145 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [23 septembre 1790.] M. Fréteau propose, dans l'article 82, devenu Je 78e, de substituer aux mots : Il sera libre au curateur, ceux-ci : Le curateur sera tenu. Cet amendement est adopté et l’article est décrété dans les termes ci-dessous : « Art. 78. Lorsqu’un accusé n’aura pu être arrêté et constitué prisonnier en conséquence du rapport du juré de la plainte, le commissaire-auditeur requerra du commandant militaire, qu’il nomme un curateur à l’accusé absent, parmi les militaires de son grade ou de son état, ce que le commandant sera tenu de faire. Le curateur ainsi nommé sera tenu de prendre un conseil. » M. Emmery, rapporteur, lit les articles 83 à 94 devenus 79 à 90. Ces articles sont adoptés, sans discussion, ainsi qu’il suit : « Art. 79. La procédure s’instruira avec le curateur comme elle se fût instruite avec l’accusé en personne ; les dires et déclarations des témoins seront insérés tout au long dans le procès-verbal. Les juges et les jurés redoubleront d’attention, lorsqu’ils auront à prononcer sur le sort d’un homme qui ne se défend pas lui-même. « Art. 80. Si l’accusé absent est arrêté ou s’il se constitue volontairement prisonnier dans le cours de l’instruction, elle sera recommencée avec lui; et tout ce qui aura été fait avec son curateur, sera répuié non-avenu. « Art. 81. Si l’accusé fugitif est condamné à des peines afflictives ou infamantes, la sentence sera exécutée en effigie : néanmoins, l’accusé sera toujours admis à faire valoir ses moyens de défense et sa justification, au cas qu’il soit arrêté, ou qu’il se représente volontairement dans quelque temps que ce soit. « Ait. 82. Les fauteurs et complices d’un délit militaire, encore qu’ils ne soient pas gens de guerre, pourront être poursuivis par devant la cour martiale conjointement avec l’homme de guerre, accusé d’être le principal auteur du délit; mais, dans tout autre cas, ils ne pourront être traduits et jugés que dans les tribunaux ordinaires. « Art. 83. Lorsque la plainte contre un particulier non militaire sera liée à celle portée contre un militaire, l’instruction aura lieu suivant les règles ci-dessus prescrites, sauf les exceptions qui vont être déterminées. « Art. 84. Le juré de la plainte sera composé de dix-huit personnes, dont neuf seront prises parmi les jurés civils, et, à leur défaut, parmi les notables habitants du lieu, à la désignation du magistrat civil. « Art. 85. Les dix-huit jurés voteront concurremment sur le mérite de la plainte portée tant contre le militaire accusé que contre son coaccusé non militaire, et, pour qu’il y ait lieu à accusation, il faudra la réunion de douze voix contre six. « Art. 86. Le juré du jugement sera pareillement composé de dix-huit personnes;. en conséquence, au tableau des jurés militaires il sera joint une huitième colonne composée de trente-six jurés civils, ou, à leur défaut, d’autant de notables habitants du lieu, non militaires, à la désignation du magistrat civil. Cette dernière colonne sera réduite, comme les autres, à neuf personnes, par les récusations ou par la voie du sort. « Art. 87. Les récusations dans chacune des huit colonnes se feront alternativement par le militaire accusé, et par le coaccusé non militaire, suivant ce qui est prescrit par la seconde 1™ SERIE. T. XIX. partie de l’article 26 du présent décret. S’il y a plusieurs coaccusés non militaires, on observera à leur égard les règles prescrites par les articles 25 et 26 du présent décret, par rapport aux coaccusés militaires, en telle sorte que le droit de récusation appartenant à chaque coaccusé soit pleinement respecté, et que néanmoins le juré du jugement soit réduit à dix-buit personnes, dont neuf de chaque état. « Art. 88. Les dix-huit jurés du jugement voteront concurremment pour décharger ou pour condamner, tant les militaires accusés que leurs co-accusés non militaires; et fa réunion des sept neuvièmes des suffrages, faisant 14 sur 18, sera