particulièrement Enjubault et s’il n’a pas existé entre eux des confidences sur les desseins que l’un et l’autre pouvaient avoir. R. Qu’il n’a pas eu de fréquentations particulières, quoiqu’il vit beaucoup de monde dans les cafés et ailleurs; qu’il a vu plus souvent Enjubault, auquel il a pronostiqué une mort probable, et auquel il a dit qu’au surplus il falloit mourir en homme. D. Combien y a-t-il qu’il n’a vu Enjubault ? R. Qu’il a vu Enjubault jusqu’au jour de son arrestation. D. Quelles sont les personnes qu’il a fréquentées plus particulièrement depuis huit jours ? R. Qu’il a vu sans particularité les personnes qu’il fréquentoit habituellement. D. Quelles armes il avoit chez lui, et depuis quand il les possédoit ? R. Qu’il avoit un fusil de munition, venant de la section, et à lui remis depuis environ 3 mois, par Nally, capitaine de la 2e compagnie du bataillon Lepeletier; un sarbre à lui remis lors de son départ avec le 6e bataillon de Paris, une paire de pistolets qu’il a achetés d’un passant, à lui inconnu, dans la rue des Petits-Champs, il y a environ 8 jours. D. A lui observé qu’aucun passant colporteur ne vend ostensiblement des pistolets dans les rues, et que sa réponse ne contient pas vérité ? N’a voulu faire d’autre réponse. D. Dans quel dessein il a acheté lesdits pistolets ? R. Qu’il les a achetés pour l’exécution du crime qu’il a commis hier. D. Quel étoit ce dessein ? R. Qu’il avoit le dessein d’assassiner Collot d’Herbois et Robespierre. D. Quel tentative il a faite pour l’exécution de ce dessein ? R. Que depuis trois jours, il portoit ses pistolets, étant résolu de s’en servir, selon son dessein, à la première occasion. Que le jour d’hier, il est sorti de chez lui à 9 heures du matin; qu’il est allé dans la rue Honoré, où s’adressant à une fruitière, il lui a demandé à quelle heure Robespierre alloit au comité; laquelle lui a dit de s’adresser au fond de la cour, où étoit son domicile, et que là il demanderoit ce qu’il vouloit savoir; qu’il est entré dans la cour jusqu’à la distance de dix pas; qu’il a rencontré un volontaire le bras en écharpe, et une citoyenne, lesquels lui ont dit que Robespierre étant occupé, il ne pourroit lui parler, pourquoi il s’est retiré. 581 SÉANCE DU 4 PRAIRIAL AN II (23 MAI 1794) - N° 69 D. Si, lorsqu’il a tenté de s’introduire chez Robespierre, il avait dessein de l’assassiner chez lui ? R. Que son dessein principal étoit de savoir à quelle heure Robespierre iroit au comité; qu’au surplus, s’il eût pu le voir, il est très possible qu’il eût exécuté son dessein, que de là il est allé chez Roulot, restaurateur au bout de la terrasse des Feuillans, où il a déjeuné; que de là il est allé dans une des tribunes de l’assemblée nationale, qu’à l’issue de la séance, il s’est placé sous la galerie qui conduit au Comité de salut public, que de là prenant prétexte d’aller s’informer des nouvelles, il s’est rendu à la porte extérieure du Comité de salut public, où il attendoit Robespierre pour l’assassiner, que dans le même dessein, il est allé se placer sous le vestibule qui va, d’une part à la salle de la Convention, et, de l’autre, au Comité de salut public; que là, ayant vu plusieurs députés venant du comité, il a demandé leur nom et a vu que ce n’étoit pas ceux qu’il cherchoit; que de là il est allé au café Marie, et de là au café Gervaise, où il a joué aux dames avec un jeune homme connu de Tomé, que de là il est allé souper seul chez le traiteur Dufis, au coin de la rue Favart; qu’à 11 heures il est rentré dans son domicile, rue Favart, n° 4, au 5°, que de là il attendoit que Collot d’Herbois rentrât chez lui; qu’environ 1 heure du matin, ayant entendu que la gouvernante descendoit pour l’éclairer, il est descendu armé