72 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE Avec cette nouvelle mesure la formalité nécessaire peut être remplie sur le champ et en tout temps; le militaire peut réunir dans un instant tout ce qui lui est nécessaire pour faire liquider sa pension. Si la Convention nationale adopte cette nouvelle forme de certificats, dont l’expérience nous a prouvé la nécessité, elle s’empressera sans doute de valider tous ceux qui en réunissent les conditions, et qui sont actuellement produits à la commission des secours. Il importe d’accélérer autant qu’il est en nous le moment de soulager nos frères, d’assurer leur sort et de leur faciliter ainsi les moyens de rentrer promptement dans le sein de leurs familles. Les articles de la loi que le comité vous présente rempliront parfaitement ce but; ce sera sans doute satisfaire au voeu de la Convention de lui proposer tous les 10 jours le travail qui a été fait pendant la décade pour les pensions des militaires blessés et des veuves (1). Un membre [Charles POTTIER], au nom du comité de liquidation et des pensions, propose un projet de décret qui est adopté dans les termes suivans : La Convention nationale, sur le rapport de son comité de liquidation, décrète : ART. I. Les militaires estropiés dans les combats, ou mis hors d’état de continuer leur service, soit par suite de leurs blessures, soit par des infirmités contractées dans l’exercice de leurs fonctions, qui, par le décret du 6 juin 1793 (vieux style), ont droit à des pensions, et dont les cas ne se trou-veroient pas expréssement prévus et exprimés dans les différens articles de cette loi, seront traités d’après la gravité de leurs blessures ou de leurs infirmités, en distinguant les cas où ces militaires seront mis hors d’état de pourvoir à leur subsistance, de ceux où ils seroient seulement hors d’état de continuer le service militaire. ART. II. Ces pensions, proposées par la commission des secours, seront liquidées par le comité de liquidation, et décrétées par la Convention nationale, sur les rapports paticuliers qui lui en seront faits. ART. III. L’augmentation d’un tiers sur les récompenses accordées aux défenseurs de la patrie blessés en combattant pour elle, fixée par l’article III du décret du 5 nivôse, est applicable aux soldats et sous-officiers seulement que des infirmités contractées par l’exercice de leurs fonctions mettent hors d’état de continuer leur service. ART. IV. Cette augmentation aura également lieu pour les soldats et sous-officiers seulement, qui, par des blessures ou des infirmités contractées par l’exercice de leurs fonctions, sont forcés de se retirer, et qui, ayant plus de 30 ans de service, ont droit à des pensions susceptibles d’être liquidées d’après les bases déterminées par la loi du 22 août 1790, pourvu néanmoins que leurs blessures ou leurs infirmités soient surve-(1) B‘n, 29 therm. nues pendant leur service dans la guerre entreprise pour la cause de la liberté. ART. V. Les pensions des militaires blessés seront liquidées à l’avenir sur 2 certificats : L’un, de l’officier de santé de l’armée, visé par un officier de l’état-major ou par un commandant, ou de l’officier de santé de l’hôpital dans lequel le militaire aura été transporté et soigné, visé par la municipalité du lieu, ou par un directeur de l’hôpital; L’autre, donné, ou par le conseil d’administration du bataillon, ou par un officier général, ou par 10 frères d’armes; lequel certificat attestera l’époque et la cause de la blessure ou de l’infirmité. ART. VI. Cette disposition aura son effet pour ceux des militaires blessés ou infirmes, dont les pensions ne sont pas encore liquidées, et dont les certificats sont produits dans les formes exprimées dans l’article précédent. ART. VII. Le comité chargé de la liquidation des pensions des militaires blessés ou infirmes, et des veuves, présentera, tous les 10 jours, à la Convention nationale le travail fait pendant la décade (1). 