[Assemblée nationale. J ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [16 juillet 1791. j 379 donné dans la paroisse de Saint-Christophe-Li-geron; le tocsin sonna dès le matin. Une troupe de fameux entra dans l’église, brisa les bancs des ci-devant roturiers, et les fit brûler sur la place; de là ces furieux allèrent attaquer jusque dans leurs maisons la garde nationale et les corps administratifs, ainsi que les citoyens qui avaient montré le plus d’attachement à la Constitution. Les gendarmes nationaux des brigades de Challans et Palluau, envoyés pour le maintien de l’ordre, furent insultés, maltraités, obligés de se renfermer dans une maison particulière, pour empêcher l’effusion du sang et mettre en sûreté leur vie et celle des citoyens, dont quelques-uns avaient déjà été assez grièvement blessés. Le directoire du district de Challans instruit de ces faits, et que les factieux se proposaient de venir attaquer; le directoire lui-même requit les gardi s nationales des municipalités et districts voisins, ainsi qu’un détachement des dragons de Gonti, en garnison à Machecoul; il arrêta que le procureur syndic se transporterait à Saint-Christophe avec toutes les troupes qu’il pourrait réunir à l’effet de faire arrêter les chefs des factieux. Le lendemain 2 mai, ie procureur syndic du district assisté d’un grand nombre de gardes nationaux des municipalités voisines, d'u i détachement des dragons de Gonti, et des brigades de la gendarmerie nationale, se rendit à Saint-Christophe pour y remplir l’objet de sa mission. Un nombre de factieux accourut, tant de cette paroisse que des paroisses voisines, et dont la fureur u’avait pas été calmée par deux heures de ia pluie la plus abondante, il se mit en devoir de résister. Cai llés derrière des haies, des buissons, iis firent une décharge sur les troupes, qui blessa 2 dragons et plusieurs chevaux. Les troupes fondirent sur L s factieux qui furent bientôt mis en fuite et dissipés, après avoir laissé 4 morts sur la place, et avoir plusieurs blessés, dont quelques-uns sont morts depuis; d’autn s furent arrêtés et conduits dans la maison d’arrêt. Des mouvements pareils étaient prêts à éclater dans plusieurs paroisses des districts de Chal-ians, la Roche-sur-Yon et les Sables; mais ils furent contenus par un corps assez considérable de gardes nationales arrivées de Nantes au secours de leurs frères, et un détachement de troupes de ligne et de gardes nationaux envoyés par le directoire du département. Le peu de succès de ces premières tentatives n’avait pas rebuté les ennemis de la chose publique; et la nouvelle de l’évasion du roi et de la famille royale réunit leurs espérances. Le 26 du mois dernier, le directoire du district des Sables fut informé qu’un nombre de ci-devant nobles, qu’on porte à 80, ayant avec eux 200 paysans ou environ et quelques ecclésiastiques non assermentés, étaient rassemblés avec des armes et des munitions de guerre au château de la Proutière, paroisse de Poiroux, appartenant au sieur Robert de Lézardière, connu depuis longtemps par son incivisme. Ce rassemblement donna les plus vives inquiétudes aux administrateurs du district des Sable-. Des ordres furent donnés à un détachement de 30 soldats du régiment de Rohan et autant de gardes nationaux d’aller fouiller la maison de la Proutière et d’enlever les armes qui s’y trouve-veraient. Le même détachement eut ordre de fouiller également la maison de la Marzelle appartenant au sieur de Loyar, où l’on avait annoncé une réunion d’hommes et d’armes. Ils ne trouvèrent que 2 ou 3 fusils dans ce château; mais ils dirent y avoir trouvé un billet, sans date ni signature, dont voici la teneur : « Le roi et la reine de France sont partis de Paris; grande rumeur partout; tous les départements, districts, municipalités et gardes nationaux, tout est en route; ce sont des cavaliers de maréchaussée qui, de brigade en brigade, portent les nouvelles. Il faut imaginer que ia chose est certaine; partez... allons... communiquez-moi l’arrêté. Le parti que... enfin, mon ami, un ensemble...; c’est là fin.- tant de la crise : c’est là le moment de nous montrer dignes du sang qui coule dans nos veines. Le secret du vrai franc-maçon ! au champ de Mars et à la gloire. » Ce billet, une lettre adressée au sieur Lézardière et trouvée dans les souliers d’un commissionnaire, quelques petits bâtiments qu’on avait aperçus sur la côte et à qui on avait cru voir faire des signaux d’intelligence, ne pouvaient qu’augmenter les inquiétudes. Le détachement arriva le 28, au château de la Proutière et le trouva évacué. Il y entra sur les 3 heures du soir, et un instant après le château fut incendié et entièrement dévasté sans que le commandant de la troupe pût y apporter aucun obstacle. Dans la nuit du 29 au 30 juin, ie sieur de Lézardière, ses 2 fils et un domestique furent arrêtés à Saint-Fulgent, et conduils aux Sables par ordre des commissaires que lu département a envoyés sur les lieux. Ces commissaires vous exposent, après le détail de ces faits, l’état de (rouble et d’anarchie où se trouve le département de la Vendée; ilsse plaignent des manquements d’égards et même des insultes qu’ils ont éprouvés; ils vous supplient d’envoyer incessamment 2 commissaires qui, investis de toute l’autorité et la considération que leur donnera votre confiance, poissent rappeler les citoyens au respect pour les lois et à la déférence qu’ils doivent avoir. En conséquence, nous avons l’honneur de vous proposer le projet de décret suivant : L’Assemblée nationale décrète ce qui suit : Art. 1er. « Les procédures commencées dans les tribunaux des districts de la Roche-sur-Yon, les Sables et Challans, pour raison des troubles qui ont eu li u dans l’étendue de ces districts dans les mois d’avril, mai et juin derniers, y seront continuées jusqu’à jugement définitif, sauf l’appel, ainsi que de droit ; et cependant copie des procédures sera envoyée à l’Assemblée nationale, sans que cet envoi puisse retarder les jugements. Art. 2. « Il sera envoyé incessamment dans le département de la Vendée deux commissaires civils, qui prendront tous les éclaircissements qu’ils pourront se procurer sur les causes des troubles, et se concerteront avec les corps administratifs sur les moyens de rétablir l’ordre et d’assurer la tranquillité publique; lesdits commissaires seront autorisés à requérir, toutes les fois qu’ils le jugeront convenable, les secours des gardes nationales et des troupes de ligne, tant dans le département de la Vendée que dans les départements voisins. » (Ce décret est mis aux voix et adopté.) M. le Président lève la séance à dix heures.