[Convention nationale ARCHIVES PARLEMENTAIRES. § SmbreT793 277 dans aucun détail, je dois observer à la Conven¬ tion qu’il serait peut-être impolitique de rendre public l’objet de ma mission. Je demande que vous me renvoyiez devant le comité de sûreté générale, à qui je lirai mes pouvoirs et rendrai compte des faits. Sur la proposition de Bourdon (de VOise), le commissaire du conseil exécutif est renvoyé devant le comité de sûreté générale. Une députation de la commune de Paris de¬ mande la suppression des loteries, et notamment celle de France; la translation du spectacle de l’Opéra dans la salle de spectacle des Français, et la réunion des bâtiments de l’évêché à l’Hôtel-Dieu pour y placer les femmes en couches. Un membre [Thuriot (1)] demande la sup¬ pression des loteries; la Convention nationale décrète ce qui suit : « La Convention nationale décrète : Art. 1er. « Les loteries, de quelque nature qu’elles soient, et sous quelque dénomination qu’elles existent, sont supprimées. Art. 2. « Il ne pourra être fait d’autres tirages, à compter de ce jour, que ceux qui devaient avoir lieu à raison des mises autorisées pendant le courant du présent mois. Art. 3. « Le comité des finances est chargé de pré¬ senter, sans délai, un projet de décret sur les mesures à prendre pour assurer les intérêts par¬ ticuliers. Art. 4. « L’insertion du présent décret au « Bulletin » tiendra lieu de promulgation (2). » Suit le texte des 'pétitions de la commime de Paris, relatives : 1 0 à la suppression des loteries; 2° à V adjonction des bâtiments de l’évêché à V Hôtel-Dieu, d’après des documents des Archives nationales. Première pétition (3). Commune de Paris. « Représentants du peuple, « Vous dénoncer les abus qui pèsent sur le peuple, c’est prononcer leur destruction. Après avoir anéanti le fléau de l’agiotage et de l’acca¬ parement, il vous reste un autre monstre à étouffer. 11 est d’autant plus dangereux qu’il dévore la substance du peuple et surtout de la partie indigente. Il fut engendré par le despo¬ tisme et il s’en servit avec perfidie pour étouffer le cri de la misère en le leurrant d’une espérance trompeuse. « La loterie, odieuse combinaison fiscale, (1) D’après le Moniteur universel. (2) Procès-verbaux de la Convention, t. 25, p. 236. m Archives nationales t carton C 279, dossier 753, envahit le produit des sueurs du pauvre, réduit au désespoir une infinité de familles. Cet immo¬ ral établissement ne doit pas exister sous le régime républicain. Il n’appartient qu’aux rois de tendre des pièges à ceux qu’ils gouvernent ; dans une république, toute contribution doit être juste et libre et jamais le produit du crime. « Tels sont les motifs qui ont engagé le conseil général de la commune à vous demander la suppression de toutes les loteries et notamment de la ci-devant loterie royale. Nous vous demandons en outre, législateurs, un décret comminatoire, et les peines les plus sévères contre les banquiers et autres agents des puissances ennemies qui tiennent des bureaux de loteries étrangères et qui enlèvent chaque année des sommes énormes a la République en trom-pant le peuple par ce jeu abominable. Deuxième pétition (1). Demande le rapport du comité des secours publics et des finances de la pétition qui a pour objet la demande d’adjoindre les bâtiments de l’évêché à l’ Hôtel-Dieu pour y mettre provisoi¬ rement les citoyennes en couches qui sont dans le grenier de l’Hôtel-Dieu dans la tristesse et presque dans l’oubli, comme si de faire des enfants n’était pas le plus bel ouvrage de la nature, et par suite les convalescents. Compte rendu du Moniteur universel (2). On admet à la barre une députation du conseil général de la commune de Paris. L’orateur de la députation. Vous dénoncer des abus qui pèsent sur le peuple, c’est être sûr de leur destruction. Après avoir frappé l’agiotage et l’accaparement, il vous reste à frapper un fléau dont la classe indigente est surtout la victime, fléau inventé par le despotisme pour faire taire le peuple sur sa misère en le leurrant d’une es¬ pérance qui ne faisait qu’aggraver sa calamité. Un tel abus ne doit plus exister sous le régime de la liberté. Le conseil de la commune a arrêté de vous demander la suppression de toutes les loteries, et surtout de la loterie ci-devant royale. (On applaudit.) Chaumette. Depuis que la justice nationale a frappé les comédiens du Théâtre-Français, tout le quartier qui l’avoisine est absolument ruiné. Nous venons vous prier de lui rendre la vie en y plaçant un établissement public. La salle des Français peut convenir à l’Opéra; celle où se trouve aujourd’hui l’Opéra n’a été bâtie que pour 10 ans; elle sert depuis 18. Nous craignons chaque jour des inconvénients et des malheurs; chaque jour des intrigants s’agitent autour de nous pour nous engager à faire placer l’Opéra dans la salle d’un théâtre rival; or, cette salle est construite vis-à-vis la bibliothèque nationale. Le moindre incendie à ce théâtre pourrait consumer ce monument précieux que nous envient les étrangers. Le conseil de la commune a consulté les gens de l’art sur le projet de translation au (1) Archives nationales, carton C 281, dossier 771. (2) Moniteur universel [n° 56 du 20 brumaire an II (samedi 16 novembre 1793), p. (227, col. 3]. Voy. d’autre part ci-après, annexe n° 1, p. 292, le compte rendu de la même discussion, d’après divers journaux. . 