627 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [6 août 1790.] m’apprennent que les équipages de presque tous les bâtiments de la station du Levant, qu’il commande, se sont soulevés, et l’ont obligé à leur promettre qu’il partirait, le 10 août au plus tard, pour rentrer dans les ports du royaume. Cet officier, après avoir fait la plus grande résistance, a été obligé de souscrire à la condition qu’on lui a imposée. D’un autre côté, M. Pontevès-Gien me mande, de la Martinique, que le même esprit règne dans la station des Les du Vent dont il est chef, qu’il se verra obligé d’appareiller pour revenir en France dans le mois de juillet, et qu’une insurec-tion générale serait l’effet certain du moindre retard contraire au vœu et à la demande des équipages. Il est de mon devoir, non seulement d’exposer à l’Assemblée nationale les faits qui me sont connus, mais de ne point lui dissimuler l’unanimité, pour ainsi dire, de volonté qui s’est manifestée, parmi les matelots, dans deux parties aussi différentes du globe, et qui leur a fait exiger impérieusement de quitter leurs postes à la même époque. Le retour des deux stations est d’autant plus fâcheux, qu’à cette même époque, trente cinq vaisseaux de guerre espagnols à peu près, et plus de cinquante vaisseaux de ligne anglais, sans compter les hollandais, se trouvent complètement armés ou en commission. Le ministre des affaires étrangères vous a fait pressentir les précautions et les armements ultérieurs que les efforts des autres nations nécessiteront peut-être de notre part. Il est aisé de discerner qu’au milieu des préparatifs considérables qui se font de tous côtés, le seul moyen efficace d’assurer la paix au royaume, est de se mettre et de se conserver en état de ne point craindre la guerre; mais la protection seule de notre commerce dans le Levant, contre beaucoup de corsaires qui, portant le pavillon turc ou russe, ne respectent pas néanmoins notre neutralité, la conservation et la surveillance des riches possessions que nous avons dans le golfe du Mexique requièrent évidemment, dès aujourd’hui, qu’on remplace promptement les stations occidentales et celles du Levant. Il a paru, d’ailleurs, nécessaire au roi que les bâtiments qu’on y destinera ne soient pas inférieurs par le nombre de leurs équipages aux bâtiments de même force qu’ils rencontreront et que notre faiblesse n’invite pas les nations, maintenant armées, à manquer d’égard pour notre pavillon. Sa Majesté a, par cette raison, ordonné que les bâtiments affectés à nos stations fussent mis sur le pied de guerre, comme le sont, en ce moment, les vaisseaux de toutes les puissances maritimes de l’Europe. Je rends compte à l’Assemblée nationale de l’augmentation annuelle de dépense qui résultera de cette mesure. D'autres actes d’insubordination, ou même des commencements d’insurrection, ont eu lieu dans divers ports du royaume. Instruit que le comité de marine s’occupait de la rédaction de lois tendant à réprimer les délits, je lui ai fait part de plusieurs faits récents qui en démontraient la nécessité urgente : Je neconnais point son travail; mais il m’a mandé, depuis quelque jours, qu'il était fini, livré à la presse et qu’il serait bientôt soumis à l’Assemblée nationale. Qu’il me soivpermis de saisir l’occasion naturelle qui se présente pour l’inviter à s’en occuper aussitôt qu’il lui sera communiqué. Il n’est point de département où il importe plus de rétablir promptement la discipline et l’ordre. En ce mo-mont où les forces navales de toutes les puissances européennes sont déployées, nos ports, nos vaisseaux rassemblent sans cesse, dans un petit espace, une multitude d’hommes précédemment épars et qui se connaissent à peine; le seul frein des lois peut les y contenir et prévenir des délits nombreux, que cette réunion même occasionnerait sans cesse. Nos arsenaux maritimes, ces dépôts les plus précieux de tous pour l’Etat, et en même temps les plus susceptibles d’être rapidement détruits, requièrent une surveillance constante pour leur conservation ; et, en cas de dangers imprévus et imminents, la plus grande célérité, le plus grand ordre dans les secours qui y sont portés. Comment espérer l’un ou l’autre si l’on ne maintient une subordination habituelle et exacte? Au milieu des mers, l’obéissance instantanée est encore plus indispensable. Quel navigateur n’attestera pas que, sur un vaisseau, l’esprit d’indiscipline et l’insurrection, que la désuétude d’obéir, que dis-je? que la négligence seule de quelques individus, ou même leur inattention au commandement peuvent souvent compromettre le salut de tous! C’est donc pour assurer celui de l’Etat, mais c’est aussi par d’autres motifs peut-être non moins puissants, c’est par des principes et des vues d’humanité que j’ose invoquer l’at-teniion de l’Assemblée nationale, la presser d’avance de considérer le projet qui lui sera incessamment soumis par son comité et de substituer sans délai un régime nouveau (ne fût-il pas même exempt de quelques imperfections) à celui qui se trouve, par le fait, anéanti. Car la police salutaire qui contenait les hommes de mer réunis est énervée; les lois militaires qui la constituaient sont devenues absolument inefficaces, parce que les conseils de guerre, destinés à en maintenir l’exécution, ne peuvent plu3 être convoqués. Il faut cependant, contre la licence, des règles qui ne soient pas impunément éludées. Le laps de temps qui s’écoulera sans qu’une législation; sans que des tribunaux quelconques fassent cesser le désordre qui s’accroît fous les jours dans le département qui m'est confié peut engendrer des malheurs irréparables pour la Frauce et je crois qu’il est de mon devoir de ne le point dissimuler. Je suis avec respect, Monsieur le Président, votre, etc. M. de Bonnay. Je demande l’impression de cette lettre. M. Paul Mairac. J’en demande le renvoi, en original, au comité de la marine, et pour cause; M. LanjHfnaig. On ne peut ordonner l’impression d’une lettre que contredisent les nouvelles parvenues à tous les négociants. M. Alquler. 11 est inutile d’imprimer cette lettre ; mais il est nécessaire d’en faire une secondé lecture dans un moment où l’Assemblée sera plus nombreuse. (La lettre est renvoyée au comité de la marine qui est, en même temps, autorisé à se faire remettre les lettres originales des gouverneurs et commandants de la Martinique et des forts du Levant.) M. de Calron, député de Cauxy demande et obtient la permission de s’absenter, pour ses af-i faires, pendant quinze jours ou trois semaines.