SÉNÉCHAUSSÉE DU MAINE GABIER Des doléances et souhaits du clergé de la sénéchaussée du Mans (1). Le clergé de la sénéchaussée du Mans, pénétré de reconnaissance pour le prince, ami de son peuple, qui vient de rétablir la nation dans ses antiques droits, charge d’abord ses députés de porter aux pieds du trône les sentiments de son amour pour son Roi et de son dévouement pour réparer les malheurs publics. Ce sentiment des besoins de l’Etat détourne ses regards des maux particuliers qui affligent cette province, travaillée depuis longtemps par la main cruelle du fisc. Elle a des maux à réparer que les autres ignorent. Mais la chose publique est en danger. Tout citoyen doit oublier ses malheurs particuliers ; et le clergé de cette sénéchaussée, sensible, avant tout, aux besoins de la patrie, ne vient offrir aux Etats généraux que les objets civils et ecclésiastiques qui intéressent également les provinces du royaume. Le premier vœu qu’il fait avec amour et par acclamation, est que Sa Majesté vive. Ensuite, il dit que, vu les circonstances et le besoin pressant de l’Etat, il offrait de supporter, d’une manière proportionnelle aux autres, en raison de ses propriétés, les impôts qui seront consentis par la nation, à l'assemblée des Etats généraux. CHAPITRE PREMIER Constitution du royaume. Article 1er. Que les lois constitutives de la nation ne doivent pas être fondées sur des traditions obscures et douteuses, mais établies sur une base solide, l’équité et l’intérêt des peuples. La puissance du prince ne sera jamais plus en sûreté que quand elle se trouvera essentiellement liée avec le bonheur de la nation. Art. 2. Que toutes les propriétés soient également sacrées. Art. 3. Que tout citoyen français est libre dans sa personne, dans ses biens, quand l’usage de sa liberté n’est pas contraire aux lois. En conséquence, qu’il ne peut être arrêté que pour cause légitime, et pour être, à l’instant , remis entre les mains de ses juges naturels, afin d’être jugé par eux sur les causes de sa détention: et qu’après la condamnation, le Roi pourra faire grâce ou commuer la peine. Art. 4. Que la nation, ayant droit de s’assembler en Etats généraux, ils seront désormais périodiques, et se formeront à l’époque qui aura été fixée par l’assemblée précédente, sans qu’il soit besoin d’une convocation particulière, ni qu’il puisse y être apporté d’obstacles; et qu’à (i) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit dos Archives de l’Empire. cet effet, leur forme et convocation seront ré-fiées dans la prochaine tenue par le concours u Roi et de la nation. Art. 5. Qu’il sera constitué par les Etats généraux des Etats provinciaux qui leur seront subordonnés, et qui seront constitutifs et élémentaires des Etats généraux ; qu’il n’en pourra être établi que par la nation dans les tenues d’Etats généraux, librement et légalement convoqués, ni être prorogés au delà du terme par lequel ils auront été constitués. Art. 6. Qu'il continuera d’y avoir, dans la monarchie, trois ordres distincts, le clergé, la noblesse, et le tiers-état; qu’ils seront suffisamment et proportionnellement représentés dans toutes les assemblées nationales, et y conserveront le rang qui leur est assigné par la Constitution. Art. 7. Que la forme d’opiner par ordre soit conservée dans les Etats généraux, conformément aux ordonnances de 1355 et 1560, dont il résulte que deux ordres réunis ne peuvent jamais lier le troisième. Art. 8. Que, dans l’assemblée des Etats généraux, aucune opération ne sera arrêtée avant que les droits de la nation n’aient solennellement été reconnus et constatés : et qu’il en sera dressé une charte, dans laquelle ils seront formellement et irrévocablement consignés. CHAPITRE II. Administration. Art. 1er. Que les ministres soient responsables de leur administration pécuniaire ; et que, dans le cas où ils seraient accusés de malversations, ils soient jugés par un tribunal choisi et formé par les Etats généraux. Art. 2. Qu’il soit prononcé, par une loi nationale, que les Etats généraux seuls peuvent accorder des