lAssemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [-24 décembre 1790.] quatre mois après qu’ils seront entrés en activité, pendant lequel temps les créanciers qui auront fait signifier des oppositions et de nouvelles élections de domiciles ou autres actes, entre les mains des conservateurs établis près les ci-devant bailliages et sénéchaussées, seront tenus de les renouveler ; savoir : pour les immeubles réels, entre les mains du conservateur établi près le tribunal du district de leur situation, et pour les immeubles fictifs, entre les mains du conservateur établi près le tribunal du district du domicile du débiteur; le tout sans payer aucun droit d’enregistrement, en justifiant de l’opposition formée depuis trois ans au bailliage ou à la sénéchaussée. Art. 3. Les acquéreurs qui auront fait exposer leurs contrats d’acquisition en l’auditoire du ci-devant bailliage ou sénéchaussée de la situation des immeubles réels, et du domicile du vendeur, pour les immeubles fictifs, sans avoir obtenu de lettres de ratification, ensemble ceux dont les contrats se trouvaient exposés, lorsque les tribunaux de districts sont entrés en activité, seront tenus, si fait n’a été, d’en faire un nouveau dépôt au greffe du tribunal de district, pour l’extrait en être exposé pendant deux mois au tableau de l’auditoire. Art. 4. Les registres, minutes et autres actes existants dans les chancelleries des bailliages ou sénéchaussées, dans les lieux où il n’y a pas actuellement de tribunaux de district, seront déposés à la chancellerie du tribunal de district le plus prochain de ces bailliages ou sénéchaussées, après inventaire fait entre le conservateur de la chancellerie où doit s’en faire le dépôt, et le commissaire du roi du tribunal près lequel existe cette chancellerie; et il sera remis une expédition de cet inventaire au secrétariat de la municipalité du lieu d’où iesdits registres, minutes et autres actes auront été transférés. Art. 5. Les droits ci-devant attribués à l’office de garde des sceaux desdites chancelleries, seront provisoirement perçus au profit du Trésor public, et il en sera rendu compte avec les autres droits des hypothèques. Art. 6. L’Assemblée nationale déclare que, par la disposition de l’article 24 du décret ci-dessus concernant l’insinuation, elle n’a pas entendu déroger à la déclaration du 17 février 1731 ni à l’ordonnance du même mois; en conséquence, les actes assujettis par ces lois à l’insinuation, continueront d’être insinués suivant les règles qu’elles ont établies, soit dans les bureaux existants près les tribunaux de districts delà siluationides immeubles, soit dans ceux du domicile des donateurs. Seront également observées, pour la publication judiciaire des actes qui sont soumis à celte formalité, les distinctions établies par les anciennes lois entre les tribunaux de la situation des biens et les tribunaux domiciliaires. Plusieurs membres demandent que l’Assemblée ordonne l’impression du rapport et du projet de décret et en ajourne la discussion après la distribution. (Celte motion est adoptée.) M. le Président fait donner lecture d’une pétition des frères Périer , directeurs de la compagnie des eaux de Paris. Elle est ainsi conçue (1) : 645 Frappés par un décret de l’Assemblée nationale, qui compromet d’une manière effrayante leur propriété et attaque leur honneur même, le3 sieurs Périer espèrent de l’équité connue de cette Assemblée qu’elle ne refusera pas d’écouter les justes plaintes qu’ils ont à lui présenter contre un jugement qu’elle a rendu, pour ainsi dire, de confiance, et qui est en contradiction avec les principes qu’elle a consacrés. L’intention de l’Assemblée nationale n’est pas sans doute qu’il n’existe pas de moyen pour elle de revenir sur les erreurs dans lesquelles on peut la faire tomber. Ce serait un trop grand malheur pour les citoyens que les méprises du Corps législatif fussent sans remède. Il faut qu’il y ait toujours une voie ouverte à la justice, qui ne peut jamais venir trop tard pour les hommes et contre laquelle d’ailleurs on ne prescrit pas. Les sieurs Périer osent donc se flatter que si l’Assemblée nationale, éclairée par les observations qu’ils vont lui soumettre, ne croit pas pouvoir révoquer le décret dont ils sont victimes, elle ne dédaignera pas au moins de l’interpréter de manière à ce qu’il puisse se concilier avec ce que l’équité naturelle exige, et avec les lois qu’elle-même a faites. Nous allons tâcher de faire sentir, aussi rapidement que nous Je pourrons, jusqu’à quel point cette interprétation que sollicitent les sieurs Périer est nécessaire et même pressante. On a beaucoup parlé dans le rapport fait à l’Assemblée nationale, concernant la compagnie des eaux de Paris , des premiers projets de celte compagnie, des calculs qu’elle avait présentés an public, des espérances qu’elle lui avait données, des actions qu’elle avait établies, des négociations qu’elle avait faites avec le gouvernement, des secours qu’elle avait reçus de lui, et même de l’agiotage qui s’était mêlé à son entreprise. On n’a presque rien dit, dans ce rapport, des frères Périer qui, en effet, n’avaient rien de commun avec ces détails, et à qui ces imputations vraies ou fausses étaient étrangères. Cependant le rapport a fini par un décret qui ne prononce que sur des réclamations particulières, formées par les sieurs Périer, contre la compagnie des eaux, et qui, sans les avoir entendus, sans connaître leur défense, sans avoir discuté leurs titres, leur ôte, en un instant et comme d’une manière imprévue, tout le fruit de l’arrêt