(Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [2 mai 1791.) 439 Département de l’Aube. A la municipalité de Saint-Léger-sous-Brienne, pour la somme de... 13,824 1. 1 s. » d. A celle de Sens.... 39,803 4 6 Département de l’Aisne. A la municipalité d’Huiselle, pour la somme de .................. 70,841 1. 6 8. 10 d. A celle de Mons-en-Laonnois ............ 36,065 7 4 A celle de Soissons. 3,173,828 14 3 Département de la Somme. A la municipalité de Guiencourt et Saulcourt, pour la somme de.. . 3,483 1. 6 s. » d. A celle de Saint Sul-pice ................ 84,894 9 5 Département de VEure. A la municipalité de Criquebeuf-la-Campagne, pour la 8omrnede... 41,128 1. 15 s. 8 d. A celle de Fontaine-Belienger ........... 65,550 » » A celle de Crêtot. . 45,799 13 5 « Le tout ainsi qu’il est plus au long porté aux décrets et états d'estimation respectifs, annexés à la minute du procès-verbal de ce jour. » (Ge décret est adopté.) M. Croadard, au nom du comité d’agriculture et de commerce , propose un projet de décret relatif à l'exportation aes bois situés sur les rives de la rivière de la Meuse et dans le district de Gex. M. de Follevllle demande, par amendement, que les prix des droits proposés par le comité pour les bois du district de Gex soient doublés. (Get amendement est adopté.) M. fioudard, rapporteur , donne en conséquence lecture du décret amendé, dans les termes suivants : « L’Assemblée nationale, considérant que les coupes annuelles des bois situés sur les rives de la Meuse, depuis Revin jusqu’à Givet, produisent momentanément une surabondance de bois dont la consommation ne peut être faite dans l’intérieur du royaume, excepte de la loi portée par le tarif général des droits de traites, décrété le 31 janvier dernier, les espèces de boi3 ci-après désignés, dont l’exportation, par le cours de la Meuse seulement, pourra avoir lieu jusqu’au l*r mai 1793, à la charge de payer pour droits de sortie, savoir : la banne de charbon de bois contenant 10 queues ou 20 poinçons de Bourgogne, la somme de ........................ 5 liv. « Le millier en nombre de perches à houblon ............................. 30 » « Le millier en nombre de perches nommées vraires ..................... 20 » « Le millier en nombre de perches - nommées ■wairettes ................... 10 » « L’Assemblée nationale excepte également de la prohibition portée par ledit tarif, les bois à brûler du district de Gex, département de l’Ain, ui seront exportés du Royaume moyennant un roit de sortie de 12 sols par chaque char à 4 roues et de 6 sols pour chaque charrette à 2 roues. * (Ge décret est adopté.) Un membre observe que, dans le décret du 9 avril dernier concernant l’emplacement de l’intendance de Bourges, accordé au département du Cher, on a inséré par inadvertance le mot distinct; il demande le retranchement de ce mot. (Gette rectification est ordonnée.) M. Pégot, député de la Haute-Garonne , qui était abseDt par congé, annonce son retour à l’Assemblée. L’ordre du jour est la suite de la discussion du projet de décret des comités diplomatique et £ Avignon sur l'affaire dAvignon et du comtat Ve-naissin (1). M. de La Rochefoucauld-Liancourt (2). Messieurs, je ne prétendrai pas me livrer ici à de longues discussions sur le fond de l’affaire d’Avignon; mais j’ose croire que les courtes réflexions que j’ai a vous soumettre peuvent être de quelque poids dans votre délibération. 11 ne peut y avoir qu’une opinion sur la nécessité, sur le devoir d’apporter tous vos moyens pour faire romptement cesser les désordres barbares qui ésolent le Comtat Venaissin, pour faire cesser les scènes d’horreur et de sang qui dévastent et déshonorent cette contrée. Mais le moyen que vous propose le comité de déclarer le Gomtat possession française, et de vous en emparer à ce titre, ne peut, je pense, être accueilli par vous, au moins sans la plus profonde réflexion ; cette mesure n’est ni juste, ni généreuse, ni politique. Je n’entrerai dans aucun des détails sur lesquels se fonde le comité et qu’il vous assure être des titres incontestables de votre propriété. Je dirai seulement que cette assertion quelquefois présentée, aussi souvent repoussée, a fait le sujet d’une grande et profonde discussion politique dans laquelle chacun a vu ce que son intérêt lui faisait désirer de voir; et que, malgré l’extrême convenance de cette province au royaume de France, malgré la politique souvent avide et les vues immorales de vos cabinets, la cour de Rome en est restée en possession sans que les protestations du parlement de Provence l’aient troublée dans sa jouissance, mais, écartons cette question de droit fondée sur les titres et sur l’ancienne possession, et qui, sous ce rapport, est un procès à examiner. Je reviens à la proposition qui vous est faite de déclarer Avignon et le Gomtai possession française, et je dis qu’elle me semble injuste et que, si elle ne pouvait pas être injuste, elle serait et peu généreuse et impolitique et dangereuse. Elle est injuste, puisqu’en admettant même dans toute son étendue et dans toutes ses conséquences un principe certainement susceptible de modifications, et qui fait le motif principal de la détermination que vous propose votre comité, il est au moins incertain de quel côté est cette prétendue majorité ; le comité vous a dit que 51 communautés sur 95 ont manifesté le vœu de se réunir à la France; des députés d’Avignon assurent que 28 seulement ont émis ce vœu. Il vous dit qu’un grand nombre a arboré les armes de France ; (1) Voy. ci-dessus, séance du 30 avril 1791, page 452 et suiv. (2) Le discours de M. de La Rochefoucauld est fort incomplet au Moniteur. 490 (Astemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [2 mai 1191.) mais qui ne sait que parmi celles qui ont manifesté ce vœu, ou en ont fait la démonstration, plusieurs ont cédé à la force, ont été déterminées par la vue des horreurs exercées autour d’elles, et dont elles étaient elles-mêmes ou victimes ou menacées. Dans la tranquillité, dans le calme qui assure la liberté nécessaire à une aussi importante délibération sur laquelle tant d’intérêts divers, tant de considérations puissantes doivent être soigneusement écoutées et pesées avec une profonde réflexion, cette puissante considération semblerait devoir faire rejeter par l’Assemblée nationale la proposition de déclarer le Comtat partie de l’Empire français, quand bien même l’unanimité des com mu n autés serai t au j ourd’h ui en faveur de ceux qui veulent la réunion, puisqu’aucun de vous n’oserait assurer ici que le vœu est libre, qu’il est l’effet de la volonté libre des communautés qui l'émettent. Mais encore une fois cette majorité est incertaine, un très grand nombre de personnes qui tiennent à Avignon, soit au dedans, soit au dehors de l’Assemblée, déclarent que le peuple comtadin ne veut point devenir province française; et quoiqu’on veuille composer cette majorité des individus plutôt que des communautés, quoiqu’on vous assure que les pièces qui vous sont fournies par les députés d’Avignon ne sont pas vraies, toujours est-il certain qu’il reste au moins un grandf doute à tous ceux qui ne mettent à celte affaire aucune prévention particulière, prévention sans doute bien excusable à ceux qui voient le moyen proposé, comme le moyen unique de préserver leur patrie et leur famille des horreurs de la guerre civile; mais prévention qu’il faut écarter, parce que l’Assemblée nationale veut rendre un décret juste, et que les horreurs de la guerre civile peuvent heureusement être arrêtées par d’autres mesures. Il vous a bien été dit, dans le rapport qui conclut à la prise d’Avignon, que si cette province appartenait à quelque puissance formidable, vous devriez tarder de vous en déclarer possesseurs, et modifier les moyens de vous en rendre maîtres. Mais cette petite et lâche politique qui, ramenée à lagénérositê, à la loyauté dans ses résolutions, par les sentiments mêmes qui l’ont rappelée à la liberté, professe sans cesse que, juste dans ses desseins, et ferme dans ses résolutions, elle ne peut traiter qu’à découvert avec toutes les puissances, et ne conserver dans ses délibérations aucune arrière-pensée? Sans doute, Messieurs, vous abjurerez toute cette morale faite pour les cabinets les plus corrompus; et vous trouverez plus vrai, plus conforme à vos principes, celle qui vous présenterait comme un motif de retarder votre prise de possession d’Avignon, et l’exercice des droits que vous prétendez avoir sur le pape, l’état de trouble et de désunion dans lequel il est, et l’impuissance de la part de ceux qui le gouvernent, de la défendre personnellement. Je demanderai encore à ceux qui sont Jes plus ardents pour l’adoption du plan du comité, s’il n’est point vrai qu’une meilleure conduite du pape dans nos affaires ecclésiastiques eût modifié leurs dispositions. Plusieurs membres : Il ne s’agit pas de cela ! M. de La Rochefoucauld-Liancourt. Enfin cette mesure est impolitique et dangereuse. Celui de vos décrets qui a pénétré le plus l’Europe entière d’estime et d’admiration pour yos délibérations, est celui qui déclare à toutes les nations de la terre, que vous renoncez à tous projets de conquête, que vous prétendez vous renfermer dans vos possessions actuelles ; par lequel professant hautement le respect pour les possessions de tout autre, vous vous êtes montrés grands, généreux et sages. Vous avez ôté à tous les princes qui, jaloux et inquiets de la Révolution que vous opérez, auraient intérieurement brûlé de vous traverser dans vos desseins, tout prétexte pour apporter la guerre dans vos foyers; vous leur en avez ôté tout moyen. Cette belle et sublime déclaration, tant vantée dans le parlement d’Angleterre, pouvait peut-être seule y détruire ce préjugé, que la conduite de vos anciens ministres a si souvent justifié. L’envahissement d’Avignon détruirait, ou servirait de prétexte pour détruire dans l’Europe cette grande et salutaire impression. Il ne serait pas seulement uu prétexte, mais un moyen d'armer contre vous toute l’Europe. Votre déclaration du mois de mai servira contre vous encore : on calomniera vos vues et vos moyens ; on dira que, voulant conquérir Avignon, vous en avez fait soulever le peuple; qu’à l’aide de ces troubles et des scènes de sang qu’ils ont entraînées, vous avez profité de la division des esprits, de la terreur des habitants, de la faiblesse du pape, pour faire revivre des droits, des prétentions que même l’ancienne politique de France n’avait pas voulu, n’avait pas cru possible de maintenir; on dira que vous n’avez consulté ni le droit des gens ni le peuple avignonais ni même leurs vœux qui vous parvenaient. Pensez-vous que s’il existe, comme on le dit, parmi les puissances voisines, l’intention de vous faire la guerre, pensez-vous qu’un plus dangereux manifeste et plus contraire à nos principes puisse être répandu dans toute l’Europe ? Sans doute, Messieurs, je le répète. J’ai l’heureuse conviction qu’une ligue de l’Europe entière ne serait d’aucun danger, si nous réunissions et nos forces, et nos esprits, et nos volontés communes; mais si une guerre étrangère, quelle qu’elle soit, pouvait introduire la guerre civile dans nos foyers, ce serait le plus grand de tous le3 malheurs; si une démarche inconsidérée de notre part la provoquait, nous serions responsables à tout le peuple français des maux dans lesquels nous l’entraînerions. Attendons-la sans la craindre; mais au nom de la patrie, de la Constitution, de nos plus sacrés devoirs, gardons-nous de la provoquer. Après cet horrible malheur, il est permis de compter encore celui d’être obligés de convenir avec nous-mêmes que nous manquerions de fidélité et de conséquence à nos principes. Oui, Messieurs, si vos droits étaient démontrés incontestables; si la majorité du peuple avignonais, auquel il faut promptement donner la paix, nous appelait pour se réunir à nous, le moment actuel n’est pas celui où vous devriez le déclarer réuni à la France. Dans l’état de fermentation et de trouble où est ce malheureux pays, il est impossible de connaître son véritable vœu. On vous a dit, l’autre jour, que, si vous n’avez pas le droit de vous déclarer possesseurs des terres du Comtat et d’Avignon, vous n’avez pas celui d y porter des forces, pour faire cesser les désastres qui dévastent ce pays ; on nous a dit que, si vous employiez cette voie, c’était reconnaître le droit qu’aurait une puissance étrangère d’entrer chez nous à maiu armée, sous le prétexte de ramener parmi nous l’ordre et la paix. Vains raisonnements qui ne peuvent résister à la plus légère ré- (Assemblée nationale.} ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [2 mai 1791.J 494 flexions. Le droit commua des gens par lequel on arrête, chez ses voisins, l’incendie qui nous menace, le devoir de l’humanité vous prescrivent impérieusement de porter des secours à ceux qui les réclament de vous. Les terres d’Avignon et du Comtat appellent nos secours; vous ne pouvez pas les leur refuser. Patriotes et non patriotes, protecteurs et opprimés, tous ont droit à votre protection. On vous a dit, comme un grand moyen, que vous aviez décrété que vous ne prendriez aucune mesure provisoire; on en a fait un argument puissant pour 6carter toute proposition qui tendrait à vous faire mettre provisoirement en possession d’Avignon et du Comtat pour y établir la paix et faire cesser les meurtres et la désolation. Ce décret que vous avez pris lorsque, sur le nouveau délai demandé par le rapporteur, il vous fut proposé d’envoyer sur-le-champ et avant tout examen des commissaires, peut-il vous lier sur le parti que vous avez à prendre avec entière connaissance de l’affaire? C’est comme si l’on prétendait qu’avant d’entendre le rapport, qu’avant d’être instruits de la situation des choses, des besoins, des malheurs et des vœux du pays, de vos droits et de ceux du pape, vous avez décrété que vous déclareriez Avignon possession française ; car il ne peut entrer dans la pensée d’aucun homme, fiortant en lui quelque sentiment d’humanité, de aisser une malheureuse province, enclavée dans les possessions françaises, et de la tranquillité de laquelle dépend celle de nos départements méridionaux, en proie aux horreurs de la guerre civile la plus barbare, sans y porter les secours et l’appui qu’elle vous demande. C’est dans ces principes que j’ai rédigé le projet de décret que j’ai l’honneur de vous proposer; il n’a aucun des inconvénients de celui du comité; il me semble en avoir tous les avantages. « L’Assemblée nationale décrète : « Art. 1er. Le roi sera prié d’envoyer des commissaires munis de pleins pouvoirs, et appuyés d’une quantité suffisante de gardes nationales et de troupes de ligne, pour rétablir et maintenir la tranquillité publique dans les pays d’Avignon et du Comtat, et de faire connaître au pape les motifs et l’intention de la mesure prise dans la circonstance actuelle par la nation française. « Art. 2. En attendant, les pays d’Avignon et du Comtat continueront d’être régis par les lois qui jusqu’ici les ont gouvernés. « Art. 3. Le roi sera prié de faire déclarer au pape les titres en vertu desquels la nation française fonde ses droits sur Avignon et de l’engager à faire connaître ceux par lesquels il entend combattre les droits que prétend avoir le peuple français sur les terres d’Avignon et du Comtat. « Art. 4. Les pièces à l’appui de cette déclaration et instruction seront mises sous les yeux de l’Assemblée pour, par elle, et sur le vœu alors connu du peuple avignonais et comtadin, prendre un parti définitif; et, jusqu’à ce qu’elle ait prononcé, les commissaires français et les troupes continueront de maintenir l’ordre. » M. fionpü-Préfeln (i). Il n’est pas possible qu’on ail oublié la déclaration qui fut faite à haute voix à votre séance d’avant-hier au soir, du désir exécrable d’incendier contre nous toute l’Europe; pour dissiper l’inquiétude qu’une pareille déclaration est propre à faire naître, j’ai l’avantage et la satisfaction d’avoir à mettre sous (1) Ce discours est très incomplet au Moniteur. vos yeux la découverte précieuse d’un moyen très assuré de concilier aux droits légitimes de la France sur Avignoa et sur le Comtat Yenaissin l’approbation de toute l’Europe. (Rires ironiques à droite ; applaudissements à gauche.) Un membre à droite : Aux voix le moyen! M. Goupll-Préfeln. Il s’agit d’un ouvrage de Monclar, imprimé en 1769, par lequel ce célèbre magistrat établit la légitimité des droits de la France sur Avignon. Cet ouvrage fut, à la sollicitation du