impôts, ou faire des emprunts au nom de l’Etat, et que tout ministre ou préposé qui entreprendrait des levées de deniers qui n’auraient pas été consenties, soit déclaré criminel de lèse-nation. Art. 3. Que le Roi rentre dans tous les domaines aliénés à faculté de rachat, et qu’ils soient engagés sur de nouvelles enchères, sous l’inspection des Etats provinciaux. Art. 4. Que tous les privilèges exclusifs soient détruits, parce que l’Etat doit favoriser l’industrie, et jamais n’y mettre d’entraves. Art. 5. Que la liberté de la presse soit telle qu’elle conserve à la religion et aux mœurs le respect qui leur est dû. Art. 6. Que les grâces pécuniaires ne soient plus accumulées sur une même tête. Art. 7. Que les grands gouvernements et ceux des maisons royales soient supprimés comme onéreux à l’Etat. Art. 8. Que les monnaies soient invariablement fixées, ou qu’il n’y ait que la nation qui puisse lés changer. [Sénéchaussée du Maine.] 63» [Etais gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. Art. 9. Que les arrêts de surséance et lettres de répit soient restreints à des cas rares et gra-ciables. Art. 10. Que les droits de franc-fief et centième denier soient supprimés. Que le tarif des bureaux de contrôle soit modéré , et qu’un même acte, quelque clause qu’il renferme, ne paisse jamais être sujet qu’à un seul et même droit, irrévocablement déterminé. Art. 11. Que les places dans les municipalités des villes soient éligibles et non vénales; et que les membres en soient choisis dans les trois ordres ; que dans celles des campagnes, la présidence en appartienne alternativement au seigneur et au curé. Art. 12. Que le tirage de la milice soit remplacé par des miliciens volontaires, aux frais de chaque paroisse. Art. 13. Que la maréchaussée soit augmentée et casernée comme les autres troupes, à poste fixe. Art. 14. Que les commissaires à terriers soient supprimés, et les droits de feudistes modérés. Que les bureaux de consignations soient abolis, ainsi que les maîtrises. Que les loteries , agiotages et jeux publics soient prohibés. Que les traites soient reculées aux frontières. Art. 15. Que toute banalité soit supprimée; que les lois concernant les colombiers, chasse, garenne et pêche, soient exécutées ; et que les amendes ou autres peines pour délits concernant ces objets soient modérées. Art. 16. Qu’il soit établi dans chaque ville principale des hôpitaux pour les enfants trouvés, pour les fous et les femmes de mauvaise vie. CHAPITRE III. Impositions. Art. 1er. Que l’impôt, quelle que soit sa dénomination, est un tribut libre, volontaire, accordé au Roi pour être employé aux besoins du royaume, en proportion de ses besoins clairement connus. Art. 2. Que les impôts qui distinguent les trois ordres de l’Etat, et qui tendent à les séparer, soient abolis; qu’il leur en soit substitué d’autres qui seront également répartis entre les citoyens de tous les ordres ; qu’à ce moyen, la dette du clergé soit déclarée dette nationale. Art. 3. Que la répartition de l’impôt, ainsi constituée, appartienne à la nation et aux différents ordres qui la composent; que les Etats provinciaux soient chargés de la faire dans leur province ; mais que le pouvoir d’imposer soit réservé aux Etats généraux. Art. 4. Qu’il soit fait une distinction des autres impôts d’avec celui qui sera arbitré pour remplir le déficit , afin que le déficit, une fois couvert, l’impôt cesse d’avoir lieu. Art. 5. Que, dans la répartition de toutes sortes d’impôts, l’arbitraire n’ait jamais lieu, et que la perception en soit simplifiée. Art. 6. Que la dette nationale soit consolidée, et que, pour l’acquitter, l’impôt consenti soit assis, de préférence, sur des objets de luxe. Art. 7. Que les Etats cherchent les moyens de faire contribuer les capitalistes et actionnaires, parce qu’ils doivent supporter les charges de l’Etat dont ils partagent tous les avantages. Art. 8. Que l’impôt désastreux de la gabelle soit supprimé ; que les droits des aides et autres y réunis soient réformés ; que les Etats généraux prennent en considération l’abus