nécessaire pour prononcer contre chacun des accusés. <' Art. 89. Les délits militaires qui n’auront pas été dénoncés et poursuivis dans l’espace de dix ans, à compter du jour qu’ils auront été commis, ou dont la poursuite, après avoir été commencée, aura été suspendue pendant le même espace de temps, seront prescrits, et ne pourront plus être l’objet ni d’aucune plainte, ni d’aucun jugement. « Art. 90. En attendant le décret par lequel l’Assemblée nationale se propose de définir les délits militaires, et de déterminer la nature des peines dont ils pourront être punis, les ordonnances actuellement existantes sur cette matière seront provisoirement suivies et observées, en tout ce qui n’est pas contraire aux dispositions du présent décret. » M. le Président lève la séance à trois heures. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. BUREAUX DE PUSY. Séance du jeudi 23 septembre 1790, au matin (1). La séance est ouverte à neuf heures du matin. M. droupilleau, secrétaire , donne lecture du procès-verbal de la séance du 21 septembre au matin. Ce procès-verbal est adopté. Un autre de MM. les secrétaires, fait lecture du procès-verbal de la séance d’hier. M. Dupont (de Nemours) demande la parole sur ce procès-verbal. M. Dupont. Le décret rendu hier pour ordonner la continuation de la perception des droits d’aides sur les vendanges, pourrait peut-être inquiéter les peuples, si l’Assemblée ne manifestait point son opinion plus clairement. Je demande donc qu’il soit ajouté à l’article que l’Assemblée nationale statuera incessamment sur le mode des contributions. M. Martineau. Le droit qui excite le plus d’indignation parmi le peuple, celui qui amènera peut-être, je le dis avec peine, des insurrections, est le droit connu sous le nom de droit réservé ou don gratuit. Avant d’avoir du vin, le vigneron a (1) Cette séance est incomplète au Moniteur. 10 [Assemblée nationale» ARCHIVES PARI à nourrir les vendangeurs, à fournir aux frais de transport et de façon à se pourvoir de tonneaux, et il est obligé, en outre, à avancer un droit réservé qu’on doit lui rendre s’il vend en gros. Enfin, il n’est pas de pillage et de vexation que n’éprouve le vigneron ; c’est au point que le receveur des aides de Yilleneuve-le-Roi a fait pour douze mille livres de faux billets. Il en a été convaincu : il a été forcé de l’avouer ; et j’observe que ce commis n’a pas été pendu. Je demande que l’Assemblée prenne des dispositions pour tranquilliser le peuple sur cet objet. M. Gillet-Lajacquenifnière. Chez moi on percevait 30 sols par barrique et on rendait 24 sols quand elle était vendue en gros. Je représentai aux receveurs combien cet impôt était onéreux au peuple : ils en convinrent. Je leur proposai d’abonner à 5 sols qui ne seraient restituables en aucun cas : ils y consentirent et cet abonnement a eu lieu depuis. Je demande qu’un pareil abonnement soit proposé provisoirement aux fermiers. M-l’abbé Aubert, cuvé de Couvignon. L’insurrection est infaillible surtout dans la campagne où le peuple n’a pris patience que dans l’espoir de voir supprimer les aides à la fin de cette année. Je supplie l’Assemblée de prendre promptement un parti à ce sujet. M. Dillon, curé du Vieux-Pouzanges. Il n’est pas possible que les campagnes puissent payer un droit aussi accablant. Il y a eu des années, lorsque la récolte a été abondante, où cet impôt a produit autant que la taille. Comment veut-on que les campagnes puissent y résister et payer un droit sur une denrée, dont quelquefois on ne retire pas un sou ? M. Vernier dit que lecomitédes finances consent à insérer dans le décret, les mots : jusqu'à ce qu’il ait été autrement statué. (Cette disposition additionnelle est mise aux voix et adoptée.) : Il est fait lecture d’une adresse de M. Cailleau, Ijbraire-imprimeur de l’Université de Paris, dans laquelle jl fait hommage à l’Assemblée nationale d’un exemplaire d’un ouvrage intitulé : Dictionnaire bibliographique, historique et critique des livres