qui a jugé ces réclamations. On va voir combien les sieurs Périer ont à se plaindre d’une telle marche. Personne n’ignore que ce sont eux qui ont imaginé les premiers de fournir de l’eau dans tous les quartiers de Paris, au moyen des machines à feu inventées à Londres. On sait aussi qu’après quatre années de sollicitations et d’efforts, ils obtinrent, en 1777, un privilège du gouvernement pour l’exécution et l’usage de ces machines. On sait encore q e ce privilège a été revêtu de lettres patentes, que le parlement de Pans a enregistrées. Pour l’exercice de ce privilège, il fallait des fonds, et pour ces fonds, il fallait une compagnie. Les sieurs Périer travaillèrent à former cette compagnie. La compagnie une fois formée, les sieurs Périer (1) Voyez le rapport concernant la compagnie des Eaux de Paris et le décret adopte par l’Assemblée, Archives parlementaires , tome XX, séance du 22 novembre 1790, pages 632 et suivantes. 616 [Assemblée nationale. j ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [24 décembre 1700. j s’occupèrent de faire avec elle des conditions relatives à leur intérêt. Voici quelles furent ces conditions : 1° Les s;eurs Périer se réservèrent la qualité d’administrateurs permanents à toujours de l’entreprise des eaux, et stipulèrent qu'ils auraient chacun leur voix dans les assemblées d’administration ; 2° Ils se réservèrent encore exclusivement la direction et la conduite, comme ingénieurs-mécaniciens, de tous les travaux do l’entreprise, l’achat de toutes les marchandises, le choix de tous les matériaux, et à raison même de leurs travaux, un honoraire annuel de vingt mille livres ; 3° Enfin, ils stipulèrent qu’en qualité de propriétaires du privilège, il leur serait alloué, quoique sans faire fonds, un dixième de toutes les actions créées, ou qui pourraient être créées par la suite, c’est-à-dire une portion égale au neuvième de celles dont les fonds seraient fournis par les actionnaires. Toutes ces conditions, qui furent acceptées par la compagnie, sont devenues l'objet des articles 4, 5, 10, 22 et 28 d’un traité synallagmatique, qui fut passé le 10 août 1778, par-devant M° Lor-meau, notaire, entre la compagnie et les sieurs Périer, et qui a été homologué ensuite au parlement, suivant les formes d’usage. Ce traité a reçu son exécution pendant plusieurs années de suite. C’était alors le temps de la prospérité delà compagnie des eaux. Son administration était sage, ses efforts heureux, ses travaux dirigés avec autant de soin que d’activiié, et les actions, qui servaient de fondement à son entreprise, s’élevaient tous les jours bien au delà du prix de leur création. Mal heureusement l’agiotage1 qui s’empara bientôt des actions des eaux, vint empoisonner des succès déjà si brillants. On joua à la hausse et à la baisse. On avilit le prix des actions, on décria l’entreprise par des libelles, et on calomnia môme les auteurs; et il ne tint pas aux hommes ennemis ou jaloux de ce superbe établissement, qu’il ne fût détruit presque au moment même où l’idée en avait été conçue et exécutée. Au milieu de ce désordre, qui pouvait porter aux sieurs Périer un dommage en quelque sorte irréparable, ceux-ci songèrent à prendre, avec la compagnie des eaux, des arrangements pour la délivrance qui devrait leur être faite des actions auxquelles iis avaient droit par le traité passé avec ede. La compagnie sentit elle-même la nécessité de se prêter à ces arrangements. l’ne transaction fut cassée entre elle et les sieurs Périer, le 12 août 1786, par-devant Lormeau, qui, expliquant les conventions faites par le traité, fixa les droits des sieurs Périer à une propriété de quatre cents actions dans l’entreprise, dont la compagnie s'engageait à leur délivrer cent û\\ premier janvier 1787, et dont les trois cents autres devaient leur être payées à la charge seulement d’en laisser cent en dépôt, lorsque le dividende de la totalité des actions s’élèverait à deux cents livres pour chacune d’elles. Cette transaction fut exécutée. Les sieurs Périer reçurent leurs cent actions au premier janvier 1787, et ils attendaient que le moment fixé pour la réclamation des autres fût arrivée, lorsque des circonstances particulières vinrent les forcer à élever cette réclamation encore plus tôt qu’ils ne le voulaient. Un banquier, porteur d’une multitude d’actions U o rit il ne pouvait pas se défaire avec avantage, avait formé le projet de changer le régime de la compagnie. Pour changer ce régime, il le bouleversa. Il engagea, à l’aide de quelques autres actionnaires, le baron de Breteuil, alors ministre, et persécuteur déclaré de la compagnie des aux, à favoriser un traité, qu’on voulait que la compagnie fît avec la ville de Paris, et par lequel la compagnie devait céder à l’administration de la ville, tous ses établissements et toute son entreprise, à des conditions qui compromettaient l’intérêt des autres actionnaires et en particulier celui des sieurs Périer, de la manière la plus cruelle pour eux. Le ministre couvrit en effet ce traité delà protection la plus ouverte. Les sieurs Périer firent en vain des efforts pour s'y opposer, il fallut plier sous l’autorité du despote. Tout ce qu’ils purent faire dans leur intérêt, fut de se réserver l’exercice des droits, qui s’ouvraient pour eux par ce traité même. Mais ils n’en furent pas moins victimes de ce bouleversement de l’entreprise. Les autres administrateurs qui étaient, comme eux, chargés des intérêts de lu compagnie, le furent aussi. Tous ensemble furent poursuivis et destitués par les administrateurs nouveaux, que les