et le danger du tabac en poudre, et qu’il soit libre de le cultiver en France. CHAPITRE IV. Ordre judiciaire. Art. î**. Que le Gode civil et criminel soit réformé ; qu’il n’y ait plus que deux degrés de juridiction indéclinable ; et que l’on supprime les lettres de committimus et d’évocation. Art. 2. Que tous les tribunaux d’exception soient suppriméSj et leurs fonctions attribuées aux juges ordinaires, en s’en rapportant à la sagesse du Roi et de la nation pour le dédommagement ; qu’il soit donné plus d’extension à la compétence des juridictions consulaires. Art. 3. Que les charges de magistrature ne soient plus vénales, mais qu’elles soient données au mérite, et que les trois ordres soientadmisà les posséder ; que, dans chaque tribunal, il y ait un avocat qui soit chargé de défendre gratuitement la cause des pauvres. Art. 4. Que les officiers de justice aient toujours la liberté de faire des remontrances, sans qu’ils puissent néanmoins cesser leurs fonctions à volonté.. Art. 5. Que les édits, arrêts, déclarations et ordonnances soient publiés et affichés dans toutes les paroisses ; qu’il en soit de même pour les contrats sujets aux hypothèques, dans les paroisses où les fonds sont’ situés. Art. 6. Que les lieux régis par une même cou tume ressortissent au même tribunal. Art. 7. Qu’il soit établi un dépôt public où les notaires seront obligés de remettre, après trente ans, leurs protocoles. Art. 8. Que le tarif pour les frais de scellés soit modéré ; que les charges d’huissiers-priseurs soient à jamais éteintes, ainsi que celles des greffiers dits de l’écritoire. Art. 9. Que les municipalités soient établies juges de paix pour toutes matières d’injures et de légers dommages ; et que, sur un certificat de pauvreté donné par le curé de la municipalité, il soit procédé à la vente des effets des parents décédés de pauvres mineurs, et les deniers en provenant déposés entre les mains d’un curateur qui ne sera comptable que de la somme certifiée par la municipalité. , Art. 10. Que les mineurs peu aisés soient autorisés à pouvoir se marier, sans qu’il soit besoin de faire nommer un curateur en justice, en se présentant devant leur curé, assistés de quatre parents, ou, à leur défaut, de quatre membres de leur municipalité. Art. 11. Que les lois contre les charlatans soient exécutées rigoureusement. chapitre v. Religion et discipline ecclésiastique. Art. 1er. Que la religion catholique, apostolique et romaine soit exclusivement la religion de l’Etat, et que les édits, ordonnances et déclarations concernant son culte public et sa police extérieure, soient exécutés selon leur forme et teneur. Art. 2. Qu’il n’y ait plus, pour tout le royaume, qu’un seul et même rit, qu’un seul bréviaire pour les réguliers comme pour les séculiers; qu’un même cathéchisme; que les mêmes statuts , et que le bénéfice de l’impression vertisse au profit de l’Etat. Art. 3. Que les mariages des non catholiques soient exclusivement attribués aux juges laïcs, et que l’exercice de leur droit de patronage soit dévolu à l’ordinaire. Art. 4. Qu’il y ait tous les trois ans un synode diocésain ; des conciles provinciaux tous les six [Elats gôn. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée du Maine.] 639 ans, dont les règlements ou décisions auront force de loi provisoire et graduelle jusqu’à la tenue des conciles nationaux, qui auront lieu tous les dix ans, et auxquels les deux premiers seront subordonnés. i Art. 5. Que le corps des pasteurs étant de sa nature inséparable, les curés aient immédiatement rang et place après les évêques ; qu’ils soient appelés aux différents conciles qui se tiendront dans la suite, ainsi qu’aux assemblées du clergé. Art. 6. Que les curés aient la liberté de s’assembler pour conférer entre eux sur les matières concernant leur état ; et qu’ils aient le droit de faire des remontrances pour les intérêts du bien public et de la religion. Art. 7. Que tout curé, de qui l’évêque diocésain n’aura pas exigé, dans les trois premiers mois de sa prise de possession, le temps du séminaire qu’il