106 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE 42 La Convention nationale décrète que le comité d’instruction publique lui présentera un rapport sur le plan du dictionnaire complet de la langue française, entrepris par le citoyen Pougens, et sur les moyens d’exécution nécessaires pour la publication de cet ouvrage (105). Le citoyen Charles Pougens présente à la Convention ses essais sur divers sujets de physique, son vocabulaire des privatifs imités des six principales langues de l’Europe; sa traduction d’un voyage [philosophique et pittoresque, sur les rives du Rhin, à Liège, dans la Flandre, le Brabant] (106) de Forster, philosophe révolutionnaire et compagnon de l’illustre Cook ; [il dit que les savans, les naturalistes et les amis de la liberté, trouveront dans ce voyage les détails les plus intéressans sur les moeurs, les usages, la politique, le commerce et les arts de ces riches contrées, qu’il est essentiel de connoître dans les circonstances actuelles. Il ajoute que Forster y indique les causes secrètes de la révolution de la Belgique ; qu’il y développe l’état actuel de la Hollande, de ses forces militaires, de ses finances, de son commerce et peint le génie des peuples qui l’habitent.] (107) Il joint à ces divers ouvrages le plan manuscrit d’un dictionnaire complet de la langue française (108). CHÉNIER : Le citoyen que vous voyez à la barre est intéressant par ses talents et par son état. Il a perdu la vue après avoir travaillé pendant dix-huit années à un dictionnaire de la langue française, qui sera plus complet que celui de Johnson. Je demande que la Convention agrée l’hommage de ce citoyen, et qu’elle charge le comité d’instruction publique de lui faire un rapport sur le dictionnaire dont j’ai parlé, et sur les moyens de le répandre le plus qu’il sera possible. Les propositions de Chénier sont adoptées (109). 43 TALLIEN : Vous avez, il y a quelque temps, fait un acte de justice à l’égard de Lyon ; vous avez rendu à cette cité importante son nom et la confiance publique ; je viens aujourd’hui vous en proposer un qui intéresse non seulement une grande commune, mais encore tout un département entier d’une population de six cent mille âmes ; c’est de Bordeaux que je vais vous parler. (105) P.-V., XL VIII, 70. C 322, pl. 1364, p. 31, minute de la main de M.-J. Chénier, rapporteur selon C* II 21, p. 17.Voir ci-dessus, Archiv. Parlement., 5 brum., n° 7. (106) J. Perlet, n° 763. (107) J. Perlet, n° 763. (108) Bull., 8 brum. (suppl.). (109) Moniteur, XXII, 356. Ann. R.F., n° 35; Ann. Patr., n° 664; C. Eg., n° 799; J. Perlet, n° 763; J. Fr., n° 761; Mess. Soir, n° 800; J. Mont. n° 13. Un décret, rendu à l’époque où le fédéralisme menaçait d’incendier le Midi, contient une disposition très rigoureuse, qu’il était nécessaire alors d’adopter, mais qui pourrait un jour devenir un instrument terrible dans les mains d’hommes passionnés ou sanguinaires. L’article II du décret du 6 août 1793 (vieux style) s’exprime ainsi : « Tous les membres qui composent ce rassemblement (la commission populaire de Bordeaux) ainsi que tous ceux qui ont provoqué, concouru ou adhéré à ses actes, sont déclarés traîtres à la patrie et mis hors de la loi; leurs biens sont confisqués au profit de la République. » Vous voyez, citoyens, que par cette disposition presque tous les habitants du Bec-d’Ambès peuvent être atteints par cette loi; car la commission prétendue populaire de Bordeaux, à l’époque de ces manoeuvres infernales, eut soin de disséminer dans toutes les parties du département [excepté la commune de Cadillac] (110) un grand nombre de commissaires qui, présentant la Convention nationale, comme étant à Paris sous le couteau d’une faction, égaraient par ce moyen les crédules habitants des campagnes, et parvenaient facilement à les faire donner dans le piège et à extorquer des adhésions. Les crimes des chefs de la faction de la Gironde sont trop connus de toute la France, et je suis bien loin de vouloir aujourd’hui ni les pallier, ni soustraire les véritables coupables à leur supplice trop justement mérité. Mais, en même temps que vous punissez le crime, vous voulez pardonner à l’erreur, et vous ne voulez pas confondre l’innocent avec le coupable ; vous ne voulez pas surtout laisser entre les mains des intrigants les moyens de servir leurs vengeances particulières, et vous sentez qu’une loi qui a autant de latitude que le décret du 6 août peut, avec bien de la facilité, devenir une arme terrible contre les bons citoyens ; car Bordeaux a eu aussi son Dumas dans la personne d’un intrigant nommé Lacombe [président du tribunal révolutionnaire] (111), qui depuis a expié sur l’échafaud ses nombreux forfaits ; d’ailleurs Bordeaux et le département du Bec-d’Ambès ont été soumis à des épreuves assez dures depuis près de deux années, et ont bien expié le tort de quelques intrigants. Dans le moment où vous voulez donner au commerce de la vie et du mouvement, vous ne choisirez sans doute pas cette époque pour refuser à Bordeaux ce que vous avez accordé à Lyon; mais je ne veux pas anticiper sur le rapport de vos comités; je me borne seulement à demander le renvoi de mes propositions, pour en faire un prompt rapport. Voici le projet de décret (112) : (110) Mess. Soir, n° 800. J. Perlet, n° 763. (111) Mess. Soir, n° 800. (112) Moniteur, XXII, 356-357. Débats, n° 763, 512-513; Ann. R. F., n° 35; Ann. Patr., n° 664; C. Eg., n° 799; J. Perlet, n° 763; J. Fr., n° 761; Mess. Soir, n° 800; M.U., XLV, 90; Gazette Fr., n° 1029; J. Unie., n° 1795; F. de la Républ., n° 36; J. Mont., n° 13; Rép., n° 36; J. Paris, n° 36.