412 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [22 juin 1791.] MM. D’Albert de Luynes. Rochechouart. Raclet-Mercy. Prudhomme de Keraugon. D’Ambly-d’Ambly. M. Fréteau-Saint-Just. On a arrêté les courriers que les ambassadeurs étrangers à Paris envoyaient à leurs cours respectives. Il o’est pas possible de retarder leurs départs et il est très important que les cours étrangères soit officiellement instruites des événements qui viennent de se passer et ne reçoivent que des nouvelles exactes. Je demande donc, au nom du comité dip!omatique, que M. le président soit autorisé à délivrer des laissez-passer aux courriers qui pourraient être expédiés aux cours étrangères. (Cette proposition est adoptée.) M. Iiucas. Je demande qu’on imprime la liste des officiers qui ont prêté le serment. (La proposition est repoussée.) M. Defermon. L’Assemblée vient de charger des commissaires pris dans son sein de se rendre dans les départements qu’elle leur a indiqués. Cette mesure en entraîne nécessairement une autre. C’est par l’union, par le concours des efforts de tous les membres qui la composent, que l’Assemblée parviendra à maintenir autour d’elle la confiance et la tranquillité publique. Il est important qu’un appel nominal fasse connaître à l’Assemblée le nom des membres que l’esprit de malveillance ou des intentions mauvaises tiennent éloignés d'elle. Je propose, en conséquence, le projet de décret suivant : « L’Assemblée nationale décrète qu’il ne sera donné aucun congé à ses membres, jusqu’à ce qu’il en ait été autrement ordonné; « Que tous ceux qui sont absents par congé ou autrement, reviendront sans délai reprendre leurs fonctions, et qu’il sera fait, le 12 juillet prochain, un appel nominal. » (Ce décret est adopté.) M. d’Ambly. Je suis très sujet à la goutte. Je vous avoue qu’il serait cruel pour moi si... Plusieurs membres : On ne se méfie pas de vous. M. le Président. Il est bien entendu que l’Assemblée nationale se réserve toujours le droit d’envoyer des commissaires dans toutes les parties du royaume, comme de donner des permission à ceux des membres que leur santé, leur âge ou leurs infirmités mettraient dans le cas de s’absenter. {Oui! oui!) M. le Président. Messieurs, il est si important pour la tranquillité du royaume que l’état actuel de la capitale soit connu, même dans ses détails, que je prie l’Assemblée nationale de vouloir bien faire attention à la lecture qui va lui être faite par un de MM. les secrétaires. Un de MM. les secrétaires donne lecture d’une lettre de M. Bailly, maire de Paris, ainsi conçue : « Paris, le 21 juin 1791, au soir. « Monsieur le Président, « La municipalité de Paris, constamment occupée du maintien de la tranquillité publique, et heureuse de l’union qui existe entre tous les bons citoyens, n’a pas perdu de vue un seul instant l’administrat ion qui lui est confiée. « J’ai l’honneur de vous envoyer en son nom, l’état des adjudications définitives de biens nationaux qui ont eu lieu aujourd’hui. {Vifs ap ■ plaudissemen ts . ) « 1° Une maison rue du Sentier, n° 25, provenant du prieuré de Saint-Leu, louée 3,400 livres, estimée 60,370 livres, adjugée 90,200 livres. « 2° Une maison, cloître Saint-Merrv, provenant du ci-devant chapitre Saint-Merry, louée 1,898 livres, estimée 33,500 livres, adjugée 50,100 livres. « 3° Une maison, cloître Saint-Honoré, provenant du chapitre Saint-Honoré, louée 1,230 livres, estimée 28,700 livres, adjugée 44,900 livres. » {Applaudissements.) M. Barrère de Aieuzac. Messieurs, le département de Paris a cru devoir prendre les mesures les plus promptes pour la conservation de tous les effets qui sont au château des Tuileries ; vous devez prendre aujourd’hui les mêmes précautions pour les propriétés mobilières et immobilières qui dépendent de la liste civile. Yoici le projet de décret que je propose : « L’Assemblée nationale décrète que l�s directoires des départements, dans l’étendue desquels sont situés les maisons et bâtiments compris dans la liste civile, en vertu du décret du 26 mai dernier, feront apposer