peut être en droit de prescrire, ne puisse plus être contraint à cette préparation, préliminaire, quelles que soient les clauses de son visa. - Art. 8. Que les curés puissent choisir leurs vicaires parmi les prêtres approuvés dans le diocèse, et que les évêques ne puissent en donner invito parochio; que les droits respectifs des évêques et des curés soient respectés. Art. 9. Qu’un curé qui passe d’une cure à une autre cure, ou à plusieurs successivement, puisse, après quinze années d’administration, se retirer avec pension. Art. 10. Que les curés, lors de la visite de leur église, ainsi que dans les assemblées synodales, aient le droit de porter l’étole, marque distinctive de leur juridiction. Art. 11. Que les dîmes, appartenantes de droit commun aux pasteurs, leur soient rendues ; que les droits honorifiques des curés primitifs soient supprimés, et que chaque paroisse ait son église séparée. Art. 12. Qu’il soit pourvu à l’honnête subsistance des curés et vicaires de ville et autres curés et vicaires qui, avec la totalité des dîmes de leur paroisse, n’auraient encore que des revenus insuffisants : ce qui pourrait s’opérer par réunion des bénéfices simples et en commende ; et qu’au moyen de cet article et du précédent, le droit répugnant du casuel forcé soit aboli, pour que l’on oublie jusqu’au nom de portion congrue et de quête de vicaire, si humiliante pour le clergé. Art. 13. Que les dîmes soient perçues aux champs selon les anciennes lois du royaume ; et qu’au cas de contestation sur la matière clés dîmes, la récréance soit accordée aux décimateurs lorsqu’ils prouveront les deux dernières années de jouissance. Art. 14. Que la quotité des dîmes dans les différentes paroisses soient constatées, et qu’elles deviennent imprescriptibles pour éviter à jamais les procès entre les décimateurs. Art. 15. Que tous les ecclésiastiques, ainsi que les fabriques, soient libres de constituer de nouvelles rentes, de construire et reconstruire sur leur terrain, parce que c’est ajouter à la richesse. Art. 16. Que les bénéficiers ne soient plus tenus de faire au bureau du contrôle la déclaration qu’ils font valoir leurs bénéfices, et qu’ils jouissent, pour les affermer, de la même liberté que les autres citoyens. Art. 17. Que les bâtiments construits pour l’agrément ou l’utilité particulière des bénéficiers ne tombent à leur charge, ni à celle de leurs suc-, cesseurs, ni à celle des paroissiens. j Art. 18. Que les titres et papiers d’un bénéficier mort soient inventoriés par trois ecclésiastiques voisins. Art. 19. Que les réceptions des réparations des bénéfices soient moins coûteuses, et que leur forme soit simplifiée. Art. 20. Que les charges des bénéficiers soient évaluées, et déduites de l’imposition, avant de la fixer. Art. 21. Que les bureaux diocésains soient supprimés ; et, dans le cas où le clergé aurait la liberté de faire lui-même l’assiette et la répartition de l’impôt qu’il consent supporter, il en soit créé de nouveaux , composés , pour les deux tiers, de curés pris dans les différents doyennés, et nommés alternativement dans l’assemblée synodale qui se tiendra tous les trois ans, sans qu’ils puissent espérer de rétribution. Art. 22. Que tous notaires royaux soient autorisés à faire toutes les fonctions de notaires apostoliques. Art. 23. Que, pour les provisions de bénéfices quelconques, y compris les mandates de l’archidiacre, il ne puisse être exigé d’autre droit que celui fixé par l’édit de 1695 ; et que, conformément au concile de Trente, toute espèce de dis* pense soit expédiée gratis, et qu’il en soit de même des lettres d’ordre, démissoire, et celle de visa. Art. 24. Que les fruits d’un bénéfice pendant la vacance n’appartiennent plus aux archidiacres, mais seulement aux pauvres de la paroisse où est situé le bénéfice. Que les économats soient supprimés. Art. 25. Que les monitoires ne soient plus accordés que pour cause grave, jugée telle par les officiaux, sans qu’ils puissent y être contraints par la saisie de leur temporel ; que les officiaux soient toujours assistés de quelques