60g [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. ]20 mai 1190.} bien de l’Etat et au bon ordre dans la religion ; jamais on n’y a louché pour une si belle cause, et c’est, je n’en doute point, l’ordre de Dieu même; car ne dissimulons point ici la vérité, et défendons-nous par elle de la calomnie. Que sont aujourd’hui les fondations, dont il s’est formé les abbayes, les prieurés, les bénéfices, les chapitres et les monastères que la nation veut supprimer, et même l’ordre de Malte qu’elle veut peut-être conserver, et auquel tant d’autres fondations ont été réunies, contre le vœu de leurs auteurs? C’était autrefois dans ce monastère, pour nous borner à un seul exemple, des religieux inconnus au monde, ou seulement connus de lui par la bonne odeur de leur sainteté; c’était des religieux cultivateurs, toujours occupés, et de la manière la plus utile à la société, et par leurs' aumônes, et par les fruits réels et circulants de leurs défrichements et de leur industrie; ils étaient nombreux dans cette maison, fondée à l’honneur de Dieu et pour le bien de l’Eglise. Qu’est-elle en ce moment? que sont devenus ses biens? la majeure partie est en commende, et l’autre pour des religieux qui ne sont plus ceux que le fondateur avait en vue dans un établissement dont il s’empresserait de demander aujourd’hui la conversion ou la suppression dans l’état ou nous le voyons. Je sais qu’il en est encore de ces saints monastères qui font la gloire de la religion, et j’aime à croire que l’Assemblée nationale, qui en a banni jusqu’au soupçon de la contrainte, par l’abolition des vœux solennels, réservera dans ses réglements ultérieurs tous ceux qui, en offrant un asile plus sûr à l’innocence et à la paix, ne seront qu’édifiants et utiles. Ce n’est pas sans doute de ceux-là dont je parle, et qui font le plus petit nombre, mais de tous ces ordres dont les abus démentent la fondation, et provoquent’cux-mêmes leur suppression. Il y en aurait autant à dire et plus encore de tous les bénéfices nouveaux qui tous méritent d’être supprimés, parce que tous ont dégénéré honteusement de leur forme ancienne et de primitive institution; mais ce serait comme temps perdu, soit parce que cette matière a été suffisamment discutée avant le décret du 2 novembre, soit parce que de pareilles réformes, qui n’annoncent que le bien ou la cessation du mal, sont dignes, par elles-mêmes, de l’approbation et mêmes des éloges des vrais amis de la religion et de l’Etat, Parlerai-je, Messieurs, des fondations modernes et mêmes anciennes, des unions et réunions des biens, soit des paroisses, soit des pauvres, en faveur de ceux que leur naissance avait comme dispensés de la vertu pour en recevoir les honneurs et la récompense? l’Assemblée nationale a déjà frappé d’anathème ces établissements aussi contraires à la Constitution, qu’aux volontés des fondateurs. Enfin, Messieurs, dans le nouvel ordre de choses, dans le plan de notre Constitution dont l’esprit régénérateur ne doit faire acception ni de choses ni de personnes, il serait bien étrange que l’Assemblée nationale qui, jusqu’ici, a fait céder en tout l’intérêt privé à l’intérêt public, qui a réformé des abus couverts de la plus longue possession en matière profane et civile, fût arrêtée et empêchée de faire le même bien et les mêmes réformes en matières ecclésiastiques: eh ! que serait notre Constitution? que deviendrai telle-avec des établissements qu feraient prévaloir les volontés particulières sur la volontégénérale ? On -a calomnié cette Assemblée, jusques dans ses intentions, sans la juger par ses décrets. On lui oppose les volontés des fondateurs, les volontés de ces hommes pieux dont la mémoire fait honte à ceux-là mêmes qui l’invoquent; ils osent même nous opposer la religion, cette religion sainte qu’on ne reconnaissait presque plus dans l’état nouveau de son régime extérieur et de ses ministres. La nation a voulu la rétablir dans son premier état et dans son premier lustre; elle a voulu qu’elle ne brillât désormais que de son premier éclat sans emprunter celui des richesses qu’elle condamne et condamnera toujours dans un temps, dans un lieu comme dans un autre: la fille a étouffé la mère , disait déjà Tertuilien, au second siècle de l’Eglise, Eli Ij que n’ont pas dit les Saints-Pères dans les siècles suivants contre les possessions et les sollicitudes agricoles des prêtres, et alors encore, il n’y avait ni bénéfices ni dîmes ; on était aussi bien loin des fiefs qui ont dans la suite tout défiguré; car ne cherchons pas d’autre cause à ces allégories des deux