[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [1* septembre 1791.] 187 mais vous n’avez ni voulu ni pu l’affranchir de cette immense responsabilité morale qu’un roi contracte envers sa conscience, son siècle et la postérité. Les moments sont précieux sans doute, quand il s’agit de fixer les destins d’un grand peuple et de prévenir ses agitations. La France et l’Europe attendent en suspens la réponse que vous sollicitez. Mais ce que la France et l’Europe attendent surtout, et recevront avec respect, c’est une réponse dictée par une réflexion mûre et par u e volonté libre, telle qu’il convient au roi d’une nation loyale et franche de la donner, et à ses représentants de la recevoir. La France et l’Europe voient en vous ces mêmes hommes qui dissipèrent, avec une indignation généreuse, un camp de soldats rassemblés près du lieu où ils délibéraient sur la liberté publique : aucun danger, sans doute, n’eût fait pénétrer le découragement dans vos âmes; et, libres au milieu du péril, vous ne trembliez pas Four vous-rnèmes; mais vous redoutiez, pour honneur de la Constitution, la proximité d’une armée qu’on aurait accusée d’exagérer votre courage. « Le danger, disiez -vous alors, menaçait les travaux qui étaient noire premier devoir; ces travaux ne pouvaient avoir un pleiu succès, une véritable permanence, qu’autant que les peuples les regarderaient comme entièrement libres. » Toujours fidèles aux mêmes principes, vous en attendrez encore aujourd’hui les mêmes succès; ce que vous réclamiez alors, vous l’ordonnerez aujourd’hui: vous écarterez des délibérations du trône tous les sujets de méfiance que vous avez justement rejetés loin de vous. Ainsi le veut l’intérêt de la Constitution. Ainsi le voudront avec vous tous ceux qui désirent véiitablement la durée de vos décrets et la gloire du peuple auquel ils sont consacrés. Si les ennemis de vos travaux pouvaient espérer de placer dans le sein de la Constitution quelque germe de destruction et de mort, qui perpétuât leurs espérances, ce serait en cherchant à répandre des nuages sur la liberté dont la délibération du roi et son acceptation seront accompagnées; et les précautions, aussi respectueuses qu’indispensables, offertes au monarque pour la dignité et la conservation de sa personne, ils s’efforceraient de les présenter comme des attentats contre son indépendance. Mais le patriotisme éclairé des bons citoyens ne laissera pas le plus léger prétexte à ces insinuations perfides. Prêts à mourir pour la loi qu’ils se sont donnée, ils en assureront la stabilité par la liberté de son acceptation. L’armée, les gardes nationales, tous les habitants de l’Empire, animés du même esprit, sentiront que, si la personne du monarque est dans tous li s temps inviolable et sacrée, son indépendance est, eu ce moment plus que jamais, le plus grand et le plus pressant intérêt de la nation. Il importe, avant tout, que le roi soit assuré de cette indépendance ; il importe q u’elle soit évidente aux yeux de l’univers; et vous regarde! ez sans doute comme les mesures ies plussages, celles qui, rendant le roi lui-même arbitre des précautions qu’exige sa dignité, rendront aussi la libei té manifeste et indubitable: et s’il restait encore quelques inquiétudes à ceux qui aiment à s’alarmer par une excessive prévoyance, nous leur dirions qu’il est des événements qu’aucune précaution ne peut éviter, mais qu’il est aussi des précautions plus dangereuses que ces événements; que rien ne peut assurer à la nation que s ou repos ne sera jamais troublé; mais que tout assure â un grand peuple, une fois devenu libre, qu’aucune force ne peut lui donner des fers. La nation que vous représentez connaît et chérit ses droits; vous avez, en son nom, banni tous les préjugés, proclamé toutes les vérités, mis en action tous les principes : une telle nation est assez préparée pour les circonstances ies plus difficiles. Quoi qu’il puisse arriver, elle aura toujours la raison pour guide, le courage pour appui. Ce u’est pas l’instant de retracer ici votre puissance; vos ouvrages et l’obéissance d’un grand peuple en sont d’assez glorieux témoi ns : et ceux-l à paraîtraient en douter ou chercheraient à la compromettre, qui vous conseilleraient d’en développer ici un usage rigoureux ou un appareil inutile. Non, Messieurs, on ne refuse point un trône offert par la nation française, quand on sait quel prix ii estimable cette nation aimante et généreuse réserve au monarque qui respectera lui-même et fera respecter les lois. ( Vifs applaudissements .) Nous avons l’honneur de vous présenter le projet de décret suivant: « Art. 1er. Il sera nommé une députation pour l’acte constitutionnel à l’acceptation du roi. « Art. 2. Le roi sera prié de donner tous les ordres qu’il jugera convenable pour sa garde et pour la dignité de sa personne. « Art. 3. Si le roi se rend au vœu des Français, en adoptant l’acte constitutionnel, il sera *pné d’indiquer le jour et de regler les formes dans lesquelles il prononcera solennellement, en présence de l’Assemblée nationale, l’acceptation de la royauté constitutionnelle, et l'engagement d’en remplir les fonctions. » (. Applaudissements .) M. Goupü-Préfeln. Je demande l’impression du rapport. Voix nombreuses : Oui ! oui ! (L’Assemblée, consultée, ordonne l’impression du rapport de M. Briois-Beaumctz.) M. le Président. M. Robespierre a la parole. M. Frétean-Saint-Just. Je demande à dire un mot d’ordre. Je désirerais beaucoup, si le décret présenté à l’Assemblée doit' être adopté par elle, et je désirerais qu’il le fût, que ce soit d’une manière grande, noble et généreuse. ( Murmures et applaudissements.) M. Fan julnais. Gomme la liste civile ! M. Fréteau-Saïnt-Just. Je voudrais éviter tonte discussion sur un point dont peut-être dépend, je ne dis pas la paix de l’Empire, mais peut-être, j’ose le dire, la paix de l’Europe, le bien de l’humanité, le bonheur de tous les peuples qui auront le noble courage de nous imiter et de sentir leur dignité. Je demande donc que l’on aille aux voix sur le projet des comités, sans entendre aucune (Murmures et applaudissements.) M. Fanjninais. La grande et belle manière pour une A-semblée comme la vôtre, dans toutes les circonstances, est de délibéier froidement. (Applaudissements.) Je m’arrête; l’Assemblée m’entend ; je demande que celui qui a la parole la prenne. (Applaudissements.)