pape, et par les ordres de M. Choiseul, saisi entre les mains de l’imprimeur et brûlé. Je vous prie de considérer l’opinion que doit donner des droits du pape l’importance qu’il mit à l'anéantissement de ce monument. C’est en puisant dans ce riche trésor, que je prouverai que vous avez le droit et le devoir de réunir Avignon et le Comtat au royaume. Ceci, Messieurs, exige que j’aie l’honneur de vous donner lecture d’une lettre très courte, et dans laquelle vous verrez une anecdote intéressante, un exemple très frappant de la manière dont les princes ont été de tous les temps trompés par leurs ministres. Voici la notice qui est à la tête de l’ouvrage qui m’a été remis : elle est signée du sieur De-lormel, qui en avait fait l’impression par ordre du gouvernement ; c’est lui qui m’a remis son exemplaire : « Cet ouvrage a été imprimé en 1769, sous les yeux de M. de Monclar, procureur général du parlement d’Aix, auteur dudit ouvrage au temps où la France avait pris possession de la ville d’Avignon. Au moment où l’ouvrage allait paraître, je reçus l’ordre de M. de Choiseul, ministre de la guerre, de porter et de remettre à l’hôtel de la guerre, à Versailles, ès mains de M. Berthier gouverneur dudit hôtel, la totalité de l’édition, bien comptée et cachetée, dont M. Berthier donna son reçu comme dépositaire. Trois mois après, j’ai reçu un nouvel ordre de les aller retirer et rapporter à Paris, pour être brûlés : la France ayant rendu cette ville au pape, ce qui a été exécuté dans la cour des Mathurins, en présence du commissaire et du syndic de la librairie, d’un inspecteur de police et de moi, chargé de l’ordre, comme imprimeur dudit ouvrage. Cet exemplaire m’est resté comme il est d’usage, mais il n’est jamais sorti de mes mains, et je ne crois pas qu’il en soit resté trois dans tout le royaume par le soin qu’on a pris de les brûler tous. « Signé : Delormel, imprimeur, rue du Foiû -Saint-Jacques. -> .Vous voyez, Messieurs, comme les intérêts de l’État et de la nation furent en cette occasion trahis par le ministère, et le soin que prit la cour de Rome de marquer sa perfidie ; et sans doute l’argent qu’on employa pour faire disparaître cette édition, que l’on peut sans beaucoup de maligoité, de conjecture, croire qu’elle avait été achetée, vous doit donner une juste idée de cet ouvrage. Je De vous répéterai rien, Messieurs, de ce qui vous a été exposé avec beaucoup d’étendue sur le vice des titres anciens. Vous n’avez pas oublié qu’aussitôt après le rapport, on prit l’occasion de faire une interpellation à M. le rapporteur, pour rappeler une phrase du pape Ganga-nelli, qui, dit-on, à l’occasion de la prise de possession faite par la France en 1668, avait dit : Si un souverain n’est pas assuré de sa possession par une possession de 500 ans, quel est le sou- 492 l Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (2 mai 1191.) verain qui puisse être ea sûreté ? Je conviens du principe du pape Ganganelli, mais je crois que ce pontife très respectable d’ailleurs, indépendamment du rang auguste attaché à la tiare, par bien des vertus personnelles, se trompait étrangement dans l’application. Je commence par examiner les prétendus droits du pape. Quoique le plus grand nombre des jurisconsultes soutiennent que la prescription est inadmissible, de souverain à souverain, de nation à nation, je veux bien admettre le système contraire, je veux bien admettre que la prescription est juste. Toujours sera-t-il vrai que la prescription ne s’opère et ne peut s’opérer que par une possession dûment qualifiée et non interrompue. Pour prescrire, il faut avoir possédé, il faut avoir possédé avec bonne foi, avoir possédé pour soi ; il ne faut pas avoir possédé précairement. La prescription ne peut avoir lieu lorsque la Îiossession a été interrompue ; lorsque l’engagiste ui-méme, en consentant à ce que sa possession soit modifiée, a reconnu l'insuffisance de ses titres ; lorsque le légitime propriétaire a exercé de tout temps des actes de souveraineté. C’est là le principe établi par tous les jurisconsultes. et je ne parle pas ici du droit privé, je parie au droit public, au droit de nature. Or, lés papes ne sont-ils pas dans ce dernier cas ; j’ai recours ici au savant de Monclar. Voici comment il s'explique : « Les comtés de Provence, ne pouvant enlever au pape sa jouissance, se sont contentés de montrer, pour complaire au pape, une fausse couleur de vente, qui lui donnât une apparente souveraineté. Il a fallu, ea compensation, que le propriétaire fît de son côté des actes possessoires, en exerçant de temps à autre les droits de la souveraineté; que rengagiste fermât les yeux, et consentit que sa possession fût modifiée. De là, il arriva que la possession du pape, continuée par condescendance, a eu la propriété du domaine, et que la propriété effective de nos rois n’a point été destituée de possession. > Il poursuit : « Il n’y a point, dit ce savant magistrat, il n’y a point d’idée chez les hommes, d'une souveraineté mélangée, et d’une possession mi-partie, telle qu’on l'a vue dans l’Etat d’Avignon, par les égards des rois pour les chefs de l’Eglise, et par les égards du pape pour la propriété des rois. > Que l’on parcoure toute l’encyclopédie diplomatique, si l’on peut employer cette expression, et que l’on me cite un seul exemple d’un Etat indépendant qui ait laissé ainsi des marques constantes de souveraineté et de supériorité. (Applaudissements.) Et je demanderai à l’un des plus zélés défenseurs des droits chimériques du fiape sur cette souveraineté, je lui demanderai à ui né dans le territoire, pourquoi, sans avoir obtenu des lettres, naturalisé Français, il est devenu député en France, et par 6uite, membre de l’Assemblée nationale, où on a si souvent remarqué dans cette tribune sa facondieuse abondance. ( Rires et applaudissements.) C’est que les gradués à l’université d’Avignon étaient reçus au Parlement de Paris ; les Avignouais pouvaient, sans lettres de naturalisation, exercer des emplois publics en France. « Aiosi, quoique possédé par le pape, Avignon était toujours regardé comme partie de l’Empire français. Avignon et le Comtat ont été réunis à la France par le testament de Charles IV, comte de Provence, qui iustitua Louis II, son héritier; c’est de cette époque que datent les droits imprescriptibles de la France. Argumentera-t-on des aliénations qui en ont été faites ? Elles n’ont jamais porté que le caractère d’engagement ; elles n’ont pas empêché nos ruis d’exercer publiquement aes actes de souveraineté. Lorsqu’elles ont été confirmées, elles ne l’ont été que provisoirement et jusqu’au rachat, toujours par pure condescendance pour les papes. « En 1536, François 1" s’empara d’Avignon. Dans une multitude d’actes, François Ier se réserve de prendre la propriété, lorsque les considérations particulières qui le déterminaient à maintenir pour le moment rengagement auraient cessé. Ces considérations-là se font assez sentir, quand on considère que le fameux concordat est de l’année 1515, et que les actes sont postérieurs. Lorsque l’occasion se présente, François I8r rentre en possession d’Avignon. Les Avignonais et Comtadins, quoique naturalisés, craignaient d’être inquiétés par le fisc pour les terres qu’ils possédaient en France ; pour prévenir ces mauvaises difficultés, ils demandèrent des lettres de naturalisation ; elles leur furent accordées comme simple déclaration de leur droit dont ils n’avaient pas besoin. Plusieurs lettres patentes des papes, principalement celles de 1543 et années suivantes, portent ces mots : La cité d'Avignon étant quant à présent soumise à notre obéissance. « Dans les lettres accordées à Paul de Saxe en 1540, il expose qu’il est né à Avignon et dépendant du comté de Provence, incorporé à la couronne de France, parce que l’incorporation de la Provence à la couronne de France avait été faite par des lettres patentes données par Charles VIII, sur la demande dés Etats du pays. Il existe une multitude de lettres semblables, pour éviter la répétition infinie de toutes ces lettres-là, pour en faire cesser le besoin pour l’avenir, Charles IX donna des lettres patentes au mois de novembre 1567, dans lesquelles il déclare que les Avignonais et Comtadins seraient vrais sujets et regnicoles. » Je vous supplie, Messieurs, de bien peser cette clause. Que l'on n’aille pas la confondre avec certains privilèges accordés à des nations étrangères. On a jugé à propos d’en accorder aux Suisses, mais on ne leur a pas donné le régnicok , en sorte qu’iis puissent concéder tous offices. Ehl Messieurs, un exemple que nous avons eu jusque dans les derniers temps sous les yeux, un exemple frappant de la manière dont on n’a pas cessé de regarder Avignon comme français, c’est qu’au parlement de Paris on recevait au serment sur des licences en droit obtenues dans la ville d’Avignon. <• Sous le règne de Henri IV, le 14 avril 1606, il s’est passé un fait important. Le parlement de Provence ordonna une information sur uu attentat commis à Avignon, où l’on avait insolemment coupé les armes du roi, imprimées au-dessus d’une thèse de l’université d’Aix qui y était affichée. Avignon en prend connaissance ; le parlement d’Aix ordonne qu’il en sera informé. N’était-ce pas exercer sur Avignon des actes publics de souveraineté? Mais on me dira peut-être que les officiers du roi de France faisaient de leur côté tout ce qu’ils voulaient, que le pape ne prenait pas connaissance de cela? Point du tout. Le vice-légat envoya au Parlement le désaveu de ce délit, preuve incontestable qu’il reconnaissait que le haut domaine, la haute supériorité appartenait à [Assemblée natioMle.J ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [a mai 17S1.J 493 la France, et que la jouissance du pape n’était que précaire et passagère. M. de Clermont-Lodève. Je demande si c’est l’opinion de M. Goupil que nous devons entendre ou bien si c’est l’ouvrage de M. de Monclar, qu’il compte nous lire en entier. M. Goopll-Préfeln. Je demanderai à cet ingénieux opinant (. Applaudissements .) s’il prétend que je traite cette affaire superficiellement, que jren fasse un roman, et que j’aille vous débiter des anecdotes fabuleuses, comme celles que vous entendiez l’autre jour de Grotius. M. de Clermont-Lodève veut parler. Plusieurs membres à gauche : A l’ordre! à l’ordre! M. l’abbé Jtlaury. M. Goupil demande que je ne parle jamais les après-midi, et moi, je demande qu’il ne parle jamais le matin. M. Goopll-Préfeln. Vous concevez, Messieurs, que pour traiter judicieusement une contestation, il faut en éclaircir et en assurer les faits : or, ces faits, l’imagination ne les crée pas, ou bien ne doit pas les créer. M. de Clermont-Lodève. Mais l’imagination les commande. M. Goopll-Préfeln. «. En 1622, Louis XIII s’étant rendu à AvignoD, les consuls allèrent au-devant de lui pour lui présenter les clefs de la ville; ils lui présentèrent, le genou en terre, les hommages de ses très obéissants et très fidèles sujets. Les prisons furent visitées par les officiers du roi, et il donna des lettres de grâce à ceux qui s’y trouvèrent pendant son séjour. Qu’on me cite aucune plainte du pape contre ces actes éclatants de souveraineté. « Le 19 mars 1660, la ville d’Avignon reçut Louis XIV. Les clefs lui furent présentées comme elles l’avaient été au roi son père, avec les 200 médailles d’or. En 1662, y ayant été commis sur la personne d’un ambassadeur du roi un attentat dont le pape refusait de rendre justice, Louis XIV manda à 6on procureur général au parlement d’Aix.qu’ayantrésoluderentrerdanssesdomaines, pour subvenir plus facilement' aux besoins de l’Etat, et considérant qu’Avignon avait été aliéné du comté de Provence, il lui enjoignait de tenir la main à ce que le vice-légat fut obligé d’exhiber les titres de la possession du pane. Le vice-légat fut assigné, et le parlement d’Aix rendit un arrêt par lequel il ordonne la réunion d’Avignon et du Gomtat à la Provence. « Quelque temps après, en 1664, le roi ordonna qu’Avignon et le Gomtat seraient remis au pape pour en jouir au même titre qu’aupara-vant, etque les droits qu’il y excercerait seraient toujours subordonnés à la haute souveraineté de la France. Bn 1673, les lettres patentes furent enregistrées au parlement d Aix, de très exprès commandement avec la clause formelle : sans que cette possession puisse porter préjudice aux droits de la souveraineté inaliénables et imprescriptibles » Voilà le titre en vertu duquel le pape a repris Avignon en 1664; et si le pape avait ose prétendre ouvertement à une possession indépendante, est-il possible qu’il n’aurait pas réclamé contre ces clauses restrictives. Oq peut appliquer aux droits prétendus du pape sur Avignon et le Gomtat, la senteuc eiprecarium ad libitum revocari potest. « Le pape ayant donné de nouveaux sujets de mécontentement au roi, le parlement d’Aix ordonna l’exécution de son précédent arrêt; mais le pape fut remis en possession le 3 décembre 1689. Les lettres patentes furent encore enregistrées avec la même clause, sans préjudice de la propriété déclarée inaliénable. » Concluons de tout ceci que la France est àuto-risée, en vertu du droit de haute propriété, à ordonner la réunion du territoire d’Avignon et du Gomtat; elle le peut d’après le vœu prononcé des habitants. Ûira-t-on que les nations étrangères prendront ombrage de vos décisons? On vit s'élever contre l’ambition de Louis XIV toutes les nations de l’Europe, et aucune ne se plaignit jamais de la prise d’Avignon, parce qu’on savait que ce pays était un domaine de nos rois. Laisserons-nous la cour de Rome jouir paisiblement d’une possession usurpée? Je crois que, d’après la conduite actuelle du pape envers la France, il devient plus important qu’on ne pense de rentrer dans l’exercice de nos droits. Il circule en ce moment un bref du pape. Je ne sais ce que l'on doit penser d’un prétendu bref qui se distribue, tant en original, que dans une traduction française; mais je sais bien que si ce bref n’est pas une production de la fraude, s’il est véritablement émané du saint-siège, le sentiment qu’il doit inspirer à quiconque croit à cet égard à un patriotisme sincère, à une piété solide est d’adresser des prières ferventes au ciel, pour qu’il plaise à la divine bonté, d’éclairer le chef visible de l’Eglise, et de le ramener à des sentiments plus équitables et plus chrétiens. ( Applaudissements .) Vous ne vous laisserez pas faire illusion dans ce qui vous a été présente; vous ne pouvez pas, pour l’honneur de la nation que vous représentez, vous déterminer à la réunion par la considération du mécontentement que peut vous donner en ce moment le chef de l’Eglise. Ceux qui vous font celte objection croient-ils donc que Louis XIV ne savait pas procéder avec di-nité? Eh bien, Louis XIV ne Ta pas caché, ni en 663, ni en 1688; le feu roi Louis XV ne l’a pas caché davantage en 1768. G’était toutes les fois que ces princes croyaient avoir, et avaient, en effet, de justes sujets de mécontentement de la cour de Rome, qu'ils exerçaient un droit, que dans d’autres temps, ils avaient la facile et trop facile complaisance de vouloir bien négliger. Et au surplus, quelle est donc la valeur de cette idée chimérique de dignité que l’on vient vous alléguer ; comme s’il y avait de la dignité à négliger l’exercice de son droit; comme si ce n’était pas la nature avouée et connu de toute possession précaire, d’être révoquée à la volonté du véritable et légitime possesseur. Enfin M. de Monclar dit encore : « Le démembrement d’Avignon et du Gomtat a formé, pour la France, un voisinage dangereux d’une partie d’elle-même, dont l’union lui serait infiniment utile. Cette cession ecclésiastique laisse à sa portée une retraite aux banqueroutiers frauduleux, une école de maximes ultramontaines » et il aurait dû ajouter: « et despotiques ». Quoil Messieurs, tout le Gomtat est en feu; ou s’égorge, 2 partis se sont formés; cet Etat est enclavé de toutes parts au milieu de la monarchie française ; son territoire a été violé; il est impossible que l’incendie ne s’y communique pas. Le parti qui succombera produira une multitude de fuyards, qui, épars, sans moyens de subsistance, 494 (Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 12 mai 1791.] deviendront nécessairement des brigands, et porteront dans nos provinces des désordres de toutes espèces. Dans une telle position, si nous n’avions aucun droit sur Avignon et le Comtat Venaissin, le droit de sûreté qui appartient à chaque nation, ui appartient à chaque individu, vous