actionnaires s’étaient donnés et dont un arrêt du conseil avait approuvé la nomination. A cette destitution des anciens administrateurs, succédèrent bientôt toutes espèces de violences. Le scellé fut mis chez les sieurs Périer. On leur enleva leurs effets, leur argent, leurs papiers, leurs livres, leurs registres et tout ce qu’ils avaient de relatif à la compagnie. On les chassa de leurs ateliers à main armée. Ou en bannit tous leurs ouvriers avec des soldats. Toutes les affaires de la compagnie leur furent ôtées. On leur ôta même jusqu’à la direction des travaux. En un mot, une entreprise qu’ils avaient créée, qui était leur ouvrage, qui ne pouvait exister même que par eux, leur fut enlevée ainsi toute entière, par des étrangers, et périt bientôt au grand scandale des arts, entre les mains qui l’avaient ravie. Cependant la justice commençait déjà à venger les sieurs Périer des persécutions dont on avait osé les rendre l’objet. Après des discussions portées d’abord au Châtelet et au Parlement, un arrêt du conseil rendu contradictoirement entre les administrateurs et eux, et de la manière la plus solennelle, reconnut leurs droits, et ordonna leur réintégration provisoire dans leurs ateliers. Il fut question alors de leurs réclamations au fond. Le fond de ces réclamations ne pouvait être jugé que par le Châtelet. Les sieurs Périer revinrent donc dans ce tribunal. Là ils attaquèrent les administrateurs de la compagnie corps à corps. Us demandèrent d’abord contre eux la condamnation solidaire de la valeur de trois cents {Assemblée nationale.! ARCHIVES PARLEMENTAIRES. {2* décembre 1790.] actions qui leur appartenaient aux termes des actes faits entre eux et la compagnie, c’est-à-dire du traité général de 1778 et de la transaction de 1786 ; Ensuite deux années du traitement annuel de vingt mi le livres, qui leur appartenaient aussi par leurs actes et qui étaient échues ; Le payement des diverses fournitures qu’ils avaient faites à la compagnie ; Et enfin deux cent mille livres de dommages et intérêts pour les vexations de tout genre qu’on leur avait fait éprouver, et les pertes immenses qu’ils avaient souffertes. Aucun de ces objets ne pouvait souffrir de difficulté. Les dommages et intérêts résultaient des vexations mêmes, dont les sieurs Périer avaient été les victimes. Les fournitures étaient dues par les comptes. Les honoraires l’étaient par le traité de 1778; qui, à l’article 28, s’exprimait ainsi : « Et attendu que lesdits sieurs Périer seront « seuls chargés , comme ingénieurs-mécaniciens, « de la conduite et direction des travaux à faire « pour ladite entreprise, et de l’achat des mar-« chandises, matières et matériaux, ainsi que du o détail du payement des ouvriers et employés, il « a été encore expressément convenu qu’il leur « sera payé conjointement , et au survivant d'eux « après le décès du premier mourant, et pendant « la durée de l'entreprise, la somme de vingt v mille livres, par chacun an, à titre d'hono-« r air es. » Et enlin relativement aux trois cents actions que réclamaient aussi les sieurs Périer, elles étaient dues par la transaction de 1786, c’est-à-dire par le plus enchaînant et le plus favorable de tous les actes. Les sieurs Périer disaient môme aux administrateurs une chose fort simple : Par le traité de 1778, il nous est, attribué un dixième de toutes les actions qui seraient créées par la compagnie. Par la transaction de 1776, ce dixième est fixé irrévocablement à quatre cents actions, et de ces quabe cents actions, cent nous ont déjà été délivrées, en sorte que la transaction a commencé a être exécutée, et qu’il est par conséquent impossible de di puter aujourd’hui sur la convention dont elle est le titre. Vous nous opposez, à la vérité, que ces actions que nous réclamons ne doivent nous être délivrée? d’après la transaction elle-même, que lorsque le dividende de chaque action se sera élevé à deux cents livres, et que puisqu’il ne s’est pas encore élevé jusqu’à cette somme, notre réclamation au moins est prématurée. Mats nous répondons à cette objection que le traité que vous avez fait avec la ville de Paris, a si bien dénaturé toute la constitution de notre entreprise, que le dividende de chaque action, entre autres, il l’a fixé invariablement à la somme de cent quatre-vingts livres, de manière qu 1 si ou se réglait d’après ce traité, jamais il ne nous serait possible de réclamer les actions auxquelles nous avons droit, puisque jamais la condition que la transaction y avait attachée ne pourrait arriver pour nous. Or, il est bien évident que du moment où vous-mêmes vous avez rendu l’événement de la condition que nous devions espérer impossible, et que vous avez ainsi anéanti, de votre propre autorité et sans notre concours, le pacte que la compagnie avait fait avec nous, notre droit alors 647 s’est ouvert, et que l’exercice pour nous en a été libre. G es raisons auxquelles les sieurs Périer ont donné d’ailleurs le développement nécessaire dan3 leur défense, étaient sans réplique. L’évaluation qu’ils donnaient aux actions qu’ils réclamaient, d’après les propres calculs des administrateurs eux-mêmes, ne pouvait pas non plus être combattue. Aussi, les administrateurs, quels qu’aient été leurs efforts, n’ont-ils jamais pu y répondre avec avantage. Mais pendant le moment même des plaidoiries, le contrôleur des bons d’Etat, aujourd’hui agent du Trésor public, imagina, après deux années de silence, on ne sait pourquoi, d'intervenir dans la cause, dans l’intérêt du roi, propriétaire des quatre cinquièmes des actions des eaux, et d’y