537 (Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [4 avril 1791.J « gieusement dans un de ses temples les cendres « des citoyens dont la mémoire est consacrée par « la reconnaissance publique ; pourquoi la France « n’adopterait-elle pas ce sublime exemple? « Pourquoi leurs funérailles ne deviendraient-« elles pas une dépense nationale? « Mais ce vœu, nous ne pouvons que l’exprimer; « c’est à nos réprésentants, à ceux que nous « avons si justement chargés du travail de nos e lois et du soin de notre bonheur, à lui impri-« mer un caractère auguste. » Hàtons-nous donc de leleur présenter, et qu’un « décret solennel apprenne à l’univers que la « France consacre enfin aux amis du peuple ces « monuments réservés autrefois aux hasards de « la naissance et des combats. » Le procureur général syndic entendu, le directoire arrête qu’il sera fait une députation à l’Assemblée nationale pour demander: « 1° Que le nouvel édifice de Sainte-Geneviève soit destiné à recevoir les cendres des grands hommes, à dater de l’époque de notre liberté ; « 2° Que l’Assemblée nationale seule puisse juger à quels hommes cet honneur sera décerné ; « 3° Qu’Honoré Riquetti-Mirabeau en est jugé digne; « 4° Que les exceptions qui pourront avoir lieu pour quelques grands hommes morts avant la révolution, tels que Descartes, Voltaire, Jean-Jac-ques-Rousseau, ne puissent être faites que par l’Assemblée nationale ; « 5° Que le directoire du département de Paris soit chargé de mettre promptement l’édifice de Sainte-Geneviève en état de remplir sa nouvelle destination, et fasse graver au-dessous du fronton ces mots : « Aux Grands Hommes, « La Patrie reconnaissante. « Fait à Paris, en directoire, le 2 avril 1791. « Signé ;La Rochefoucauld, président; Sieyès, Germain Garnier, Dutremblay, Anson, vice-présidents; Pastoret, procureur général-syndic; Blondel, secrétaire. » ( Applaudissements répétés.) M. le Président. Messieurs, lorsque l’Assemblée nationale entendait la voix éloquente de Mirabeau provoquer des honneurs publics sur la mémoire de Franklin, elle ne s’attendait pas que trop tôt notre douleur et celle de la France entière appelleraient les mêmes hommages sur la tombe de notre illustre collègue. Il était aussi le vôtre, Messieurs; et l’Assemblée nationale reçoit avec sensibilité le vœu par lequel vous venez exprimer le sentiment de la reconnaissance portée à un des grands défenseurs de la liberté publique. Vous avez en même temps. Messieurs, généralisé vos idées; et dans le projet que vous nous présentez, nous voyons avec intérêt que le talent et les qualités de l’administration s’unissent aux sentiments particuliers d’estime et d’amitié qui vous liaient à notre commun collègue. L’Assemblée va délibérer sur votre demande ; elle désirerait vous accorder les honneurs de la séance, mais il faut qu’elle statue sur-le-champ. M. Defermon. J’ai remarqué dans l’arrêté du département deux objets distincts : d’une part les honneurs à décerner aux grands hommes après leur mort; de l’autre, l’attribution de ces honneurs à un de nos collègues. La première idée qui se présente aux esprits est celle de savoir si le grand homme que nous avons perdu sera soumis à l’examen que le département réclame. En calculant les effets des passions humaines, peut-être croira-t-on que cet examen lui-même ne devra point être fait par le Corps législatif; en conséquence je demande le renvoi de l’arrêté du département au comité de Constitution. Plusieurs membres demandent la question préalable sur la motion de M. Defermon. M. Robespierre. La pétition du département de Paris vous présente deux objets également digues de votre attention : l'un particulier à M. de Mirabeau, l’autre général et tendant à à fixer la manière dont la nation doit récompenser les grands hommes qui l’ont servie. Quant au premier, il n’appartient, je crois, à personne dans cette Assemblée, de contester la justice de la pétition qui vous est présentée au nom du