591 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES» [24 juillet faire exécuter, devait être fidèle à son serment. Tandis que ceux, qui, par haine de la Révolution, ne faisaient rien pour prévenir l’indiscipline, et peut-être trouvaient un secret plaisir à lui voir faire des progrès n’opposaient aucun frein à la licence, ceux-là ne devenaient pas l’objet de la plainte et du ressentiment. Si, parmi tant de faits divers, ©n peut recueillir quelques règles générales, voilà ce qui me semble le plus vrai, le mieux établi par l’observation. La loi doit vouloir qu’une expulsion illégale soit nulle et n’ait aucun effet quelconque, et son premier acte doit être de rétablir les chefs illégalement et arbitrairement destitués dans leur ancien état , car il est faux de dire que cette expulsion établisse un soupçon contre ceux qui en ont été l’objet ; aucune information ne peut avoir lieu contre eux à moins qu’ils ne soient ultérieurement accusés. Je demande donc que l’on adopte la proposition de M. Chabroud, et que les 3 articles du comité militaire soient rejetés par la question préalable, comme tendant évidemment à encourager l’insubordination et à affaiblir dans l’armée L'autorité de la loi. (Applaudissements.) M. Emmery, rapporteur. Par la discussion qui vient d’avoir li. u, l’Assemblée a pu se convaincre que les articles qui lui sont présentés par son comité militaire n’ont aucun des inconvénients qu’on leur reproche ; on a pu voir, d’un autre côté, que l’intention du comité est évidemment de rétablir l’ordre. Toutefois, la réflexion que vient de faire le préopinant, qu’une destitution illégale doit être nulle et sans effet aux yeux de la loi, me paraît t és juste et me porte non pas à proposer moi-même la question préalable sur les article s du comité, mais à en présenter la refonte. En conséquence, je propose de substituer aux articles 3, 4 et 5 de notre projet primitif la disposition suivante : Art. 3 (nouveau). « A l’égard des officiers qui ont été forcés de quitter leur corps en conséquence des soupçons élevés contre eux, mais non légalement véritiés, ils reprendront leurs places dans leur régiment, ou, s’ils l’aiment mieux, ils seront pourvus de places équivalentes dans d’autres corps, pourvu que ces ofticiers n’aient pas refusé le serment prescrit par le décret du 22 juin dernier, et dans le cas où ils n’auraient pas été à portée de le prêter à leur régiment, qu’ils l’y fassent sous quinzaine. » Un membre : 11 faut que les officiers qui ont été illégalement renvoyés soient réintégrés dans le même corps. Je demande que l’alternative du replacement dans un autre corps soit rejetée de la nouvelle rédaction. M. Emmery, rapporteur. La réintégration dans l’ancien corps est le principe de la nouvelle rédaction quj je propose ; le replacement dans un autre corps n’aura lieu que si i’of licier le préfère. Aussi l’article porte-t-il : « ou s’ils l’aiment mieux ». (L’Assemblée consultée décrète qu’il n’y a pas lieu à délibérer sur l’amendement et adopte l’article 3 nouveau du comité.) M. Emmery, rapporteur. Je rappelle à l’Assemblée que le comiié militaire a supprimé l’article 6 du projet. Nous passons, en conséquence, à l’article 7 du projet de décret. Art. 7. « La disposition de l’article 5 du décret du 24 juin dernier, par laquelle la moitié des emplois vacants dans les différents corps, a été réservée aux sous-officiers des corps dans lesquels ils vaqueraient, n’aura pas lieu à l’égard des régiments qui se sont permis des destitutions illégales, et dans ces mêmes régiments, la nomination aux places d’officiers, spécialement affectées aux sous-officiers par la loi du 23 septembre 1790, demeurera suspendue, jusqu’à ce qu'il en ait été I autrement ordonné, d’après le compte qui pourra être rendu par les officiers généraux et supérieurs, de la bonne conduite de ces mêmes corps et sur la demande expresse de leurs chefs. » Il y a 2 lois gui appellent les sous-offieiers aux places d’officiers : la première, du 23 septembre 1790, qui les rend susceptibl s d’avancement au bout d’un certain temps de service; la seconde, du 24 