[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 19 aval 1791.] 681 Quant à la proposition de M. Prieur, je l’adopte très volontiers. M. Bouche. Comme mon intention n’est pas de parler sacerdotalement, mais en homme public, je répondrai à M. Couturier que ces mots : Sit nomen Domini benedictum , ne sont qu’une exclamation de ceux qui ont beaucoup de louis et d’écus ( Rires et applaudissements.), et que nous qui en avons peu, uous n’avons pas besoin de cette légende. {Rires.) Je pense au reste que si cette monnaie, telle qu’on la propose, ne plaît pas à MM. tes ecclésiastiques, ils feraient bien de ne pas s’en servir et nous en aurons davantage. (Rires.) M. 'Vernier. Il me semble que nous ne devons pas renvoyer à faire rendre le jugement du concours prévu par l’article 8, par-devant l’Académie de peinture et de sculpture; mais il faut que celle-ci donne seulement son avis et que ce soit l’Assemblée nationale qui prononce. (L’Assemblée, consultée, passe à l’ordre du jour sur la motion de M. Couturier et adopte les amendements de MM. Prieur et Vernier.) M. Belzais-Courménîl, rapporteur. En conséquence, voici la rédaction du projet de décret : « L’Assemblée nationale, après avoir entendu son comité des monnaies, décrète ce qui suit : Art. 1er. « L’effigie du roi sera empreinte sur toutes les monnaies du royaume avec la légende : Louis XVI, roi des Français. Art. 2. « Le revers de la monnaie d’or, des écus et demi-écus, aura pour empreintes le génie de la France, debout devant un autel, et gravant sur des tables le mot Constitution, avec le sceptre de la raison, désigné par un œil ouvert à son extrémité ; il aura à côté de l’autel un coq, symbole de la vigilance et un faisceau, emblème de l’union et de la force armée. Art. 3. « Le revers portera pour légende ces mots : Règne de la loi. Art. 4. « Il sera gravé sur la tranche : La nation, la loi et le roi. Art. 5. « Les pièces de 30 et 15 sous porteront les mêmes empreintes et la même légende, à l’exception du coq et du faisceau. Art. 6. « La monnaie de cuivre portera la même effigie du roi et la même légende ; le revers seul sera différent. Art. 7. « L’empreinte du revers sera un faisceau traversé par une pique surmontée du bonnet de la liberté; autour, une couronne de chêue, avec la légende : La nation , la loi et le roi. Art. 8. « Sur toutes les monnaies, le millésime sera en chiffres arabes, suivi de l’année de la liberté. Art. 9. « Il sera sans délai procédé à la formation des nouveaux coins et matrices. Art. 10. « Tous les artistes pourront concourir à leur gravure; et la préférence sera jugée sur l’avis de F Académie de peinture et de sculpture. Art. 11. « Sur le compte qui sera rendu à l’Assemblée nationale par son comité des monnaies, elle prononcera sur l’indemnité qui pourra être due aux artistes dont le travail ne serait pas jugé utile. Art. 12. « Le ministre de l’intérieur et la commission des monnaies prendront les mesures nécessaires pour accélérer la fabrication ordonnée par le décret du 11 janvier. En conséquence, il sera remis au ministre copie collationnée des offres faites au comité des monnaies, relativement à la fourniture des flans pour la monnaie de cuivre; et la commission rendra compte à l’Assemblée de ses vues sur la simplification, l’économie et la perfection des monnayages. Art. 13. « L’Assemblée charge son Président de porter dans le jour le présent décret à la sanction du roi. » (Ce décret est adopté.) M. Malouet, au nom du comité de la marine. Messieurs, je viens, au nom de votre comité de marine, vous rappeler que, par votre décret du 8 décembre dernier, vous avez proscrit sur les côtes de la Méditerranée une sorte de pêche, connue sous le nom dépêché aux bœufs, comme destructive du frai. Les patrons pêcheurs des côtes des ci-devant provinces du Languedoc et du Roussillon ont représenté que, par la nature de leurs côtes et de leurs filets, ce procédé n’est pas nuisible. Nous avons vérifié les faits et, d’après les renseignements des directoires de département, nous avons été d’avis d’accéder à leur demande, hors le temps du frai. C’est le but du projet de décret suivant : Art. 1er. « L’Assemblée nationale, sur la pétition des patrons pêcheurs des ci-devant provinces du Languedoc et du Roussillon, interprétant l’article 2 du décret du 8 décembre, confirme la défense portée par ledit décret, d’exécuter la pêche aux bœufs avec des filets dont les mailles seraient au-dessous de 9 lignes dans la partie inférieure, de 10 lignes dans la partie moyenne et de 8 lignes dans la partie supérieure ; l’usage même de ces filets pour la pêche aux bœufs et toute espèce de pêche à la traîne ne pourra être permis depuis le lur avril jusqu’au 1er juillet; dans toute autre saison de l’année et en se con-formantauxdimensions prescrites pour les mailles des filets, la pêche aux bœufs et celle à la traîne pourront s’exécuter sur les côtes des ci-devant provinces de Languedoc et du Roussillon. Art. 2. « L’Assemblée nationale décrète qu’il sera établi une juridiction de prud’hommes et patrons pêcheurs dans le port de Saint-Tropez, à la charge 682 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [9 avril 1791.] d’y faire observer les mêmes lois, statuts et règlements de la juridiction des prud’hommes de Marseille. Art. 3. « La juridiction des prud’hommes établis dans la ville de Cette sera commune à tous les pêcheurs du quartier des classes de la même ville; et, en conséquence, les patrons pêcheurs des étangs ayant en propriété leurs filets et barques de pêche montées de 3 hommes au moins, ■mousse compris, concourront avec ceux de la