sur-le-champ les scellés dans ces maisons et bâtiments. « Ordonne que les directoires des départements et des districts s’occuperont de l’administration des domaines et fonds de terre compris dans la liste civile, et feront surveiller la garde et la conservation des bois et forêts qui en font partie, et ce, jusqu’à l’organisation de l’administration forestière. » (Ce décret est mis aux voix et adopté.) M. de Bony d’Arsy. Je me suis trouvé hier à Senlis, à 11 heures du soir. La municipalité de cette ville, près de laquelle j’ai été conduit, m’a chargé de remettre deux paquets à l’Assemblée nationale. L’un de ces paquets contient deux lettres que celte municipalité a cru devoir saisir et qui se trouvaient dans la poche d’un M. Erhard, médecin du roi, qui allait de Paris à Bruxelles. L’une de ces lettres, à ce que m’a dit la municipalité, e?t adressée à Mma de Vaudemont, et l’autre à un homme qui logeait chez elle. La municipalité de Senlis a cru devoir respecter les décrets de l’Assemblée nationale et le sceau des lettres; elle résolut de les loi faire parvenir et, en qualité de membre de l’ Assemblée, elle me requit de m’en charger. J’ai exigé qu’elle remit les lettres sous un autre cachet, ce qui fut fait, et elle y joignit une lettre à M. le président. Je puis rendre compte à l’Assemblée, que, pendant tonte la nuit, le service s’est fait sur cette route avec une ponctualité digne de tous b s éloges. J’ajoute même que cette route, conduisant à Compiègne et en Flandre, j’ai cru devoir prendre toutes sortes de renseignements sur les personnes qui avaient passé, et je me suis fait représenter, dans différentes municipalités, l’état de tous les courriers qui avaient passé depuis le grand matin. J’ai parlé à plusieurs postillons que j’ai fait venir. 11 m’a été rendu compte de ceci : Il est passé, sur les 4 à 5 heures, à Senlis (et j’ai parlé avec deux postillons qui ont conduit), [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [22 juin 179i.] d’abord une diligence dans laquelle il y avait un seul homme, un homme était devant et un autre derrière. L’homme qui était dedans j ai aissait se cacher; elle était suivie à très peu de distance d’une mauvaise chaise de poste, dans laquelle il y avait un individu. Devant cette voiture courait un homme qui avait l’air d’être un homme au-dessus de la classe commune. Peu de temps après, suivait une berline à 6 chevaux, dans laquelle il y avait une femme sur le devant, un enfant à côté d’elle et deux hommes sur le derrière; il y avait aussi deux courriers qui paraissaient aussi gens au-dessus de cet état. J’ai questionné le postillon pour savoir si on l’avait pressé d’aller vite. Les courriers ne cessaient de le presser. Les guides ont été bien payés. 11 restait un compte. Le postillon s’est approché de la portière et a demandé au maître de la voiture de lui laisser le reste du compte. Alors cet individu a baissé la glace et lui a dit de le garder. Je lui ai demandé s’il l’avait distingué. Il m’a dit que c’était un gros hommebrun.il aperçut à côté de cet homme un autre individu de stature à peu près égale, mais il ne put lui parler, ni le reconnaître. Voilà les renseignements que j’ai cru devoir communiquer à l’Assemblée. ( Mouvement prolongé.) (L’Assemblée ordonne le renvoi au comité des recherches des lettres adressées par la munici» palité de Senlis.) M. de Sinéty, Messieurs, la patrie est menacée, mais la nation triomphera de tous les obstacles par son énergie et par son courage, et surtout par le patriotisme éclairé de tous les citoyens pour la défense de la liberté et de la Constitution. Toutefois, Messieurs, les Français vont être dans la nécessité de déployer de grandes forces qui exigeront des dépenses extraordinaires. Vous jugez, sans doute, combien il est pressant d’y pourvoir. Il faut donc accélérer, par des opérations promptes, les recouvrements des contributions publiques que tous les citoyens s’empresseront de payer. Celles qui sont arriérées doivent être d’une facile perception; et ce serait faire injure à des