juin dernier, qui réserve provisoirement la moitié des emplois vacants aux sous-officiers des corps. Nous proposons que cette dernière disposition, qui n’est que de faveur, n’ait pas lieu dans les régiments qui se sont permis des des itutions illégdes, et que, dans les mêmes régiments, celle du 23 septembre soit suspendue. En effet, nous sommes convaincus que la plupart de ces destitutions illégales n’ont été excitées que par l’ambition des sous-officiers, ambition qui a confondu dans son objet les bons et les mauvais, les patriotes et les ennemis de la Révolution. Nous avons vu une lettre d’un capitaine, qui écrivait au ministre de la guerre qu’il se voyait obligé de donner sa démission, parce que les officiers de son corps étant aristocrates, il ne pouvait r ésister au désagrément continuel qu’il éprouvait. Peu après, les soldats formèrent un comité dirigé par les sous-officiers; ce capitaine fut le premier désigné par ce club pour être expulsé. On désigna après lui son lieutenant et son sous-lieutenant, et cela parce que le sergent-major de la compagnie, qui présidait le club, voulait devenir capitaine. Je suis froissé, dit alors cet officier, entre la demande que font les patriotes pour que je m’en aille, et les désagréments que me font éprouver les aristocrates; mais je suis bon officier, et dans un moment de troubles, je veux rester à mon poste. Plusieurs membres demandent la parole. Plusieurs membres demandent que la discussion soit fermée. M. Merlin. Monsieur le Président, vous devez imposer silence à ceux qui veulent fermer la discussion avant qu’elle soit éclairée. M. d’André. Je pense, Messieurs, que si vous rejetez l’article, vous vous trouverez dans le même cas avant peu. En effet, Messieurs, tous les soldats n’ont pas été unis par l’intérêt de ceux qui désireraient avoir les places des officiers ; mais cei tainement un grand nombre de sous-officiers et de soldats qui ont renvoyé leurs officiers ont eu manifestement pour but d’occuper les places des gens qu’ils chassaient. Et il ne faut pas ici, Messieurs, raisonner dans des hypothèses particulières. Pouvez-vous mettre les sous-officiers à la place des officiers qui ont été renvoyés illégalement? Non, sans doute, vous ne le pouvez pas sans un jugement. Rétablissez donc l'exécution de la loi, rétablissez la subordination, rétablissez les officiers dans leurs places, et quand ils y seront rentrés, s’il est jugé qu’ils ont été cassés [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 124 juillet 1791. j 592 illégalement, cassez le régiment. Or, Messieurs, il n’y a personne de nous qui veuille en venir à cette extrémité. Nous devons donc nous en tenir à rétablir la discipline par les moyens les pins doux. Je demande que l’article soit mis aux voix. M. Pétion de Villeneuve. Je ne prétends pas approuver les destitutions illégales, mais nous ne pouvons pas nous dissimuler qu’il y en a eu qui, par la nature des choses, ont été utiles au salut public. ( Murmures prolongés.) M. Martineau. Ce n’est pas vrai, à l’ordre! M. Pétion de Villeneuve. Nous ne pouvons pas nous dissimuler non plus que si les soldats se fussent livrés à l’impulsion que voulaient leur donner leurs officiers, assurément il aurait pu en résulter de très grands malheurs. (Applaudissements dans les tribunes.) La dernière partie de l’article est conçue ('ans des dispositions générales et sans aucune espèce d’exception;, or, il est des régiments où les destitutions ont pu s’opérer sans même que les sous-ofticiers y aient aucune part. Un membre : C’est impossible. Que les chefs soient entendus et rendent compte ainsi que les officiers généraux, voilà ce qui peut être admis; mais que les officiers ne puissent parvenir à aucune place sans l’assentiment des chefs, c’est comme si l’on disait qu’il n'y aura pas de sous-oliiciers admis aux places vacantes. Je demande dune que la dernière disposition de l’article soit retranchée, et qu’il ne soit pas dit que les sous-officiers ne pourront parvenir aux places vacantes, que�sur la demande expresse de leurs chefs. M. Emmery, rapporteur. J’v consens. Plusieurs