lumi-naireset desdeux glaives qui ont ébloui, jusqu’aux plus saints pontifes, dans les temps d’erreur, où ce n’était pas assez d’être roi ni même souverain pontife, si la suzeraineté féodale ne surmontait en même temps la couronne et la tiare même. Fallait-il donc, pour détruire ces vieilles et pitoyables maximes, n’employer, dans ce siècle de lumières et de bon sens, que les vaines armes du dialogue et de la controverse, comme de Cu-gnières, à Vincennes ; le Chevalier, dans le songe du verger, et nos théologiens, à Poissy (1) ? si les SS. Pères ont tonné, dès les premiers siècles, contre les simples possessions des ecclésiastiques, le moins qu’une nation libre et éclairée avait à faire contre les injustices et les abus dont ces possessions frappaient en France tous les yeux, et dans leur distribution et dans leur emploi, c’était de les proscrire en les remplaçant par un salaire; de quoi certainement se mettent peu en peine les vrais disciples d’un maître dont le royaume n’est pas de ce monde. Uniquement occupés de leur saint ministère, ils laissent à d’autres le soin des tables, et il faut en vérité avoir perdu l’esprit de l’état ecclésiastique, pour oser dire que l’Assemblée nationale en veut à la religion, parce qu’elle a mis de l’ordre, de la justice et l’ancienne et pure forme de l’Eglise, dans le nombre et la subsistance de ses ministres. Je passe au projet de décret. Art. 1er L’Assemblée nationale déclare que son décret du 2 novembre dernier, par lequel tou3 les biens ecclésiastiques ont été mis à la disposition de la nation, comprend, parmi ces biens, tous ceux qui dépendent des bénéfices, églises et chapelles dont le titre ou la fondation a été spiritualisée par l’autorité épiscopale, ou qui seraient devenus d’un usage général ,, public et libre, quoique la présentation de leurs titulaires ecclésiastiques, ou même la pleine collation, ait été (1) Ceux qui font honneur aux trois cents signataires, de leur plus grand zèle pour la religion catholique, ignorent que la motion de Dom Gerle, et que ce saint religieux se hâta de retirer, n’aurait jamais passé sans discussion. Eh ! qu’est-ce qu’une discussion, si ce n’est une dispute qu’on appelle controverse en matière de religion. Le premier et le plus sûr des inconvénients, parmi d’autres plus dangereux encore, qu’aurait eus cette disscussion, est le renvoi et peut-être l’oubli de notre Constitution, qu’il était si intéressant et si pressant de terminer pour le bien et la tranquillité du royaume. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [20 mai 1790.] accordée à leurs fondateurs et à leurs héritiers ou autres. Art. 2. La disposition de l’article précédent s’applique également à toutes fondations consacrées par la même autorité de l’Église, quelque soient les services religieux qu’elles aient imposées, et de quelques causes et conditions dont elles aient été accompagnées, même de celle qui porterait la révocation des choses données, dans le cas prévu des suppressions ou changements décrétés par l’Assemblée nationale, n’exceptant le présent décret que les fondations non spiritualisées et laïcales, justitiées telles par titre et possession. Art. 3. L’Assemblée nationale déclare aussi que, sans rien préjuger sur ce qui concerne l’ordre de Malte, à l’égard duquel il y a une motion ajournée, que le même décret du 2 novembre dernier, comprend, dans la disposition et sous l’expression de biens ecclésiastiques, tous les biens de l’ordre de Malte, situés en France, ainsi que les biens de l’Église ou des pauvres qui ont été unis à. d’autres ordres, corps ou collèges dans le royaume. Art. 4. En conséquence, l’Assemblée nationale déclare encore que les dispositions de son décret du 13 du même mois de novembre 1789, concernant la déclaration exacte de tous les biens ecclésiastiques par leurs possesseurs, s’appliquent et ont dû s’appliquer également aux biens des mêmes bénéfices en patronage laïque et à leurs titulaires, ainsi qu’aux biens de l’ordre de Malte, et à ceux d’autres ordres, corps ou collèges publics, et à tous leurs possesseurs. Art. 5. L’Assemblée nationale décrète qu’en exécution, tant des précédents articles que tous les autres qui forment constitutionnellement une représentation nouvelle du clergé, les assemblées de départements et de districts respectivement, se concerteront avec les évêques diocésains, pour l’acquittement des charges spirituelles, fondées et attachées aux biens dont l’administration a été confiée auxdites assemblées : à quoi il sera procédé de telle manière que l’on conserve de ces charges et