437 (Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [31 août 1790.] donner les pièces justificatives de son rapport ; mais son intention ne peut être de laisser, pendant plusieurs semaines, les accusés, je ne dis pas dans les angoisses, mais dans les soupçons odieux dont on cherche à les environner. Je sais que l’on cherchera des motifs secrets dans cette publication ; mais tout m’est égal, puisque tout sera connu. Je dis tout m’est égal, car je ne suis pas assez modeste pour ne pas savoir que, dans le procès fait à la Révolution, je devais tenir une place. (On applaudit à deux reprises différentes.) Sans doute, cetie affaire sera le monumeut le plus honorable de l’équité de cette Assemblée. Il est de notoriété publique que le rapporteur est prêt , que le comité a fixé son avis. L’intérêt des accusés doit toujours passer avant celui des juges. L’intérêt des accusés est la plus prompte expédition; c’est de vous que je la sollicite. M. Madier de llontjau. Je demande qu’avant que le rapport soit fait à l’Assemblée, le procureur du roi soit interrogé pour savoir s'il a rais à exécution les décrets rendus contre diverses personnes. M. Raynaud, ci-devant de Montlosier. J’appuie l’observai ion de M. Madier; l’Assemblée doit désirer que les crimes des 5 et 6 octobre soient punis comme ils le méritent, l’impression de la procédure dévoilerait les coupables et favoriserait leur évasion. M. de Mirabeau l'aîné. L’évasion des témoins est aussi probable que celles des accusés. (On applaudit à plusieurs reprises dans toute la partie gauche et dans les tribunes .) Je vais répéter. Le préopioant paraît craindre que la divulgation de la procédure ne facilite l’évasion des coupables; je réponds que l’évasion des témoins est aussi probable que celles des accusés, et cependant les accusés ne prennent pas de mesures contre l’évasion des témoins. (On applaudit de nouveau.) M. Raynaud, ci-devant de Montlosier. M. de Mirabeau fait entendre qu’il n’a rien à se reprocher comme accusé ; moi je n’ai rien à me reprocher comme témoin, car je ne l’ai pas été, et je ne veux laisser aucun prétexte aux murmures. M. de Mirabeau prétend qu’on a vouiu faire le procès de la Révolution; s’il entend par la Révolution l’affaire du 6 octobre, je dis qu’on a eu raison, car elle est aussi éloignée du cœur des Français que celle que le roi nous a donnée leur est chère. M. Goupil de Préfeln. Il faut mettre un terme aux insolences que l’on se permet contre les honorables membres de cette Assemblée. M. Raynaud, ci-devant de Montlosier. Je demande que M. Goupil soit tenu de garder la prison pendant huit jours. M. Madler de Montjau. Je demande qu’on suive les règles ordinaires, et que la procédure ne soit publique qu’après l’interrogatoire. M. de Mirabeau l’aîné. Gomme le danger de M. Goupil n’est pas très urgent, je prie qu’on veuille bien écouti r mon observation. Si ma motion n’était pas décrétée, cette affaire éprouverait un très grand retara. Le comité ne peut pas se dessaisir des pièces ; il ne peut livrer que des copies, et ce travail exigerait beaucoup de temps. On a supposé que l’Assemblée, dans cette affaire, était juge, et qu’elle devait suivre les formes. L’Assemblée ne juge pas, elle n’est un tribunal que pour son membre; elle déclare seulement s’il y a lieu à accusation. J’ai démontré les inconvénients du délai, qu’on démontre les inconvénients de ma proposition. M. Alquier. Il y a une question très importante et préliminaire, c’est celle de savoir si les membres del’Assemb’éequi ont été entendus dans celte affaire comme témoins s’abstiendront ou ne s’abstiendront pas de voter; elle est jugée dans tous les cœurs délicats; mais j’avoue que j’ai vu avec indignation des membres, que je sais avoir servi de témoins, parler de cette affaire à la tribune, et lorsque vous rapprocherez ce qu’ils ont dit avec leurs dépositions, vous verrez quelle confiance on doit y avoir. M. Malouel. Le jour où le Châtelet a paru à la barre, cette question a été une de celles