106 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE TURREAU : Et moi aussi j’avais invité Le Cointre, si cette discussion pouvait nuire à la chose publique, de ne pas la faire naître; je sentais qu’il pouvait en résulter une pénible situation pour la Convention nationale et un déchirement pour la patrie. (Murmures.) J’observe à la Convention que je parle dans la pureté de mon cœur; il est possible qu’il m’échappe quelques erreurs; je la prie de m’excuser. Citoyens, l’oreille du peuple est frappée; les dénonciations ont été faites dans le sein de la Convention nationale; devons-nous, sans une discussion approfondie, passer à l’ordre du jour sur les inculpations qui ont été faites à plusieurs de nos collègues ? Je ne le crois pas. Je pense que d’abord la Convention doit prendre une déterminatin quelconque, soit de renvoyer à une commission (murmures), soit de juger elle-même, toujours après avoir entendu les accusés; mais j’en reviens à dire que vous ne pouvez passer à l’ordre du jour. (Applaudissements.) Après plusieurs débats la Convention rapporte son décret d’hier : elle décrète en outre l’impression des pièces annoncées par Le Cointre, et que les représentans du peuple inculpés sont autorisés à faire imprimer tous leurs moyens de justification. [Thirion prétend que les pièces qu’on va lire, fussent-elles concluantes en faveur des faits cités, ne prouvent rien contre les membres inculpés, qui ont agi au nom du comité, c’est-à-dire de la Convention, par conséquent de la République entière. (75)] Billaud-Varenne demande qu’on lise les pièces; il prétend que le grand argument qu’on a fait valoir hier, a été qu’on avait étouffé la voix de l’accusateur, et qu’il ne croit pas que la Convention nationale ait pu rendre un décret qui puisse suffisamment éclairer le peuple sans avoir entendu cette lecture (76). BILLAUD-VARENNE : Je demande qu’on lise toutes les pièces; le grand argument qu’on a fait valoir hier a été qu’on avait étouffé la voix de notre accusateur, et qu’on avait beaucoup de pièces à lire. Je ne crois donc pas que la Convention nationale ait pu rendre un décret qui puisse suffisamment éclairer le peuple sans avoir entendu cette lecture; c’est dans ces pièces que doit se trouver la réalité de l’accusation; je demande qu’elles soient lues. AMAR : Je demande que la parole me soit accordée après la lecture des pièces. ( Oui, oui ! s’écrie-t-on de toutes les parties de la salle.) (77). Le Cointre va chercher les pièces. (75) J. Mont., n° 123. (76) P.-V., XLIV, 230. (77) Moniteur, XXI, 626-629; Débats, n° 710, 219-225; M.U., XLIII, 218-221; Ann. Patr., n° 507; C. Eg., n° 742; F. de la Républ., n° 423; Gazette Fr., n° 973; J. S. Culottes, n° 562; J. F., n° 705; J. Paris, n° 608-609; J. Perlet, n° 708. LE PRÉSIDENT : Le Cointre est allé chercher les pièces; il a laissé entre les mains des secrétaires une déclaration; si vous voulez, en attendant qu’il revienne, je vais accorder la parole à Grégoire, qui a un rapport intéressant à vous faire (78). 39 On annonce et on fait paroître un officier qui apporte neuf drapeaux pris à l’Ecluse, conquête commandée par le général Moreau. L’officier prononce un discours dans lequel il expose les circonstances intéressantes qui ont accompagné ce siège. La Convention nationale décrète que le discours du pétitionnaire et la réponse du président seront insérés au bulletin (79). GOUPILLEAU (de Fontenay) : Je demande que l’officier qui apporte les drapeaux pris à l’Ecluse soit entendu. Cette proposition est décrétée. L’officier paraît. (On applaudit.) Il est précédé d’un autre officier portant neuf drapeaux. Il prononce le discours suivant (80) ; Citoyens Représentans, Je suis envoyé de l’armée du Nord par le représentant Lacombe Saint-Michel, pour vous présenter les drapeaux pris à Nieuport. Ces drapeaux sont la conquête de la division, déjà tant de fois victorieuse commandée par le général Moreau. N’étant pas attaché à cette division, je n’ai pas eu l’honneur de participer à ses succès; mais j’ai accompagné plusieurs fois le représentant du peuple Lacombe Saint-Michel à la tranchée de l’Ecluse. Comme lui, j’ai été témoin du zèle infatigable des braves défenseurs de la liberté, et je puis leur rendre l’hommage qui leur est dû. Si la lettre par laquelle le représentant Lacombe Saint-Michel vous a instruit de son entrée à l’Ecluse, vous laissoit quelque chose à désirer sur les circonstances intéressantes qui ont accompagné le siège de cette place, je me ferois un devoir de vous les apprendre; mais il vous a peint nos braves canonniers marchant à découvert, et établissant leurs batteries sous le feu de l’ennemi. Il vous a dit avec quel courage ils ont résisté au souffle empesté de l’air qui règne dans cette contrée, et aux efforts de la mer, qui, dans sa violence, a submergé une de leurs batteries. Il vous a dit que les républicains ont bravé les satellites des despotes à la portée du pistolet, et qu’ils répondoient à leurs canons impuissans par des coups de fusil, détruisant ainsi tous les canonniers. Il vous a dit enfin que cette ville avoit payé sa résistance de la destruc-(78) La lecture du rapport de Grégoire n’est pas mentionnée au Procès-verbal, voir n° 49. (79) P.-V., XLIV, 230. (80) Moniteur., XXI, 629.