obligerait e pourvoir à leur sûreté et à vous emparer au moins provisoirement d’Avignon et du Comtat Ve-naispin ; mais dans ce moment-ci à la vue de vos droits toujours maintenus, à la vue delà possession caractérisée perpétuellement comme une possession française, et subordonnée à la souveraineté de l’Empire français, j’espère que vous ne déciderez pas le contraire, et j’ai l’honneur de vous proposer le projet de décret suivant: ( Murmures à droite; applaudissements à gauche.) « L’Assemblée nationale décrète que l’arrêt rendu au Parlement d’Aix, le 16 juillet 1663, portant réunion à la couronne de France de la ville d’Avignon et du Comtat Venaissin, sera mis incessamment en exécution. ( Murmures à droite ; applaudissements à gauche.) « Qu’à cet effet le roi sera prié de donner des ordres pour faire occuper incessamment par des troupes françaises la ville d’Avignon et le Comtat Venaissin, en faire prendre possession comme de lieux qui font partie intégrante de l’Empire français, y faire cesser tout exercice d’autorité au nom du pape, et faire entièrement disparaître de toute l’étendue de ces territoires toutes marques ou symboles de l’autorité du pape : « Que le roi sera aussi prié d’ordonner au ministre des affaires étrangères de recevoir tous mémoires que le pape voudrait faire remettre, à l’effet du remboursement de la finance qu’il prétendrait avoir été effectivement payée, lors de l’aliénation de la ville d’Avignon ; de discuter lesdits mémoires, et de les remettre, avec la discussion qu’il en aura faite, sous les yeux du Corps législatif. « L’Assemblée nationale ordonne que son comité de Constitution lui proposera incessamment ses vues sur les moyens les plus convenables d’introduire dans la ville d’Avignon et le Comtat Venaissin l’exécution des lois constitutionnelles de l’Empire français; décrète que le mémoire pour le procureur général au parlement de Provence, servant à établir la souveraineté de la France sur Avignon et le Comtat Venaissin, composé par le sieur Ripert de Monclar, im-Erimé en rannée 1769, sera réimprimé au nom-re de 10,000 exemplaires, et que le roi sera prié d’ordonoer qu’il eu sera envoyé des exemplaires à tous les ministres auprès des personnes étran-ères, avec ordre à chacun desdits ministres d’en onner connaissance aux puissances auprès desquelles ils sont accrédités. « Sera cette réimpression faite par Delormel, imprimeur. » Je crois que le sieur Delormel doit avoir la préférence. Un membre à gauche : C’est juste. M. de Jessé (1). Je n’examinerai pas si Jeanne de Naples eut, en 1348, le droit de céder ou d’engager au pape Clément VI, Avignon et le Comtat Venaissin pour 80,000 florins et une absolution ; si elle fut fondée à vendre ses sujets après avoir égorgé son époux, et quelle étrange expiation c’est d’outrager la raison après avoir (Il Le discours de M. de Jessé est à peine indiqué au Moniteur. outragé la nature. Je jetterai un voile sur les horribles démences des siècles passés, sur les faiblesses des rois et les attentats des pontifes ; je me féliciterai de ce que depuis longtemps de tels forfaits sont devenus impossibles, et que des questions jadis si ardues, si agitées, n’en sont plus maintenant pour les hommes qui ont le moins exercé leur raison. Sans nous enfoncer dans le dédale des recherches historiques, sans déployer ici la science de la diplomatie, qui, dans cette affaire, ainsi que dans toutes celles qui tiennent à noire immense Révolution, nous présenterait peu de lumières, consultons la raison qui est de tous les temps et de tous les lieux. Demandons-nous d’abord, si dans le système de l’Europe, nous sommes légalement fondés àajouter à nos possessions Avignon et le Comtat, et si nous ne nous faisons pas illusion sur la validité des pétitions qui nous y provoquent. La majorité des vœux sur laquelle on s’appuie n’est-elle pas trop douteuse pour motiver les décrets d’une Assemblée aussi circonspecte que doit être celle des représentants de la nation ? Au milieu des fureurs de la guerre civile est-il possible de distinguer les vœux dus à des délibérations libres, de ceux qui ont été arrachés par la force des armes ou par la crainte du parti vainqueur. Il est permis sans doute de suspecter la validité de3 délibérations que l’on vous présente, lorsque la majorité ou la minorité peut avoir été expulsée par la force des armes. Quant à moi, je l’avoue, les délibérations des communautés du Comtat, que l’on dit avoir été unanimes, lorsqu’a-vant leurs troubles elles émirent leurs vœux sur la réunion proposée dans cette tribune, me paraissent d’un tout autre poids que celles qui ont pu parvenir depuis que les armes ont fait taire les lois et la voix des hommes faibles. Demandons-nous ensuite si, en la supposant consentie par une majorité évidente, cette adjonction ne contredira pas formellement la déclaration que vous avez faite au monde entier, dans votre décret sur le droit de paix et de guerre, de renoncer à toute espèce de conquête. (Murmures.) Je prévois que l’on me répondra qu’il n’est point ici question de conquête, mais d’une simple acquisition... Un membre à gauche : Ce n’en est pas une. M. de Jessé... ou d’une reprise, comme on voudra la nommer. (Murmures.) Je réplique que s’il est facile de se servir dé subtilités pour la défense de ses intérêts, il ne l'est pas également d’endormir par ce moyen la surveillance, et de tromper la raison des peuples que leur intérêt éclaire; et que, si nous qualifions d’acquisition la réunion du Comtat Venaissin et d’Avignon, le reste de l’Europe la qualifiera certainement de conquête. Tant que nous n’aurons pas changé les opinions de tout ce qui nous environne, le pape sera regardé comme monarque légitime de cette contrée. Mais je suppose, pour un moment, que nos droits sur le territoire, que la volonté du peuple avi-gnonaiset comtadin soient clairement manifestés, serait-il encore de notre prudence d’alarmer, par une pareille acceptation, la politique de tous les princes de l’Europe? Nous leur inspirons déjà d’assez grandes inquiétudes. Que serait-ce, lorsqu’ils s'imagineraient voir leurs provinces, qui nous sont limitrophes, nous demander leur agrégation au nom de nos lois si évidemment favorables au bien-être de l’humanité, et se réfu- (Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [i mai 1T91.) 495 gierdans la Constitution française, comme dans le véritable asile de leurs droits ? Serions-nous bien fondés à leur dire que nous ne conquérons pas ; que nous recevons les peuples qui veulent faire agrégation avec nous? Et que leur importe, pourraient-ils nous répondre, que nous conquérions avec notre Constitution ou avec nos armes? Quel dangereux exemple ne donnerions-nous pas à nos provinces frontières, que des malveillants pourraient solliciter à se donner à d’autres princes ou à s’associer à d’autres peuples 1 Je les crois si éloignées de ces idées, que je m’en permets hardiment la supposition : Ne pourraient-elles pas un jour se croire permis de joindre l’Alsace, par exemple, avec les Autrichiens et les Suisses, le Roussillon avec l’Espagne? Ou nous a déjà répondu que le cas n’est pas le même ; que toutes les provinces du royaume ont prété le serment d’obéir à la Constitution du royaume; que l’Alsace et le Roussillon ne doivent être regardés que comme une très petite partie] de l’association française, et ne peuvent {•rendre une détermination sans l’assentiment de a majorité. Que ne pourrait-on pas alléguer? Je n’en redouterais pas moins l’éloquence ou la subtilité de quelque publiciste malintentionné qui aurait entrepris d’établir que la séparation est de droit naturel et politique ; et vraisemblablement il serait cru. Il serait d’une haute imprudence pour un objet si peu important d’établir sur ces deux mots possession et concession , un procès sanglant qui nous coûterait des trésors, des armées, et compromettrait cette Constitution qui fait l’objet de notre sollicitude. Car enfin, il faut le demander, quel est le funeste génie qui nous fait mettre au hasard notre repos et notre existence ? N’avons-nous pas assez de nos divisions intestines? Quelle est cette manie de vouloir tout faire dans le môme instant? Je crois, moi, qu’il n’est pas indifférent de laisser échapper l’occasion de donner à l’Europe un grand exemple de la modération que nous lui avons promise, et à une nation que nous voulons instruire aux vertus, celui d'un saint respect pour les droits du faible, pour la présomption même de ces droits. Je me suis aperçu, dans les discussions qui ont précédé celle-ci, que pour vous engager à vous emparer du Comtat on cherchait à égarer votre humanité, en vous disant que vous ne pouviez sous aucun prétexte envoyer des troupes, s’il n’était pas décidé que ce pays vous appartiendrait. Le piège est facile à apercevoir. On ne peut révoquer en doute le droit que nous avons de secourir, de défendre de ses propres excès un peuple faible. ( Murmures à gauche.) Nous avons dans Avignon de nombreux établissements, des loteries, des postes; il nous importe de les garantir des dilapidations où ils sont exposés par les désordres. Avignon et le Comtat étant situés au milieu de nos provinces, nous avons le droit et le devoir d’empêcher que l’incendie qui les dévaste ne puisse se propager dans notre pays. Le pape ni personne ne se plaindra de cet emploi de la force. Un roi de Sicile imposa à des peuples vaincus l’obligation de ne plus immoler leurs enfants à leurs dieux, et l’on a dit depuis qu’il avait stipulé pour l’humanité. Nous aurons, nous, la satisfaction d’arracher les poignards des mains des Avignon ais qui s’en sont servis pour immoler leurs frères; et pour ce signalé bienfait, il ne leur en coûtera ni la honte, ni les remords, ni à nous les douleurs inséparables des victoires. Une seule réflexion doit, ce me semble, déterminer invinciblement l’Assemblée nationale : Certes il est impossible de dissimuler que si Avignon avait reconnu pour souverain Frédéric ou tout autre souverain de l’Europe, malgré l’évidence des principes qui placent la souveraineté dans les nations, nous n’eussions pas choisi les circonstances présentes et l’agitation où nous sommes pour accepter la réunion que nous offre ce peuple et pour donner cette leçon de droit public aux potentats. Eh bien ! ce que nous ne nous fussions pas permis avec Frédéric, nous ne nous le permettrons pas avec la cour de Rome. Je vous conjure, Messieurs, de vous rappeler que ce fut sur la proposition de M. de Mirabeau que vous décrétâtes naguère, à une immense ma* jorité, que le roi serait prié d’envoyer à Avignon des troupes suffisantes, ajournant au surplus la question de la réunion. Rien n’a changé depuis dans l’état des choses. N’avez-vous pas assez, répondait alors à ceux qui voulaient la réunion le grand politique dont nous regrettons chaque jour la perte, n’avez-vous pas assez de la guerre religieuse dont vous menacent les prêtres? ( Murmures à gauche.) Voulez-vous augmenter leur force en dépouillant le pape, en provoquant vos voisins? Cette mesure inconsidérée fut alors repoussée presque unanimement. M. Bouche. Cela n’est pas vrai. M. de Jessé. Je vous prie de rappeler M. Bouche à l’ordre, Monsieur le Président. M. le Président. Veuillez bien, monsieur Bouche, ne point interrompre, surtout par des phrases de cette espèce. M. de Jessé. Si vous craignez que ces contrées ne deviennent un foyer d’aristocratie, si vous trouvez quelque partie de leur constitution dangereuse, de mauvais exemple pour la vôtre, il est facile de vous démontrer que, sans courir aucun des hasards de l'injustice ou du ressentiment des puissances de l’Europe, vous pouvez vous rendre Avignon et le Comtat aussi complètement utiles que s’ils faisaient partie de la domination française. Vous êtes en droit de ceindre ces provinces d’une ceinture de douanes; vous pouvez les amener, en relâchant quelques droits d’entrée et de sortie, à vous donner à cet égard toutes les satisfactions possibles. Il est infiniment probable qu’elles se lasseront plus tôt que vous de ce régime, et qu’elles s’empresseront de payer, pour s’en affranchir, une rétribution annuelle au Trésor national. (Murmures.) Je suis surpris de l’étonnement que témoigne l’Assemblée; car dans l’Europe il y a un exemple subsistant d’un pareil régime. La ville de Dantzig, depuis le célèbre traité de partage, est enclavée dans le territoire prussien : tout ce qui y entre, tout ce qui en sort, paye à la Prusse des droits très considérables, et aucun roi n’a pensé jusqu’ici que cette conduite, nécessitée par la nature des choses, fût une violation du droit des gens. De même les provinces du Comtat seront toujours obligées d’acheter vos grains, de tirer de Marseille leurs sucres, leurs cafés. Elles ne peuvent vendre qu’à vous leurs vins, leur garance, leurs étoffes de soie. N’est-il donc pas évident que des mesures pareilles, fondées sur de telles idées de justice, solliciteraient puissamment, soit la totalité du peuple dont il s’agit, soit le Saint-Siège même, à entrer avec la France en accommo- 496 (Assemblée nationale. J ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [S mai 1791.J dement, où tous les droits seraient également respectés. Vous pouvez donc laisser indécise la question épineuse de la réunion (Murmures.) et voici le projet de décret que je vous propose. « 1* Le roi sera prié d'envoyer, à Avignon et dans le Constat Venaissin, des commissaires avec une force suffisante pour y faire cesser la guerre civile, et procurer aux habitants la sûreté nécessaire pour s’occuper librement de la discussion de leurs différents intérêts politiques. « 2° Cette force ne pourra être employée que sur la réquisition des commissaires. « 3° L’Assemblée ajourne indéfiniment la question concernant les droits de la France sur ces provinces, et elle ajourne pareillement la discussion du vœu qu’une partie des habitants a manifesté touchant la réunion à l’Empire français. « 4* Afin d’établir l’équilibre nécessaire entre les manufactures et les fabriques de ces provinces et celles de la France, l’Assemblée nationale charge son comité d’imposition de lui présenter un projet pour la formation d’un cordon de douanes propres à remplir cet objet, sauf aux Avigno-nais et habitants du Comlat à traiter de la somme annuelle qu’ils devraient payer au Trésor national pour l’affranchir de ce cordon. » M. llalouet (1). Le genre de discussion auquel je vais me livrer, me dispense de répondre aux arguments de détail ; c’est en masse et en principe que j’attaque le système du comité et de ses défenseurs. Je répondrai seulement à une première objection très marquante de M. Goupil. La lettre qu’il vous a lue de l’imprimeur, l’ouvrage de M. de Monclar et la conclusion qu’il en a tirée, vous laissent croire que c’est par une insinuation de la cour de Rome, et par conséquent par une perfidie du ministère français, que cet ouvrage a été supprimé. J’avais pensé, Messieurs, que personne n’ignorait que la suppression de cet ouvrage est due à une cause plus importante. Lorsque le gouvernement français, en 1768, mécontent de la cour de Rome voulut faire saisir le Comtat, M. deChoiseul s’adressa à M. de Monclar, pour constater des droits de la France sur Avignon et le Comtat Venaissin ; et M. de Monclar écrivit l’ouvrage très célèbre dont on vous a parlé. Les Anglais annoncèrent alors qu’ils prendraient la défense du pape. ( Murmures à gauche ) C’est un fait vrai. Ce fait là n’est pas secret : il doit être & la connaissance de celte Assemblée ; il a été notoire dans le temps. M. de Sillery, montrant le côté droit. Ces messieurs le savent. M. de Hontlosier. Si M. de Sillery n’avait pas tant exercé de chevaux en Angletterre, il serait plus au fait de la diplomatie. M. Maloiiet. Je ne hasarde ce fait dans cette Assemblée que parce que j’en ai la certitude, elle m’a été donnée. Plusieurs membres : Ab ! ah I on vous l’a dit. Sont-ce là vos certitudes? M. Maloaet. Tout le système du comité, les moyens, les raisonnements, les conclusions du rapport portent cumulativement sur des principes entre lesquels il faut opter; car ils se détruisent (1) Le discours de M. Malouet est incomplet au Moniteur. l’un l’autre. Ces deux principes sont le droit de propriété et de souveraineté du territoire qu’on attribue par transmission et hérédité au roi des Français, et point au pape, réduit à la condition de simple engagiste. Cette partie du rapport est la plus enrichie de faits, de citations, de monuments historiques, dont la diversité se prête à tous les systèmes, à toutes