membres : Non ! non I M. Boissy-d’Anglas. Je demande que l’article soit ainsi conçu : « à l’égard des régiments qui se permettront... » (Rires ironiques. — Murmures.) M. Alexandre de Eameth. Je suis persuadé que les intentions des membres qui viennent de parler et qui attaquent cet article sont extrêmement pures; mais je crois en môme temps que ces intentions ne sont pas éclairées, et que, s’il y a dans ce moment un danger pour la Constitution, ils le trouveront dans sa faiblesse qui encouragerait au mépris des lois. M. Pétion a eu raison de dire que c’était une mesure d’indulgence que proposait le comité, car les délits que l’on vous dénonce méritent une punition plus grave; ce n’est pas dans le moment de crise, ce n’est pas au commencement de la Révolution que les régiments ont renvoyé leurs officiers, c’est à une époque très rapprochée de celle-ci, c’est depuis 2 ou 3 mois. Ju remarquerai même que, pour renvoyer ces officiers, les régiments ont contrevenu de la manière la plus formelle à vos décrets; que relui des régiments qui paraît dans la position la plus excusable, le régiment de Dauphiné, nous a envoyé un procès-verbal qui était rédigé par un comité délibérant, ayant pour président l’adjudant du régiment. Je rappellerai ici que 6 comités étaient réunis lorsque cette affaire a été portée à l’Assemblée, qu’ils étaient composés de 50 ou 60 membres, et qu’il n’y a pas eu plus de 2 ou 3 voix pour s’opposer au licenciement du régiment; on alla même jusqu’à vouloir qu’il fût cassé. Un membre : N’eût-il pas fallu les décimer 1 M. Alexandre de Lameth. Je vous prie, Monsieur, de faire valoir les moyens qui peuvent être employés pour disculper un corps de sous-officiers qui, au mépris des décrets, se rassemble en comité, délibère, nomme un président, et se permet de renvoyer ensuite ses officiers. Si l’on n’adoptait pas les mesures du comité, il s’ensuivrait que les régiments qui ont renvoyé leurs ■ fliciers seraient beaucoup mieux traités que les autres, et leurs torts tourneraient à leur profit. Ainsi donc, vous récompenseriez le crime, l’infraction à vos décrets. Messieurs, le moment est arrivé, j’ai déjà eu l’honneur de vous le dire, et le sentiment que j’ai exprimé est devenu un cri de ralliement dans cette Assemblée; le moment est arrivé de faire exécuter les lois, de les faire exécuter fortement; c’est là qu’est le complément de la Révolution; c’est le salut de la nation. Etablissez la discipline, vous maintiendrez la liberté. (Vifs applaudissements.) Plusieurs membres: Aux voix! aux voix! (L’Assemblée ferme la discussion.) M. Delavigne. Je demande la suppression du mot illégales. M. Enunery, rapporteur. J’adopte. Voici, en conséquence, avec les amendements de MM. Pétion et Delavigne, quelle serait la rédaction de l’article : Art. 4 (ancien art. 7). « La disposition de l’article 5 du décret du 24 juin dernier, par laquelle la moitié des emplois vacants dans les différents corps a été réservée aux sous-officiers des corps dans lesquels ils vaqueraient, n’aura pas lieu à l’égard des régiments qui se sont permis des destitutions; et, dans ces mômes régiments, la nomination aux places d’officiers, spécialement affectées aux sous-officiers par la loi du 23 septembre 1790, demeurera suspendue, jusqu’à ce qu’il en ait été au rement ordonné, d’après le compte qui pourra être rendu par les officiers généraux et supérieurs, de la bonne conduite de ces mêmes corps. » (Gel article est mis aux voix et adopté.) � (La suite de la discussion est renvoyée à demain.) M. le Président. Six grenadiers de la garde nationale , qui vont partir pour aller défendre les frontières en qualité de gardes nationales volon-t ires envoyées par la ville de Paris, demandent à être admis à prêter le serment dans le sein de l’Assemblée. (L’Assemblée décrète que ces grenadiers seront admis à la barre.,) Les 6 grenadiers sont introduits. Ce sont MM. Fleury, lieutenant de grenadiers, Penault, Louvrier, Morlet aîné, Petit et Bonneau; ils prê— lent le serment. M. le Président, an nom de l'Assemblée, leur dit : « Vous avez pris les armes pour maintenir la