78 [Assemblée nationale.] (La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.) M. le Président lève la séance à trois heures et demie. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. THOURET. Séance du lundi 19 septembre 1791 (1). La séance est ouverte à neuf heures du matin. Un de MM. les secrétaires fait lecture du procès-verbal de la séance du samedi 17 septembre au soir, qui est adopté. M. d’André. Messieurs, vous aviez jugé à propos de ne pas fixer le jour où vous lèveriez votre session. Vous aviez pour cela dt s motifs asœz importants, et vous aviez pensé que le décret par lequel vous avez dit que les députés se rendraient à Paris, serait exécuté, et qu’en conséquence les électioi s devant, être faites, au plus tard le 5 de ce mois-ci., dans presque tout le royaume, les députés auraient été rendus du 10 au 15. Cependant le 19 est arrivé. Il n’y a encore que 240 députés inscrits aux archives, et je me suis informé des motifs de ce retard. On m’a dit que plusieurs députés, notamment des départements voisins, voulaient attendre que le jour fût fixé, afin de se rendre ici; et qu’eu conséquence, tant que lo jour ne serait pas déterminé, ils ne se hâteraient pas de se rendre à Paris. Il est cependant très important que les députés arrivent. Je pense donc que les motifs qui auraient pu retarder la fixation, doivent céder au motif plus important encore de faire arriver nos successeurs. Je demande donc, Monsieur le Président, que l'Assemblée décide que de vendredi en huit, 30 du mois, l’Assemblée nationale constituante cessera ses fonctions, et qu’a ujourd’hui une députation ira en faire part au roi. M. Camus. Je demande que l’Assemblée veuille bien inviter ses différents membres à écrire dans leurs départements te décret que nous allons rendre, parce qu’olficiellement U ne sera pas rendu tout à l’heure. M. d’André. Je demande, de plus, qu’il soit décrété que les officiers actuels de l’Assemblée ne seront plus changés. Voici mon projet de décret : « L’Assemblée nationale décrète que la législature présente finira le 30 septembre présent mois ; en conséquence, il sera nommé un certain nombre de députés pour aller dans le jour annoncer au roi ce déciet. « En outre, l’Assemblée décrète que les officiers actuels de l’Assemblée resteront en place jusqu'à la fin de la session, et que les députés préviendront leurs départements respectifs du présent décret. » (Ce décret est mis aux voix et adopté.) M. d’André. Je demande à faire une obser-(1) Cette séance est incomplète au Moniteur. [19 septembre 1191.] vation sur l’affaire de Mme Mabiily dont vous avez rejeté la pétition samedi soir. Messieurs, ce que vous n’avez point fait par une jusiiee rigoureuse, vous pouvez le faire par bienfaisance. La dame Mabiily est réduite à la plus affreuse misère. Tous les députés de Marseille, dont Mme Mabiily est citoyenm-', certifient la vérité de ce fait. Je demande donc que l’Assemblée nationale, d’après les considérations que vous a présentées le comité de la marine, veuille bien décréter pour elle, comme secours pris sur le fonds de bienfaisance, la somme que le comité demandait pour l’indemniser. Getie somme n’est pas très importante, c’est 5,0U0 livres, et retirerait de la misère une femme et des enfants en bas âge qui avaient un droit à la justice de la nation, puisque c’était l’agent de la nation qui les avait privés d’une fortune de 200,000 livres. Je ne pense pas que, dans ce moment-ci, où tous les Français doivent se livrer à l’aPégresse et à la joie de voir enfin la Constitution établie, vous puissiez fermer votre cœur à un sentiment aussi doux, aussi délicn ux que celui de la bienfaisance. M. Camus, rapporteur. Il en coûte extrêmement de s'opposer à une demande qui a la bienfaisance pour principe. Néanmoins if ne m’est pas possible d’adhérer à la demande de M. d’André. Je sais que M”e Mabiily est dans un grand besoin, mais je sais aussi et j’atteste à l’Assemblée qu’il y a plus