les prétentions ; car vous n’ounliez point, Messieurs, que c’est aussi sur des monuments historiques que les cours de Vienne, de Pétersbourg et de Berlin se sont partagé la Pologne. Le second principe auxiliaire du comité et de M. le rapporteur est le droit qu’a chaque peuple de se déclarer libre, indépendant de la domination du prince auquel il a obéi jusqu’au moment où il lui plaît de changer la forme de son gouvernement. Je ne m’attache qu’à ces deux divisions principales dont les 15 articles en question sont des subdivisions. Avant de passer outre, je demande à M. le rapporteur : dans quel système raisonnez-vous? Est-ce celui qui suppose le prince propriétaire de la souveraineté transmettant ses droits par des transactions libres, mariages, testaments, ventes ou échanges? Alors puisons ensemble dans la bibliothèque du roi, dans les monuments historiques; nous y trouverons un arsenal commun et nous trouverons surtout dans les monuments historiques, nous trouverons dans le droit public de l’Europe que 5 siècles de possession, que le consentement libre et solennel des peuples aux premières transactions des princes, en couvrent tous les vices. Or, il est avéré que le pape possède depuis 5 siècles, et qu’avant la prise de possession par Clément VI, de la ville d’Avignon, les Avignonais ne se soumirent à son gouvernement, qu’après une capitulation qui leur assurait la conservation de leurs privilèges et de leur régime municipal. Voilà ce que M. le rapporteur n’a pas dit, mais ce qu’il ne contestera pas. Les Comtadins firent les mêmes réserves et se soumirent aux mêmes conditions par délibération de toutes les communes (1). M. le rapporteur a oublié ce fait. Ainsi l’argumeatation sur la minorité, la faiblesse, la superstition de Jeanne, sur les malheurs du comte de Toulouse, sur les intrigues des papes à cette époque, n’a pas plus de valeur que n’en aurait le manifeste d’un prince qui prétendrait dépouiller le roi d’Espagne du Mexique, à raison des crimes horribles par lesquels les Espagnols s’en sont assuré la conquête. Ma seconde observation sur la première partie du rapport, abrège encore plus la discussion. En supposant le roi légitime propriétaire, et le (i) Le contrat primitif entre le prince et les sujets ne doit pas être, pour l’intérêt même des peuples, facilement dissous. — Si. le prince en viole les conditions, certainement le peuple peut légitimement rentrer dans tous ses droits ; et la forme du gouvernement représentatif est la pins favorable pour cette réintégration ; car alors le peuple a des mandataires autorisés à parler et à agir en son nom. — Quand il n’en a pas, un rassemblement simultané de toutes les sections du peuple, pour en nommer et les charger de ses pouvoirs, est la seulo voie régulière qui puisse préserver nne nation des troubles, des dissensions intestines. — Transportez au contraire le droit de résistance et d’insurrection & chaque portion du peuple qui voudra s’en aviser, vous n’avez plus dans la société que des principes de dissolution, toujours plus forts et plus actifs que ceux de conservation. Je ne connais rien de plus formidable pour le monde entier que la théorie nouvelle des insurrections. {Assamblée nationale.! ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [i mai 1791.J 497 pape seulement engagiste des villes et pays d’Avignon, vous ne pouvez faire valoir au profit de la nation les droits propres ou transmis au roi et à la famille régnante, que de deux manières ou dans le sens littéral de leur transmission, ou conséquemment aux principes de la Constitution. Dans cette hypothèse, le sens littéral de la transmission rendrait cette affaire personnelle au roi et à son conseil ; car il serait en droit de jouir et de reprendre l’héritage engagé aux mômes titres que ses auteurs, comtes de Provence. Vous n’auriez point à délibérer au nom de la nation sur un droit qui ne lui a été ni cédé, ni transmis, mais seulement à ses princes. M. Prieur. A quel titre? M. Halouet. Est-ce au contraire suivant les principes de la Constitution et les droits qu’elle a consacrés pour le peuple et pour le prince, que vous voulez juger cette affaire? Tout le système de la propriété et de la transmission de souveraineté s’écroule; toute l’érudition du rapport des publicistes devient inutile, nous pouvons dire d’eux ce qu’Omar disait de la bibliothèque d’Alexandrie, en la brûlant : « Si ces livres ne contiennent que ce qui est dans l’Alcoran, ils sont inutiles; s’ils contiennent autre chose, ils sont dangereux. » Etie remarque ici combien il serait injuste, inconséquent, dangereux d’appeler à votre secours les publicistes, les historiens, lorsqu’ils peuvent nous aider à dépouiller un prince et de les récuser lorsqu’ils se présentent pour le défendre. Or, voilà exactement la jurisprudence nouvelle, le nouveau droit des gens qu’on essaye d’accréditer dans cette Assemblée : s’agit-il de défendre quelques-unes des anciennes maximes de la monarchie, tous les titres historiques, nos lois et nos coutumes ne sont que des monuments d’esclavage et d’absurdité. S’agit-il de dépouiller le pape, on ressuscite alors le système féodal; on reproduit les chartes, les édits, les actes conservatoires, s’ils sont favorables à cette prétention; et c’est après avoir dépouillé le roi lui-même de ses domaines qu’on lui rend transitoirement un titre de propriété et de souveraineté sur Avignon, au profit de la nation. Mais, Messieurs, les droits d’un prince, considérés comme titres de famille, ne sont pas plus applicables à une nation considérée comme corps politique, qu’ils ne sont applicables à une autre larnille de princes. Une nation qui se ressaisit de la souveraineté de son territoire n’a pas besoin de chartes et de monuments historiques; sa volonté et sa force, voilà la mesure de ses pouvoirs; celle de ses droits ne peut être que la justice et l’intérêt de tous. 11 n’en est pas de même d’un prince qui exerce la souveraineté; il lui faut ou une délégation spéciale du peuple qui lui obéit, ou un titre successif reconnu par ses sujets et par les autres souverains. Voilà ses droits à une existence tranquille et leur condition essentielle est d’être incommunicable à aucun antre prince, à aucune société politique, autrement que par les mêmes principes qui les constituent. Brûlons donc les publicistes qui pourraient défendre le pape et non le système du comité et arrivons aux droits de l’homme, aux droits des peuples qui forment le secoud moyen de M. le rapporteur. L’abandon que je fais ici du droit public de l’Europe n’est que provisoire ; car je démontrerai tout à l’heure combien il nous importe de ne lre Série. T. XXV. pas l’offenser. Il n’y a rien de nouveau, Messieurs, dans la doctrine qui assure à une nation, prise collectivement, la souveraineté primitive sur ses membres et sur son territoire. Toutes les sociétés politiques ont commencé par là, aucune par le despotisme. Car le gouvernement ihéocratique, qui lui a donné naissance, fut le produit des idées sociales et religieuses d’un peuple déjà constitué. Il y a dune eu dans tous les temps et dans toutes les parties du monde, des orateurs qui ont dit aux peuples : Vous êtes libres et souverains. Mais lorsqu’on a voulu assurer la liberté et déterminer l’exercice de la souveraineté entre les mains de plusieurs ou d’un seul, on a adopté des formes inviolables pour conserver le gouvernement convenu, et l’on a supposé qu’il ne pouvait êtrecbangé ou détruit que par des formes non moins solennelles qui manifestent une volonté générale, légale et libre (1). Tout changement qui n’est pas opéré par cette manifestation authentique et régulière du vœu commun ne peut être que le résultat d’une conquête de l’étranger ou d’une insurrection des citoyens. La conquête ne légitime rien, c’est la force qui commande à la faiblesse qui obéit. L’insurrection ne peut être légitimée que par la tyrannie, car elle supplée d’une manière violente à l’émission légale des volontés de tous. L’insurrection partielle d’une section du peuple, lorsque les autres sections restent paisiblement attachées au gouvernement subsistant, est un attentat manifeste contre la souveraineté, contre la paix publique. Si cette insurrection partielle prend subitement un caractère de domination et d’entraînement par la terreur et par la force, le nombre de ceux qui la partagent ou qui la souffrent, sans s’y opposer, peut s’accroître journellement sans présenter aucun des signes de la volonté générale, qui ne se fait connaître qu’au milieu de la sécurité et de la liberté parfaite de tous les citoyens. C’est à ces conditions seulement, sûreté de personnes, liberté des opinions qu'un peuple, assemblé par section ou par ses représentants dûment autorisés, peut charger son gouvernement. S’il y procède par insurrection, sans qu’il y ait oppression, tyrannie qui provoque une résistance commune et des réclamations unanimes, si l’insurrection est partielle, et qu’à côté des novateurs il y ait une majorité paisible, et dans cette majorité des réclamants pour le gouvernement actuel, cette insurrection partielle n’occasionne pas (1) M. Robespierre a dit : que M. Malouet apprenne donc au peuple comment il peut recouvrer ses droits autrement que par des insurrections. Puisse l’expérience ne pas apprendre à M. Robespierre l’irréparable danger des faux raisonnements livrés au peuple comme des principes et comme des droits ! — J’ai déjà dit dans une autre occasion que la résistance unanime d’une nation à un gouvernement tyrannique est dans le droit naturel et nvest point alors un mouvement désordonné, équivoque dans ses motifs, perturbateur dans ses moyens, c’est un grand accident de la nature ; si la société en est troublée quelques instants, c’est pour reprendre une nouvelle vie par une meilleure organisation, comme un vent impétueux nettoie subitement l’horizon de ces exhalaisons fétides qui altéraient la pureté de l’air. Mais qu’y a-t-il de commun entre ces grands et nobles efforts d’un peuple entier qui, par sa propre impulsion, se lève avec l’aurore au jour de l’oppression et fait entendre une voix, imposante par son unanimité? Qu’y a-t-il de commun entre une telle insurrection et celles dont on a fait tant de fois l’apologie? 32 498 (Assemblée nationale. J ARCHIVES PARLEMENT AIRES. (2 mai 1791. j seulement l'absence de la volonté générale, elle en est la violation. Ce sont les hommes paisibles qui sont dans la loi, etdans les droits de l’homme ; ce sont les insurgents qui sont hors de la loi, hors de la société, quelque succès que puisse avoir ensuite leur entreprise. Il me semble qu’il est impossible de contester ces principes. Quels que soient les passions, les intérêts, les dominations qui leur résistent, ils survivront à toutes les tempêtes de ce temps-ci. — Ils y survivront, car la conservation de toutes les sociétés en dépend ; s’ils étaient jamais méconnus, tous les corps politiques se dissoudraient par des déchirements successifs ; il n’y aurait plus de puissance sociale ; les factions, les mouvements populaires conserveraient seuls le simulacre d’une force publique, non pour protéger, mais pour détruire ; les nations policées se diviseraient en hordes de sauvages, et l’Europe reproduirait dans son sein les vastes déserts de l’Afrique. Je dirai donc comme vous : tout peuple rassemblé a le droit de se déclarer libre, indépendant, et de changer son gouvernement avec cette condition préalable que la volonté de tous sera librement manifestée par des formes légales et solennelles. Est-ce là le caractère du vœu des Avignonais et Comtadins, demandant leur réunion à la France ? Au lieu de la voix majestueuse d’un peuple délibérant, je ne distingue que celle des brigands et des bourreaux, les cris des assassins, les gémissements des victimes, les plaintes des fugitifs; voilà ce que j’en tends depuis la première époque de l’insurrection. Avant cette époque, vous avez pu connaître la volonté générale; elle s’est librement et unanimement manifestée. Les habitants d’Avignon et du Corn tat savaient alors qu’un parti uissant en France protégerait leur réunion, que es membres de cette Assemblée la sollicitaient; mais aucune force armée, aucune faction ne les menaçait encore ; ils pouvaient donc librement s’expliquer. Ce n’est pas la puissance de leur prince qui en imposait. Ses représentants, ses officiers n’avaient aucun moyen d’oppression. Ce petit Etat n’avait rien à craindre et à espérer que de la France, et c’est dans de telles circonstances que les habitants, que les communes ont voté unanimement le renouvellement de leur serment de fidélité au pape et à son gouvernement, Un membre : C’est faux. Un membre : Qui est-ce qui dit que c’est faux ? M. l’abbé Maary. Voici un procès-verbal de la commune qui constate le fait ; je le dépose sur le bureau, et j’en demande acte à l’Assemblée. M. Malouet. 11 est important de constater ce fait. M. l’abbé Maary . Ce titre est bien fait pour constater cette vérité; le voilà, il est original. M. Bonite ville-Dumetz. Monsieur le Président, empêchez donc monsieur de parler. M. l’abbé Maary. Toutes les communes assemblées librement ..... Plusieurs membres à gauche : A l’ordre 1 à l’ordre 1 M. Malouet. Ce fait-là est très important, son authenticité ne saurait être trop constatée. M. Maury vient de remettre le procès-verbal, j’en avais déjà connaissance. Un double envoi a été remis par des députés du Comtat et d’Avignon ; je déclare donc; pour mol personnellement, que je regarde le fait comme prouvé; si quelque membre en doute, je le prie de s’en assurer. Un membre : La date ? la date ? M. de Menou, rapporteur. Je conviens de cette pièce-là existant en 1789. M. Malouet. Je le sais; les anciennes municipalités de toutes les communes étaient nommées comme les nouvelles par le peuple. ( Murmures à gauche.) Un membre à gauche : Non pas, non pas. M. Malouet. Je dis que l’époque de cette délibération est la seule époque de la liberté pour le Comtat, pour la ville d’Avignon ; dans ce temps-là, les officiers municipaux étaient nommés au scrutin, dans ce temps-là, toutes les idées nouvelles, toutes les circonstances environnantes favorisaient la plus libre émission du vœu des Comtadins et des Avignonais; dans cet état ils avaient jugé de leur intérêt, de la convenance même de renoncer à leur prince; ils avaient la certitude d’être fortement protégés; dans ce temps-là ils ne l’ont pas fait, et depuis ce temps-là ils n’ont as eu une seule époque, un seul instant de fierté d’opinion, de sécurité dans leurs personnes et dan3 leurs propriétés. Voilà l’état légal, les signes certains et solennels de la volonté générale de ce peuple. Tout ce qui a suivi est hors de la loi, de la liberté, du droit commun, du droit des gens, du droit des hommes. Tout ce qui a suivi est un tissu de crimes, d’atrocités qui font frémir la nature; massacres, incendies des maisons, des villages entiers, pillage des églises, voilà les hauts faits des soi-disant patriotes d’Avignon, et des brigands qu’ils se sont adjoints avec la permission tacite de M. Duportail, qui s’est pressé d’improuver les secours donnés aux opprimés, par le département de la Drôme, mais qui n’a pas jugé à propos de faire retirer du Comtat les déserteurs du régiment de Soissonnais. (Murmures.) Où. est donc ce peuple libre, indépendant, qui veut se donner à vous, dont vous avez reçu les envoyés, encore teints du sang de leurs concitoyens? Est-ce l’armée qui vient de faire le siège de Carpentras, et qui a massacré son général, le sieur Patris, parce qu’il avait sauvé la vie à un prisonnier? Et si cette armée, repoussée deux fois devantCarpentras, malgré sa nombreuse artillerie, malgré ses auxiliaires aventuriers et déserteurs, se trouve à peu près en force égale à ceux qui lui sont opposés dans le Comtat, comment ose-t-on vous parler d’un vœu de réunion prononcé par la majorité des habitants du Comtat? Comment ose-t-on compter dans cette majorité, les communes même de Carpentras et de Sarian, dont l’une est assiégée, et l’autre brûlée par ces soi-disant patriotes? Que peut-on répondre à la fédération de Sainte-Cécile, composée de cinquante-deux communautés, sur quatre-vingt-quinze qui persistent dans leur opposition aux projets et aux brigandages du parti avignonnais? Est-ce donc au milieu des troubles les plus actifs, des haines les plus atroces qui aient jamais divisé un pays, qu’on peut appeler la volonté générale du parti dominant? [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 12 mat 179l.