28 Un membre [BERLIER], au nom du comité de législation, fait un rapport sur l’organisation des comités; la discussion du projet de décret qu’il présente est ajournée à demain (2). BERLIER monte à la tribune et reproduit à la discussion le projet de décret sur l’organisation du gouvernement. Plusieurs membres font observer que l’on n’a pas eu le temps de le méditer parce qu’il vient d’être distribué, et en demandent l’ajournement à demain. L’ajournement est décrété (3). 29 Un secrétaire fait lecture d’une pétition de la commune de Vénizy, département de l’Yonne. Un membre [JEANNEST] (4) convertit la demande de cette commune en motion; sur (1) P. V. , XLIII, 222-224. Rapport de Ch. Pottier. Décret n° 10 397. Reproduit dans B‘n, 29 therm. Moniteur (réimpr.), XXI, 498; Débats, n° 693, 477-478; M.U., XLII, 444-445; J. univ., n° 1726; F.S.P., n° 406; Audit, nat., n°691; J. Mont., n° 107; J. Fr., n° 690; J. Paris, n° 592; J. Perlet, n° 692. (2) P.V., XLIII, 224. Décret n° 10 396. Rapporteur Ruelle, d’après C* II 20, p. 253. (3) Moniteur (réimpr.), XXI, 498; J. S. -Culottes , n°547; J. Perlet, n°691; F.S.P., n° 406; J. Sablier, n° 1500; C.Eg., n° 726; J. Fr. , n° 690; J. Mont. , n° 107; Rép. , n° 238; Ann. R.F. , n° 256; Débats, n° 694, 489; Audit, nat., n° 690; J. Paris, n° 592; mentionné par J. univ. , n° 1726. (4) Jeannest [La Noüe] l’aîné (Pierre-Edme-Nicolas), 3e suppléant de l’Yonne. Siège depuis le 9 frimaire an II. SÉANCE DU 27 THERMIDOR AN II (14 AOÛT 1794) - N°s 28-30 73 quoi la Convention rend le décret suivant : La convention nationale, sur la pétition de la commune de Vénizy, département de l’Yonne, convertie en motion par un membre, décrète le renvoi de cette pétition au comité des domaines, et le sursis jusqu’au rapport, à l’expédition du jugement du tribunal du district de Mont-Armance, qui condamne cette commune en 2 000 liv. d’amende (1). 30 En exécution du décret prononcé dans la présente séance, portant renvoi au comité de salut public de la lettre du citoyen James Monroe, ministre plénipotentiaire des Etats-Unis de l’Amérique, Un membre de ce comité [ESCHASSE-RIAUX aîné] monte à la tribune et fait un rapport sur le mode d’admission de ce ministre plénipotentiaire; il donne lecture de ses lettres de créance (2). ESCHASSÉRIAUX : Citoyens, le ministre d’un peuple libre se présente devant vous et vous demande de faire reconnaître son caractère auprès de la nation française. Vous avez renvoyé à votre comité de salut public pour vous présenter ses idées sur le mode de le recevoir. Citoyens, nous n’avons trouvé d’autre mode que celui de l’amitié et de la fraternité, qui est le caractère d’une nation libre. La chute du trône du tyran a entraîné dans ses décombres la vieille diplomatie et la tradition de toutes ces cérémonies, ridiculement fastueuses, qu’avoit inventées l’orgueil des courtisans : la véritable diplomatie des peuples est dans leur défense réciproque et dans les communications et les bienfaits du commerce. Laissons les despotes mettre toute leur gloire et leur grandeur dans une vaine représentation. La majesté d’un peuple libre est simple et fière comme la liberté. Le premier aspect qui se présentoit autrefois à un ministre étranger envoyé en France étoit une cour corrompue et d’orgueilleux esclaves : il étoit environné aussitôt de tout ce qui rampoit aux pieds du maître. Un tyran caressoit en sa personne l’orgueil