que j’ai présentées; mon opinion personnelle et mon parti pris sont de ne point opiner, quoique je n’aie déposé contre aucun membre. Plusieurs jurisconsultes prétendent que l’on peut opiner, excepté conlre la personne que l’on a accusée; je suis convaincu que ceux qui, comme moi, ont été assignés, ont résolu de rester muets : du reste, je suis parfaitement de l’avis de M. de Mirabeau, et je demande qu’on aille aux voix. M. Alquler. C�tte déclaration n’est pas suffisante, il faut consacrer le principe; rappelez-vous de quelle manière un membre a parlé de l’affaire du 6 octobre dans celle de M. de Barmond. Ce membre, M. l’abbé Maury, avait été entendu comme témoin. (L’Assemblée décrète que les membres entendus dans l’information s’abstiendront de voter lors du rapport et du jugement de cette affaire.) M. Gaultier de Riauzat fait lecture de la motion principale. « L’Assemblée nationale autorise son comité des rapports à faire imprimer l’expédition de toute la procédure criminelle que le Châtelet a déposée sur le bureau le 7 de ce mois, sans que néanmoins le rapport de l’affaire puisse en être retardé; ordonne à son imprimeur de prendre les précautions convenables pour éviter la contre-faction. » M. Rarnave fait lecture de la proclamation que le comité militaire avait été chargé de rédiger dans la séance du matin, relativement aux troubles de la garnison de Nancy. M. Du Châtelet. Je rappelle que le commandant de la garnison de Nancy et plusieurs officiers sont prisonniers des rebelles. Je demande que le premier soin des commissaires soit de les faire mettre en liberté. M. Dupont (de Nemours). On doit prévoir dans la proclamation le cas où M. de Bouidé aurait déjà été obligé de déployer toute l’autorité qu’il tmni du roi en vertu du décret de l’Assemblée nationale. M. Malouet. Je doute beaucoup de l’effet de la proclamation qui vient d’être lue parce qu’elle a la forme d’uQ projet de conciliation ou de négociation. Le décret du 16 août laisse aux rebelles qui voudront revenir à résipiscence une assez grande latitude. Le moment est aux actes, non 438 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [31 août 1700, aux paroles. Accordez grâce à ceux qui rentreront dans la subordination et donnez ordre au général de punir très sévèrement ceux qui continueront dans la rébellion. Voilà, je crois, Gomment la proclamation doit être faite. M. d’Ambly. Oui, Messieurs, votre proclamation doit être : bonté, justice et fermeté; pas autre chose. M. de FollevïMe. J’applaudis la proclamation quoique j’eusse désiré qu’elle fût plus concise et peut-être un peu plus sévère. Gomme les commissaires que l’on doit envoyer ne peuvent être que des asceftiorateurs des décrets de l’Assemblée, je crois qu’ils doiyent être élus par le ppur pie et par conséquent pris dans le sein de rassemblée nationale. M, Ræderer lit un projet de proGlaïqatjpn. M. Bafnave. Je m’oppose à ce que la proclamation rédigée par M. Rœderer soit décrétée, parce que ce serait rétracter votre décret de ce matin. M. Malonet. Il y a aussi un décret menaçant' et le temps des phrases est passé. M. de Toulongeon. Entre le double danger de nous séparer sans rien faire ou sans avoir, pris une mesure suffisante, je ne crains pas de’ dire que la proclamation pusillanime de M. Bar-nave n’est qu’un regret de vos précédents décrets. Dans la première circonstance, vous parliez de votre indignation; aujourd’hui que leS faits sont bien plus graves, Vous n'avez que de la douleur. M. E miner y. Il est impossible, quand bien même la proclamation serait décrétée ce soir, que les commissaires partept ayant demain midi, puisqu’il est près de onze heures du soi ri Je propose donc, d’accord avec M. Rarnàvé, qu’op renvoie à demain matin la sqite de cette discussion, ce qui donnera à M. Barnave le temps de revoir une réduction précipitée. (Cette motion est adoptée.) (La séance est levée à onze heures du soir.) ANNEXE A LA SÉANCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE DU 31 AOUT 1790. Nota. En