512 [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j S�breVflS rée, dit-il, ne peut plus être calculée que par la victoire. En réponse aux détracteurs, il suit la chaîne des événements pas à pas et communique les arrêtés pris suivant le besoin des circonstan¬ ces. Il soulève ensuite une partie du rideau qui couvre encore le vaste complot dont le but était de favoriser une descente des Anglais à Saint-Malo, en divisant les patriotes entre eux, en éga¬ rant l’opinion sur les mesures et les intentions du comité, en suscitant des mouvements contre-révolutionnaires sur divers points de la Répu¬ blique à la fois ; par le désespoir du fanatisme, en semant partout la méfiance, etc. Il apprend à ce sujet qu’il s’est formé des rassemblements dans les départements de la Nièvre, du Cher et de Seine-et-Marne. Des prêtres, qui ont abdiqué leurs erreurs, des communes qui ont déposé l’ar¬ genterie de leurs églises, manifestent leurs re¬ grets, se réunissent dans les bois pour se livrer à leur première superstition. Heureusement ce complot n’est plus à crain¬ dre, puisqu’il est connu. Ce qui doit achever de rassurer les vrais patriotes et confondre les en¬ vieux ou les calomniateurs, ce sont les dernières dépêches venues de l’Ouest. Les représentants Bourbotte, Turreau et Prieur écrivent du Mans le 23 : « A force de cou¬ rir après les brigands, nous les avons enfin atteints hier au Mans, où ils étaient entrés. La cavalerie, qui les poursuivait, et la petite avant-garde qui la soutenait, les serrèrent de si près, qu’une ac¬ tion très éclatante s’engagea d’abord d’une ma¬ nière incertaine. Nous avions contre nous la supériorité du nombre et de la position. Mais la Colonne des côtes de Cherbourg, commandée par le général Tully, fondit sur les brigands, et après la première décharge, se précipita sur eux, la baïonnette en avant, les força de se replier dans les redoutes qu’ils avaient élevées pour em¬ pêcher le passage du pont. Bientôt nous en fû¬ mes maîtres. Pont, retranchements, fortifica¬ tions, tout fut emporté. Les rebelles, mis en fuite, se rallièrent sur la grande place de la ville. Il était alors neuf heures du soir. Il s’engagea une fusillade terrible; le combat dura jusqu’à deux heures du matin. On resta en observation de part et d’autre. « Les rebelles profitèrent des ténèbres pour évacuer la ville, laissant une arrière-garde dans l’intention de nous faire prendre le change. A peine le jour parut-il que nous les chargeâmes. Tout ce qui était resté dans la ville tomba sous nos coups. Canons, caissons, bagages, fusils, trésor, voitures, malles, etc... furent en notre pouvoir, sans compter les crosses, les mitres, les croix, les chapelles et reliques de toute es¬ pèce, etc... « Les rues, les maisons, les places sont jonc-chées de leurs morts, et depuis quinze heures le massacre dure encore. Toute l’armée est à la poursuite de la horde battue et fugitive. » Un jeune hussard de treize ans, se voyant enveloppé, a mieux aimé périr pour la patrie que de livrer deux chevaux que les brigands vou¬ laient lui enlever. Ce jeune républicain se rédui¬ sait au pain et à l’eau pour secourir une mère chargée de famille et dans la détresse. Sur la motion de Robespierre, la Convention accorde à la mère un secours provisoire de 3,000 livres et une pension de 1,000 livres. Les nouvelles du Rhin sont bonnes aussi. Le général en chef mande de Strasbourg que l’aile gauche et le centre de son armée ont attaqué l’ennenoi auprès de Haguenau, l’ont débusqué des hauteurs qu’il occupait et se sont emparés de plusieurs redoutes et villages, après lui avoir tué beaucoup de monde. Une lettre communiquée par le ministre de la guerre annonce que La Rochejaquelein, l’un des chefs des brigands, vient d’être pris et conduit à Angers, et que ses soldats en déroute e au désespoir se séparent et s’en vont par bandes. Noirmoutiers est bloqué par nos troupes. Le rapporteur termine par la lecture d’une lettre qui porte que les Anglais et les Espagnols ont abandonné le port de Gênes, où ils auraient tout à craindre du ressentiment des habitants. Ils ont conduit à Livourne treize vaisseaux da¬ nois chargés richement pour le compte des Gé¬ nois. Ceux-ci ont réclamé vivement. L’amiral a répondu que le port