[Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j g 7lÔ VIII. Lettre du citoyen Voutiers, chef du BATAILLON DE L’ARDÈCHE (1). Compte rendu du Bulletin de la Convention (2). Une lettre du citoyen Voutiers, chef du bataillon de T Ardèche, datée du camp do Formières, du 3 du courant, annonce que l’intimité qui règne entre ce bataillon et celui de Rhône-et-Loire, est telle, que lorsque celui-ci a reçu l’ordre de partir pour Château-Gontier, la consternation la plus profonde s’est manifes¬ tée dans l’un et dans l’autre. Tous les deux demandaient à marcher ensemble. « Nous avons combattu ensemble les tyrans, disaient - ils, ensemble nous les avons vaincus, et nous désirons que désormais nos lauriers soient entrelacés de manière que l’on ne puisse pas distinguer si c’est le héros de l’Ardèche ou celui du Rhône qui les a cueillis. Ainsi réunis, tremble l’ennemi qui nous attaquera ou que nous attaquerons. » La séparation des deux bataillons n’eut lieu qu’après des embrasse¬ ments mutuels. Cette scène touchante arracha des larmes aux cœurs les moins tendres. Il faut en avoir été témoins pour se faire une idée de la sympathie et de l’amitié qui s’acquièrent sur le champ de bataille. AMAEXE 1 A la séance de la Convention nationale du 30 brumaire II. (Dimanche ÎO novembre **»».) Comptes rendus, par divers journaux, «le la discussion à laquelle donna lieu la motion de Phiiippeaux tendant à ordon¬ ner que tout citoyen français, sans en excepter les représentants du peuple, sera tenu de publier l’état de sa fortune en 9 7$9 et son accroissement, si elle en a éprouvé depuis (3). I. Compte rendu du Journal des Débats et des Décrets (4). Philippeaux présente quelques idées géné¬ rales sur les moyens d’éclairer l’opinion publi¬ que sur la conduite des fonctionnaires publics. Il soumet ensuite à la Convention un projet (1) La lettre du citoyen Voutiers n’est pas men¬ tionnée au procès-verbal de la séance du 20 bru¬ maire an II. L’extrait que nous en donnons est emprunté au Bulletin de la Convention de cette séance. (2) Supplément au Bulletin de la Convention du 20 brumaire de l’an II (dimanche 10 no¬ vembre 1793). (3) Voy. ci-dessus, même séance, p. 703, le compte rendu de la même discussion, d’après le Moniteur. (4) Journal des Débats et des Décrets (brumaire an II, n° 418, p. 274). de décret, dont la disposition principale est d’obliger les représentants du peuple et tous les fonctionnaires publics à déposer l’état de leur fortune et à expliquer comment elle s’est accrue durant la Révolution. Les autres dis¬ positions sont réglementaires sur le même objet. Romme fait sentir la nécessité de ne point discuter une question aussi importante dans une séance consacrée aux pétitions et où plusieurs membres de la Convention n’assistent pas encore. Basire s’oppose directement au projet de Philippeaux. Il y voit un moyen, présenté de bonne foi sans doute, de tourmenter les meilleurs patriotes et de les distraire par de vaines discussions de l’objet important de leur mission. XJn membre avait observé que déjà une loi existe, qui charge une Commission particu¬ lière d’examiner la fortune des hommes publics et d’en rechercher les causes. On propose l’ordre du jour motivé sur l’exis¬ tence de la loi. La Convention y passe. Chabot demande par motion d’ordre que désormais aucun membre de la Convention ne puisse être décrété d’accusation sans avoir été entendu. Les propositions se succèdent et se modi¬ fient. On demande cependant que les députés pré¬ venus puissent être mis en état d’arrestation sur le rapport du comité de sûreté générale et que l’on puisse faire mettre les scellés sur leurs papiers. Une question se présente. Il s’agit de savoir comment sera prévu le cas où un mandataire pré¬ venu aurait fui. On propose de décréter d’accusation le pré¬ venu d’un délit ordinaire, qui aurait fui et de le mettre hors la loi s’il était prévenu d’un crime contre-révolutionnaire. Le principe proposé par Chabot est décrété. Les autres propositions sont renvoyées au comité de législation, pour présenter une rédac¬ tion sur laquelle la Convention discutera. II. Compte rendu du Journal de Berlet (1). Philippeaux. Le grand acte de sévérité, que vous fîtes dans la séance d’hier, va prouver à toute la France que la Convention abhorre les prévaricateurs; et que si elle les foudroie sans ménagement jusque dans son propre sein, aucun fonctionnaire infidèle de la République ne peut échapper à la vengeance nationale. Mais pour les démasquer tous, pour purifier le corps social et écarter tout ce qui s’oppose à notre régénération politique, il est une grande mesure que vous avez déjà décrétée et dont l’inexécution peut amener les plus funestes conséquences. C’est d’exiger impérieusement que tout fonctionnaire public, à commencer par nous-mêmes, fournisse dans le délai d’une (1) Journal de Perlel [n0 415 du -21 brumaire an II (lundi 11 novembre 1793), p. 329]. 