de cent personnes qui sont venues au comité des pensions, qui sont dans la plus grande misère, qui ont les droits les mieux acquis à une pareille bienfaisance. Vous avez ordonné qu'il serait fait un fonds de 2 millions pour être distribué en portions de 1,000 livres, 500 livres, 200 livies et 150 livres, en faveur des personnes qui, ayant eu depuis longtemps des pensions, mais n’ayant aucun droit à conserver ces pensions, aura ent droit néanmoins à obtenir un secours. Vous avez fait ensuite un autre fonds de 2 millions destinés aux gratifications pour ceux qui auraient fait quelque grande découverte dans les arts. Ce fonds n’est point encore épuise, et vous n’avez accordé à qui que ce soit plus de 500 livres. Vous voyez qu’il n’y a aucun de ces fonds sur lesquels on puisse prendre une somme de 5,000 livres. D’après cela, l’Assemblée peut prononcer ce qu’elle jugera convenable. Je lui ai rendu compte des faits. M. Cliabrond. Qu’on passe à l’ordre du jour! (L’Assemblée, consultée, passe à l’ordre du jour sur la motion de M. d’André.) Un de MM. les secrétaires fait lecture du procès-verbal de la séance du samedi 17 septembre au matin. Un membre observe que le secrétaire est entré dans un trop grand détail sur les débats qui ont eu lieu à l’occasion du sieur Damiens, huissier, que le corps électoral de Paris s’était permis de faire arrêter. Un autre membre représente que ce détail est nécessaire pour informer et rendre les corps électoraux certains de leurs fonctions, et il demande que le procès-verbal subsiste tel qu’il est rédigé. (La proposition est mise aux voix, l’Assemblée décrète que le procès-verbal subsiste sans changement.) M. Moreau. Messieurs, vous avez décrété quq ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. les vacances des tribunaux commenceraient au lor septembre chaque année pour finir au 1er novembre (1); je demande qu’elles soient fixées du 15 septembre au 15 novembre, parce que dans beaucoup de pays les vendanges ne commencent qu’au 1er novembre ; c’est là une question de convenance pour les juges et pour les justiciables. Voici, en conséquence, comme je propose de modifier le 1er paragraphe de l’article 1er du décret que vous avez rendu avant hier à cet égard : « L’Assemblée nationale décrète que dans la suite les vacances des tribunaux seront de deux mois, à commencer du 15 septembre et finir le 15 novembre de chaque année. » (Cette disposition est mise aux voix et décrétée.) M. Gaultier-Blauzat. Messieurs, dans le décret rendu avant-hier, relativement au serment militaire (2) les officiers sont tenus de maintenir la Constitution, et les soldats de la défendre. Je demande que la dernière expression soit insérée dans l’une et l’autre formule. M. Prieur. J’ai une autre observation à présenter sur le même décret : il est dit dans le serment des soldats, qu’ils jurent de ne jamais abandonner les drapeaux. Je demande pourquoi les officiers ne sont pas soumis à la même obligation : les officiers ne sont que des soldats d’un grade supérieur; b s devoirs sont communs, et nous avons, Messieurs, des exemples récents d’officiers qui les ont transgressés, en abandonnant leur drapeau. Je demande donc que les obligations soient les mêmes pour eux que pour les soldats. ( Applaudissements dans les tribunes.) M. Emmery, rapporteur. Je répondrai d’abord à M. deBiauzal que le mot « maintenir » est employé dans le serment des officiers, parce que le devoir de l’officier n’est pas seulement de combattre, mais de diriger le combat. Quant au soldat, il n’a rien à faire que d’obéir aveuglément à celui qui le dirige. L’officier a à conduire, le soldat n’a qu’à défendre. Nous avons dit, d’un autre côté, que les soldats jureront de ne pas abandonner leur drapeau, car bien que l’officier soit tenu de remplir les mêmes engagements, il peut cependant obtenir des congés, il peut cesser de servir quand il veut. Le soldat contracte un engagement formel ; l’officier n'en contracte