était bloqué. Le Scipion a sauté dans le port de Livourne. Les patriotes, qui s’y trouvaient en force, y ont mis le feu et se sont réfugiés à la Spezzia et en Corse, sur des canots. Une lettre du général en chef de l’armée du Rhin est ainsi terminée : « Parmi les traits qui se sont passés dans ces dernières journées, il en est un que je ne dois pas laisser ignorer, parce qu’il réunit la générosité à la bravoure. Le pre¬ mier bataillon de l’Indre ayant fait des prodiges de valeur, je lui adressai une somme de 1,200 li¬ vres pour lui en témoigner ma satisfaction. Les braves sans-culottes qui le composent me ren¬ voyèrent cette somme, en y ajoutant celle de 640 livres 10 sous, qu’ils destinent au soulage¬ ment des veuves et orphelins des défenseurs de la patrie. » Dans la journée du 18, ce même bataillon a enlevé au pas de charge plusieurs redoutes à l’ennemi. La Convention décrète qu’elle accepte le don patriotique de la somme de 1,840 livres fait par le 1er bataillon de l’Indre, dont la destination est pour le soulagement des veuves et orphelins des défenseurs de la patrie, et qu’il en sera fait mention honorable au procès-verbal et au Bul¬ letin. II. Compte rendu du Journal des Débats) et des Décrets (1). Barère fait, au nom du comité de Salut public, un rapport sur la guerre de la Vendée, sur la coïncidence de la marche des brigands avec une vaste et horrible conspiration contre la Répu¬ blique, sur les détails de cette conspiration, sur les mesures militaires prises par le comité de Salut public, et leur succès, sur les mouvements partiels qui se sont manifestés dans diverses parties de la République, et sur les moyens pris par le comité de Salut public qui les ont arrêtés. Ce rapport, composé de faits et parsemé de ré¬ flexions importantes, rapide dans la narration et précis dans tout ce qui tient à l’observation, très étendu d’ailleurs, n’est point susceptible d’être extrait. Nous le promettons en entier à nos lec¬ teurs. Nous en extrayons les nouvelles suivantes : Une lettre écrite par Bourbotte, Prieur ( de la Marne ) et Turreau, le 23 frimaire, donne les dé-(1) Journal des Débals el des Décrets (frimaire an II, n° 453, p. 353). [Convention nationale.J ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j Séœmbren'i taiis d’une victoire éclatante, remportée sur les brigands, auprès du Mans. Le combat a duré quinze heures. Les républicains ont vaincu; de grandes richesses sont tombées en leur pouvoir; des brigands sans nombre sont tombés sous leurs coups. Ils fuient devant les patriotes qui sau¬ ront profiter de leur victoire. « C’est, disent les représentants du peuple, la plus belle journée de la République depuis dix mois. Nous aurions bien des détails intéressants à vous donner, mais la joie et la fatigue nous accablent. Les traits de bravoure et de courage des républicains sont sans nombre : les régiment -* d’Aunis et d’ Armagnac ont fortifié l’opinion que l’on avait de leur courage; la gendarmerie à pied, qui est à la suite de l’armée de Cherbourg, a ajouté à l’idée avantageuse qu’elle a toujours donnée d’elle; les légions républicaines, dont il nous serait impossible dans ce moment de vous détailler les noms, ont disputé d’audace et d’in¬ trépidité. « Les officiers méritent aussi les plus grands éloges. Arsaut et Westermann ont combattu le plus courageusement et contribué à la victoire, le dernier surtout. Il a eu deux chevaux tués sous lui, deux blessures ne lui ont pas fait quit¬ ter son poste ; il poursuit encore, à la tête de sa cavalerie, les brigands morcelés et en fuite. Nous ajoutons à ces détails une nouvelle bien conso¬ lante. Cette victoire n’a pas coûté trente défen¬ seurs à la République. » (La salle retentit d? ap¬ plaudissements. Les représentants du peuple et les citoyens placés dans les tribunes se lèvent spon¬ tanément, agitent leurs chapeaux en l'air et répè¬ tent, avec le plus vif enthousiasme, les cris de ; « Vive la République! » Barère continue son rapport. Il propose de décréter que les républicains, qui se sont bat¬ tus au Mans, ont bien mérité de la patrie. Cette proposition est décrétée au milieu des plus vives acclamations. Barère lit ensuite des lettres qui ont été trans¬ mises par le ministre de la guerre. L’une an¬ nonce