| 499 Il n’y a donc pas lieu d’appliquer à l’état actuel du territoire d’Avignon et du Gomtat les consé-uences à tirer du principe établi, qu’il est libre un peuple de changer la forme de son gouvernement, et de se choisir un autre prince. Il est encore moins convenable de lier à de telles circonstances celles qui nous sont propres, et après avoir épuisé tous les sophismes diplomatiques, de considérer la révolution d’Avignon comme un accessoire nécessaire de la nôtre (1). C’est ici que se présente la dernière question examinée par M. le rapporteur; savoir, si les puissances étrangères auraient à se plaindre de la réunion d’Avignon, et si cette opération ne serait pas impolitique et dangereuse pour nous. La décision négative de M. le rapporteur et les motifs ne m’ont point convaincu. Voici ceux d’après lesquels je pense autrement : On ne vous a jamais parlé de la politique intérieure dans ses vrais rapports avec la Révolution, les mouvements imputés aux émigrants, l’influence qu’on leur suppose près des puissances étrangères-Les démarches insignifiantes de quelques particuliers ont été signalées comme des causes possibles ou probables des plus grands événements; et l’agitation générale ae l’Europe, dans ce moment-ci, nous est dissimulée ou nous échappe comme un événement insignifiant. Pour moi, Messieurs, je n’attache aucune importance à toutes les découvertes de votre comité de recherches, aux complots, aux négociations dont on a voulu plus d’une fois nous effrayer; mais j’en attache beaucoup à l’impression inévitable ue fait dans cet instant sur toutes les puissances e l’Europe notre position dans le continent et dans les colonies (2); autant il me paraît impossible qu’elles s’ébranlent par pitié, par intérêt pour les mécontents, autant je suis convaincu qu’elles nous observent avec inquiétude... (1) Quels actes de tyrannie et d’oppression a-t-on reproché au pape et à son gouvernement? En quoi les conditions au pacte primitif ont-elles été violées? Quels griefs présentés parle peuple ont été dédaignés? Quels motifs ont donc pu légitimer l’insurrection? Et lorsqu’au lieu d'être unanime, elle n’est que partielle, lorsque les opposants sont au moins en nombre égal, comment peut-elle avoir des approbateurs? — Une société est composée d’hommes étant en action ou en repos. Placez-vous, par supposition, dans un point de vue d’où vous Fuissiez apercevoir tout le territoire et ses habitants, intérieur des maisons , des ateliers ; le spectacle des champs vous est offert; tout est tranquille. — Ces hommes vivent sous un gouvernement monarchique ou aristocratique; mais ils n’en souffrent pas; ils en sont protégés; leurs propriétés, leur liberté sont respectées; les quatre-vingt-dix-neuf centièmes de la société sont paisiblement occupés de leurs travaux ou de leurs jouissances. 11 plaît à un centième des habitants de trouver mauvais cet ordre de choses, et pendant que la presque totalité des familles laboure ou file, ou dîne tranquillement, ces messieurs font un plan de révolution pour détruire le gouvernement sacerdotal ; ils invoquent, au nom du peuple, la philosophie, la liberté, et font prendre les premiers qui s’opposent à leur patriotisme. Tous les aventuriers, tous les brigands grossissent leur troupe ; voilà une insurrection ; voilà celle d’Avignon ; voilà ce qu’on appelle les droits des peuples et les principes des gouvernements. — Je déclare que j’aime mieux celui de Maroc qu’une telle philosophie, entée sur un tel patriotisme. (2) Je ne crois pas qu’il y ait rien de pins fou que de transporter dans des colonies, qui ne peuvent être cultivées que par des nègres esclaves, les principes et les formes d’un gouvernement démocratique. Si nous perdons nos colonies, on reconnaîtra alors, mais trop tard, combien les formes oratoires et la métaphysique et la rigueur 4ee principe* nous ont utilement servis. M. Lambert de Frondeville. Gela dépend des goûts. M. Malouet..., que ce désordre général dans nos immenses possessions intéresse toutes les sociétés politiques ; et qu’un plan général de coalition contre vous serait le résultat de l’infraction des droits, de la violation des principes avoués et consacrés par tous les gouvernements. Il y a eu dans cette Révolution un caractère qui n’appartient à aucune autre, c’est d’en généraliser les principes, de les rendre applicables à tous les peuples, à tous les pays, à tous les gouvernements ; c’est un véritable esprit de conquête, ou plutôt d’apostolat, qui a saisi les esprits les plus ardents, et qui cherche à se répandre au dehors. Gette intempérance de révolution ne pourrait-elle paô être considérée comme une véritable agression contre les puissances étrangères, qui doit les tenir en garde et les armer contre vous, si à cette théorie redoutable ou peut vous empêcher de joindre une pratique plus redoutable encore, en favorisant les insurrections, et par conséquent l’indépendance des peuples qui vous sont étrangers. Messieurs, vous ne pouvez pas vous le dissimuler, les troubles d’Avignon ont été suscités, provoqués, favorisés dès leur origine. Dès le commencement, on a appelé patriotes ceux qui se sont dits mécontents du gouvernement papal, et contre-révolutionnaires ceux qui y restaient attachés. Dès le commencement, l’aristocratie des sujets du pape vous a été dénoncée, comme si ce devait être à vos yeux un crime de lèse-nation que de rester fidèle aux lois, aux mœurs, aux habitudes de son pays. Ainsi on a voulu vous accoutumer à voir avec malveillance tous les habitants d’Avignon et du Gomtat, qui ne voulaient d’autre révolution dans leur pays que la réforme de quelques abus et l’amélioration de leur ancien régime. C’est de ces préventions qu’on est parti pour vous faire considérer comme le vœu du peuple, le vœu de la grande majorité, celui de quelques aventuriers qui ont séduit, intimidé leurs concitoyens, et exercé les violences les plus odieuses contre ceux qu’ils n’ont pu séduire; car il est bien notoire que la très grande majorité des propriétaires n’a pris aucune part aux mouvements actuels, ou sfy est opposé ou a abandonné ses foyers (1). Si donc il est démontré à toute l’Europe que d’une part les titres héréditaires ou successifs sur le gouvernement d’Avignon ne peuvent vous appartenir comme droit national, qu’ils seraient tout au plus un droit patrimonial de nos princes que vous ne pouvez pas exercer dans les principes de votre Constitution; S’il est bien démontré que la volonté générale des Avignonais et Comtadins, lorsqu’elle a pu se manifester librement, a été de rester fidèles au pape ; que la presque totalité des propriétaires y persiste, n’ayant plus d’autre droit, d’autres titres, pour prononcer la réunion, que celui d’éteindre, dans un pays étranger, un foyer prétendu de (1) Rien ne m’étonne et ne m’effraye plus dans le nouvel ordre de choses, que le peu d’influence qu’ont aujourd’hui les propriétés et les propriétaires sur les diverses combinaisons de la chose publique. Je ne concevrai jamais de société bien ordonnée que par la prépondérance des propriétaires sur les non-propriétaires ; si le principe contraire s’établit aussi dans nos colonies, elles cesseront bientôt d’être à nous. 300 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PA contre-révolution, pensez-vous que ce motif, très nettement exprimé par vos orateurs, obtiendra l’approbation des puissances étrangères ? et que chaque prince de l’Europe, cun iaérant ce que vous pouvez avoir à reprocher à son aristocratie ou à son despotisme, ne verra pas son armée comme un inte médiaire nécessaire entre lui et votre comité diplomatique? Je l’avoue, Messieurs, je ne trouve dans les mesures qu’on vous propose ni raison, ni justice, ni politique ; la raison vous ordonne de ne point multiplier vos embarras ; la justice vous commande de respecter les droits d’autrui ; la politique vous conseille de ne point vous susciter des ennemis. Je conclus donc à ce qu’il n’y a lieu à délibérer sur le projet de réunion, et j’adopte les mesures provisoires proposées par M. l’abbé Maury. M. de Folleville. Je fais la motion de l’im-Bression de la première partie du discours de [. Malouet ; c’est véritablement un chef-d’œuvre (Rires à gauche.) de diplomatie, de politique par sa construction, et qui honorerait l’Assemblée qui en décréterait l’impression. M. Prieur. Je demande si M. de Folleville n'a pas surtout remarqué la théorie des insurrections qui est sublime dans le discours de M. Malouet. M. de Montlosier. 11 est vrai que nous la connaissons moins bien que vous. (L’Assemblée décrète l’ordre du jour sur la motion d’impression du discours de M. Malouet.) M. Robespierre (1). En nous parlant du procès-verbal qui constate le vœu des Avignonais, M. l’abbé Maury aurait dû ajouter que c’éiait le résultat d’une délibération des anciennes communautés du Gomtat, qui, loin d’être l’expression du peuple, n’était que celle des anciens officiers municipaux maîtrisés par l’influence du pape. Là, comme en France, il y avait un parti contre le vœu du peuple; la noblesse et le clergé se sont armés, on en est venu aux mains; le parti populaire a vaincu la ligue des aristocrates, a été victime de son opposition, et on appelle cela du brigandage. Cette cause est la même que la nôtre, les mêmes intérêts et les mêmes passions sont en mouvement. C’est peut-être à cela qu’est dû ce grand acharnement qu’on met à cette cause. J’entre en peu de mots dans l’examen des principes. S’il est prouvé que, sous le rapport des droits des nations, Avignon n’a jamais pu être valablement aliéué, qu’il n’a jamais été possédé par les papes qu’à titre précaire, et d’engagement, la nation française a toujours été et est encore souveraine. Les Avignonais, les Com-tadins ont toujours été et sont encore français. Pour qu’ils soient français, pour qu’ils soient réunis à la France, il suffit de ne point les repousser, il suffit de ne pas les retrancher de l’Empire français. Il suffit, non pas de décréter un droit nouveau, mais de déclarer celui qui existe; c’est-à-dire que les Avignonais, les Comtadins font partie de la nation française, et vous voyez, Messieurs, que si vous adoptez ce principe, toutes les objections par lesquelles on semble vouloir obscurcir cette grande affaire, tombent d’elies-mêmes. Dès qu’une fois les Avignonais et les Comta-(i) Le discours de M. Robespierre est résumé en quelques lignes au Moniteur . EMENTAIRES. 12 mai 1791. J dins sont français, et que vous n’avez plus qu’à les déclarer tels, il est absolument inutile de chicaner sur la firme dns délibérations, d’> xiger que l’un vous prouve qu’un à un tous les habitants du Comtat et d’Avignon ont voulu la Révolution française; cet examen est absolument inutile. Mais, Messieurs, quand même on pourrait me contester le principe fondé sur notre histoire, et développé d’une manière sans réplique par M. de. Monclur et par M. Goupil qui vous a présenté son opinion; quand bien même on voudrait prétendre encore, en dépit des faits et de l’évidence, que les Avignonais et les Comtadins ne sont pas français, il en résulterait qu’ils seraient un peuple séparé de la France, et sous ce nouveau titre ils pourraient encore demander à être réunis à la nation française, et dans les circonstances vous ne pourriez point rejeter une pareille pétiiion. Ici, certes, il n’est pas possible d’adopter les principes du préopinant sur les droits des peuples et des rois, ni sur les moyens par lesquels les peuples peuvent ressaisir leurs droits ; car si les peuples ne sont pas des troupeaux, si les rois n’en sont pas les propriétaires, certes on ne pourra contester qu’un peuple, quand il le veut, au moment où il le vtut, puisse changer la forme de son gouvernement, et à plus forte raison, changer l’individu à qui il cunfie ses droits, de tenir lui-même les rênes de ce gouvernement; et si le pape pouvait ici réclamer des droits, s’il pouvait dire aux Avignonais, aux Comtadins : « Vous ne vous réunirez point à la France; vous ne changerez point la forme de votre gouvernement; vous ne vous déroberez point à ma domination. » Alors le gouvernement des Avignonais et des Comtadins serait fait pour le pape; les Avignonais et les Comtadins seraient la propriété du pape ; certes il n’est pas possible de réfuter sérieusement un pareille système. Or si les Comtadins, si" les Avignonais vous ont réellement adressé ce vœu; s’ils nous ont réellement renouvelé cette pétition avec une ardeur qui ne s’est jamais démentie, qui pourra leur contester le droit de nous la présenter? Qui pourra contester qu’ils n’ont pas le droit de se soustraire à la domination du pape pour se réunir à la France? Or, peut-on le contester, ce vœu? Je parle d’abord d’Avignon qui est un Etat séparé du Comtat, et je remarque que, sous ce premier point de vue, il n’est pas un homme, si disposé qu’il soit à s’opposer à la réunion et à favoriser la cause des ennemis des Avignonais, qui ose dire que le vœu de ce peuple est douteux. Il n’y a pas de difficulté d’abord sur ce vœu, où il est prouvé que, par les faits historiques qui vous ont été développés, le peuple avignonais formait un Etat séparé de l’Etat Yenaissin. Il est donc évident qu’il a eu le droit de demander seul la réunion à la France. Passons au Comtat. Nous avons encore la majorité du Comtat, majorité incontestable, si on veut écouter la vérité, et ne point poursuivre le système d’embarrasser l’Assemblée nationale par des doutes que les faits ont démentis. M. le rapporteur vous a attesté qu’il était porteur des déclarations de 51 communautés du Gomtat qui demandent formellement leur réunion à la France. Ces 51 communautés forment évidemment la majorité sur 95 : aucun de nous ne peut douter du vœu des Comtadins. Si vous réunissez le Comtat avec Avignon, pouvez-vous désirer une majorité plus complète. On a voulu encore opposer des présomptions ; [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [2 mai 1191.] 501 ils payent beaucoup moins d’impôts qu'ils n’en payeraient sous la dominati >n de la France. Est-il possible qu’ils veulent leur réunion à la France? Cette objection s’applique aussi, comme vous le voyez, au peuple avignonais : vous voyez que ce prétendu avamage ne l’a pas arrêté. En Turquie, on paye beaucoup moins d’impôts qu’en Angleterre : s’ensuit-il que le gouvernement turc soit préférable à celui d’Angleterre? Eh quoi! n’existe-t-il pour les peuples d’autre bonheur que celui de payer plus ou moins d’impôts? Comptez-vous pour rien les abus, les vexations? Ne croiriez-vous pas que le désir de se soustraire à tous ses malheurs ne soit point gravé dans le cœur de tous les peuples. Oui, les Avignonais, en dépit de la modicité de l’impôt, et le s Comtadins ont voulu se soustraire à la domination du pape, parce que, chez eux comme chez nous, il y avait des tyrans subalternes qui opprimaient leurs concitoyens; parce que la justice y était vénale et arbitraire; parce que d* s ordres arbitraires attentaient aux libertés individuelles; parce que tous les fléaux qui sont la suite inséparable au gouvernement absolu, désolaient la majorité des citoyens. Et certes ce serait un phénomène bien étrange dans le monde qu’il y eut une contrée ou le despotisme régnât, et où cependant le peuple fût heureux. C’est par la force, vous a-t-on dit, qu’on a subjugue le vœu du peuple avignonais et du peuple com-tadin ; c’est au milieu des troubles et des insurrections que le vœu du peuple d’Avignon s'est fait entendre, c’est dans cette guerre civile que la majorité du Comtat a fait entendre le sien. C’est ici que reviennent les principes du préopinant sur la théorie des insurrections. Il vous a dit qu’aucun vœu n'était légitime qu’autant qu’il était émis paisiblement, que lorsqu’il était la suite d’une insurrection, il était illégitime ou coupable. Que le préopinant apprenne donc aux peuples les moyens de ressaisir leurs droits sans insurrection; ou bien qu’il apprenne aux despostes à se dépouiller eux-mêmes du pouvoir absolu, à rendre aux peuples leur liberté et leurs droits, alors je conviendrai facilement que l’insurrection est un crime, puisqu’elle sera une violence inutile. ( Applaudissements .) Ainsi, tant que ceux qui sont investis du pouvoir, le croiront toujours légiti ne, et croiront qu’il ne peut jamais être trop étendu pour le bonheur du peuple et pour leur satisfaction, je dis qu’il ne restera jamais au peuple d’autre moyen de recouvrer la liberté qu’en secouant le joug du despotisme, et qu’ils ne secoueront jamais le joug du despotisme sans insurrection : c’est une vérité incontestable. Est-il