département de Paris. Ce n’estpas au moment où les regrets qu’excite la perte d’un homme illustre sont les plus vifs, ce n’est pas lorsqu’il s’agit d’un homme qui, dans les moments critiques de la Révolution, a opposé la plus grande force au despotisme, qu’il faut se montrer difficile sur les moyens de l’honorer, et arrêter l’effusion du sentiment qu’excite une perte aussi intéressante. Je ne contesterai donc en aucune manière cette première partie de la pétition du département de Paris. Je l’appuierai au contraire de tout mon pouvoir, ou plutôt de toute ma sensibilité. Le second objet rallie les plus grands intérêts de la patrie et de la liberté; car ce sont les récompenses que l’on décerne aux grands hommes qui sont le germe du patriotisme, qui sont la semence de toutes les vertus. Cette dernière partie de la pétition du département de Paris est un des objets les plus intéressants de la Constitution. Elle doit, ce me semble, être le sujet d’une délibération très mûre. Je crois donc que votre délibéra. :on actuelle ne peut porter que sur la première \ irtie de la pétition, et qu’il ne nous appartient point d’opposer des formes à ce premier sentiment de patriotisme et de sensibilité, à cet enthousiasme de la liberté qui doit nous porter et qui a déjà porté tous les citoyens à provoquer des récompenses, des hommages pour la mémoire de M. de Mirabeau. En conséquence je demande la division de la motion. Je demande que ce qui concerne M. de Mirabeau soit adopté, que le reste soit renvoyé au comité de Constitution. ( Applaudissements .) M. d’André. J’avais demandé la parole; mais comme je me trouve complètement de l’avis de M. Robespierre, il me paraît inutile d’occuper plus longtemps les moments de l’Assemblée. M. Dumont. En adoptant l’avis qui vient d’être proposé, je pense qu’il faudrait le modifier dans l’exécution en invitant M. l’évêque de Paris à bénir le Champ de Mars... Un membre : Il ne s’agit pas de cela. M. Dupont... caron ne doit pas faire d’inhumations dans les églises pour ne pas les transformer en charniers. {Murmures.) Et plut au ciel que nous puissions remplir le champ de la patrie d’hommes qui aient bien servi l’Etat! 538 (4 avril 179t.] [Assemblée nationale.J ARCHIVES PARLEMENTAIRES. M. BouUeville-Dumet* . Je ne crois pas que nous puissions craindre réellement que jamais telles inhumations puissent devenir contraires à la salubrité. N’osons pas porter nos espérances si loin, et ne craignons pas que ce premier exemple devienne contagieux. M. Barnave. Il me semble qu’on nous éloigne du véritable objet de délibération, qui est celui proposé par M. Robespierre. Je crois que dans ce moment-ci nous devons prononcer un jugement qui est en nous l’effet d’un sentiment profond qui ne peut pas nous tromper; et je crois que c’est en quelque sorte dégrader le mouvement qui nous presse en ce moment, que de nous livrer à des discussions sur des détails quelconques, qui sont étrangers par eux-mêmes à la résolution importante que nous devons seule prononcer. Je demande donc, comme l’a dit M. Robespierre, que renvoyant au comité tout ce qui concerne l’examen des moyens qui doivent être établis pour témoigner la reconnaissance de la nation aux hommes qui l’ont bien servie, nous rendions actuellement un décret en ces termes : « L’Assemblée nationale, délibérant sur la pétition du directoire du département de Paris, déclare qu’Honoré Riquetti Mirabeau a mérité les honueurs qui seront décernés par la nation à la mémoire des grands hommes qui ont bien servi leur patrie; renvoie le surplus de la pétition au comité de Constitution, pour en rendre compte incessamment. » (L’Assemblée adopte ce décret.) M. le Président lève la séance à trois heures et demie. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. TRONCHET. Séance du lundi 4 avril 1791, au matin (1). La séance est ouverte à neuf heures et demie du matin. Deux de MM. les secrétaires font successivement lecture des procès-verbaux des séances de samedi, au matin, et d’hier, qui sont adoptés. M. Bouche. Messieurs, dans le procès-verbal imprimé du 6 janvier dernier, à l’article 6 du tarif des messageries, et dans les expéditions de ce tarif portées à la sanction du roi, le mot voitures a été placé, quoique, par un amendement adopté, ce mot, voitures , doive être rayé de l’article 6; le même article contient le mot effectivement dans l’expédition portée à la sanction, quoiqu’il ne se trouve pas dans le procès-verbal en minute, dans celui mis au net et dans l’imprimé. Je demande que cet article soit soumis au comité des fman'ces pour, sur son rapport, être statué par l’Assemblée sur la rédaction de cet article. M. Vernier, au nom du comité des finances, donne quelques explications sur la disposition précise de ce décret. M. Bonche. Je réduis ma motion à ce que les pièces sur lesquelles je fonde mes observations soient renvoyées au comité des flnances, qui sera chargé de proposer son avis à la séance de demain. (Cette motion est décrétée.) Un de MM. les secrétaires remet entre les mains de M. Vernier, membre du comité des finances, savoir : le procès-verbal autographe de la séance du 6 janvier dernier, le procès-verbal imprimé et les minutes du décret. M. Bouche demande que le procès-verbal fasse mention de cette remise de pièces. (Cette motion est décrétée.) M. Prugnon, au nom du comité d' emplacement. Messieurs, celui qui se marie, dit Bacon, donne des otages à la fortune. Tout district qui vous présente une pétition pour acquérir, vous demande, dans le fait, d’être autorisé à donner des otages au temps. C’est une espèce de brevet d’immortalité qu’il sollicite. Est-il convenable d’en donner un au district de Dieppe? Un port est le centre de tous les intérêts; les habitants du district y viennent nécessairement pour acheter ou pour vendre; c’est le foyer de toutes les relations ; il leur convient d’être administrés là où ils viennent le plus souvent. 11 est même un sens dans lequel on peut dire qu’un port n’est pas précisément une frontière ; car la mer est pour ses habitants une espèce de patrie. C’est d’après ce principe que le département du Var a été placé à Toulon, et non à Draguignan, quoique cette dernière ville fût précisément centrale : elle avait toutes les convenances physiques ; mais Toulon réunissait les autres, et l’a emporté. Le district de Dieppe, composé de 202 municipalités, paraît destiné à jouir longtemps de la vie ; et d’ailleurs, quand on cultive l’Océan, on est dans la situation d’acheter une maison de Minimes. Malgré ces considérations, votre comité pense que les principes que vous avez adoptés doivent acquérir chaque jour plus de raideur et d’inflexibilité. Il se décide par un raisonnement qui n’est pas très facile à détruire; il dit aux districts moitié perpétuels et moitié viagers : vous prétendez que vous ne pouvez pas périr; et je n’ai pas la cruauté de vous enlever le songe de l’espérance; mais la législature qui vous conservera vous autorisera à acquérir, et vos finances seront alors en meilleur ordre. Je vous le demande, le conseil de la sagesse est-il de prendre des mesures définitives pour un établissement qui n’est pas définitif? Quel mal vous fait un bail qai se convertira en une adjudication, si le temps arrange votre destinée au gré de votre espoir? Songez combien déjà l’administration est chère 1 Pénétrez-vous bien de tout le respect qui est dû aux finances des administrés. 11 semble à votre comité entendre les districts lui répondre : nous vous rendons grâce ; vous avez bien pensé de nous, et nous amendons nous-mêmes notre pétition. Voici le projet de décret que nous vous proposons : « L’Assemblée nationale, ouï le rapport de son comité d’emplacement, autorise le directoire du district de Dieppe, département de la Seine-Inférieure, à louer, à dire d’experts, aux frais des administrés, la maison des Minimes de Dieppe, (1) Cette séance est incomplète au Moniteur.