qu’auprès de Cholet, après trois heures de combat, on a détruit un rassemblement de bri¬ gands. Le ministre recommande à la nation la mère d’un jeune citoyen qui a montré le plus grand courage et a mieux aimé mourir que de livrer deux chevaux qu’il conduisait. Sur la motion de Robespierre, la Convention accorde à cette citoyenne mille livres de pension et mille écus de secours provisoires. Une lettre de Royer, officier à l’armée de l’Ouest, annonce un succès et la translation à Angers de La Rochejaqueh in, l’un des chefs des brigands, qui a été fait prisonnier. Barère. Il me reste à vous parler du Rhin, de Nantes et de Gênes. Au Rhin, une lettre de l’agent du conseil exé¬ cutif près oette armée, écrite de Strasbourg sous la date du 21 frimaire, annonce la prise de trois redoutes par les troupes de la République et des hauteurs en deçà d’Haguenau, après deux heu¬ res et demie de combat et le feu le plus vif, soutenu avec le plus grand courage aux cris de Vive la République! Une lettre de l’officier général, commandant en chef l’armée du Rhin, contient les mêmes dé¬ tails. Il cite seulement un trait de générosité et de bravoure du premier bataillon de l’Indre. Le général, instruit de sa conduite courageuse dans une affaire, lui envoya 1,200 livres de grati-lre SÉRIE, T. LXXXI. 513 fication. Le bataillon la renvoya en y joignant G40 livres qu’il destine à secourir les orphelins, le ( femmes et les parents des défenseurs de la patrie. La Convention décrète la mention honorable de la conduite de ce bataillon. Barère fait lecture d’une lettre de Carrier, re¬ présentant du peuple près l’armée de l’Ouest, au ministre de la guerre, écrite sous la date du 21 frimaire. Elle contient précisément les mêmes détails que celle lue ce matin. Barère termine par la lecture d’une lettre écrite par l’agent de la République à Gênes. Elle con¬ tient les détails d’un attentat commis par des Anglais et des Espagnols envers l’Etat de Gênes. Ils se sont emparés de vaisseaux suédois et da¬ nois dans ce port, et ont compromis ainsi les intérêts de Gênes vis-à-vis ces deux puissances. Sur la proposition de Chénier, la Convention décrète l’impression du rapport de Barère, l’en¬ voi à toutes les armées de la République et la distribution aux membres de la Convention. III. Compte rendu de V Auditeur national (1). De bonnes nouvelles de la Vendée avaient été annoncées au commencement de la séance et de meilleures encore étaient impatiemment atten¬ dues. Barère s’est présenté à la tribune, au nom du comité de Salut public. Avant de communiquer les dépêches, il a fait un rapport très détaillé sur la conduite que le comité a tenue à l’égard de cette infernale guerre du royalisme et du fa¬ natisme, soutenue et alimentée par le plus per¬ fide de nos ennemis, le gouvernement anglais. Par sa correspondance active avec les repré¬ sentants du peuple et les généraux, par les me¬ sures vigoureuses qu’il a prises dans toutes les circonstances pour détruire enfin cette horde de brigands qui dévastent depuis trop longtemps le territoire de la liberté, le comité de Salut pu¬ blic a répondu aux calomnies que les agents de Pitt répandent avec une lâche perfidie pour ap¬ peler la défiance sur la marche du gouvernement, diviser les patriotes et fatiguer, s’il était pos¬ sible, le peuple français de la liberté. Mais tous les scélérats, qui s’agitent autour de l’édifice de la République, pour la détruire, périront et la souveraineté du peuple sortira triomphante de toutes les vaines attaques. Leurs projets contre-révolutionnaires, ourdis tout nou¬ vellement à Rennes, dans quelques ports, aux environs de Paris, dans cette ville même, sont encore une fois déjoués. Ils avaient voulu faire tourner à leur profit, l’élan de la raison contre les pratiques du fana¬ tisme et de la superstition; mais leur perfidie s’est bientôt décelée, là comme ailleurs. Dans quelques communes peu éloignées de Paris, on a vu les mêmes hommes qui étaient venus à la barre de la Convention faire offrande de l’ar¬ genterie des églises et les prêtres qui avaient renoncé au sacerdoce, se mettre à la tête d’at¬ troupements et prendre les armes pour s’opposer (1) Auditeur national [n° 450 du 26 frimaire an II (lundi 16 décembre 1793), p. 6]. 33