bien convenable de se montrer difficile, quand il est évident que la majorité a dû nécessairement exister par la nature des choses? Le vœu de tous les peuples n’est-il pas de reconquérir la liberté? N’est-ce pas parce qu’ils sont toujours retenus par la crainte sous le joug de la tyrannie. Le peuple avignonais, le peuple comtadin devaient vouloir la liberté. Ils vous disentqu’ils l’ont voulue; les faits l’attestent, comment en douteriez-vous? Je dis qu’on ne peut pas en douter avec quelque bonne foi; qu’on ne peut feindre d’en douter que pour prolonger la crise funeste qui désole le pays, que pour y faire triompher la cause des ennemis de la Révolution. Je dis que la cause de tant d’intérêts, de tant de combats, ne peut être que l’extrême importance du decret que vous allez rendre: que l’influence infiniment étendue qu’il doit avoir sur la tranquillité de nos pays méridionaux, sur le sort de la Révolution française, doit être de quelque valeur en faveur de la réunion. Sans la réunion, vous avez au milieu de vos départements une province qui sera sans cesse un foyer d’anarchie et de guerre civile. Je demande en conséquence que le projet du comité soit adopté. M. de La Tonr-MIanbonrg. Messieurs, si je n’avais été interpellé dans la dernière séance, je me serais sans doute gardé de prendre la parole dans cette affaire; je ne sais trop pourquoi on a imaginé que, pour avoir séjourné trente-six heures à Avignon .je doive être mieux instruit qu’aucun autre des affaires de cette ville. On sait quel motif ra’y a conduit et on doit présumer que, le peu de temps que j’y ai passé, je ne l’ai pas employé à faire des recherches historiques aussi approfondies quecelles que M. le rapporteur vous a déveloprées. Puisque je suis provoqué à énoncer ici mon opinion, je dirai, d’après ce que j’ai entendu dire sur les cfroi t s positifs de la nation française et du pape, qu’il ne me reste aucun doute que nous avons plus de droit que le pape à la souveraineté d’Avignon. (Applaudissements.) Il me reste à parler de la seconde question : le vœu du peuple avignonais et du peuple com-taiin est-il bien constaté et suffisamment exprimé? Je m’exprimerai à cet égard avec la même franchise. Depuis que je suis revenu d’Avignon, je n’en ai reçu que des lettres anonymes que j’ai eu soin de remettre au comité diplomatique, et auxquelles il n’a sans doute pas eu plus d’égari que de raison. Mais, quand j’étais à Avignon, il est certain que le vœu de quelques communes du Comtat a été forcé; j’ai vu que ceux qui voulaient la réu-nio i arrachaient les vœux de ceux qui ne la voulaient pas, en y employant la force et les armes : on s’est servi pour cela des déserteurs des régiments de Soissonnais et de quelques dragons de Penthièvre. De tels suffrages ne sont certainement ni libres ni valides. Je ne sais si, depuis mon départ, on a pris des voies plus légales. D’après cela, ce que je croirais qu’il y aurait à faire, ce serait d’abord d’y envoyer des troupes suffisantes pour rétablir l’ordre et ensuite de mettre le peuple à même de pouvoir manifester son vœu, quelqu’il soit, d’une façon plus libre et plus légale que la première fois. (Murmures.) M. de Clermont-Tonnerre. Pour prendre enfin une résolution definitive sur la proposition de réunir à la France Avignon et le Comtat Veuais-sin, il suffit de se réduire à 2 points. La France a-t-elle un droit positif sur Avignon et le Comtat Yenaissin? Avignon et le Comtat Yenaissin ont-ils librement et formellement émis le vœu de se réunir à la France? Je ne m’appesantirai pas sur la première de ces 2 questions;... Un membre : Appesantissez-vous! M. de Clermont-Tonnerre. Nous nous appesantirons demain, si vous avez la justice de nous entendre. L’Assemblée nationale seut trop de quelle inconvenance il serait pour elle de faire à un prince 502 [Assemblée nationale.] ARCHIVÉS PARLEMENTAIRES. [2 mat 1TO1.J faible une querelle diplomatique, de s’appuyer d’arguments de commentateurs, des termes plus ou moins ambigus qui peuvent se trouver dans les actes du xv® siècle, et d’appuyer la con-2uête d’une province sur que'ques-uns de ces roits oblitérés que tous les princes ont en réserve, et sur lesquels, lorsque leurs passions les y invitent, il leur est si facile de commander des mémoires à des ouvriers diplomatiques. Je ne m’enfoncerai donc pas dans les discussions profondes que fait naître la vente d’Avignon par la reine Jeanne de Naples; j’observerai seulement qu’il n’a point été prouvé en points de faits, qu’Avignon et le Comtat Venaissin qui sont respectivement des Etats séparés, aient depuis 1125 été un seul et même état avec le comté de Provence; j’ajouterai que, dans tous les actes antérieurs a la vente de 1348, le titre de seigneur d’Avignon a toujours été pris par ses possesseurs; que, dans l’acte de vente même, Jeanne s’intitule domina civitatis Avionensis ; et je remarque que dans les actes subséquents, et notamment dans les révocations dont on prétend arguer contre la vente, elle n’a pas une seule fois repris ce titre. Le premier acte de révocation est de 1350; les 2e, 3* et 4e sont de 1365; le 5® est de 1368. Dans aucun, elle ne reprend le titre de dame d’Avignon; dans tous, elle déclare que les révocations portent uniquement sur les comtés de Provence et de For-calquier. Charles d’Anjou, dernier comte de Provence, ne prend pas non plus dans son testament le titre de seigneur d’Avignon. Depuis cette époque, après que le comté de Provence eut été transmis à Louis XI par Charles d’Anjou, translation qui fut laite le 10 décembre 1481, veille de sa mort, et pour l’exécution de laquelle Palamède de Forbin, envoyé de Louis XI, qui avait notoirement influencé le mourant, reçut, dès le 19 du même mois, tous les pleins pouvoirs et documents nécessaires; depuis cette époque, dis-je, je conviendrai que Charles VIII, dans plusieurs lettres de naturalisation données à des Avignonais, a dit que cet Etat avait été éclipsé de son comté de Provence; mais à ce dire, qui n’est qu’une assertion, j’opposerai le serment de fidélité prêté librement par les Avignonais au pape Innocent, serment dont ils ne se sont pas départis. J’observerai qu’il existe un traité de limite pour le comtat d’Avignon, conclu en 1623 entre le roi et le pape Grégoire XV, traité fait le 30 avril, et ratifié par le pape le 22 mai. Ce traité est une reconnaissance de la possession légitime du pape; quant aux saisies faites par Louis XIV et par Louis XV, je me borne à 2 observations, la première tombe sur leurs motifs, la seconde sur la restitution qui les suivit. Les motifs furent toujours étrangers au prétendu droit de la France. Sous Louis XIV, l’insulte faite à son ambassadeur à Rome par la garde corse fut la seule cause de l’usurpation. Satisfait sur ce point, il révoqua tous les jugements, arrêts et autres actes qu’il avait commandés pour la circonstance, il révoqua la prise de possession comme nulle et non avenue. En 1768, Louis XV se conduisit encore par des motifs étrangers à ses droits ; et, lors de la restitution en 1774, il déclare ne les avoir fait valoir que d’après les sujets de mécontentement que lui avait donnés la cour de Rome, par ses entreprises sur la souveraineté des Etats de son petit-fils le séréniseime infant, et l’inexécution d’un article du traité de Pise, concernant ledit infant; mais qu’ayant plu à Dieu de donner depuis à son église un chef dont la justice dirige toutes les intentions, qui a réparé les entreprises faites, etc., il a bien voulu dégager les Avignonais, comme il le fait, du serment de fidélité qu’ils lui ont prêté, les remettant au même état qu’ils étaient avant le mois de juin 1768, en sorte qu’il n’y ait plus rien qni empêche désormais qu’ils ne rendent à Sa Sainteté toute l’obéissance qu’ils lui doivent. La même année, Louis XV motive ainsi un privilège accordé à des Avignonais <. par rapport à la considération et aux égards particuliers que nous avons pour le Saint-Siège , dont ils sont sujets. » Je demande à tout homme de bonne foi s’il aperçoit dans tous ces actes des réserves du prétendu droit du roi ; si chacun de ces actes ne justifie pas la possession tranquille du pape. Mais, dit-on, il y a eu une réserve dans l’enregistrement fait au parlement d’Aix; j’avoue le fait, mais je crois l’atténuer par des réflexions bien simples. Je demande d’abord si ce n’est pas atténuer la foi due à tous les traités, que de les regarder comme pouvant être détruits par le fait de quelqu’un qui n’y est pas partie contractante, par le fait d’un parlement sujet de l’une des deux parties, et dont les actes ne sont ni communs aux deux parties contractantes, ni connus même de celui qui traite avec le roi. Je rappelle, en second lieu, le principe du parlement de Provence ; le voici : Sans préjudice des droits du roi et de la couronne, comme étant imprescriptibles et inaliénables. ( Applaudissements à gauche.) Certainement si un tel principe était sérieux, il aurait d’étranges conséquences; c’est parce que les puissances de l’Europe ont toujours su que de semblables réserves, de semblables droits n’ajoutent rien à la force de celui qui les revendique, qu’elles se sont mutuellement passé cette forme, plus que bizarre, moyennant laquelle le roi d’Angleterre prend le titre de roi de France, le roi de France, celui de Navarre; plusieurs, celui de rois de Chypre et de Jérusalem, etc., etc...; nomenclature qui n’est que vaine, et que tout le monde apprécie; mais, Messieurs, si, au milieu des principes politiques que vous professez, il était encore permis d’invoquer celui dont je parle, vous auriez fait la plus illusoire des déclarations quand vou3 vous êtes interdit les conquêtes ; une rentrée de domaine n’étant pas une conquête, et toute aliénation de domaine étant imprescriptible, vous auriez la possibilité toujours en deçà de votre déclaration, mais fort au delà de vos frontières actuelles, de îevendiquer successivement les domaines qui ont incontestablement appartenu à Charlemagne, et le tout sans autre intention que celle indiquée par M. le rapporteur, de consulter pour l’époque des reprises, le plus ou moins de force, des puissances qui en seraient en possession. On sent l’absurdité delà conséquence; cependant j’ai raisonné juste; c’était donc dans le principe que se trouvait l’absurdité. C’est ce principe qui peut seul servir d’appui aux droits plus qu’équivoques que nous pourrions prétendre sur Avignon. Il faut donc renoncer à ce droit, il faut renoncer à ces arguties diplomatiques, il faut renoncer à la réunion d’Avignon, si le vœu du peuple bien librement, bien clairement exprimé, ne nous donne pas un meilleur droit. M. le rapporteur nous a succinctement rendu compte au vœu des communes comtadi-nes ; il nous a dit que sur 95 communes, nous avions le vœu de réunion de 51 : la majorité est de 7, ce résultat esl mot à mot celui qu’ont présenté MM. Tissot et Pallln, députés d’Avignon. Ce [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [2 mailT9l.) sont les bases de ce calcul que je me suis permis d’examiner, et je vais vous soumettre mes résultats. Avant d’entrer dans les détails, je me borne à définir ce que j’appelle un véritable vœu. Ce vœu doit avoir trois caractères : Il doit être libre; il doit être clairement énoncé ; il doit être légalement constaté. Ces trois clauses sont rigoureusement nécessaires. Un vœu non libre est nul ; un vœu conçu en termes ambigus est inadmissible ; un vœu non constaté n’est pas un vœu. C’est à cette triple épreuve que je vais soumettre ce qu’on appelle le vœu de la majorité des communes du Comtat Venaissin. Je commencerai par les trois communes dont le vœu m’a paru être le moins attaquable. Communes. Sorgues. Population, 1,215. Votants , 197. Elle s’est réunie à Avignon le 14 juin 1790. L’assemblée a eu lieu à quatre heures du matin, à la réquisition de M. Béret, colonel. — La pièce est certifiée par Benoît Nourri, secrétaire. chateauneuf-du-Pape. Population, 1,240. Votants... Elle s’est réunie le 24 juin 1790, confirmée en juillet. Le maire qui a provoqué cette réunion, assura que les députés d'Avignon siégeaient déjà parmi les représentants de l’Empire français. Védènes. Population, 1,023. Votants, 143. Réunie le 17 juillet 1790. Telles sont, Messieurs, les délibérations auxquelles je n’oppose aucun reproche. Passons à celles dont le contenu ne permet pas de les regarder comme des vœux de réunion. Cairanne. Il n’existe pas de réunion; mais une délibération du 18 janvier portant que sur le fait constaté que dans la majeure partie du pays on a arboré les armes de France ; elle demande LA BIENVEILLANCE de la France, que cette nation généreuse et pacifique éloigne (Telle la guerre civile. De plus elle demande au district d’Orange un CERTIFICAT comme il les a reçus pour ALLIÉS et fédérés, afin de la garantir des incursions des ennemis de CE pays. Ce n’est point là une véritable réunion; ce n’en est même pas le vœu; il faut retrancher Cairane delà liste. Uchaud. 11 n’existe point de réunion, mais un acte où se sont trouvés presque tous les chefs de famille, par lequel, vules circonstances présentes, elle a demandé la protection de l’Assemblée nationale et du roi. Elle ajoute que, dans le cas où il plairait à l'Assemblée et au roi d' accueillir le vœu de Carpentras pour la réunion , elle demande d'être du district d’Orange. Il n’y a certainement point de réunion. Bollène. Population, 4,016. II n’existe point de réunion, mais un acte de fédération du 21 janvier 1791. Sérignan. Il n’existe point de réunion ni de vœu pour la réunion, mais une simple fédération avec Orange. Voici le dispositif : Considérant la dissolution de l’assemblée représentative et l'anarchie , qu'il fallait chercher un appui, avoir recours et s’affilier à une ville assez puissante pour la défendre, et dans le sein de laquelle elle trouve des tribunaux , une police, une administration; qu'il fallait commencer par arborer les armes de France ; elle a choisi la ville d? Orange, a serré avec elle des nœuds que la seule volonlé de l’As - 503 semblée nationale pourra rompre. On s’est promis secours et assistance. C’est une fédération qui n’est ni réunion véritable, ni le vœu d’une réunion. Vagueras. Pour prouver qu’il n’est pas réuni, il suffit de lire attentivement la pièce que l’on appelle son vœu de réunion. Voici ce que j’y trouve : Four procurer une tranquillité qui a été malheureusement troublée par les révolutions désastreuses qui nous fatiguent de toutes parts, et sous lesquelles nous avons été près de succomber, nous ne pouvions que nous mettre sous la PROTECTION et SAUVEGARDE de l’Assemblée nationale, et attendre paisiblement notre sort de l’Assemblée nationale. Cependant , pour arrêter TOUT BRIGANDAGE ET TOUTE INCURSION qui pourraient être faits sur notre territoire à main armée , il serait prudent d’arborer les armes de France, pour prouver notre entier dévouement à cette nation généreuse et à sa sublime Constitution, et demander à la ville d’Orange de nous recevoir sous sa protection, et nous honorer de £’ AFFILIATION. Le maire a dit qu’ils manifesteraient leur vœu pour la couronne de France ou pour celle de N. S. Père, en passant dans l'autre côté de l'église où se tenait l’assemblée ; personne n’a bougé ; l’assemblée a manifesté, par l’unanimité absolue , le vœu d’arborer les armes de France , pour se mettre sous la PROTECTION et SAUVEGARDE immédiate de l’Assemblée nationale et d'Orange et ATTENDRE le décret sur ce qui nous concerne. 11 est impossible de présenter, comme un vœu de réunion, une semblable délibération. Séguret. On trouve un acte du 2 février, par lequel le conseil militaire rappelle que les armes de France sont arborées, que le peuple désire la réunion; ce conseil délibère de s affilier à la ville d’Orange, mais il n’y a point d’acte de réunion de la commune. Un conseil militaire n’est certainement pas compétent pour émettre le vœu d’une ville. Mornas. Cette ville ne forme pas le vœu de la réunion ; mais, gémissant de l’anarchie et de l’éloignement du souverain, elle demande la protection de la France, se met sous sa sauvegarde et arbore ses armes. Ces 7 communes doivent être retranchées du nombre de celles dont on prétend avoir le vœu pour la réunion. Discutons maintenant les autres délibérations. Je sens combien cette discussion est aride, mais l’importance de l’objet doit vous commander l’attention la plus patiente. Vaison. — Population 2,284.