BAILLIAGE DE CHATEAUNEUF EN MIMERAIS. CAHIER Des remontrances , plaintes , doléances et demandes qu'ont l’honneur de présenter au Roi MM . les curés et autres ecclésiastiques formant l'ordre du clergé du bailliage de Châteauneuf en Thi-merais (1). Pénétré d’amour et de respect pour le Roi, le clergé charge spécialement son député de porter aux pieds du trône l’assurance de sa fidélité inviolable, les vœux les plus ardents qu’il fait pour la conservation des précieux jours de Sa Majesté, de la Reine, de monseigneur le Dauphin, et de la famille royale, pour la prospérité de son règne et le bonheur des Français. Religion. Nous supplions très-humblement le Roi, comme fils aîné de l’Église, de conserver dans toute son intégrité le précieux dépôt de la religion catholi - que, apostolique et romaine, de rejeter tout ce qui pourrait y porter atteinte, d’ordonner en particulier le maintien et l’observation des lois qui prescrivent le respect dû aux églises, ainsi que la sanctification des dimanches et fêtes, et d’arrêter, par la force de son autorité, les progrès d’un scandale à cet égard, qui, dans les villes et les campagnes, est parvenu à son comble. Progrès de l'irréligion. Nous voyons avec la plus vive douleur paraître chaque jour et circuler dans nos campagnes une multitude incroyable d’écrits, où règne l’esprit de libertinage, d’incrédulité et d’indépen dance, ou l’on attaque, avec uneéga le audace, la foi, la pudeur, le trône et l’autel. Nous prions instamment le Roi d’arrêter le cours de ces séditieux écrits, et de ne pas souffrir qu’ils infectent du poison de leurs opinions des citoyens patriotes èt paisibles, pénétrés de l’amour le plus tendre pour leur auguste souverain et pour la prospérité de l’empire français. Non catholiques. Nous sollicitons de la piété de Sa Majesté d’ordonner l’exécution de la loi qui oblige les protestants à présenter à l’église leurs enfants nouveau-nés pour y recevoir le saint baptême, loi à laquelle ils avaient toujours été astreints, et dont ils ne s’étaient jamais permis de s’écarter jusqu’au dernier édit concernant les non catholiques, où cette obligation n’est pas nommément exprimée. Conciles provinciaux et synodes diocésains. Nous supplions le Roi d’accorder à l’Église de France la tenue des conciles provinciaux, et particulièrement des synodes diocésains, à l’effet de rétablir et entretenir dans toute sa vigueur la discipline ecclésiastique, de manière que la con-(1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de l’Empire. | vocation desdits conciles et synodes puisse se faire sans longs délais, sur la demande et selon les besoins de chaque diocèse, comme aussi que les curés et autres ecclésiastiques, qui ne sont point attachés aux évêques par un titre de grand vicaire, soient admis dorénavant dans les assemblées générales du clergé. Monitoires. Àttêndü l’abus incroyable qu’on fait des monitoires, et le mépris des peines canoniques, nous demandons que dorénavant il n’en soit plus accordé que pour des crimes au premier chef, comme vols, sacrilèges commis dans les églises, incendies, meurtres et attentats contre le Roi et contre l’Etat. Amélioration des cures et vicariats. Le sort des curéS est bien capable d’intéresser les vues bienfaisantes du gouvernement et de fixer son attention. Jusqu’à présent, un grand nombre de ceux qui composent cette classe utile et laborieuse des ministres de l'Eglise, loin d’avoir un revenu suffisant pour pourvoir aux besoins de leurs paroisses, n’ont pas même le nécessaire. Nous supplions instamment le Roi de concerter avec les Etats généraux et notamment avec le clergé une loi qui fixe la dotation des curés et des vicaires, et de porter au moins à 2,000 livres le revenu des curés de campagne dont le bénéfice est au-dessous de cette somme ; celui des curés des villes et bourgs à 2,400 livres, et les revenus des vicaires dans les villes à 1,000 livres, et de 800 livres dans les campagnes, afin que dorénavant ils puissent tous exercer gratuitement leurs fonctions, et que le saint ministère ne soit point avili. Le Roi, sans nuire aux gros déeitoateurs, a dans ses mains les moyens efficaces pour y par-. venir • celui qui nous paraît le plus naturel et le plus facile, est la réunion des abbayes, prieurés et autres bénéfices, simple patronage laïc ou ecclésiastique. En conséquence, nous supplions Sa Majesté d’aplanir aux évêques la voie des unions, si embarrassée, qu’elle est devenue presque impraticable. 