720 [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j 20 brumaire an U L J I 10 novembre 1703 décade, l’état exact de sa fortune avant la Révolution et de ce qu’il a maintenant; que tout législateur qui ne fournira pas dans dix jours ce bilan comparatif, soit déclaré traître à la patrie, et tout autre fonctionnaire public, traité comme homme suspect. Nous devons être plus rigoureux envers nous-mêmes qu’ envers les autres, pour que l’exemple soit terrible et salutaire et que nul ne puisse échapper au glaive de la loi. C’est ainsi que la morale et les vertus aus¬ tères sur lesquelles nous voulons asseoir la République, ne seront plus de vaines chimères ; que chacun sera mis à sa place; que le voile imposteur des charlatans et des hypocrites sera déchiré; que l’homme pur et généreux, qui n’a embrassé la Révolution que par phi¬ lanthropie, obtiendra la distinction honorable qui lui est due, et qu’ enfin la liberté naissante ne sera plus comprimée par les attentats de la cupidité. Voici le projet de décret que je vous propose : 1° D’ici au 30 brumaire, chacun des repré¬ sentants du peuple sera tenu de déposer, au bureau des inspecteurs de la salle, l’état exact de sa fortune, de ce qu’elle était au commen¬ cement de la Révolution, de ce qu’elle est aujour¬ d’hui, et, s’il y a une différence, d’en indiquer les sources. Celui qui se permettrait de donner un état infidèle sera déclaré indigne de siéger au sein de la Convention nationale. 2° A l’expiration du mois, le registre des ins¬ pecteurs de la salle sera fermé pour tous ceux des députés qui se trouvent à Paris; mais il con¬ tinuera d’être ouvert pendant tout .le cours du mois suivant pour ceux qui sont en Com¬ mission. 3° Quiconque, dans les délais ci-dessus prescrits n’aura pas fourni son état de consis¬ tance, sera déclaré traître à la patrie. 4° Le premier de nivôse, les commissaires inspecteurs de la salle feront imprimer toutes les déclarations qui leur auront été remises, pour être distribuées à tous les membres de l’Assemblée, envoyées aux départements, pla¬ cardées au lieu du domicile de chaque membre, et provoqueront l’examen censorial de tous les concitoyens des déclarants sur l’exactitude de leurs déclarations. 5° Dans dix jours de la publication du pré¬ sent décret, tous les fonctionnaires publics civils, militaires et de toute autre classe, seront tenus de fournir le même état comparatif de ses possessions, au secrétaire de la commune, pour être publié, affiché et soumis à l’examen sévère de ses concitoyens. Faute de se confor¬ mer au présent décret ou en cas d’inexacti¬ tude, le déclarant sera réputé suspect et traité comme tel. Basire. Cet examen des fortunes ne sera, pour les aristocrates, qu’un moyen de plus de tourmenter les plus chauds patriotes. On veut accréditer un système de dénonciation et de terreur. « Ils iront tous à l’échafaud les uns après les autres, disent les aristocrates, en voyant périr sous le fer de la loi les artisans de la Révolution. Certes ! il est temps de mettre fin à cette joie de nos ennemis. Je demande l’ordre du jour sur ces propositions de Philip - peaux. (Adopté.) Chabot. Je demande, moi, qu’on ne puisse décréter un député d’acusation avant de l’avoir entendu. Je ne sais si, même d’après le rapport du comité, vous êtes convaincus qu’Osselin est coupable. Pour moi, je n’en suis pas con¬ vaincu. Thuriot parle dans le sens de Basire et donne à son opinion de nouveaux développements. Thuriot parle dans le sens de Basire et don n e à son opinion de nouveaux développements. Bourdon (de l’Oise). La faction du côté droit est-elle donc ressuscitée? A quoi bon tant de discours à propos d’Osselin, qui a mérité son sort, qui est connu pour un fripon. Y a-t-il donc ici des gens qui aient peur? Les préopinants se récrient; la délibération est un instant troublée; le calme renaît aussitôt. Après de longs débats, il est décrété qu’au¬ cun député ne pourra être décrété d’accusation, sans avoir été préalablement entendu; et que, néanmoins sur le rapport d’un comité, il pourra être mis en état d’arrestation et les scellés apposés sur ses papiers. III. Compte rendu du Mercure universel (1). PhilippaauxT présentait un projet de décret tendant à ce que, d’ici au 30 brumaire, chaque représentant du peuple, présent à la Conven¬ tion, soit tenu de lui soumettre le bilan de sa fortune depuis la Révolution, et qu’un terme plus long soit accordé aux représentants hors du sein de la Convention; que ceux des repré¬ sentants qui s’y refuseraient soient déclarés traîtres à la patrie; que tous les fonctionnaires publics soient soumis à la même reddition de compte, sous peine d’être traités comme sus¬ pects en cas de refus. Basire. Je connais les manœuvres de l’aris¬ tocratie. Ses moyens, pour perdre la Répu¬ blique, sont de diviser le peuple, de diviser la représentation nationale et les autorités con¬ stituées. Elle se promet ainsi de parvenir à ren¬ verser la liberté, après avoir tout divisé. Oui, son système maintenant est la terreur; c’est l’arme la plus terrible contre les lois. Nul ici n’ose parler, Il est temps que cet horrible système finisse. Déjà l’aristocratie s’en réjouit; c’est par ce moyen qu’elle se flatte de nous faire sacrifier tour à tour. Oui, l’on disait publiquement et très gaiment, il y a trois jours : nous ferons sacrifier Danton, puis Billaud-Yarenne, puis nous finirons par Robespierre. Je demande qu’aucun membre ne puisse être envoyé au tribunal révolutionnaire sans avoir été entendu dans le sein de la Convention. Coupé réclame l’ordre du jour. ‘ Romme demande qu’aucun décret d’accusa¬ tion ne puisse être porté contre un membre de la Convention sans avoir été imprimé. Chabot. Qui sait si le but des ennemis de la patrie n’est pas, après nous avoir divisé, de (1) Mercure universel [21 brumaire an II (lundi 11 novembre 1793), p. 169, col. 1],