de ses 2 pistolets, jusques près et même plus bas que l’appartement de Collot d’Herbois, allant à sa rencontre; que l’ayant atteint dans l’escalier, il s’est précipité sur lui avec fureur, et lui a lâché successivement, et tout près de lui, ses 2 coups de pistolet qui ont fait faux feu, qu’on lui a dit que l’un des coups étoit parti, mais qu’il ne peut s’en rappeler, qu’il est remonté dans sa chambre, de laquelle il a entendu crier à la garde; alors, il a réamorcé son fusil qui était chargé et a tenté de se détruire, sans y avoir réussi, l’amorce ayant brûlé sans que le coup soit parti; qu’ayant entendu monter la garde, il a amorcé de nouveau son fusil, a ouvert la porte, l’a refermée et r’ouverte, et a tiré son coup sur les premiers qui se sont présentés, qu’alors il a été arrêté et traduit à la section. D. Qui lui fournissoit les sommes qu’il em-ployoit à des dépenses journalières au-delà de ses ressources connues ? R. Que ces sommes étoient le résultat de ses économies et de la vente de ses effets. Lecture faite de son interrogatoire, a persisté et a signé; et a dit de ne vouloir de défenseur. [Les membres du C. rév. de la Sion Lepeletier, au présid. de la Conv .] « Président, » C’est avec douleurs que nous t’invitons à instruire la Convention nationale que cette nuit, sur les une heure et demie du matin, un scélérat qui avoit formé le projet d’assassiner des représentans du peuple, a tiré deux coups de feu sur la personne de Collot-d’Herbois, membre du Comité de salut public; il a poursuivi hier toute la journée et Collot-d’Herbois et Robespierre, dans le dessein de les assassiner l’un et l’autre. » Heureusement leurs jours sont hors de danger. Le coupable est sous la main de la justice. Nous sommes à la recherche des complices; et s’il en existe, ils ne nous échapperont pas. » Nous annonçons avec plaisir qu’un bon patriote, père de famille, Geffroy, serrurier de cette section, qui s’est trouvé le premier pour arrêter ce monstre, a ordonné, au nom du peuple, à son représentant de se retirer, et après avoir été blessé, s’est saisi lui-même de l’assassin.» A la lecture de ces pièces, vous frémissez d’horreur, citoyens, mais comme si la nature avoit voulu dédommager en même temps l’humanité, elle lui a représenté, dans la même scène un patriote généreux, un républicain ferme, qui a voulu défendre et venger la représentation nationale. Le citoyen Geffroy, serrurier de profession, père de famille, a empêché Collot d’Herbois d’aller saisir l’assassin dans sa chambre, dans la tannière où il s’étoit caché. Je te commande, au nom du peuple, lui a-t-il dit, de demeurer là; je vais moi-même arrêter l’assassin, pour le mettre sous le glaive de la loi. Ensuite il a couru à la tête de bons citoyens qui remplissoient le corps de garde; son zèle a été heureux, puisque l’assassin a été saisi; mais l’intrépidité de Geffroy n’a pu le garantir d’un coup de fusil qui lui a percé l’épaule, et qui lui fait une blessure très grave. Nous devons des éloges à la conduite de la force armée; quant au citoyen Geffroy, les hommes de l’art et le Comité révolutionnaire viennent d’assurer au comité que cette blessure n’étoit pas mortelle. Ainsi, pour cette fois, nous n’avons ni la perte d’un citoyen à déplorer, ni le panthéon à ouvrir, ni de tristes devoirs à remplir envers nos collègues. Le représentant du peuple Collot d’Herbois est au milieu de nous; nous l’avons vu ce matin, plus tranquille que nous, et avec ce courage calme qui n’appartient qu’au patriotisme et à la vertu. Le citoyen Geffroy ne mourra pas de sa blessure, et je vois déjà dans vos applaudissemens à cette nouvelle que vous vous attendez au décret qui lui donnera une marque écrite de la satisfaction de la Convention nationale