— Votants 300. La pièce disait que le nombre était la moitié des citoyens actifs; une surcharge d’écriture, faite avec une encre différente, et que j’ai montrée à M. le rapporteur, a changé les mots la moitié en ceux-ci les deux tiers: le faux-est visible. La première assemblée a eu lieu le 10 janvier 1791, (jour où une influence semblable opérait le massacre de Cavaillon). Cette assemblée n’émit qu’un vœu, d’arborer les armes de France; le procureur de la commune en contesta la légalité ; les armes ne furent pas arborées. Le 17 janvier, les alarmes redoublèrent, la ville écrivit au département de la Drôme, pour lui demander protection, et le prier de prévenir la municipalité d’Avignon que cette protection lui était accordée* Le lendemain, 18, la frayeur augmentait encore, il y eut une adhésion à la délibération du 10. 504 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [2 mai 1791.J Le 7 février, Vaison s'est réunie à la fédération avignonaise; ces diverses adhésions avaient été produites en partie par la frayeur et en partie Çar l’influence d’un M. de la Villasse, maire de aison et en même temps juge de Saint-Léger ; né à Garpentras, des circonstances l’avaient rap-roché aes Avignonais: il fit plusieurs voyages ans cette ville; ce fut lui qui provoqua la délibération du 10, et l’adhésion du 18; il relira à cette époque, de Garpentras où il était né, sa femme et ses enfants qui y étaient encore; il les envoya à Avignon. Le surlendemain, il marcha au siège de Garpentras. On assure que, depuis cette époque, il portait habituellement une couronne de laurier; avant même cette expédition, il s’était fait donner une garde militaire comme maire de Vaison. Il voulut bientôt étendre plus loin son influence; il forma le projet de détourner les eaux des moulins à blé et arrosages du village de Séguret, situé à une demi-lieue de Vaison. Cette entreprise, et les bruits répandus qu’il allait préparer l’invasion d’une nouvelle troupe avignonaise, irritèrent les cultivateurs dont il troublait le travail et le repos : ils s’attroupèrent et se portèrent à Vaison, en armes, dans la nuit, au nombre d’une soixantaine. Le maire, prévenu de leur attaque, donna aux habitants de Vaison un signal convenu. Cette ville a une population de 2,284 personnes. Cependant très peu se présentèrent pour le secourir; il fut tué, ainsi que le sieur Anselme; les vainqueurs se retirèrent. Le lendemain, la ville de Vaison fut calme, plusieurs émigrauts y rentrèrent; on émit le vœu d’y rappeler l'évêque, ce même évêque, qu’un honorable membre (M. Bouche), vous peignait il y a quelques jours, un crucifix d’une main et un poignard de l’autre, excitant encore le fanatisme des bourreaux contre les cadavres des sieurs la Villasse et Anselme. 11 ne manquait à cet horrible tableau que d’être vrai. Cet évêque n’est pas même revenu dans Vaison, après l’événement malheureux qui a précédé son rappel; il s’est, au contraire, retiré à Montélimar. Tel est, Messieurs, le récit exact de ce qui est relatif à la ville de Vaison. Il me paraît démontré qu’elle a tenu une conduite tout à fait contradictoire, selon qu’elle a été dominée par deux hommes ou affranchie de leur joug. Il me paraît juste ; il vous paraîtra certainement juste d’attendre de nouveaux renseignements sur le vœu d’une ville dont le maire avait des gardes et occupait un château, et qui, lorsque ce maire a été attaqué, l’a laissé massacrer par 60 hommes et n’a témoigné aucun regret de sa mort. Lille, le H janvier 1791. Je trouve une délibération de rétablir les armes de France, qui avaient été ôtées par ordre de l’assemblée représentative. Je trouve encore une lettre du 26 janvier, qui annonce qu’elle a formé le vœu de sa réunion à la France; — mais j’observe que, le 10, le massacre de Cavaillon avait eu lieu ; — que l'effet de la première terreur sur le rétablissement des armes de France, fut qu’il y eut une forte émigration, qu’une partie de la garde nationale se retira à Garpentras, que les émigrants vous ont adressé des réclamations contre la violence exercée dans Lille, qu’enfin une garnison avignonaise, composée en partie des déserteurs de Soissonnais Î' est à discrétion, et contient le vœu des habitants. e vous demande si les circonstances permettent de parler ici d’un vœu libre. Le Thor. Je trouve, à la date du 19 janvier 1791, des délibérations très fortes, mais elles sont d’une date qui les rend au moins équivoques. Le massacre de Cavaillon, l’invasion de Lille étaient des exemples impérieux et récents. Pernes, le 15 janvier 1791. Je remarque encore la date, elle est à cinq jours du massacre de Cavaillon. Montbüx, le 18 janvier. Même réflexion sur la date. De plus, la population est, selon les Avigoonais, de 3,438. — Les votants pour la réunion sont au nombre de 37. Entraygues. Le vœu est formel, mais il est du 13 janvier, trois jours après le massacre de Cavaillon. Caderousse. Son vœu est du 15 janvier, il a été émis en présence du sieur de Yaulx, commandant la garde nationale française de Bagnoles. Il a même signé le certificat qui nous apprend cette réunion. — Cette circonstance et la date me fournissent bien quelques reproches. Cavaillon. — Ses ruines peuvent être comptées pour quelque chose; quant à son vœu, il y aurait de l’impudeur à s’eu prévaloir. La population est, selon les Avignonais, de 6,433. C’est le 26 décembre 1790, que pour la première fois 500 personnes délibèrent sur l’abandon où le Saiat-Siège semble laisser le Comtat. Le 10 janvier, il s’y fait ce qu’on appelle une révolution. Je ne vous retracerai pas les détails ; ils vous ont assez affligés. Malgré l’influence de cet événement atroce, ce n’est que le 19 janvier qu’une assemblée demande la réunioD. Cette assemblée est composée de 76 signataires, 193 autres membres, total : 269 personnes; encore y trouve-t-on 18 fois le nom de Chabas, et 45 fois celui de Veran. Une ville saccagée qui, avec une population de 6,433 personnes dont 269 votants, dont 43 sont de la même famille, ne présente pas ces symptômes auxquels peut se reconnaître un vœu libre et national. thouson. Son vœu est du 15 janvier, cinq jours après le massacre de Cavaillou. Ses votants sont au nombre de 20. Son motif est que d’autres communes ayant voté la réunion , il est de son intérêt de ne pas s'en séparer. pernes, 15 janvier. Ses motifs sont l’éloignement du souverain, la dissolution de toutes les parties organisées. C’est l’anarchie qui nous procure ce vœu, il est à la date fatale, pouvons-nous nous en prévaloir? bédarrides. le 15 janvier. Son comité militaire émet un vœu pour la réunion ; il annonce qu’il pressera celui des habitants pour le dimanche suivant. Il tient parole. L’assemblée a lieu malgré les officiers municipaux; elle est composée de 158 votants, la population est de 1,960. Un sieur Pont, officier dans la garde nationale, présente huit articles dont un est la réunion; ils sont très unanimement adoptés, et sans aucune discussion. Le nombre des votants, la date, l’influence militaire, l’adoption textuelle de huit propositions sans discussion, tout rend ce vœu plus que suspect. lagnes, le 16 janvier , date suspecte. L’acte est très informe; on y lit, entre autres choses, que l’assemblée était composée de la majoritée de citoyens dont le nom a été omis par abréviation. Ce n’est pas ainsi que se connaît le vœu du peuple. [Assemblé* nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [2 mai 1791.] 505 Menherbe, 16 janvier , date rapprochée du massacre de Cavaillon. — Motifs : le vœu de Carpentras, l’anarchie, l’abandon du pape. Camàret, 18 janvier. Population, 2,258. — 300 votants. Motif de l’éloignement du pape. — La date, le motif et les votants. Sarrian, 15 janvier 1791. Même réflexion sur la date, j’observe de plus que la délibération est ainsi motivée. « Voyant le peuple alarmé des dé-« sordre3 causés par la dissolution d’un gouver-« nement dont tous les ressorts sont rompus, la ■ situation critique où se trouve la province, le « tout joint au peu d’espérance qu’il y a d’être « secouru par un monarque qui semble l’avoir « abandonné; considérant que la Constitution t française peut seule, dans ce moment de crise, « assurer son bonheur et la tirer de l’état d’anar-« chie. » Ces motifs sont impérieux sans doute, mais ce n’est pas dans une situation critique hors de l'espoir de secours , que l’on émet un vœu libre, et ce n’est pas pour un moment de crise que l’on doit vouloir notre Constitution. Avant de quitter l’article de cette ville, je dois vous rappeler que ce vœu dont on se prévaut ne lui a sauvé aucune des horreurs qu’elle craignait. Le curé a été massacré, quoiqu’il eût voulu se faire un rempart de ce que la religion a de plus sacré (il a été renversé en portant le saint ciboire). Un vieillard a péri après avoir donné l’argent qu’on lui demandait pour lui laisser la vie; des filles ont été violées et mutilées cruellement, des enfants ont été égorgés sur le sein même de leur mère. Voilà le genre de guerre que fait la horde de brigands que l’on ne rougit pas d’appeler des patriotes, c’est ainsi qu’ils poursuivent ce que l'on appelle le cours de leur révolution. Oppède, 16 janvier ; Mazan, 16 janvier. Ces deux communes ont allégué les mêmes motifs : c’est l’anarchie, c’est le salut des individus exposés , c’est l’éloignement du souverain qui leur arrache ce que l’on appelle un vœu libre pour la réunion. Jonquerettes , 16 janvier. Population, 98. Votants , 24. Voici les motifs : « Il est de notre intérêt de chercher un asile « où nous puissions respirer libres et tranquilles. « De ce que nous avons adopté la Constitution « française que la ville d’Avignon professe, il « s’ensuit que nous avons délibéré de nous unir « à ses habitants pour vivre sous les lois de « l’Empire français, et exécuter les décrets de « l’auguste Assemblée de France, sous le gou-< vernement du prince juste, bienfaisant et ma-■ gnanimeàqui cette auguste Assemblée a confié « les rênes de l’Empire. » Cette délibération est d’une date rapprochée du massacre de Cavaillon. D'ailleurs, une réunion, un changement de prince, vaut bien la peine d’être expressément délibéré, et ne se tire pas par conclusions, surtout lorsque le raisonnement est aussi mauvais que celui des habitants de Jonquerettes ; il est évident que celle commune suppose avoir fait implicitement ce qu’elle n’a point fait du tout. Sainte-Cécile; le Rateau. Ces deux communes ont pris deux délibérations textuellement semblables ; elles considèrent leur position critique, l’anarchie, l'état horrible où elles sont, que la France olive le seul port qui puisse la recueillir dans ce triste naufrage; elles arborent les armes de France et s'affilient au district d’Orange. La date de ce3 actes est encore de ce même mois de janvier, marqué par le massacre de Cavaillon et par l’émission de ces vœux que l’on ose appeler volontaires. Sablet. Son motif est l’abandon du pape; cette commune est vivement affligée du silence de sou monarque, se croit déliée du serment de fidélité et vote la réunion. Cet acte est du 20 janvier. Je parlerai ci-après du prétendu abandon de son monarque. Saint-Didier. Son acte de réunion est du 19 janvier 1791. Taillade. Son acte de réunion est du 24 janvier 1791. Sa population estde 312; il n’y a que 37 votants. Maubec. Le 18 janvier, elle a commencé par arborer les armes de France; le 19, elle a voté la réunion, sa population est de 591, elle a eu 64 votants. Je trouve dans les signatures quinze fois le nom de Chabert et sept fois celui de Rey. Malaucène. Sa réunion est du 20 janvier. Ville. Sa réunion est du 19 janvier, sa population de 1,464 ; l’acte porte 35 signatures. Robions. Sa réunion est du 18 janvier, sa population est de 950, il y avait 200 votants. Cheval-Blanc. Sa réunion est du 17 janvier, elle a été faite en présence d’un commissaire d’Avignon. Saumane. Sa réunion est dn 18 janvier, sa population de 590 personnes; l’acte est signé de 22; il est motivé sur le malheur de Cavaillon et l’exemple des villes voisines. Vaucluse. Sa réunion est du 18 janvier; son motif est le malheur survenu à Cavaillon, le désir d’en prévenir un semblable, et de se prêter aux circonstances. Velleron. Sa réunion est du 17 janvier; sa population de 812 personnes; 108 votants , dont une femme. Bonnieu. Sa réunion est du 17 janvier; son motif, le malheur et la nécessité impérieuse; son vœu, celui de la réunion; ses témoins, le commissaire avignonais qui assure que ce vœu a fait renaître un doux sentiment de fraternité. Piglène. L’acte portant le vœu de sa réunion est daté du 14 janvier; 5 jours après le massacre de Cavaillon ; il ne sera pas inutile de vous en retracer quelques expressions : « Sur les dé-« sordres, les terreurs et les excès de tous genres « qui affligent la province et dont l’humanité « gémit, considérant le peu de moyens que nous « avons de nous opposer à la force qui a été déjà « déployée si malheureusement, ne voulant pas « exposer le peuple contiéà nos soins paternels, « aux malheurs qu’une résistance vaine entraine-« rait, et qui ne serait utile ni au souverain, « ni au peuple; que notre Saint-Père pour lequel « nous conservons toujours le plus tendre res-« pect, n’a dans les contrées éloignées de son « siège, aucun moyen de nous protéger contre « des forces supérieures ; que le salut du peuple « est la suprême loi, protestant toutefois de notre « vénération pour le Saint-Siège, envers lequel « notre fidélité ne s’est jamais démentie jusqu’à « ce jour ; forcés par la violence et les circonstances « impérieuses, nous ne pouvons nous dispen-• ser ..... » Voilà, Messieurs, une véritable capitulation ; c’est le langage d’une ville assiégée* ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [2 mai 1791 J 806 (Assemblée nationale.) et non pas le vœu d’un peuple libre, c’est insulter à une nation qui n'a pas perdu toute idée de vertu et de morale, que de lui présenter de tels actes comme des hommages à sa Constitution et comme des vœux de réunion. Gadagne. Le vœu de cette commune est encore du 13 janvier; cette pièce est remarquable, en ce que deux lignes et demie y sont effacées et surchargées de manière à être illisibles. Cette surcharge est d’une encre différente de la pièce, elle tombe sur un passage qui paraît être favorable aux Comtadins; j’ai fait remarquer cette circonstance à M. le rapporteur. Le dispositif de l’acte mérite que vous m’en permettiez l’extrait. « Considérant les horreurs de la guerre « civile, les obligations réciproques que nous « avons aux deux partis, nous espérons que la « municipalité d’Avignon, ne trouvant parmi nous <> que des agriculteurs pacifiques par état et par « caractère, nous regardera comme tels, ou que le « zèle pour la paix publique qui nous anime, « sera un titre auprès d’elle pour nous laisser « tranquillement cultiver nos champs qui 6ont « sa nourriture comme la nôtre. Nous n’avons « pris aucune part aux querelles de nos voisins ; « sans milice nationale formée, nous n’en avons « eu qu’une d’apparat pour les cérémonies publi-« ques; à la majorité, des serments que nous .« avons prêtés à la nation, à la loi et aux princes, « nos cœurs étaient d’accord avec nos démarches ; « dans celle sur laquelle nous allons délibérer, « nous ne nous écartons pas des mêmes principes. o Puisse le ciel nous inspirer le parti qui plaît à « ses yeux, et apaiser sa colère qu’il nous fait « éprouver! » Ceci, Messieurs, n’est plus une capitulation, c’est une prière noble et touchante, c’est le vœu d’hommes simples, et vertueux; ils craignent le ravage de leurs moissons, ils demandent la paix, et la seule grâce qu’ils demandent à cette municipalité, c’est la plus humble des prières que l’esclave puisse adresser à son tyran; c’est celle de le laisser tranquillement cultiver le champ qui fait sa nourriture et la sienne. Je doute que sur de pareils motifs, d’après une telle rédaction, oa puisse se prévaloir du vœu de la commune de Gadagne. Carpentras a formellement demandé la réunion, mais la terreur a évidemment arraché cette mesure ; cette mesure même ne l’a pas sauvée d’un second siège, elle est peut-être détruite par ceux qui font des conquêtes à la Constitution, comme Mahomet faisait des prosélytes à sa doctrine, au moment où les députés de ces mêmes conquérants vous parlent ici du vœu de la ville même qu’ils assiègent. J’ai parcouru, Messieurs, toutes les pièces qui pouvaient vous éclairer sur le vœu des communes du Comtat Venaissin; trois m’ont paru en avoir émis un que je ne veux pas contester. 7 n’en ont évidemment émis aucun. 