demander que le roi fut autorisé à convoquer une assemblée d’actionnaires pour y nommer de nouveaux administrateurs, dont quatre seraient à sou choix et le cinquième au choix des autres actionnaires. Ces conclusions étaient aussi étranges que ridicules. Certainement le roi n’avait pas besoin d’être autorisé par le Châtelet à convoquer une assemblée d’actionnaires. Comme propriétaire d'actions, il avait lui-même ce droit. Il avait également celui de changer d’administrateurs, de concert avec les autres porteurs d’actions. Il n’était pas nécessaire que les formes de la justice s’interposassent pour lut donner une faculté qui lui appartenait. L’intervention du roi dans la cause n’avait donc pas plus d’objet que de fondement. Cependant, par ce respect pour le nom du roi, le Châtelet ivçit cette intervention ; mais, par respect aussi pour la justice, il crut ne devoir rien prononcer sur les conclusions qu’oii lui avait fait prendre (1). Du reste, ce tribunal consacra, par sa sentence, presque toutes les réclamations des sieurs Périer. 11 suspendit seulement sa décision sur l’une d’entre elles. C’était celle qui concernait les trois cents actions qui étaient dues par la transaction de 1786. A cet égard, le Châtelet disait dans sou juge - ment qu’avant de faire droit sur cette de mande des sieurs Périer, la ville de Paris serait mise en cause à l’effet de s’expliquer sur le traité passé avec elle. Mais cotte disposition partioulièi e de la sentence étau plutôt une sorte d’hommage rendu par le Châtelet à la ville de Paris, qu’un mouvement de justice. La réclamation des sieurs Périer ne tenait point en effet du tout à l’opinion que la ville de Paris pouvait avoir conçue du traité qu’elle avait passé avec la compagnie des eaux. Le contrôleur des bons d’Etat avait prétendu, dans la cause, q .e la ville de Paris n’avait pas exécuté ces traités. Mais les sieurs Périer soutenaient que c’était là une circonstance absolument indifférente dans leur intérêt. (1) L’agent du Trésor public demandait aussi au Châtelet, qu’il fut ordonné que les sommes qui étaient de la caisse de la compagnie des eaux fussent versées dans la caisse du roi..... Ces conclusions furent également « rejelees. 648 124 décembre 1790.] [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. Ils le soutenaient même par deux raisons : D’abord, parce qu’en supposant que la ville n’eut pas exécuté le traité dont les sieurs Périer se plaignaient, il suffisait qne ce traité eût été passé avec elle, et qu’il eût bouleversé toute l’entreprise des eaux, pour que le droit des sieurs Périer, aux trois ceDts actions qui leur avaient été assurées par la transaction de 1786, se fût ouvert dans ce moment même ; Et ensuite, parce que la faculté d’exécuter ce traité n’était pas une chose qui fût au pouvoir de la ville seule. Ce traité, en effet, est synallagmatique entre la ville et les actionnaires. La ville ne peut pas le rompre par le fait seul de sa volonté. Il faut encore le concours de celle des actionnaires. Et en admettant, ajoutaient les sieurs Périer, que les actionnaires s’y prêtassent, comme c’est le roi qui est aujourd’hui le principal de ces actionnaires, puisqu’il possède à lui seul les quatre cinquièmes de ces actions, et qu’il en a pour 15 millions, peut-il dépendre de lui de provoquer en effet l’inexécution du traité, et de venir ensuite nous opposer cette inexécution qui serait de son fait, pour embarrasser nos réclamations? Quoi qu’il en soit, la sentence du Châtelet une fois rendue, les administrateurs en interjetèrent el au parlement. e leur côté, les sieurs Périer se rendirent incidemment appelant du chef de cette sentence qui ordonnait la mise en cause de la ville de Paris. En attendant, ils poursuivirent l’exécution provisoire du chef relatif à leur traitement annuel, et malgré tous les efforts des administrateurs, à la vue seule du traité de 1778, le parlement l’ordonna. Les administrateurs furent enfin abattus par cet échec. Ils sentirent que dès que le parlement avait cru devoir déjà ordonner l’exécution de l’acte qui servait de fondement principal aux réclamations des sieurs Périer, ces réclamations ne pouvaient plus être combattues. Ils cherchèrent donc à se rapprocher des sieurs Périer. Ils leur proposèrent des sacrifices respectifs. Les sieurs Périer demandaient 200,000 livres de dommages el intérêts, ils voulurent bien consentir à les abandonner. Ils demandaient les trois cents actions qui leur étaient dues sur le pied de 8,000 livres, et cette évaluation était celle que la compagnie des eaux leur avait donnée elle-même ; ils consentirent à les recevoir sur le pied de 3,600 livres, quoique peu de mois auparavant te parlement eût adjugé ces mêmes actions au sieur de Saisseval, dans son procès contre la compagnie des eaux, sur le pied de 4,000 livres. De leur côté, les administrateurs consentaient à céder aux sieurs Périer les terrains et les ateliers de Ghaillot, sur le prix de l’acquisition qui en avait été faite par la compagnie, et il fut stipulé que Je prix de ces ateliers et de ces terrains serait déduit sur celui des actions réclamées par les sieurs Périer. Ces conventions furent passées sous les yeux de la justice et agréées par elle. L’adhésion du ministère public y fut donnée. Un arrêt les revêtit des formes légales. Et toute contestation fut terminée ainsi entre la compagnie des eaux et les sieurs Périer. G'est dans cet état qu’un rapport concernant la compagnie des eaux a été fait à l’Assemblée nationale, au nom du comité de liquidation. On distingue dans ce rapport deux parties : L’une qui regarde la compagnie des eaux, et qui embrasse presque tout le rapport; L’autre qui regarde les sieurs Périer, et qui ne renferme que quelques pages. Les sieurs Périer n’ont pas l’intention de discuter ici ce qui, dans le rapport, n’est relatif qu’à la compagnie des eaux; ce soin appartient aux administrateurs, et c’est à eux à s’en acquitter. Ils vont seulement présenter à l’Assemblée nationale quelques observations sur la partie du rapport qui les intéresse personnellement, et ces observations, toutes rapides qu’elles vont être, suffiront pour prouver que le rapporteur qui a voulu mêler, on ne sait pourquoi, à son compte rendu de la situation de la compagnie des eaux, celui de la discussion particulière qui s’ôtait élevée entre cette compagnie et les sieurs Périer, n’a pas pris seulement la peine de lire les pièces qui concernaient cette discussion, et n’a pas connu un mot du procès (1). 1° Le rapporteur dit, page 14 de son rapport, d’une manière vague, que les sieurs Périer, qui avaient été nommés par la compagnie elle-même , directeurs des travaux de l’entreprise, avaient été écartés, par des circonstances dont il était superflu de rendre compte, de l’administration et de la direction des travaux. Il y a là deux erreurs considérables. D’abord les sieurs Périer n’avaient point été nommés par la compagnie directeurs de ses travaux : ils s’étaient réservés eux-mêmes celte direction exclusivement et pour tou te leur vie par l’article 28 du traité de société qu’ils avaient passé avec elle, et cette réserve était une des conditions essentielles du traité. Ensuite les sieurs Périer n’avaient pas seulement été écartés de cette direction par des circonstances dont il fut inutile de rendre compte : ils en avaient été chassés avec des soldats, au préjudice de leur acte de société, malgré la clause qui leur assurait cette direction pour toute leur vie, et il était utile de rendre compte à l’Assemblée nationale des circonstances. 2° Le rapporteur dit que les administrateurs poursuivaient les sieurs Périer et réclamaient d’eux des sommes considérables. C’était, au contraire, les sieurs Périer qui poursuivaient les administrateurs. C’était eux qui les avaient traduits devant les tribunaux. G’était eux qui demandaient contre les administrateurs le payement de trois cents actions, celui de leurs honoraires, celui de leurs fournitures, et 200,000 livres de dommages et intérêts. Lts administrateurs ne se défendaient que par des demandes récriminatoires. On voit que c’est un peu différent. 3° A l’occasion de la demande des sieurs Périer des trois cents actions, le rapporteur place dans la bouche des administrateurs une réponse qu’il prétend qu’ils auraient dû faire à cette demande, et qu’il dit qu’ils auraient faite avec avantage. Et cette réponse, que le rapporteur appelle péremptoire, « c’est que ces trois cents actions (1) Cette singulière négligence est d’autant plus étonnante de la part du rapporteur, le sieur Débat* (ci-devant baron) que, iils d'un avocat, il semble que l’esprit d’exactitude qu’on doit apporter dans le compte qu’on rond de toute discussion, ne devrait pas lui être étranger. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [24 décembre 1790.] 049 « n’étaient payables aux sieurs Périer, que quand « chaque action vaudrait 200 livres de rente, et « que, dans ce cas même, cent de ces actions « n’étaient payables qu’après leur mort. » Or, premièrement, si le rapporteur du comité de liquidation avait lu les pièces du procès, il y aurait vu que les administrateurs avait fait cette réponse aux sieurs Périer dans tous leurs écrits, et il n’aurait pas cru pouvoir apprendre quelque chose en ce genre à leur défendeur. Secondement, cette réponse elle-même ne signifie rien. Les sieurs Périer l’ont détruite dans le procès par un seul mot. Ils disaient aux administrateurs : Par le traité qu’il vous a plu de faire avec la ville, vous avez fixé pour toujours le dividende de chaque action à cent quatre-vingts livres. Ce dividende n’arrivera donc jamais aux deux cents livres qui font la condition du traité que nous avons passé nous-mêmes avec vous. Et c’est par votre faute que ce dividende n’arri-vera jamais à ces deux cents livres. Notre droit aux trois cents actions de notre traité est donc ouvert dans ce moment-ci, puisque vous avez rendu impossible qu’il s’ouvrît jamais. Il n’y a certainement pas de réponse dans les tribunaux à cet argument. 4° Le rapporteur prétend que les administrateurs auraient pu dire aux sieurs Périer : Vos services ne sont plus agréables ni utiles à lu compagnie ; elle se sépare de vous. Et il ne songe pas que la compagnie ne pouvait passe séparer ainsi des sieurs Périer à sa volonté ; qu’elle était liée envers eux par un acte de société synallagmatique, et qu’une des conditions de cet acte était que la direction des travaux de l’entreprise appartiendrait aux sieurs Périer pendant toute la durée de cette entreprise. 