d’un autre tyran. L’amitié, la franchise, un peuple libre et ses représentans, voilà le spectacle que nous devons offrir au plénipotentiaire des Etats-Unis de l’Amérique. Une place publique où étoient les citoyens, le temple des lois où siégeoit le sénat, étoient les endroits où l’on recevoit les ambassadeurs chez un grand peuple : telles doivent être nos idées républicaines sur l’admission d’un ministre. C’est en vain que les despotes se coalisent; un pacte d’amitié et de puissance va commencer entre les peuples libres; la fraternité va se rapprocher pour le bonheur du monde. Que le ministre des Etats-Unis vienne donc jurer au milieu des représentans de la nation française la confirmation de cette alliance fraternelle qui doit faire triompher la liberté; qu’il soit admis (1) P.V., XLIII, 224-225. Rapport signé de Jeannest. Décret n° 10 399. M.U., XLII, 461. (2) P. V. , XLIII, 225. au milieu de nous comme un ami; que toute orgueilleuse cérémonie disparoisse dans un moment où les âmes de deux peuples républicains se correspondent et s’unissent; que l’amitié soit le seul introducteur; qu’au sein de la Convention nationale, après avoir exposé sa mission, il reçoive du président l’expression des sentimens fraternels de la nation française et du désir de former une alliance qui soit le commencement de l’affranchissement du genre humain. Voilà, citoyens, ce que votre comité de salut public vous propose (1). [Vifs applaudissements ] On demande une nouvelle lecture de la lettre du ministre plénipotentiaire; elle est relue, on en ordonne l’insertion au bulletin. ESCHASSÉRIAUX donne ensuite lecture de la lettre de créance du président des Etats-Unis. On en demande également l’insertion au bulletin; on observe que ce ministre doit présenter lui-même cette pièce à la Convention (2). MATHIEU propose d’ajouter que le rapport d’Eschassériaux sera inséré dans ce procès-verbal. - Adopté. On demande ensuite que le jour et l’heure de l’admission du ministre des Etats-Unis soit fixée (3). Sur ce rapport, la Convention nationale décrète : ART. I. Le ministre plénipotentiaire des Etats-Unis sera introduit au sein de la Convention nationale; il présentera l’objet de sa mission : le président lui donnera l’accolade fraternelle, en signe de l’amitié qui unit le peuple américain et le peuple français. ART. IL Le président de la Convention écrira au président du Congrès américain, en lui envoyant le procès-verbal de la séance. Ensuite, sur la proposition faite de fixer le jour et l’heure de l’admission du ministre plénipotentiaire des Etats-Unis, La Convention nationale décrète que le ministre plénipotentiaire des Etats-Unis de l’Amérique sera admis au sein de la Convention demain à deux heures (4). [ Vifs applaudissements ] La séance est levée à 4 heures et demie (5). Signé, Mollevaut, Delecloy, Delaunay, Poisson, Derazey. (1) B ", 27 therm; Moniteur (réimpr.), XXI, 496; Débats , n° 694, 488-489. (2) F.S.P. , n° 406; J. Fr., n° 690; Rép. , n° 238; J. univ. , n° 1726. (3) Rép. , n° 238; Audit, nat. , n° 690. (4) P.V. , XLIII, 225. Décret n° 10 400 (portant que le ministre plénipotentiaire des Etats-Unis sera introduit à la Convention), rapporteur : Eschassériaux l’aîné. Décret n° 10 401 (précisant l’heure), rapporteur : Le Vasseur (de la Meurthe). Reproduit dans Bm , 27 therm.; Moniteur (réimpr.), XXI, 496; Débats, n° 693, 482; J. Fr., n° 689; J. Mont., n° 107; J. Sablier, n° 1500; Ann. patr. , n° DXCI; J. Perlet, n08 691, 692; C. Eg., n° 726; J. Paris, n° 592; Ann. R.F., n° 256. (5) P.V., XLIII, 225. P.-V. rédigé en exécution du décret du 3 brumaire an IV. Voir Arch. Pari, t. XCIII, fin de la séance du 2 thermidor, p. 372.