Français que de paraître douter de leur civisme. J’ai, en conséquence, quelques articles à vous présenter, si vous le permettez. M. Pierre Dedelay (ci-devant Delley d'Agier). Je suis chargé par diverses municipalités de la ci-devant province du Dauphiné de solliciter un décret semblable à celui qu’on vous propose dans ce moment-ci. Tous les citoyens sont disposés à payer; ils n’attendent que la permission de donner des acomptes; ils sont prêts à faire les plus grands sacrifices pour le service de la patrie. . M. Danchy, au nom du comité d'imposition. J’observe à l’Assemblée que le comité des contributions publiques devait vous présenter aujourd’hui l’adresse que vous l’aviez chargé de rédiger sur le payement des contributions; les circonstances nécessitant quelques changements dans la rédaction, elf-vous sera présentée demain. Je piie M. de Sinéty de passer ce suir au comité. Nous examinerons les dispositions qu’il propose et demain nous rapporterons le tout. (L’Assemblée ordonne le renvoi de la proposition de M. de Sinéty au comité d’imposition.) M. le Président. Messieurs, vous êtes prévenus que les membres de cette Assemblée parti-413 ront demain à huit heures précises pour aller à procession de Saint-Germain-l’ Auxerrois. M. Legrand. Gomme l’Assemblée a décrété qu’elle serait toujours séante, je demande qu’un ex-président et un certain nombre de membres restent ici, afin qu’il y ait toujours quelqu’un qui puisse répondre. (Oui! oui!) M. Prieur. Les séances doivent toujours être tenantes jusqu’à ce que la patrie soit hors de danger. La suite de la discussion du projet de décret sur le cumul de la dîme avec le champart est reprise. M. Tronchet, rapporteur, donne lecture de l’article 2, ainsi conçu : Art. 2. « La même présomption du cumul de la dîme avec la redevance en quotité de fruits, aura lieu dans les pays et les lieux désignés en l’article ci-dessus, encore que la redevance apparlienne à un laïc, si elle était par lui ci-devant possédée à titre de tief, et si d’ailleurs il est justitié que le fonds ou les fonds sujets à ladite redevance ne payaient point de dîme, soit au même propriétaire, soit à un gros décimateur quelconque, ecclésiastique ou laïc. » (Get article est adopté.) M. le Président. Le ministre de l’intérieur demande à communiquer des observations à l’Assemblée. (Oui! oui!) M. Delessart, ministre de l'intérieur. Le3 fermiers des messageries viennent de m’informer que plusieurs de leurs voitures qui étaient chargées d’espèces pour le prêt des troupes avaient été arrêtées. Get inconvénient peut être facilement levé à Paris; mais il est à craindre qu’il ne se renouvelle ailleurs. Il est intéressant que l’argent destiné au prêt des troupes puisse circuler librement, et que les fonds que les particuliers envoient aient également un libre cours. Car si les envois d’argent qui se font de Paris dans l’intérieur du royaume, sont interceptés; les retours vers Paris le seront de même. Je prie l’Assemblée de prendre cet objet en prompte considération. Sans doute l’Assemblée nationale a assuré la liberté par ses décrets; cependant dans une circonstance aussi extraordinaire, dans ce moment d’inquiétude que nous traversons, les citoyens pourraient croire que l’Assemblée se détermine à apporter provisoirement quelques modifications aux décrets que, dans un moment de calme, elle a rendus sur la circulation de l’argent. Je crois donc qu’il est convenable d’éclairer le peuple, et de prendre des mesures pour assurer la libre circulation du numéraire dans l’intérieur du royaume, et surtout de celui destiné au payement des troupes. M. Regnaud (de Saint-Jean-d' Angèly). Il est delà dernièie importance, surtout en ce moment, que le prêt n’eprouve pas le plus léger retard. Voici un projet de décret que m’ont communiqué quelques personnes qui savaient ce qui se passait. Il est précédé d’un préambule, parce que dans un moment de crise, il ne suffit pas de rappeler l’exécution de la loi, il faut aussi retracer les motifs d’intérêt public qui doivent en assurer l’observation.