5° Le rapporteur suppose qu’on a laissé exprès à l’écart, dans l’arrêt, l’agent du Trésor public, et qu’on en a combiné te dispositif hors de sa présence. Mais pourquoi n’avoir pas dit à l’Assemblée nationale : Premièrement, que la discussion qui s’était agitée entre la compagnie des eaux et les sieurs Périer, durait déjà depuis deux ans, lorsque i’a-gent du Trésor public avait jugé à propos d’y intervenir pour y prendre les conclusions les plus ridicules ; Secondement, que cette intervention avait bien été reçue par le Châtelet pour la forme et par respect pour le nom du roi; mais que ce tribunal n'avait voulu rien prononcer sur les conclusions qui en étaient l’objet, et les avait par là rejetées (1); Troisièmement, que l’agent du Trésor public avait si bien senti lui-même que son intervention était déplacée, qu’il n’avait pas osé interjeter appel au parlement de la sentence du Châtelet qui avait refusé d’v statuer; Quatrièmement enfin, que, malgré que l’agent du Trésor public n’eût pas interjeté d’appel de la sentence, les sieurs Périer ne l’en avaient pas moins assigné au domicile de son procureur, pour qu’il eût à comparaître dans la cause qui allait s’agiter au parlement; et que, malgré cette assignation, il n’avait pas comparu. Voilà pourtant ce que le rapporteur du comité de liquidation appelle avoir mis exprès l’agent (1) On connaît l’axiome : Judex quœ omititit spernit. du Trésor public à l’écart, et avoir redouté sa présence ; 6° La rapporteur va jusqu’à dire que les dispositions de l’arrêt au fond sont d’une injustice évidente, et il se fonde à cet égard sur deux motifs. D’abord, sur ce qu’on a adjugé actuellement aux sieurs Périer des actions qui, par la transaction de 1786, ne devaient leur être payées que lorsque le dividende des actions se serait élevé jusqu’à deux cents livres. Et sur ce qu’on a évalué à un million quatre-vingt mille livres, des actions qui n’avaient presque aucune valeur sur la place. Le premier motif, nous l’avons déjà réfuté. On a vu que les administrateurs de la compagnie des eaux avaient à se reprocher d’avoir rendu l’événement de la transaction de 1786 impossible, par le traité fait avec la ville, et que dès lors le droit des sieurs Périer était devenu actuel par ce fait-là même. Et quant à la valeur des actions, si le rapporteur du comité de liquidation avait pris une connaissance approfondie du procès, il aurait vu que les sieurs Périer avaient fait grâce aux administrateurs, en consentant à recevoir, sur le pied de trois mille six cents Livres, les actions qui leur étaient dues, pendant qu’ils étaient fondés à les réclamer, d’après leurs propres calculs, sur le pied de huit mille livres , et il se serait bien gardé de leur opposer le discrédit actuel de ces actions sur la place, parce que, heureusement, ce n’est pas ainsi que les droits s’apprécient dans les tribunaux; 7° Enfin, le rapporteur prétend que toutes les formes ont été violées dans l’arrêt, et il le prétend uniquement parce que l’agent du Trésor public n’y a pas été partie. Mais on vient de voir que si l’agent du Trésor public n’a pas ôté partie dans l’arrêt, c’est doublement sa faute. D’un côté, parce qu’il n’avait pas daigné faire appel de la sentence du Châtelet qui n’avait rien voulu prononcer sur ses conclusions. De l’autre, parce qu’il n’avait pas même daigné se présenter au parlement sur l’assignation qui lui avait été donnée par les sieurs Périer pour comparaître dans ce tribunal. Telles sont, en aperçu, les inexactitudes, les erreurs, les inconsidérations du rapport présenté à l’Assemblée nationale, au nom du comité de liquidation, concernant la compagnie des eaux, dans la partie seulement de ce rapport qui regarde les sieurs Périer (1). Les sieurs Périer ne font ici que présenter, comme on l’a dit, des observations extrêmement rapides, ils prouveront devant les tribunaux qu’il s’en faut bien que ce soit à ces observations que se bornent les reproches qu’ils out à faire à cet étrange compte rendu. Mais quand on songe que c’est cependant sur la foi de ce compte rendu que l’Assemblée nationale arendu elle-même un décret... terrible par son influence, on est réduit à plaindre la condition de législateurs qui, absorbes par la mufti-(l) El ce qu’il y a peut-être de plus étrange, c’est qu’on lit dans un avis imprimé à la tète du rapport dont il s’agit : « que les sieurs Périer sont convenus, dans une séance du comité de liquidation, de tous les faits que « ce rapport renferme à leur egard ». On peut juger, par le petit nombre d’observations que nous venons de présenter, de la vérité, et surtout de la possibilité de ce prétendu aveu. 6S0 (Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [24 décembre 1790.J pli cité des travaux qu’exigent d’eux les lois constitutionnelles, sont assez malheureux pour n’avoir pas à donner aux discussions particulières qu’on leur soumet, le temps que ces discussions demanderaient pour être jugées. Le décret rendu par l’Assemblée nationale a trois articles : Le premier, ordonne que l’arrêt obtenu par les sieurs Périer, le 22 septembre dernier, sera dénoncé au roi afin qu’il soit pourvu à ce que le Trésor public n’en souffre aucun dommage. Le second, qu’il sera demandé au roi que, dès à présent , il soit donné les ordres b'S plus prompts pour faire rétablir dans le plus court délai et dans la caisse de la compagnie des eaux, les sommes qui en ont été tirées en vertu de l’arrêt du 22 septembre et les faire porter au Trésor public. Le troisième déclare que l’Assemblée nationale se réserve de faire rendre telles plaintes qu’il appartiendra contre les personnes qui ont obtenu ou fait obtenir l’arrêt du 22 septembre dernier, etsuivi son exécution, comme aussi contre lesau-teurs, fauteurs et adhérents de toutes les manœuvres par lesquelles on est parvenu à enlever au Trésor public les sommes mentionnées dans le rapport de son comité. S'il n’y avait dans ce décret que le premier et le troisième articles, les sieurs Périer ne se plaindraient pas. Le premier dénonce l’arrêt au roi pour que la cassation en soit poursuivie. C'est bien sans doute un procès et un grand procès qu’on prépare par là aux sieurs Périer qui ne devaient peut-être