curés pour rendre leur jugement. Art. 26. Que les ecclésiastiques qui auront vieilli dans les fonctions du ministère, et les professeurs, après vingt ans d’exercice, soient pensionnés. Art. 27. Que les universités n’accordent plus de lettres de licence en droit, pour exercer les fonctions de juges ou d’avocats , qu’après un temps suffisant d’études, prescrit par la loi ; et qu’il ne soit plus accordé, en vertu de grades, aucune expectation, qu’à ceux qui se seront distingués dans l’étude de la théologie ou du droit canon ; que les écoles de philosophie et de théologie de la ville du Mans soient agrégées à l’université d’Angers ; que les collèges soient donnés à des corps ecclésiastiques rentés, et spécialement consacrés à l’instruction de la jeunesse. Art. 28. Que, dans chaque ville épiscopale, il soit établi un collége-séminaire, fondé par union des bénéfices, où, dès la troisième, seront formés de jeunes élèves pour l’état ecclésiastique, et où les enfants d’une famille pauvre et nombreuse seront admis de préférence et gratuitement. Art. 29. Qu’il soit établi, dans chaque paroisse, deux écoles gratuites pour les pauvres de l’un et l’autre sexe, ainsi qu’un bureau de charité. Ceux qui seront établis seront maintenus et protégés. Art. 30. Que l’arrêt du 11 juillet 1786, portant règlement pour les fabriques paroissiales d’Angers, soit rendu commun. Art. 31. Qu’il soit permis aux curés réguliers de pouvoir tester en faveur de ceux qui sont attachés à leur service, ainsi qu’en faveur des pauvres de leur paroisse, les réparations prélevées. Art. 32. Que tous ceux qui ont des dîmes, de quelque nature qu’elles soient, contribuent à la 640 {États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée du Maine.] réparation du chœur etcancel, ainsi qu’aux autres charges des curés. Fait et arrêté le 27 mars 1789. DEMANDES PARTICULIÈRES DE MM. LES CURÉS DE LA VILLE DU MANS. Les curés de la ville épiscopale réclament le droit commun à l’effet de n’être visités que par le seigneur évêque ou autres commissaires qu’il jugera à propos de nommer, sans qu’aucun archidiacre puisse prétendre le droit de visite. Que la commensalité, dont jouissent quelques chapitres au préjudice des curés, soit supprimée comme contraire au droit commun. Fait et arrêté le 27 mars 1789. PROTESTATIONS ET DIRES PARTICULIERS DE MM. LES CHANOINES ET DÉPUTÉS DE MAISONS RELIGIEUSES. Sont comparus MM. les députés du chapitre de Saint-Julien, du chapitre de Saint-Pierre, du chapitre de Saint-Thugal de Laval, du chapitre de Sillé-le-Guillaume ; le prieur député de l’abbaye de Saint-Vincent ; le prieur député de la maison de Solème ; le député de l’abaye de Beaulieu du Mans, M. Boucard, prieur de Saint-Nicolas de Port-Ringeard ; M. Bartholin, prieur de Sainte-Catherine de Laval; M. Jaubert, prieur deGhâteau-l’Ermitage. Lesquels, en adoptant les articles du cahier général, qui ont véritablement pour objet l'utilité publique, et notamment le vœu de partager, avec les autres citoyens, l’impôt qui sera consenti par la nation, proportionnellement aux facultés de chacun, ne peuvent et ne doivent consentir tous ceux des articles qui attaquent les propriétés, sont contraires à la juridiction écclésiastique et à l’ordre hiérarchique, et blessent leurs droits, rangs et prérogatives. Ils demandent et requièrent l’effet des délibérations de l’assemblée des 27 et 28 mars dernier, par lesquelles il leur a été donné acte de la demande qu’ils ont faite ; que leurs protestations desdits jours 27 et 28, fussent inscrites sur le cahier général, ainsi que partie de leurs doléances, qui my ont point été admises. Parmi plusieurs articles de leurs cahiers, non insérés dans le cahier général, ils se bornent aux suivants : 1° le règlement du 24 janvier dernier pour l’exécution des lettres de convocation des Etats généraux, étant contraire à l’équilibre nécessaire dans toute assemblée, dont les membres ont des intérêts distincts et séparés, plusieurs articles du cahier général et du procès-verval, étant une preuve convaincante de lfinconvénient d’une