11 nous paraît également digne de la bonté du Roi de se servir de ce même moyen d’union de bénéfices pour doter les fabriques dont les revenus ne suffisent pas pour se procurer les choses nécessaires à la décence du culte public, pour assurer des pensions à cette même classe de pasteurs du second ordre, que la vieillesse, les infirmités et une foule d’accidents peuvent réduire pour toujours à l’impossibilité d’exercer leurs fonctions. Nous supplions également le Roi d’exhorter les évêques à n’accorder les canonicats de leurs églises cathédrales qu’à des curés qui auraient blanchi dans le ministère et bien mérité de l’Eglise. Education. Nous supplions Sa Majesté d’accorder à tous ses (États géri. 1789. Cahiers.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Baill. de Châteaunéuf en Thimerais.] 639 sujets indistinctement l’avantage d’une bonne éducation dans les collèges et séminaires, en assurant, par des unions de bénéfices faits selon les formes canoniques, aux professeurs, des honoraires convenables, aux écoliers indigents, des bourses, qui fournissent à leur subsistance, et à leur entretien pendant la durée de leurs études, afin que l’Etat et la religion ne soient pas privés de sujets qui leur rendent service, et qui, sans çes moyens, ne pourraient leur être utiles. Et, à cet égard, Sa Majesté est très-humblement suppliée de rendre aux ministres de la religion, et principalement aux évêques, l’inspection sur tout établissement qui a rapport à l’éducation de la jeunesse , persuadés que nous sommes que toute l’éducation, quelle que soit la destination de ceux qui la reçoivent, doit avoir pour base les principes les plus épurés de la religion et des mœurs. Constitution et garantie des propriétés. Parfaitement contents d’une constitution à la-* quelle l’empire français, depuis quatorze siècles, doit son état, son bonheur et sa prospérité, nous demandons instamment que les Etats généraux concertent avec le souverain les moyens de la rendre inébranlable. Egalement jaloux de maintenir la prérogative royale et J es droits du peuple dans un Etat où la constitution repose uniquement sur la base immuable de la propriété dont nous réclamons la garantie, toute nouveauté à ce contraire nous paraîtra extrêmement dangereuse, puisque changer une seule loi fondamentale, c’est les ébranler, c’est les détruire toutes. Impôts et suppression des lettres de cachet. Reconnaissant que les trois ordres de l’Etat sont également, et sans distinction, enfants de là même patrie, nous demandons que l’impôt pèse également sur toutes les classes de citoyens, privilégiés et non privilégiés, et qu’il soit réparti dans une égale proportion, et perçu de la même manière. Nous supplions pourtant le Roi de considérer que la dette du clergé n’ayant été contractée que pour subvenir aux besoins pressants de l’Etat, nous ne devons plus en être chargés ; et que, puisque nous sommes dans la résolution de rentrer dans l’ordre commun des citoyens, elle doit être regardée comme la dette de la nation. Nous conjurons aussi le Roi de ne pas souffrir que dorénavant aucun citoyen soit privé de sa liberté par un ordre ministériel, et détenu au delà du temps indispensablement nécessaire pour qu’il soit remis dans une prison légale, entre les mains des juges que lui donne la loi. Mendicité. Nous supplions le Roi de chercher dans les conseils de sa sagesse et de sa bonté pour ses peuples des moyens efficaces pour arrêter la mendicité, et fournir surtout aux indigents des campagnes des ressources pour se nourrir eux et leur famille. Le moyen qui nous paraît le plus convenable serait d’établir dans les chefs-lieux de chaque bailliage des bureaux et des ateliers de charité, d’ou seraient distribuées dans chaque paroisse, à raison de ses besoins, les matières premières, comme chanvre, lin, coton, laine, etc., pour occuper utilement ceux des pauvres qui pourraient travailler, et des aumônes pour sub-stanter ceux qui ne le pourraient pas. Cherté des grains. Le clergé du bailliage de Chateauneuf voit avec la plus vive inquiétude le blé, cette denrée de nécessité absolue, monté à un prix si excessif, que presque tous les habitants des campagnes, les artisans et journaliers des villes, sont réduits à l’impossibilité de fournir, par leur travail, aux besoins urgents de leur famille. Déjà les attroupements nocturnes se multiplient, et