pas s’attendre à voir revivre une discussion qu’ils croyaient éteinte à jamais; mais enfin on ne peut pas contester au Corps législatif le droit d’ordonner l’examen d’un arrêt devant les tribunaux, et de demander même que la cassation en soit prononcée si, en effet, on n’y a pas observé les formes. Un tel decret laisse encore aux parties la faculté de se faire entendre de prouver ia régularité de l’arrêt qu’on attaque à leur préjudice, de justifier les dispositions qu’il renferme, et il y en a assez pour satisfaire à ce que la justice exige des législateurs. Le troisième article réserve à l’Assemblée nationale de faire rendre telles plaintes qu'il appartiendra contre les personnes qui ont obtenu ou fait obtenir l’arrêt du 22 septembre dernier, et suivi son exécution. Les sieurs Périer n’ont rien à dire non plus contre celte réserve. Comme ils n’en redoutent pas l’effet, ils ne s’arrêtent pas à s’étonner qu’on ait cru devoir en faire une disposition du décret qui a été rendu. Us pourraient cependant se plaindre de ce que, sur la seule autorité d’un rapport qui certes n’avait aucun droit à la confiance, l’Assemblée nationale ait ainsi livré à la malignité des soupçons un arrêt qu’ils osent dire et qu’ils prouveront n’avoir pas guérite de les inspirer, mais c’est encore là une disposition qui ne les blesse pas parce qu’ils ne craignent pas qu’elle puisse jamais recevoir son exécution. Le seul article du décret qui est véritablement oppressif pour les sieurs Périer ainsi que pour les administrateurs de la compagnie des eaux auxquels sa disposition est commune c’est celui qui ordonne, dès à présent , le rétablissement des sommes touchées par les sieurs Périer en vertu de l’arrêt qu’ils ont obtenu et le versement de ces sommes au Trésor public. Cet article dans son sens littéral est absolument et tout à la fois contraire à la justice, aux lois du royaume encore en vigueur, et aux principes mêmes déjà consacrés par l’Assemblée nationale. D’abord il est contraire à la justice. Il répugne en effet à la justice qu’on commence par dépouiller des citoyens provisoirement d’une propriété dont ils ont été investis ou dans laquelle ils ont été maintenus par les tribunaux avant de savoir s’ils doivent en être véritablement dépouillés qu’au ta i î t qu’ils ont été entendus. Or, ici ni les administrateurs des eaux ni les sieurs Périer n’avaient été entendus quand on a rendu le décret, ils ne le sont même pas encore. Ensuite il est contraire aux lois du royaume encore en vigueur, car toutes les lois veulent que les dispositions d’uu arrêt subsistent jusqu’à ce que cet arrêt ait été réformé ou détruit soit par la voie de la requête civile, soit par celle de la cessation (1). Enfin il est contraire aux principes mêmes consacrés par l’Assemblée nationale. Le 21 novembre dernier l’Assemblée nationale a décrété sur l’établissement du tribunal de cassation, qu 'en matière civile la demande en cassation n'arrêterait pas V exécution du jugement. Et le lendemain 22, elle fait bien plus que d’arrêter , elle anéantit l’exécution déjà donnée à l’arrêt obtenu par les sieurs Périer, avant même que la cassation en ait été prononcée par le tribunal de la loi. C’est-à-dire que l’Assemblée nationale donne à une cassation qui n’existe pas encore, une marche réolractive, qu’elle détruit l’effet d’un arrêt, pendant même que les dispositions de cet arrêt subsistent toujours et qu’elle allie ainsi dans la môme loi ce qu’il est im possible d’allier, l’empire d’un jugement et son inertie, l’existence et la destruction, l’être et le néant. Ce n’est donc pas là ce qu’a voulu l’Assemblée nationale, puisque ce n’est pas ce qu’elle a pu vouloir. Une telle conlradiction, si elle est dans les paroles au décret, n’a pas pu être dans son intention. Elle répugne à la sagesse des législateurs. Cependant à peine ie décret a-t-il été rendu que sur la seule requête de l’agent du Tn sor public qui dans cette malheureuse contestation, a tant, de reproches à se faire, sans avoir entendu ni les administrateurs des eaux, ni les sieurs Perier, sans connaître par conséquent un mot du procès, le conseil du roi a rendu un arrêt en finances, qui commence par condamner et les sieurs Périer et les administrateurs des eaux solidairement et par corps, à rétablir clans la caisse du Trésor public les sommes qui en avaient été tirées en vertu de l’arrêt du 22 septembre dernier, et finit en. -mite par casser cet arrêt. Il est impossible de douter que le conseil du roi, quand it a rendu avec tant de précipitation cet étonnant arrêt de cassation, n’ait pas pensé (1) L’ordonnance de 1667, titre 75. art. 18, s’exprime ainsi : « Les requêtes civiles ne pourront empêcher l'exécu-« tion des arrêts, ni des jugements en dernier ressort. » Le règlement du conseil, art. 29, s’exprime ainsi : « Les demandes en cassation, ni même les arrêts qui « interviendront pour demander les motifs, ou pour « ordonner que la requête sera communiquée à la par-« tie, ne pourront empêcher l'exécution des arrêts ou « jugements en dernier ressort, dont la cassation sera « demandée. » [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. que le décret était une loi dont il n’avait pas le droit de s’écarter. Il a cru se conformer littéralement aux intentions de l’Assemblée nationale. L’Assemblée nationale paraissait avoir décrété qu’avant même la cassation de l’arrêt , son président demanderait au roi de donner les ordres les pins prompts pour le rétablissement des sommes payées en vertu de cet arrêt dans la caisse du Trésor public. Le conseil a imaginé qu’il