35 m’ont fourni des objections qui me paraissent attaquer fortement la légalité de leur vœu. En effet, les caractères de la terreur ne peuvent pas se méconnaître. C’est le 10 janvier que Ca-Vaillon est dévasté par les Avignonais ; c’est du 10 au 30, c’est dans les 20 jours suivants que les 35 délibérations sont prises ; elles sont fondées sur la nécessité, le salut du peuple, et l’empire des circonstances. On y allègue l’abandon du pape, et cet abandon même n’est pas exact. Le {tape a, par une lettre du 6 octobre 1790, réclamé es bohs offices et la protection de la France pour rétablir la paix et l’ordre dans ce malheureux pays. Je sais qu’une demande de secours n’est pas un secours effectif; mais peut-être est-il permis de dire ici qu’un prince faible, qui met ses sujets sous la protection du roi des Français, peut croire ne les avoir pas abandonnés. Il y a loin, Messieurs, du résultat de l’examen que je vous ai soumis à celui que vous présentait M. le rapporteur. Il vous annonçait 5i communes ayant formé un vœu formel de réunion ; et, en compulsant les pièces, je n’en trouve que 44 dont il existe des délibérations quelconques (1). Sur ce nombre, j’en retranche 7 par des raisons qu’il est impossible d’attaquer; et sur les 37 restantes, il n’en est que 3 qui présentent l’apparence d’un consentement, les autres sont viciés de toute part; aucune n’est en même temps libre, positive et constatée. Ici le nombre des votants est omis, là c’est un simple certificat sans forme légale; dans quelques pièces, ce sont des ratures coupables qui altèrent leur sens ; souvent, ce sont de simples copies envoyées par les Avignonais qui disent avoir les minutes, circonstance qui les annule toutes ; car une pièce qui n’est fournie et certifiée que par la partie adverse ne fut jamais une pièce probante. Je vous prie de peser cette observation péremptoire. Quel est le procès civil que l’on jugerait sur de telles pièces? 11 n'est pas un tribunal en Europe qui admît ces informes documents dans une contestation où il s’agirait d’un arpent de terre; et l’on vous propose sérieusement de délibérer sur tout un peuple, de le juger sur cette pro-duction, et dans le jugement qu’on vous demande vous êtes essentiellement intéressés. — Ces réflexions me paraissent si fortes, que je ne conçois pas possible que l’Assemblée nationale ne daigne pas s’y arrêter. J’ai détruit le moyen le plus puissant que pussent m’opposer les adversaires de mon opinion, le fantôme du vœu de la majorité du Comtat pour la réunion. Ce vœu n’existe pas; le vœu connu de trois communes, l’expression ambiguë et contrainte de 34 autres, la présence des députés de 5 autres à une assemblée entourée de soldats, ne pouvait l’emporter dans cette question sur le silence des 53 communes, dont les pièces, qui m’ontété communiquées, ne présentent pas le vœu. La majorité est évidente contre le système du comité ; la majorité seule eût pu lui présenter un avantage. Et sur quelle base en effet pouvait s’appüyer le vœu prétendu? Quelle était donc la somme de maux qui pesait sur le Comtat? Avait-il à gémir du despotisme du pape, payait-il des impôts accablants, l’aristocratie pesait-elle sur les citoyens de ce pays? Plusieurs membres à gauche : Oui I oui 1 M. de Clermont-Tonnerre. Non, sans doute, le gouvernement était doux, les Comtadins jouissaient en France du privilège de regnicoles; (1) Cinq communes dont il n’existe aucune délibération et que M. le rapporteur a comptées font partie du prétendu département de Vaucluse. M. le rapporteur a conclu avec justice leur adhésion de la présence de leurs députés à cette assemblée avignonaise ; je n’ai pu ni discuter les circonstances, ni examiner ce vœu. Ces communes sont : Saint-Saturnin. — Saint-Léger. — Creslet. — Beaumont. — Saint-Romain-en-Viennois. — La Royne-sür Perne. (Assamblée ttaüôn&le.] ARCflfYËS PARLÉitENTAlRES. |2 mai 1791.J les impôts étaient pour ainsi dire nuis, la féodalité insensible ; elle se bornait à donner au seigneur le droit de nommer un juge. La représentation était presque démocratique, 27 députés des communes, 3 du clergé et 1 des possédants fiefs composaient les états du Comtat Venaissin; ii n’y avait ni servitude, ni chasse exclusive, ni interdiction du port d’armes; et la seule fois que le pape ait voulu exercer ce dernier genre d’op-nression, ce fut aux forces du roi de France qu’il rut obligé d’avoir recours. Sans doute il y avait quelques abus, mais aucun d'eux n’était tellement inhérent au gouvernement, qu’il ne pût être réformé sans passer sous une domination étrangère. Il ne fallait ni secousses, ni sang; il ne fallait que patience, suite et fermeté. Mais il est difficile d’avoir fermeté, suite et patience. Ne nous faisons pas d’illusion, Messieurs. Toutes les fois qu’un peuple qui n’est pas malheureux et très malheureux se livre à de très grands mouvements, se condamne aux plus affreuses calamités, rompt les liens les Filus chers, et fait ce qu’on appelle une révo-ution, il faut convenir que des causes étrangères l’y ont poussé. Ici la cause est évidente; c’est la terreur des Àvignonais. Mais pourquoi ces Avignonais se sont-ils rendus si redoutables plus encore par leur férocité que par leur force? C’est parce qu’ils se sont livrés eux-mêmes à des scélérats qui les égarent. Il ne serait pas difficile de vous prouver que ce qu’on appelle la révolution avignonaise est une grande iniquité produite par de petits moyens et de misérables intérêts; il ne faudrait que suivre l’histoire de la municipalité actuelle, de cette municipalité composée d’hommes dont deux membres sont étrangers, dont à peine un seul est propriétaire; suivre ces hommes depuis leur installation en avril 1790, installation marquée par un serment de fidélité a leur monarque, serment que le parjure a bientôt suivi; les voir en juin 1790 consommer les plus horribles assassinats, refuser en octobre une amnistie, parce que leurs consciences ne pouvaient pas leur permettre d’y croire ; s’emparer de l’argenterie des églises, se diviser scandaleusement, étouffer bientôt leurs dissensions pour marcher en commun à de nouveaux crimes, se partager les dépouilles d’un de leurs complices, ce malheureux Patris, d’abord contrebandier, puis général des Avignonais; ce Patris, dont la mort tragique est une leçon terrible pour ceux qui, acceptant ou usurpant la confiance d’un peuple égaré, se mettent dans une position telle, que le repentir leur est interdit, et qu’une seule action vertueuse devient leur arrêt de mort. ( Murmures à gauche ; applaudissements à droite.) Il suffira, dis-je, de suivre la vie publique de ces officiers municipaux, qui, cédant enfin aux demandes réitérées du peuple avignonais, ont cru lui rendre un compte sérieux, en portant 68,000 francs en dépense pour la journée du 10 juin, qui n’a dû leur coûter que des cordes et le salaire de deux bourreaux. Cet examen suffit pour juger la révolution qu’ils ont faite. C’est un peuple livré à de tels hommes, dirigé par leurs conseils, tourmenté par leur influence, que l’on vous propose d’incorporer à l’Empire français ; c’est ce peuple qui, depuis plusieurs mois, prêche la Constitution française, dont tous les principes le condamnent, et fait des conquêtes pour la Constitution française, qui a proscrit les conquêtes. Et remarquez, Messieurs, combien cet argument acquerrait de force, s’il était possible de démontrer que les Français ont eu avec la révolution d’Avignon des rapports multipliés, qu’ils ont provoqué leur entreprise, encouragé leurs efforts, applaudi à leurs succès et que des individus de notre nation ont participé à leurs crimes. Eh bien , tous ces faits sont incontestables ; ceux-mêmes que j’accuserais s’en honorent ; ce n’est plus un secret pour personne que la correspondance existant entre les révolutionnaires avignonais et des membres mêmes de cette Assemblée. On sait que, à la première émeute, les nouvelles furent envoyées ici, qu’elles y causèrent une grande satisfaction, que l’on annonça que la municipalité d’Avignon ferait une chose agréable, très agréable à [�Assemblée nationale de France, de lui faire connaître le détail de ses opérations. On sait que ces opérations furent, peu de mois après, l’assassinat de M. Rochegud et de plusieurs autres victimes ; que ce fut le lendemain que fut articulé le vœu de se donner à la France ; qu’alors ce fut encore à des membres de cette Assemblée que les officiers municipaux écrivirent : « Vous avez été informés, dans le temps, par M. Raphèl, l’un de nous, des événements qui se sont rapidement succédé ; il nous a communiqué vos réponses et les offres obligeantes de service que vous lui avez faites pour Avignon ; le moment est venu de les accepter. » On se rappelle les motions qui furent alors renouvelées dans cette Assemblée ; je m’interdis les réflexions et je passe à des faits d’une autre nature. M. Bouche. Monsieur le Président, je demanderai la parole quand Monsieur aura fini. Il vient de se servir de certaines expressions dont l’application peut se faire aisément à certains membres de cette Assemblée. ( Rires à droite.) Un membre de l’extrême gauche : Gela vous fait honneur ! M. Bouche. Je le prierai de vouloir bien s’expliquer et déclarer ceux dont il peut connaître les intentions... Un membre à droite : Vous ! M. Bouche... Et surtout la correspondance. M. de Clermont-Tonnerre. Ce que j’ai dit ne regarde point les personnes pour qui le préopinant s’intéresse. Gela n’a trait qu’à deux lettres insérées dans un papier public et imprimées par ordre même de la municipalité d’Avignon. J’apporterai demain ces papiers et je nommerai ceux qui me les ont remis et qui les garantissent. La correspondance peut bien tenir à un crime; mais ce n’est pas un crime, elle-même; on ne doit pas m’en demander davantage. Je continue. Depuis le commencement des troubles, les départements voisins du Gomtat et d’Avignon ne cessent d’avoir, avec les divers partis, des relations plus ou moins étroites ; tantôt pacificateurs, quelquefois auxiliaires, on voit des Français dans les deux camps. Ou a vu un officier municipal, le maire d’Arles, le sieur Antonelle, oublier assez ses devoirs et son caractère pour fournir aux Avignonais des bombes et des boulets qui étaient dans le parc d’artillerie et aller ensuitea Avignon, se mêler aux factieux et y recevoir des couronnes. 508 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [2 mai 1791.] Une circonstance qui mérite également toute votre attention, c’est le soupçon de partialité qu’il sera difficile d’écarter lorsque l’on saura que, tandis que l’on savait que le maire d’Arles fournissait graïuitement des munitions aux Avignonais, on arrêtait à Orange, à Nyons et au bureau de Sep-temes des armes achetées et payées par les Com-tadins. Lorsque l’on saura que tandis que, conformément à vos décrets et à la justice, le ministre de la guerre défendait à des Français de secourir les Comtadius, ce même ministre négligeait de redemander, comme il en avait le droit et le devoir, le grand nombre de déserteurs français que les Avignonais avaient séduits, et qui font aujourd’hui la force de leur armée. Aucun de ces faits ne peut être inconnu aux nations étrangères; ces faits sont tous de nature à rendre justement odieuse l’acceptation d’une conquête que vous serez justement accusés d’avoir préparée, d’avoir provoquée, d’avoir faite par une coupable connivence avec ceux qui se disent vos allies et qui paraîtront vos instruments. Il ne me resterait plus qu’une question à examiner, c’est l’utilité et la convenance dont peut être pour nous la réunion d’Avignon et du Comtal. Sur ce point, non seulement je serai de l’avis de M. le rapporteur, mais j’adopterai tous les calculs, toutes les manières de voir qui peuvent rendre cette utilité plus frappante; et malgré cela, Messieurs, et à cause de cela, Messieurs, je ne cesserai de vous dire que plus vous êtes intéressés dans la cause qui vous est soumise, plus vous devez examiner les raisons qui luttent contre votre intérêt. 11 serait trop affligeant que nos ennemis pussent dire : « Ce pays convenait à la France, et la France se l’est approprié; elle a elle-même jugé ses prétentions ; elle a porté et entretenu le trouble dans le pays qu’elle voulait s’approprier; les hommes armés qui tourmentaient celte contrée n’ont cessé d’avoir avec elle des relations, ont conseillé des actes de réunion et de soumission à cette puissance; ils ont porté le fer et le feu partout où on n’a pas suivi leurs conseils ; et du moment où cet étrange apostolat a extorqué à quelques communes des délibérations ambiguës, illégales, incomplètes, non seulement la France les a reçues, mais elle s’est approprié tout le pays et a consommé la plus coupable des usurpations. Vous ne voudrez pas avoir mérité de tels reproches, et vous les mériteriez sans doute, si vous prononciez aujourd’hui la réunion que l’on propose. Je ne vous parlerai pas des guerres qui pourraient en être la suite, je ne vous dirai pas que ces guerres seront des guerres de géants; je consens et je demande à mourir en simple homme; mais je veux savoir si j’ai raison. (Rires à gauche ; applaudissements à droite.) J’ai suivi les objections faites contre les droits du pape, antérieurement à Louis XIV; je crois que vous apprécierez le système diplomatique que l’on vous présentait avec tant de confiance. J’ai examiné la prise de possession par Louis XIV et par Louis XV, et j’ai trouvé dans les événements de ces règnes deux nouvelles preuves de la légitimité du droit du pape. Passant à la question du droit naturel, j’ai examiné le prétendu vœu du Gomtat Venaissin; j’ai démontré qu’il n’existait pas et ne pouvait pas être invoqué; j’ai jeté ensuite un coup d’œil rapide sur ce qu’on appelle le cours de la révolution avignonaise; enfin, vous rappelant l’influence que l’on pourrait nous reprocher d’avoir eue sur cette révolution et l’utilité évidente dont cette réunion est pour nous, j’en ai tiré de nouveaux motifs de peser avec une rigoureuse circonspection la résolution que vous allez prononcer. Je conclus à ce que la réunion ne soit pas décrétée; mais, frappé comme tous les membres de cette Assemblée, des dangers affreux auxquels sont exposés les citoyens de cette contrée si heureuse il y a deux ans, je désire que vous y portiez la paix; je soutiens que vous le pouvez dans tons les systèmes et dans toutes les hypothèses. En droit positif, vous êtes requis par le prince, sa réquisition est du mois d’octobre dernier; en droit naturel, vo us l’êtes par les malheureux Comtadins, dont tous les prétendus vœux de réunion se réduisent à ce seul cri ; Sauvez-nous , car on nous égorge. Je crois que les Avignonais eux-mêmes vous sauront gré de leur épargner des crimes; je ne croirai pas qu’ils prétendent vous résister, quoiqu’un honorable membre nous ait annoncé dans la séance d’avant-hier et leur résistance future, et même la désobéissance des départements qu’il croit attachés à leur cause. Je n’adopterai jamais, je ne vous présenterai jamais de pareils pronostics. Dans tous les cas, il suffit que ce qu’on vous propose soit juste, que ce qu’on vous propose soit nécessaire; dès lors c’est à vous à le décréter, et tout calcul ultérieur serait une coupable faiblesse. Je crois que les commissaires qu’il faut envoyer dans le Gomtat et à Avignon doivent être provisoirement revêtu de grands pouvoirs; il faut que les forces soient assez considérables pour que 1 impossibilité de la résistance ramène sûrement le calme; il faut que toutes les autorités usurpatrices disparaissent devant les commissaires que vous enverrez; il faut que, après ces prélimina res, le vœu du peuple puisse être émis avec tranquillité, et c’est alors que vous jugerez si ce vœu peut devenir pour vous l’objet d’une délibération. (La suite de la discussion est renvoyée à demain.) M. le Président indique l’ordre du travail de la semaine et l’ordre du jour de demain et lève la séance à quatre heures. ANNEXE A LA SÉANCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE DU LUNDI 2 MAI 1791. Sur l’interpellation de M. Bouche, par M. Stanislas de Clermont-Tonnerre. J’ai dit dans la séance d’hier (1) ce que je vais copier ici : « Eh bien ! tous ces faits sont incontestables, « ceux-mêmes que j’accuserais s’en honorent ; « ce n’est plus un secret pour personne que la « correspondance existe entre les révolution-« naires avignonais et des membres mêmes de « cette Assemblée. On sait qu’à la première « émeute les nouvelles furent envoyées ici, « qu'elles y causèrent une grande satisfaction, « que l'on annonça que la municipalité d'Avignon (1) Voy. ci-dessus, séance du 2 mai 1791, page 501 et suiv.