font craindre les malheurs qui en sont les suites. Le clergé dudit bailliage supplie très-humblement le Roi de concerter avec les Etats généraux les moyens les plus prompts et les plus efficaces pour remédier à la misère devenue générale et extrême. Dîmes. Nous croyons que c’est à tort qu’on voudrait s’élever contre la perception des dîmes, parce que nous la regardons non-seulement comme une propriété dont l’origine et le droit primitif se perdent dans la nuit des temps, mais encore parce que nous sommes persuadés que la suppression ne produirait aucun avantage au cultivateur, et nuirait au contraire aux indigents des différentes paroisses qui se trouveraient par là dans l’impossibilité de nourrir quelques bestiaux absolument nécessaires pour la subsistance de leur famille. Réforme de la justice. Depuis longtemps il s’élève de toutes parts des plaintes justement fondées contre les abus qui se sont glissés dans l’administration de la justice, abus si énormes qu’ils font craindre à chaque citoyen d’être obligé de soutenir §es droits les mieux établis; c’est ce qui nous engage à supplier Sa Majesté de vouloir bien, au moyen d’un nouveau tarif, clair et précis, les réformer en ordonnant la refonte du Gode civil et criminel, à l’effet d’abréger les longueurs des procédures, d’en simplifier les formes, onéreuses même pour l’Etat. Nous supplions également le Roi d’ordonner la diminution des frais • qu’entraîne, dans les opérations du tribunal des eaux et forêts, l’obtention des arrêts du conseil, si à charge aux ecclésiastiques, qu’à peine ils retirent les deux tiers des réserves que Sa Majesté daigne leur accorder pour l’entretien de leurs biens, et la reconstruction ou la décoration de leurs églises. Etats généraux périodiques , établissement des Etats particuliers. Nous supplions très-humblement Sa Majesté de porter une loi qui rappelle à des époques fixes et invariables les représentants de la nation, comme le seul moyen de perfectionner l’ordre que le Roi se propose d’établir dans toutes les parties de l’administration, et d’en assurer la durée; comme aussi d’accorder des Etats particuliers et constitutionnels aux provinces qui n’en ont point encore, selon que la différence des localités, des coutumes et des intérêts respectifs l’exigeront.. Administration. Le retour invariable de l’ordre dans l’administration des finances de l’Etat étant un des objets les plus importants dont les représentants de la nation aient à s’occuper, nous demandons au Roi : 1° de faire mettre sous leurs yeux un état fidèle et circonstancié de la recette, de la dépense, des frais de perception, de la dette publique et du déficit actuel. • 2° De concerter avec lesdits représentants les > mesures nécessaires, dont la principale soit une 640 [Etats gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bail!, de Châteauneuf en Thimerais. comptabilité exacte et publique pour établir l’équilibre entre la recette et la dépense, simplifier les frais de perception, garantir inviolablement la dette publique, combler le déficit, et en prévenir à jamais le retour. Conclusion. Telles sont les remontrances, plaintes, doléances et demandes qu’ont l’honneur de présenter au Roi les curés et autres ecclésiastiques formant l’ordre du clergé assemblé au baillage de Châteauneuf en Thimerais. Ils chargent leur député de les faire valoir en son âme et conscience, et lui laissent, au surplus, la faculté de requérir outre ce qui vient d’ètre exprimé; que, dans les Etats généraux, on opine par ordre , et de demander tout ce que, selon ses lumières, les circonstances et la connaissance qu’il a de l’esprit et de l’intention de ses commettants, il croira nécessaire ou avantageux à la gloire de la religion, à l’honneur de l’ordre ecclésiastique, au maintien des principes constitutifs, à l’amélioration des différentes parties de la législation, au service du Roi et à la prospérité publique. A ddition. Nous chargeons notre député aux Etats généraux de représenter à Sa Majesté le mauvais état de tous les chemins de communication de paroisse à paroisse de la province du Thimerais, et l’intérêt qu’a le public qu’ils soient généralement rétablis, comme aussi de supplier le Roi de confirmer l’ouverlure d’une grande route de Chartres à Verneuil par Châteauneuf , route déjà demandée aux assemblées provinciales d’Orléans et de Lisieux, comme très-avantageuse pour une communication de