pour récompense civique, et une pension honorable pour panser sa blessure et nourrir une famille qu’il soutenoit par l’ouvrage de ses mains. La Convention nationale voudra sans doute être informée de l’état des blessures de ce bon citoyen. Il fut un temps de dégradation et de honte dans l’Assemblée constituante, où les in-signifians et dégoutans bulletin de la santé d’un roi parjure étoient lus en présence des citoyens. Eh bien, nous en ferons une expiation civique en lisant au milieu de la Convention nationale, en présence d’un peuple, le bulletin de l’état des blessures d’un citoyen qui s’est dévoué pour arrêter un scélérat armé et au désespoir. Malheur aux âmes froides qui ne sentiroient pas le prix de pareilles dispositions dans un décret ! Ceux-là ne sont ni des citoyens, ni des enfans de la République ! Quant aux deux comités, ils ne cesseront de veiller à son salut, de quelques périls qu’il les entourent, de quelques crimes qu’ils les cernent. Les comités ne feront, par cette conduite, qu’imiter le courage de la Convention nationale. Il lit le projet de décret qui est adopté unanimement. 581 SÉANCE DU 4 PRAIRIAL AN II (23 MAI 1794) - N° 69 D. Si, lorsqu’il a tenté de s’introduire chez Robespierre, il avait dessein de l’assassiner chez lui ? R. Que son dessein principal étoit de savoir à quelle heure Robespierre iroit au comité; qu’au surplus, s’il eût pu le voir, il est très possible qu’il eût exécuté son dessein, que de là il est allé chez Roulot, restaurateur au bout de la terrasse des Feuillans, où il a déjeuné; que de là il est allé dans une des tribunes de l’assemblée nationale, qu’à l’issue de la séance, il s’est placé sous la galerie qui conduit au Comité de salut public, que de là prenant prétexte d’aller s’informer des nouvelles, il s’est rendu à la porte extérieure du Comité de salut public, où il attendoit Robespierre pour l’assassiner, que dans le même dessein, il est allé se placer sous le vestibule qui va, d’une part à la salle de la Convention, et, de l’autre, au Comité de salut public; que là, ayant vu plusieurs députés venant du comité, il a demandé leur nom et a vu que ce n’étoit pas ceux qu’il cherchoit; que de là il est allé au café Marie, et de là au café Gervaise, où il a joué aux dames avec un jeune homme connu de Tomé, que de là il est allé souper seul chez le traiteur Dufis, au coin de la rue Favart; qu’à 11 heures il est rentré dans son domicile, rue Favart, n° 4, au 5°, que de là il attendoit que Collot d’Herbois rentrât chez lui; qu’environ 1 heure du matin, ayant entendu que la gouvernante descendoit pour l’éclairer, il est descendu armé de ses 2 pistolets, jusques près et même plus bas que l’appartement de Collot d’Herbois, allant à sa rencontre; que l’ayant atteint dans l’escalier, il s’est précipité sur lui avec fureur, et lui a lâché successivement, et tout près de lui, ses 2 coups de pistolet qui ont fait faux feu, qu’on lui a dit que l’un des coups étoit parti, mais qu’il ne peut s’en rappeler, qu’il est remonté dans sa chambre, de laquelle il a entendu crier à la garde; alors, il a réamorcé son fusil qui était chargé et a tenté de se détruire, sans y avoir réussi, l’amorce ayant brûlé sans que le coup soit parti; qu’ayant entendu monter la garde, il a amorcé de nouveau son fusil, a ouvert la porte, l’a refermée et r’ouverte, et a tiré son coup sur les premiers qui se sont présentés, qu’alors il a été arrêté et traduit à la section. D. Qui lui fournissoit les sommes qu’il em-ployoit à des dépenses journalières au-delà de ses ressources connues ? R. Que ces sommes étoient le résultat de ses économies et de la vente de ses effets. Lecture faite de son interrogatoire, a persisté et a signé; et a dit de ne vouloir de défenseur. [Les