pas. Il n’y a donc pas de fondement dans les observations de M. Prieur. M. Prieur. Je demande à répondre. Voix nombreuses : L’ordre du jour ! (L’Assemblée décrète qu’elle passe à l’ordre du jour.) M. Prieur. Il est étonnant que l’on dise à l’Assemblée que l’officier n’a pas d’engagement! M. le Président fait donner lecture, par un de MM. les secrétaires, d’une lettre du ministre de la guerre ainsi conçue : « Paris, le 17 septembre 1791. « Monsieur le Président, « L’Assemblée nationale ayant annoncé sa sé-(1) Voir Archives parlementaires , tome XXX, séances des 16 et 17 septembre 1791, pages 714 et 738. (2) Voir Archives parlementaires , tome XXX, séance du 11 septembre 1791, page 754. [19 septembre 1791.] fg paration prochaine, je crois devoir mettre sous vos yeux le tableau des objets relatifs à l’armé ■, sur lesquels il est instant de prononcer, savoir : le bureau de la guerre, les dépenses de casernement, les étapes et congés militaires, le mode d’admission aux emplois d’officiers, le Gode pénal, les troupes des colonies. Il est d’autant plus nécessaire que l’Assemblée nationale s’occupe incessamment d’organiser ces différentes parties, que l’Administration est arrêtée à chaque pas, faute de lois précises. On suit bien, à quelques égards, les anciennes lois, mais leur discordance avec les nouvelles font naître des embarras continuels, dont l’Administration et la discipline souffrent également. « Ge défaut des lois, entre autres sur le casernement, entraîne des réclamations générales, et de la part des corps administratifs, et de la pal des troupes qui, n’ayant rien reçu depuis le 1er janvier pour leur logement, n’ont pu le paye:*. Je ne puis donc que prier l’Assemblée nationale de prononcer le plus tôt possible sur les différents objets qui intéressent également l’ordre public et la marche de l’Administration. » « Je suis, etc. « Signé : DüPORTAIL. » (L’Assemblée ordonne le renvoi de cette lettre au comité militaire, pour proposer ses vues dans le plus court délai.) M. Chabroud. Messieurs, la proposition que vous fait le ministre me rappelle une chose qui est convtnue au comité militaire, qu’il est très nécessaire de décréter. J’ai entendu dire, et avec quelque raison, que les services contiennent trop de gens habitués à la routine de l’ancien régime pour ne pas avoir besoin d’une réforme. Ges personnes contrarient souvent les opérations du pouvoir exécutif et nuisent à l’achèvement des etablissements de la Constitution. Rien n’est plus vrai que cela, et voilà le moyen d’y reméd er. Le ministre delà guerre a fait part au comité militaire qu’une retenue de 80,000 livres sur les 500,000 alloués aux dépenses de ces bureaux, retenue consentie par les employés eux-mêmes, fournirait aux retraites qu’exigera cette nouvelle réforme. Il ne demande pour cela que l’autorisation de l’Assemblée : peut-être n’est-elle pas nécessaire, puisqu’il ne s’agit pas d’une dépense nouvelle. Eu effet, vous avez assigné au département de la guerre une somme de 500,000 livres ; cette somme est distribuée graduellement enire les divers commis qui y sont employés. Il serait nécessaire, pour arriver à une meilleure composition, de donner aux ministres un moyen de composer leurs bureaux, et cependant de ne pas commettre l’inhumanité dp laisser sans moyens de subsistance des hommes qui ont longtemps travaillé. D’après cela, il avait été résolu qu’on proposerait à l’Assemblée d’autoriser le ministre de la guerre à disposer, sur la somme qui lui est allouée pour la dépense de ses bureaux, d’une somme de 80,000 livres pour être employée en retraites. Je propose à l’Assemblée de le décréter uès à présent, et c’est ainsi que l’on parviendra à avoir une bonne composition de bureaux. M. de Ea Rochefoucauld. Messieurs, je pense dans le fond comme M. Cliabroud. Je crois cette disposition-là très raisonnable, mais je ne pense pas que vous deviez fqire une disposition particulière pour le département de la guerre. Je