l’Orléannais à la Normandie. Cette route, une fois faite, pourrait suppléer à l’ouverture d’une autre route de Chartres à Dreux par Châteauneuf. Le tout ci-dessus, arrêté et approuvé, conformément à la minute de notre procès-verbal, par nous, soussigné, le 30 mars 1789. Signé, etc., etc. CAHIER Des remontrances et demandes de l'assemblée de la NOBLESSE de la province du THIMERAIS, et instructions à M. le comte DE CÀSTELLANE, son député aux Etats GÉNÉRAUX (1). OBSERVATIONS. Ce cahier a été rédigé par les commissaires de la noblesse et du tiers-état réunis ; mais, depuis la séparation du tiers, il est devenu celui de la noblesse, qui, voulant prouver sa persévérance dans les principes de modération et de patrio-times dont elle n’a cessé de donner l’exemple pendant tout le cours de l’assemblée du bailliage, l’a adopté en entier. Le dernier arrêté de la chambre de la noblesse qui sera imprimé dans le procès-verbal de ses séances, et qui a été déposé au bailliage, répond à la protestation de Messieurs du tiers, dont il est fait mention dans les observations placées à la tête de leur cahier. (1) Nous reproduisons ce cahier d’après un imprimé de la Bibliothèque du Sénat. REMONTRANCES ET DEMANDES. De l'assemblée de la noblesse de la province du Thimerais et instruction à M. le comte de Gas-TELLANE, son député aux Etats généraux. L'ordre de la noblesse a vu avec peine la division des trois ordres, lors de leur première assemblée générale, et l’espèce de scission qui s’est opérée à l’instant de la clôture des cahiers, de la part de Messieurs du tiers-état. Messieurs de la noblesse auraient vivement souhaité faire renaître dans tous les cœurs l’esprit de paix qui les anime et les conduit. Enflammés d’un zèle également patriotique, ils ont pensé que la réunion et la forme d'opiner par tête , qu’ils ont adoptée, pouvaient seules rendre leurs délibérations plus utiles à la restauration de la chose publique, puisqu’elles les mettaient dans l’heureuse nécessité de confondre les lumières respectives sur l'intérêt commun, et de les épurer par le feu de la discussion. Cette réunion si honorable devait être la suite nécessaire de l’abandon que l’ordre de la noblesse s’était empressé de faire de ses privilèges pécuniaires, avec la franchise de la loyauté qui constituent son caractère essentiel. L’intérêt particulier des corps (source unique de toutes les divisions) anéanti, il ne s’agit plus que de concourir, conformément au résultat du conseil de Sa Majesté, du 27 décembre 1788, et aux déclarations formelles par elle insérées dans sa lettre de convocation du 24 janvier 1789, à donner au royaume une solide constitution, et à écarter, sans" retour, les maux dont il était menacé, en substituant à un gouvernement devenu arbitraire par l'influence ministérielle, des lois simples justes, et égales pour tous. Elles assureront le bonheur du souverain, en même temps qu’elles feront renaître le calme dans la nation, et la porteront au degré d’élévation et de majesté qui lui appartient. L’assemblée de l’ordre de la noblesse, pénétrée de ces principes, a ordonné et indiqué à son député ce qui suit : CONSTITUTION NATIONALE-Art. 1er. Avant que ledit député puisse se livrer à l'examen d'aucunes demandes qui seraient faites par le gouvernement , il insistera pour qu’une déclaration donnée par les Etats généraux, et consentie par le Roi, établisse clairement que les droits de la nation assemblée, imprescriptibles par leur nature, sont ceux ci-après, dont l’ordre de la noblesse réclame le plein et entier exercice. 1° Il sera reconnu qu'à la nation seule appartient le pouvoir législatif; qu’aucunes lois ne doivent recevoir d’exécution, si elles n’ont été délibérées et proposées par la nation, et revêtues du consentement du souverain, seul chargé du pouvoir exécutif, ou proposées par le Roi et acceptées par la nation. 2° La liberté individuelle sera assurée à chaque citoyen dans les termes les plus formels. Elle sera sacrée et inviolable. Nul ne pourra être arrêté, que, dans\les vingt-quatre heures, il ne soit remis entre les mains de son juge naturel, pour être interrogé et être élargi avec ou sans caution, à la prudence du juge, si toutefois il n’y a prévention d’un crime capital. Tout agent du pouvoir ministériel qui aura sollicité, signé ou exécuté un ordre de capture contre un citoyen, et ne se sera pôint conformé à la disposition précédente, sera puni corporel-