mer aux places de prud’hommes, et jouiront des mêmes prérogatives énoncées dans le décret du 8 décembre dernier. » Un membre propose par amendement au pre� mier article que la pêche aux bœufs et à la traîne soit permise dans toutes les saisons de l’année. M. Castellanet. J’appuie l’avis du comité; il résulterait de très grands inconvénients, pour la Provence et pour la marine du royaume même, si on ne mettait pas de bornes à cette pêche. (L’Assemblée repousse l’amendement par la question préalable.) Un membre propose par amendement à ce que la prohibition soit réduite à deux mois, avril et juin. (Cet amendement est repoussé par la question préalable.) M. le Président. Je mets aux voix le projet de décret du comité. (Ce décret est adopté.) Un de MM. les secrétaires fait lecture d’une lettre du président de l'assemblée électorale du département de la Dordogne, qui annonce que M. Poutarcl, curé de Sarlat, a été nommé évêque de ce département et que les électeurs ont en même temps procédé à l’élection d’un membre au tribunal de cassation, et de son suppléant. M. le Président. Je dois consulter l’Assemblée sur une difliculté relative à la nomination des 3 commissaires de la trésorerie, qui, suivant le décret, doivent obtenir la pluralité absolue des suffrages. Dans le relevé du scrutin, on a omis de noter le nombre des votants, mais en supposant que ce nombre ait été le même que celai du scrutin pour le président et les secrétaires, qui a eu lieu en même temps, MM. Vernier et Merlin se trouveraient avoir obtenu la majorité absolue; en sorte que si l’Assemblée approuve cette nomination, il ne resterait à nommer que le 3° commissaire. (L’Assemblée déclare valable la nomination de MM. Vernier et Merlin et ordonne qu’il sera procédé demain à l’élection du 3° commissaire.) M. Paycn, au nom du comité colonial. Messieurs, votre comité des colonies m’a chargé de vous rendre compte de l’affaire des sieurs Le Blond, Mathelin et autres citoyens de la ville de Cayenne, renvoyés en France par ordre du sieur Boürgon, gouverneur delà Guyane française. Cette colonie n’a pu se préserver de la commotion générale. Elle a vu plusieurs de ses citoyens arrachés de leurs foyers, condamnés arbitrairement à l’exil, embarqués sur un aviso et transportés en France, où ils réclament aujourd’hui l’autorité des lois et votre justice. Il était question de former une assemblée coloniale d'après votre décret du 8 mars. Le 9 août 1790, le peuple s’attroupe, se réunit dans l’église paroissiale et se porte à divers excès. Le gouverneur en a rendu compte au ministre de la marine. L’assemblée coloniale, de son côté, a consigné dans son journal des détails très opposés; mais les deux relations s’accordent sur un article bien essentiel, sur la vérité de l’attroupement et des violences exercées contre plusieurs citoyens. Les choses furent poussées encore plus loin. Le peuple rassemblé à l’église, au son des cloches, prend la résolution de se constituer sous le titre d’assemblée civique, nomme un président et un secrétaire, arrête ou fait arrêter 17 citoyens et s’établit l’arbitre de leur sort. Pour l’exécution de ses jugements, cette assemblée décide qu’il sera nommé 10 personnes par acclamation, qui se rendront par devant le sieur Bourgon, gouverneur, pour lui demander main-forte et le prier de faire arrêter le sieur Mathelin qui avait échappé à leur recherches. Le sieur Bourgon accorde main-forte sur cette réquisition. L’assemblée nationale a désapprouvé ces excès par une adresse du mois d’octobre 1790, signée par 100 citoyens actifs de Cayenne. « Nous vous demandons, dit-elle, Messieurs, que jamais le citoyen ne soit exposé à la vindicte perturbatrice dés assemblées soi-disant civiques. Le souvenir seul de ce qui s’est pratiqué, le 9 août dernier, nous arrache des regrets. Sous des raisons insidieuses, on nous a arrachés de nos foyers, les armes à la main. « Fasse le Ciel qu’il vous inspire, ainsi qu’à nous, l’esprit de justice et de vérité, la concorde et l’union auxquels aspirent tous les vrais citoyens, alin que vous puissiez arriver glorieusement à la fin de tous vos travaux. » Je ne vous entretiendrai pas, Messieurs, de ce que contient le procès-verbal de l’Assemblée civique; je me bornerai à vous dire qu’on n’y découvre qu’un tissu d’accusations vagues et dénuées de fondement contre cette foule de citoyens qu’on a privés de la liberté. Votre comité a pensé qu’il convenait de charger les commissaires du roi destinés pourCayenne et la Guyane française de prendre des informations relatives aux événements des 9 et 10 août 1790. En conséquence, j’ai l’honneur de vous proposer le projet de décret suivant : « L’Assemblée nationale, après avoir entendu la rapport qui lui a été fait au nom de son comité des colonies, « Déclare que les sieurs Le Blond, Mathelin, L’Homont, Orban, Bec, Tassot et Comte, embarqués par l’effet des troubles qui ont eu lieu à Cayenne les 9 et 10 août de l’année dernière, sans qu’il y ait eu contre eux aucun jugement légal, seront libres de retourner à Cayenne, ainsi que les sieurs Greutz, Ghapel et Romain, illégalement emprisonnés pour être également embarqués à la première occasion, lesquels seront mis en liberté si fait n’a été ; les uns et les autres devant y jouir de toute la protection des lois, comme tous citoyens. « Décrète qu’il leur sera fourni sur les fonds du Trésor public une somme suffisante pour les frais de leur séjour en France et de leur retour à Gavenne. « Décrète, en outre, que par les commissaires du roi, qui doivent se rendre à Cayenne, il sera pris les informations les plus précises relative-