rares , précieux, singuliers , curieux , estimés et recherchés , soit manuscrits , soit imprimés , en trois volumes in-8°. U’Assemblée ordonne qu’il sera fait mention dans son procès-verbal de l’offre patriotique que M. Cailleau fait d’un ouvrage qui est le fruit d’un travail de trente ans, et que les savants et curieux ont justement honoré de leur approbation et de leur suffrage. M. Bouche, membre du comité des décrets, expose que l’Assemblée nationale a décrété, le 8 mai dernier, que les membres de l’Assemblée nationale actuelle ne pourront être nommés par le roi pour remplir les fonctions de commissaires du roi dans les tribunaux de justice, que quatre ans après la clôture de la présente session ; et ceux des législatures suivantes, que deux ans après la clôture des sessions respectives. Il fait observer que ce décret constitutionnel, de la sévérité duquel les membres de l’Assemblée nationale devaient s’enorgueillir, a été omis dans les proclaïuaUQns des 24 août et 11 septembre EMENTAIRES. [23 septembre 1790.] derniers; qu’il doit être exécuté ; et il demande, en conséquence, que l’Assemblée nationale veuille bien décréter cette exécution dans les termes suivants. '< L’Assemblée nationale, s’étant fait représenter le décret constitutionnel du 8 mai dernier, portant que les membres de l'Assemblée nationale actuelle ne pourront être nommés par le roi pour remplirles fonctions de commissaires du roi dans les tribunaux de justice, que quatre ans après la clôture de la présente session ; et ceux des législatures suivantes, que deux ans après la clôture des sessions respectives : >< Considérant que ce décret, omis dans les proclamations des 24 août et 4 septembre, a été rendu pour faire suite à l’organisation judiciaire, décrète qu’il sera, dans le jour, présenté à l’acceptation du roi. « Décrète, en outre, que son président est chargé de supplier Sa Majesté de révoquer toutes les nominations aux places de ses commissaires dans les tribunaux de justice, qui seraient contraires au décret ci-dessus du 8 mai dernier. » (Le projet de décret présenté par M. Bouche est mis aux voix et adopté.) M. Vernier, rapporteur du comité des finances , propose un projet de décret sur les abonnements de régie à Saint-Lô, qui est adopté en ces termes: «Sur le rapport fait à l’Assemblée nationale par son comité des finances : «1° Des abonnements arrêtés les 5 et 19aoûtder~ nier, entre les directeurs et préposés de la régie générale, les officiers municipaux, le procureur de la commune de Saint-Lô, les marchands bouchers de ladite ville, pour le payement des droits qui y sont établis en remplacement de la taille; 2° Des avis du directoire du district de Saint-Lô, des 26 août et 1er septembre, et de celui du directoire du département de lu Manche, du 11 de ce mois, desquels il résulte que lesdits abonnements sont avantageux au public et à l’administration, il a été rendu le décret suivant : « L’Assemblée nationale décrète que lesdits abonnements seront exécutés provisoirement dans toutes leurs dispositions, jusqu’au premier janvier prochain. » M. Alexandre de Lameth, au nom du comité militaire, propose les articles suivants additionnels au décret sur le mode d'avancement dans l'armée : TITRE PREMIER. DU REMPLACEMENT. « Art, 10. Le grade de major étant supprimé dans la nouvelle organisation, les majors prendront le grade de lieutenant-colonel. « Ne pourront cependant les majors titulaires et ceux par brevet, prendre rang qu’après les lieutenants-colonels titulaires pour le commandement dans les régiments ; mais ils prendront leur rang d’ancienneté dans la colonne des lieutenants-colonels pour l’avancement aux places de colonels, en comptant deux années de major pour une de lieutenant-colonel. « Art. 15. Les officiers de tous grades et de toutes les armes, actuellement en activité, réformés par la nouvelle organisation, conserveront jusqu’à leur remplacement dans leur grade, la moitié des appointements dont ils jouissent en ce