membres du C. rév. de la Sion Lepeletier, au présid. de la Conv .] « Président, » C’est avec douleurs que nous t’invitons à instruire la Convention nationale que cette nuit, sur les une heure et demie du matin, un scélérat qui avoit formé le projet d’assassiner des représentans du peuple, a tiré deux coups de feu sur la personne de Collot-d’Herbois, membre du Comité de salut public; il a poursuivi hier toute la journée et Collot-d’Herbois et Robespierre, dans le dessein de les assassiner l’un et l’autre. » Heureusement leurs jours sont hors de danger. Le coupable est sous la main de la justice. Nous sommes à la recherche des complices; et s’il en existe, ils ne nous échapperont pas. » Nous annonçons avec plaisir qu’un bon patriote, père de famille, Geffroy, serrurier de cette section, qui s’est trouvé le premier pour arrêter ce monstre, a ordonné, au nom du peuple, à son représentant de se retirer, et après avoir été blessé, s’est saisi lui-même de l’assassin.» A la lecture de ces pièces, vous frémissez d’horreur, citoyens, mais comme si la nature avoit voulu dédommager en même temps l’humanité, elle lui a représenté, dans la même scène un patriote généreux, un républicain ferme, qui a voulu défendre et venger la représentation nationale. Le citoyen Geffroy, serrurier de profession, père de famille, a empêché Collot d’Herbois d’aller saisir l’assassin dans sa chambre, dans la tannière où il s’étoit caché. Je te commande, au nom du peuple, lui a-t-il dit, de demeurer là; je vais moi-même arrêter l’assassin, pour le mettre sous le glaive de la loi. Ensuite il a couru à la tête de bons citoyens qui remplissoient le corps de garde; son zèle a été heureux, puisque l’assassin a été saisi; mais l’intrépidité de Geffroy n’a pu le garantir d’un coup de fusil qui lui a percé l’épaule, et qui lui fait une blessure très grave. Nous devons des éloges à la conduite de la force armée; quant au citoyen Geffroy, les hommes de l’art et le Comité révolutionnaire viennent d’assurer au comité que cette blessure n’étoit pas mortelle. Ainsi, pour cette fois, nous n’avons ni la perte d’un citoyen à déplorer, ni le panthéon à ouvrir, ni de tristes devoirs à remplir envers nos collègues. Le représentant du peuple Collot d’Herbois est au milieu de nous; nous l’avons vu ce matin, plus tranquille que nous, et avec ce courage calme qui n’appartient qu’au patriotisme et à la vertu. Le citoyen Geffroy ne mourra pas de sa blessure, et je vois déjà dans vos applaudissemens à cette nouvelle que vous vous attendez au décret qui lui donnera une marque écrite de la satisfaction de la Convention nationale pour récompense civique, et une pension honorable pour panser sa blessure et nourrir une famille qu’il soutenoit par l’ouvrage de ses mains. La Convention nationale voudra sans doute être informée de l’état des blessures de ce bon citoyen. Il fut un temps de dégradation et de honte dans l’Assemblée constituante, où les in-signifians et dégoutans bulletin de la santé d’un roi parjure étoient lus en présence des citoyens. Eh bien, nous en ferons une expiation civique en lisant au milieu de la Convention nationale, en présence d’un peuple, le bulletin de l’état des blessures d’un citoyen qui s’est dévoué pour arrêter un scélérat armé et au désespoir. Malheur aux âmes froides qui ne sentiroient pas le prix de pareilles dispositions dans un décret ! Ceux-là ne sont ni des citoyens, ni des enfans de la République ! Quant aux deux comités, ils ne cesseront de veiller à son salut, de quelques périls qu’il les entourent, de quelques crimes qu’ils les cernent. Les comités ne feront, par cette conduite, qu’imiter le courage de la Convention nationale. Il lit le projet de décret qui est adopté unanimement.