ne pouvait pas y avoir de moyen plus prompt pour opérer ce rétablissement, qu’une contrainte par corps prononcée, avant que l’arrêt même ne lut cassé ; car il est à remarquer que la disposition qui ordonne cette contrainte précède celle qui casse l’arrêt qui en est l’occasion. Ainsi il est évident que le conseil n’a pas y'ugd, mais qu’il a obéi. Sous ce point de vue, ce serait donc l’Assemblée nationale qui aurait jugé. Mais l’Assemblée nationale ne peut pas juger, elle n’exerce pas le pouvoir judiciaire, elle ne prétend pas même l’exercer : elle n’aurait pas voulu surtout l’exercer dans un procès où elle n’aurait pas entendu les parties. L’intention de l'Assemblée nationale n’a pu être que de renvoyer au conseil du roi pour juger. Or, juger suppose une délibération, un examen, une discussion qui précède. Mais ici le conseil du roi n’a ni examiné ni délibéré, il a suivi ce qu’il a cru lui être prescrit. Il n’a pas prononcé un jugement, il a exécuté un ordre. Ii s’est, asservi à la lettre du décret, et a méconnu son esprit. Sans compter que, par cette marche révoltante, le conseil du roi ruine et déshonore des citoyens sans les avoir entendus. Sans compter qu’il fait prononcer le roi comme monarque en faveur du roi actionnaire. Sans compter en lin que, sous la forme d’un jugement provisoire, il rend un jugement irréparable en définitif. Les sieurs Périer invoquent donc ici à grands cris la justice de l’Assemblée nationale. Ils la supplient, sinon de révoquer son décret, du moins de l’interpréter. Ils la conjurent de faire déclarer en son nom au conseil du roi, que son intention n’a pas été de juge,r les sieurs Périer, mais de les faire juger, que, pour qu’ils soient jugés, il faut qu’ils soient entendus, et qu’avant de les entendre, on ne peut pas prononcer contre eux des condamnations qui ne pourraient pas être réfléchies et qui pourrai ut être irrémédiables. L’erreur dans laquelle e t tombé le conseil du roi tien! aux paroles du décret. Il faut donc que l’Assemblée nationale interprète ces paroles, qu’elle explique sa véritable pensée, qu’elle manifeste ce qu’elle a voulu. Nous oserons dire à l’Assemblée nationale qu’en même temps que cette interprétation sera pour les sieurs Périer un grand bienfait, elle est pour elle uu devoir rigoureusement nécessaire. Elle ne doit pas souffrir qu’on consomme sous ses regards une injustice qui n’a pas été dans son vœu. Les fondateurs de la liberté ne peuvent pas être les oppresseurs des citoyens. Et, dans un moment où, d’une extrémité de la Fiance à l’autre, on ne parle que de restaura-[24 décembre 1790. j tion, de régénération, de justice, un acte qui serait désavoué par la loi, ne peut pas être l’ouvrage de ceux qui la créent. Signé : Périer frères. M. Kegnaud (de Saint-Jean-d’ AngéJy). En votant pour le décret visé par cette pétition, je n’ai jamais entendu qu’on pût se dispenser d’employer les formes légales vis-à-vis de MM. Périer. Au lieu d’agir ainsi, qu’a-t-on fait? On a rendu un arrêt du propre mouvement qui les condamne par corps à payer; et cela, sans les entendre, selon l’ancien usage. Je demande que cet arrêt et la lettre que nous venons de recevoir soient renvoyés au comité des rapports pour eu rendre compte incessamment. M. de Folleville. Le pouvoir exécutif n’a fait, en cette occasion, qu’exécuter votre decret. La faute en est à l’Assemblée nationale seule ; et je considère ceci comme un apologue qui prouve le danger de la confusion des pouvoirs. Eu effet, vous vous établissez juges et vous ôtes partie. Je demande que le comité de Constitution nous présente la formation d’un tribunal qui serait une section de celui de cassation ou tout autre chose, pour juger ces sortes de matières sur la sollicitation de quelques membres désignés du Corps législatif. (L’Assemblée décrète le renvoi aux comités des rapports et de liquidation réunis, qui sont chargés de lui rendue compte de la pétition des frères Périer, ainsi que de l’arrêt du propre mouvement rendu sur cette question.) M. Fc Chapelier, rapporteur du comité de Constitution. Un grand nombre d’administrations de département et même de district entretiennent à Paris des députés. Outre que ces députations sont dispendieuses, il est important que les départements ne se croient pas des républiques fédératives ayant le droit d’avoir des ambassadeurs aup'-ès'dn Corps législatif et du roi. Le comité de Constitution vous propose de décréter que les corps administratifs ne peuvent ni nommer ni entretenir des agents aupiès du Corps législatif ou du roi. En conséquence, l’Assemblée adopte le décret suivant : « L’Assemblée nationale, sur le rapport de son comité de Constitution, décrète que les administrateurs de département et de district ne peuvent ni nommer, ni entretenir des agents auprès du roi et du Corps législatif. » M. Duroyer, admis hier par l’Assemblée au nombre des députés, prête son serment civique et prend séance. M. le Président annonce à l’Assemblée que le procès-verbal du 16 décembre ne fait aucune mention d’un décret porté ledit jour dans les termes suivants : « L’Assemblée nationale décrète que, par les commissaires chargés de la surveillance de la caisse de l’extraordinaire, de concert avec les commissaires nommés par le roi, il sera procédé publiquement au brûlement des effets rentrés au Tr sor public par la voie de l’emprunt national, ou de tous autres, dont ii sera dressé procès-verbal, signé desdits commissaires, lequel sera imprimé, et un exemplaire ü’icelui adressé à chacun des départements. > (L’Assemblée ordonne que cette omission sera