fondations, toutes celles dont l’acquittement ou l’exécution tourne évidemment au plus grand bien de la religion, des mœurs et de la nation. Art. 5. L’Assemblée nationale se réserve de statuer prochainement sur les droits, concessions et régime des fabriques, où sera réglée la forme des dons et fondations pieuses à l’avenir -, elle se réserve aussi de statuer, au plus tôt, sur les établissements et corps séculiers ou réguliers dont l’unité, soit générale, soit particulière, demande ou exige la conservation. M. Je Président fait lecture d’ une lettre par laquelle M. Belain, procureur au présidial du Mans, faithommage à l’Assemblée d’un ouvrage intitulé : Projet d’ordre judiciaire. L’Assemblée l’accepte avec satisfaction. M. Houdet, député de Meaux, rend compte des obstacles apportés à la libre circulation des grains, à la vente et à l’achat aux marchés de Lagny-sur-Marne. Sur sa proposition, l’Assemblée rend le décret suivant : « L’Assemblée nationnale, informée des obstacles qui sont apportés aux libres circulations, ventes et achats de grains sur les marchés de Lagny-sur-Màrne, décrète qu’à la diligence du procureur de la commune, et à la requête du ministère public, les: auteurs et moteurs deces obstacles Série. T. XV. seront recherchés et punis suivant la rigueur des ordonnances, et que son président se retirera vers le roi pour le supplier de donner les ordres nécessaires pour le rétablissement de la police et du bon ordre sur les marchés de Lagny. » M. Gillet de Lajacqueminière rappelle que la municipalité de la ville de Joigny a demandé la permission de prélever une somme sur le montant de l’imposition supplétive de 1789 et de vendre par anticipation la coupe de 60 arpents de bois. Celte pétition a été renvoyée au comité des finances qui s’est occupé de cette affaire et! c’est avec l’approbation de cecomité qu’il propose le décret suivant, qui est adopté: « L’Assemblée nationnale, sur l’avis de son comité des finances, autorise la municipalité de Joigny à prélever une somme de 8,000 iiv. sur le produit de l’imposition supplétive des six derniers mois de 1789 dans ladite municipalité, à charge par ladite municipalité, si, lorsqull sera procédé-au partage du produit total de la susdite ccfcitri-bulion entre toutes les municipalités de la province dont elle faisait ci-devant partie, il était. établi par la liquidation générale que cette somme excède celle qui devra revenir à ladite municipalité, de verser sur-le-champ dans la caisse qui sera indiquée par le département, l’excèdent de ladite somme. « Ladite municipalité est aussi autorisée à vendre, par anticipation, une coupe ordinaire de 60 arpents de bois, à prendre dans la partie de sa forêt qui a été la plus endommagée par les dégâts qui y ont été commis depuis un an : « Pour ladite somme de 8,000 liv., ensemble le produit de la vente desdits bois, être employés dès ce moment en répartition de moins-imposé, travaux de charité, et autres dépenses aussi urgentes qu’indispensables, déterminées dans l’adresse et pétition de ladite municipalité, à charge par elle d’obtenir l’autorisation des assemblées administratives dont elle dépend et à leur justifier de l’emploi. » L’Assemblée reprend la suite de la discussion sur la question constitutionnelle du droit de guerre et de paix . M. le comte de LaGallsgonnfére. On vous aproposé de publier une proclamation pour manifester vos intentions pacifiques, renoncer à tout droit de conquêtes et annoncer à toutes les nations que vous ne porterez jamais atteinte ni à leur liberté ni à leur propriété. Si cette déclaration était effectivement proclamée, la question du droit de. guerre et de paix serait par là même résolue. Si la nation renonce à toute guerre offensive, elle n’a plus rien à déléguer, car on ne peut pas déléguer le droit de la nature, le droit de se défendre. La nation doit-elle faire cette déclaration comme principe constitutionnel ? Sans doute, il m’en coûte pour m’y opposer ; je le ferai cependant, intimement convaincu que les institutions humaines doivent être d’accord avec la raison. N’oublions pas que nos relations politiques s’étendent dans les quatre parties du monde. Aucun peuple sans doute n’imiterait notre exemple : il faut donc y renoncer, du moins quant à présent. Je passe à la question de savoir si la nation déléguera, ou au Corps législatif, ou au Toi le droit de faire la guerre et la paix. Tel est le problème qui nous reste à résoudre. Rien de plus dangereux, je le sais, que de mettre la vie et la fortune des hommes entre les mains d'un roi, assujetti cbm me 39