278 [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. I brumai,re a" J* ) la novembre 1 ràà théâtre des comédiens français. Il résulte que les frais seraient peu considérables, et que cette translation procurerait à la République deux millions de location. Nous demandons encore que la Convention veuille bien ajouter les bâtiments du ci-devant évêché à ceux de l’Hôtel-Dieu, pour y mettre les femmes en couches. (On applaudit.) Thuriot. Je crois que les calculs faits par la commune de Paris, pour transférer l’Opéra, sont justes sous tous les rapports. Mais comme il peut y avoir des intérêts à balancer, il faut renvoyer cet objet au comité des domaines. Mais il en est un dont la morale fait un devoir à la Convention de s’occuper sur-le-champ, c’est la suppression des loteries. Une infinité de pères de famille ont souvent été victimes de la passion meurtrière qu’elles inspirent. Une masse énorme de marchands et de commerçants a vu engloutir sa fortune et réduit sa famille à la misère. Il ne peut résulter aucun bien des lote¬ ries; leur existence est contraire à la morale comme à la politique. Vous avez en vain sup¬ primé les petites loteries, elles n’existent que parce que les grandes sont conservées. Je demande la suppression de toutes les loteries et le renvoi au comité des finances pour les mesures d’exécution (On applaudit.) Cette proposition est décrétée. ( Suit le texte que nous avons inséré ci-dessus, d'après le procès-verbal.) Cambon.’ L’opinion publique nous précède : tous les jours elle annonce la destruction de la superstition. Vous devez la remplacer par des établissements d’humanité. Je demande que la Convention décrète que dans toutes les com¬ munes les presbytères supprimés seront em¬ ployés au soulagement des infortunés et à l’instruction publique. Cette proposition est adoptée. La Convention renvoie aux comités des domaines et de Salut public ce qui concerne l’ Opéra. « La Convention nationale, sur la proposition du ministre de la marine, convertie en motion par un membre, rend commun à la marine le décret du 8e jour du 2e mois de la 2e année répu¬ blicaine, portant qu’il sera nommé des interprètes auprès de chaque dépôt dé prisonniers étran¬ gers (1). » Sur la demande de la commune concernant la translation de l’Opéra, convertie en motion, « La Convention nationale décrète le renvoi au comité d’instruction publique de la question suivante, sur laquelle il fera incessamment un rapport et présentera un projet : « Les spectacles, vu leur influence dans l’édu¬ cation publique, ne peuvent être livrés à des spé¬ culations particulières et privées; quel est le moyen de les rendre nationaux et utiles à la liberté et au bonheur de la République (2)? » fl) Procès-verbaux de la Convention, t. 25, p. 237. (2) Ibid, Compte rendu du Moniteur universel (1). Les sections de Paris, dites du Bonnet-Rouge (2) et de Marat, offrent l’argenterie qui servait aux églises de leur arrondissement. Celle de Marat dépose un sachet contenant 34 diamants d’un grand prix; c’est le fruit des recherches de son comité révolutionnaire. Elle promet d’apporter d’autres richesses dans peu. La section de Marat joint ensuite son vœu à celui exprimé par la municipalité, pour que l’Opéra soit transféré au théâtre de la Nation. Fabre d’Eglantine. La pétition que je viens d’entendre me porte à demander que la Conven¬ tion examine une question bien importante; il est temps qu’elle détermine sous quel rapport seront établis les théâtres, et par quelles mains seront régies ces institutions majeures, qui font entrer d’une manière si persuasive la vérité ou l’erreur dans l’entendement humain, et qui, comme on vient de le dire, exercent une espèce de sacerdoce sur la pensée. Je demande que ma proposition soit renvoyée au comité d’instruction publique pour en faire un prompt rapport. Le renvoi est décrété. Sur la proposition d’un membre [Lecointe-Puyraveau (3)3, relative à la troisième demande de la municipalité de Paris, « La Convention nationale, après avoir en¬ tendu le rapport de ses comités des secours publics et d’aliénation [Boussion, rapporteur (4)], sur les différentes pétitions des autorités constituées et des citoyens de Paris, ayant pour objet la réu¬ nion du ci-devant évêché au grand hospice d’humanité établi à Paris, « Décrète qu’en attendant l’organisation géné¬ rale des hôpitaux de la République, la munici¬ palité de Paris est autorisée à disposer provisoi¬ rement des bâtiments du ci-devant évêché, pour être uniquement appliqués au service du grand hospice d’humanité de cette commune, afin que chaque malade y soit placé dans un lit séparé, à la distance de 3 pieds, pour y recevoir commo¬ dément tous les soins et secours dus à l’huma¬ nité souffrante, sous la surveillance du départe¬ ment de Paris et du ministre de l’intérieur (5). » Compte rendu du Moniteur universel (6). Lecointe-Puyraveau. Je convertis en motion la partie de la pétition des autorités constituées (1) Moniteur universel [n° 56 du 26 brumaire an II (samedi 16 novembre 1793), p. 228, col. 2]. D’autre part, voy. ci-après, annexe n° 2, p. 294, le compte rendu, publié par divers journaux, de l’admission à la barre de la section de Marat et de la motion de Fabre d’Églantine. (2) Voy. ci-dessus, même séance, p. 255, l’admis¬ sion à la barre de la section du Bonnet-Rouge. (3) D’après les divers journaux de l’époque. (4) D’après le Moniteur, ou Richard, d’après Y Auditeur national. (5) Procès-verbaux de la Convention, t. 25, p. 237. (6) Moniteur universel [n° 57 du 27 brumaire an II (dimanche 17 novembre 1793), p. 232, col. 2], D’autre part, V Auditeur national [n° 420 du 26 bru¬ maire an II (samedi 16 novembre 1793), p. 4] et le Journal de Perlei fn° 420 du 26 brumaire an II (samedi 16 novembre 1793), p. 371] rendent compte