ARCHIVES PARLEMENTAIRES. liO novembre 1790.} 354 [Assemblée nationale.] de ligne, par la seule raison qu’elles vivent en bonne intelligence avec les citoyens ; il flétrit, il opprime tous les soldats, tous les sous-officiers qui osent se dire les amis de la Constitution; il n’a pas craint de faire le premier revivre les lettres de cachet; il a retenu pendant neuf mois dans les prisons un sous-oîncier, contre lequel il n’îr avait ni jugement, ni instruction, ni accusation; enfin, dans la capitale, sous les yeux de l’Assemblée nationale, il a eu l’audace de faire arrêter les députés d’un régiment munis des congés de leurs officiers et des passeports de la municipalité où ils étaient en garnison. Ces trois ministres, qui sous l’empire de la liberté, luttent contre l’opinion publique avec une audace que n’auraient peut-être pas montrée aussi constamment les hommes pervers que le réveil de la nation a fait disparaître, ces trois ministres (il en est temps) ne doivent plus désormais s’armer contre le peuple lui-même de l’indulgence de ses représentants. Vous avez, Messieurs, paru séparer de la cause de ces ministres, celle de M. de Montmorin, à qui l’on reproche de vous avoir laissé ignorer pendant plusieurs jours les armements de l’Angleterre et de l’Espagne, parce qu’il voulait suspendre tout sentiment d’inquiétude publique pendant les fêtes de la confédération nationale.il était conforme à vos grands principes d’équité de ne pas méconnaître la pureté qu’il pouvait y avoir dans les intentions d’un des ministres, lors même que ses actions pouvaient donner lieu à des interprétations qui lui étaient défavorables. La commune de Paris ne cherche pas des coupables; mais elle cherche à assurer les effets de sa surveillance, à les assurer de manière que les fauteurs du despotisme, poussés partout dans leurs derniers retranchements, soient forcés de regarder le temple de la liberté comme leur asile le plus sûr, et son culte, au moins extérieur, comme le seul moyen qui leur reste pour adoucir la juste vengeance des lois. Vainement objecterait-on que la commune de Paris ne vous apporte pas les preuves légales des imputations faites aux ministres. La nation n’a-t-elle pas le droit qu’a tout individu de dire au mandataire qu’il soupçonne d’infidélité : « Vous êtes indigne de toute confiance par cela seul que vous voulez rester dépositaire de mes intérêts pendant l’instruction du procès que je vous intente 1 » Nous vous en conjurons, Messieurs, écartez du roi-ses plus dangereux ennemis, puisqu’ils sont ceux de la nation dont l’intérêt sera toujours inséparable des intérêts du monarque; il s’applaudira bientôt lui-même de l’éloignement d’hommes qui ont vu leurs partisans les plus acharnés n’entreprendre leur défense qu’en commençant par professer la mésestime qu’ils sentaient pour leurs personnes. Quand vous aurez étouffé, par le décret que nous attendons de votre sagesse, les nouveaux complots de tous les ennemis de la régénération de la France et de la félicité du peuple ; quand vous aurez constitué une haute cour nationale, et que quelque grand exemple aura appris aux agents du pouvoir exécutif que leur responsabilité n’est pas une chimère, et que le glaive de la loi frappera désormais tous les coupables; sans doute, nous verrous des ministres plus purs combattre eux-mêmes, et faire cesser l’influence de la bureaucratie ; et la destruction de ce dernier fléau ne sera pas un des moindres fruits de notre Révolution. En conséquence de la dénonciation faite par la commune de Paris, contre MM. Champion, La Tour-du-Pin et Guignard, elle supplie l’Assemblée nationale : 1° De déclarer au roi que ces mêmes ministres sont indignes de la confiance publique et de le prier de les renvoyer; 2° D’organiser promptement une haute cour nationale, ou tel autre tribunal destiné à connaître des crimes de lèse-nation et de ceux de la responsabilité des ministres et autres agents du pouvoir exécutif; 3° D’ordonner que, sur les dénonciations déjà faites , le procès sera instruit et jugé contre MM. Champion, La Tour-du-Pin et Guignard ; 4° Et de prendre toutes les mesures nécessaires afin qu’aucun ministre ne puisse sortir du royaume ni de la capitale, jusqu’à ce qu’il ait été déclaré légalement quitte et déchargé du compte de son administration. Sergent, président des commissaires chargés par la commune de Paris de demander le renvoi des ministres. Danton, àuchy, secrétaires. M. de Cazalès veut prendre la parole. (La partie gauche demande que personne ne soit entendu avant la réponse de M. le président.) M. de Cazalès. Je demande, Monsieur le président, que vous ayez la bonté d’interpeller la commune de Paris pour qu’elle déclare si elle accuse formellement les ministres et si son discours contient les chefs d’accusation ; alors il sera du devoir de l’Assemblée nationale de se nantir de la dénonciation et de juger s’il y a lieu à l’accusation. (La partie gauche demande qu'on laisse répondre M. le président.) M. de Montiosîer. Je demande que le discours de M. le président soit communiqué à l’Assemblée nationale avant d’être prononcé. M. Muguet de JVanthou. Je prie M. le président de m’accorder la parole immédiatement après sa réponse. M. le Président. Je connais parfaitement les devoirs et les droits du président de l’Assemblée nationale. Je remplirai exactement les uns, je ne me départirai jamais des autres. J’ai préparé une réponse et je ne la communiquerai à l’Assemblée que si elle me l’ordonne. M. Goupil. Je demande que, selon l’usage constant, M. le président fasse la réponse que sa sagesse lui a suggérée. Voix nombreuses : Oui, oui ! ce scandale n’a que trop duré! M. le Président répond à la députation : L'Assemblée nationale a consacré par ses décrets le droit de pétition. Elle ne l’a pas créé, elle ne l’a pas accordé; il est naturel et inhérent à toute association civile. Jamais les peuples libres n’ont été gênés dans l’exercice de ce droit. Si dans le temps que les nuages du despotisme couvraient la surface de ce bel Empire, les agents de ce pouvoir dévorantétouffaient lescrisdes citoyens par despunitions, des emprisonnements arbitraires; si, par ces moyens tyranniques, ils empêchaient