assemblée, où le plus grand nombre réuni par un même intérêt contre toutes les autres classes, devient nécesairement leur partie et leur juge, et ne laisser subsister, dans toutes les délibérations, d'autres réglés qu’une majorité de suffrages irrésistibles : lesdits chapitres représentent très-res-pêctueufement aux Etats généraux la nécessité de modifier ledit règlement en cette partie; 2° la régale prive les dignitaires, chanoines et autres titulaires de la faculté de résigner ou permuter leurs bénéfices. Le diocèse du Mans, dans l’espace de quatorze ans, a subi ces entraves pendant plus de dix ans. Les chapitres et autres bénéficiers supplient Sa Majesté d’ordonner qu’à partir de la prestation du serment de fidélité, les bénéficiers jouiront du droit de disposer de leurs bénéfices; requièrent en conséquence, les soussignés, en persistant dans leurs dires, déclarations et protestations, que tout ce que dessus soit inscrit dans le cahier général, en exécution des délibérations susdatées, et ont signé. M. l’évêque du Mans ; MM. les abbés commen-dataires; MM. les dignitaires; MM. les chanoines de tous les chapitres de cette sénéchaussée, et MM. les réguliers protestent contre tous les articles du cahier général, contraires à leurs droits réels et honorifiques avoués par les lois, et contre tout ce qui peut compromettre la juridiction ecclésiastique. Et ont signé le 28 mars 1789. , Les soussignés, qui ont entendu la lecture rapide et souvent interrompue du cahier général de l’ordre du clergé, dans la séance de l’après-midi, le vendredi 27 du courant, sans se départir de leur soumission à supporter les charges de l’Etat par proportion égale avec les deux autres ordres, déclarent désavouer certaines dispositions dodit cahier, et notamment celles qui portent atteinte aux droits sacrés de propriété, spécialement reconnus dans le même cahier, et celles qui peuvent préjudicier à la juridiction de l’Eglise et aux règles de la discipline ecclésiastique, et protestent contre ce qui a pu et pourrait être fait au contraire : desquels désaveu et protestations ils demandent acte et inscription à la suite du cahier général. Fait au Mans, le 30 mars 1729. Signé Motreuil, curé de Saint-Frimbault de Price, etc. EXTRAIT Des procès-verbaux des séances particulières de l'ordre de la noblesse du Maine , assemblée au Mans (1). Du 26 mars 1789. Pouvoirs donnés par l'ordre de la noblesse du Maine à ses députés aux Etats généraux. La noblesse de la province du Maine, assemblée au Mans en Etats, en vertu de la lettre de convocation du Roi en date du 24 janvier 1789, à l’effet d’envoyer un nombre de députés aux Etats libres et généraux indiqués à Versailles pour le 27 avril prochain, a délibéré, sans approbation du règlement provisoire de Sa Majesté joint à la lettre de convocation, et sous ses réserves du droit national, d’autoriser ses députés à se rendre aux Etats généraux, au jour indiqué par le Roi, pour y voter sur les principes suivants, sans pouvoir s’en écarter, savoir : 1° En France, la souveraineté réside essentiellement dans rassemblée libre des trois Etats de la nation présidée par le Roi ; et tout abus du pouvoir public, exercé par ses agents, est un crime contre la souveraineté, dont la vindicte appartiendra aux tribunaux auxquels la nation icn déférera le jugement. !: 2° Les Etats généraux ont seuls le droit de s’organiser de la manière qui leur convient. ~ . 3° Les députés ne pourront voter autrement que pour la délibération par ordre ; mais dans le cas où la pluralité de l’ordre de la noblesse, opinant séparément, consentirait à une autre forme, les députés ne feront pas de scission ; mais dans aucun cas, l’opinion de deux ordres ne pourra lier le troisième. 4° Les ordonnances générales, en ce royaume, ne peuvent avoir force de loi que par le consentement libre des trois Etats régulièrement assemblés, et la sanction du Roi. % 5° Nul impôt, nul emprunt ne peuvent être établis que par le libre consentement, des trois 1) Nous publions ce document d’après un imprimé de la Bibliothèque du Sénat ■