vertu du décret du 12 juin 1790, le comité de mendicité lit imprimer et distribuer à l’Assemblée son quatrième rapport. Nous insérons ici ce document. Quatrième rapport du comité de mendicité. — Secours à donner à la classe indigente ffans les, différents âges et dans les différentes circonstances de la vie , par M . DE La ftpCHEFOUCAUDT-Liancourt (1). INTRODUCTION. Messieurs, l’honorable tâche qpe vous vous êtes (1) Ce document n’a pas été ipséré au Moniteur, imposée dans la recherche des moyens de dé-truire la mendicité, ne peut être utilement remplie, si vous ne l’attaquez pas dans ses spprces, dans celle au moins qui, en la rendant la seplq ressource du malheur, la légitime, la rend iptén ressante, l’indigence absolue. Réduite alors à n’être que le moyen de la fainéantise et du vaga? bondage, la mendicité ne pourra être regardée que comme un délit dont les conséquences fpr nestes appelleront sans réclamation la sévérité de la loi. C’est donG, on ne peut trop le répéter, vers ce but salutaire, c’est donc à secourir, à soulager, à prévenir la [pauvreté, que doivent tendre tous vos efforts. C’est ainsi seulement qua les succès en seront certains, Nous ne vous parlerons pas ici des droits delà pauvreté ; ils ne seront méconnus d’aucun dp ceux qui, portant dans leur cœur quelques sentiments d’humanité, ont donné d’ailleurs quelque attention à la formation des sociétés et’à l’itn-mense différence dans les fortunes. Nous savons tous que si la propriété est la base des sociétés politiques; si le devoir sacré des lois est d'en faire religieusement le culte, et d’en assurer le maintien, le culte dp l’humanité est plus sacré encore : et que là où il existe une Glaèse d’hommes sans subsistances, là il existe une violation des droits de l’hupianité; là l’équilibre social est rompu : nous ajouterons seulement à cette vérité, avouée par nous tous, que si le soulagement de la pauvreté est le devoir d’une Constitution qui a posé ses fondements sur les droits imprescriptibles des hommes, elle est encore le besoin d’une Constitution sage qui veut assurer sa durée sur la tranquillité et le bonheur de fous les individus qu’elle gouverne. Il êst de l'intérêt public de corriger, par une bienfaisance réfléchie, les maux résultant des mauvaises institutions qui ont maintenu et propagé la pauvreté; il est de l’intéfêt public de prévenir les désordres et les malheurs où seraient conduits un grand nombre d’hommes sans ressources qui, maudissant les lois dont ils p’apraient jamais septi les bieqfaits, pourraient, par l’excès de lêpr misère, être entraînés d’un moment a l’autre à servir les entreprises des ennemis de l’ordre public : toutes ces considérations politiques se réunissent donc aux cris impérieux de l'humanité, pour qu’pp gouvernement sage compte au rang dp ses premiers devoirs le soulagement dé jà pauvreté. Ces importantes vérités sont conformes à vos principes : elles ont été déclarées par vous, .Messieurs, quand, formant votre comité de mendicité, vous l’avez chargé de vous présenter lès moyens de remplir vqsdesspips générppx. Alqrs, eq prenant la résolution fte secourir complètement fa pauvreté, vous avpz eu pour objet de lier par la reconnaissance la classe indigente à votre Constitution. Vous avpz ypulp la tut faire respecter et chérir par la paix, par le honneur, par la plus facile subsistance qu'elle devait lui assp-rer; vous avez voulu lui faire aimer vos lois, eu lui rendant que patrie, pf daPs l’entière détermination que vous avez prise de satisfaire à ce grand devoir, vous avez ppnsô que lies calculs arithmétiques ne devraient pas servir de règle unique à de sages législateurs, et qpe les devoirs plus sacrés de la bienfaisance et de la morale devraient être avant eux consultés. Mais quelles que soient, Messieurs, vos dispositions généreuses pour l’assistance de la pauvreté, vous ne devez pas oublier que l’économie est un des caractères les plus essentiels de la bienfaisance publique, non cette épargne we et impoldique