96 [Assemblée nationale.] Mais il s’agit d’en prévenir à jamais le retour; et et c’est de quoi cette administration ne saurait vous répondre, tant qu’on verra les municipalités s’arroger sur les troupes un pouvoir que vos institutionsont réservé tout entier au monarque. Vous avez fixé les limites de l’autorité militaire et de l’autorité municipale : l’action que vous avez permise à cette dernière sur l’autre, est bornée au droit de requérir ; mais jamais, ni la lettre, ni l’esprit de vos décrets n’ont autorisé les communes à déposer, à juger des officiers, à commander aux soldats, à leur enlever les postes confiés à leur garde, à les arrêter dans les marches ordonnées par le roi, à prétendre, en un mot, asservir l’armée de l’Etat aux caprices de chacune des cités, ou même des bourgs qu’elle traversera. Qui mieux que vous, Messieurs, peut concevoir combien ce conflit illégal pourrait, en peu de temps, affaiblir l’obéissance militaire, énerver le pouvoir et dénaturer la Constitution. Messieurs, le roi m’a encore chargé de vous informer qu’il a déjà autorisé un grand nombre de régiments à participer aux fédérations patriotiques auxquelles ils étaient invités, pour renou-veller le serment civique avec les milices citoyennes : Sa Majesté voulant que ses intentions soient encore plus manifestées, elle m’a ordonné d’écrire une lettre circulaire à tous les corps de l’armée, qui les leur fasse connaître d’une manière générale et uniforme. Le roi a remarqué avec satisfaction l’esprit de dévouement à la Constitution, de respect pour la loi et d’attachement à sa personne, qui a animé toutes les fédérations ; et comme Sa Majesté y a reconnu, non un système d’associations particulières, mais une réunion des volontés de tous les Français pour la liberté et la prospérité communes, ainsi que pour le maintien de l’ordre public, elle a pensé qu’il convenait que chaque régiment prît part à ces fêtes civiques pour multiplier les rapports et resserrer les liens d’union entre les citoyens et les troupes. {On applaudit de toutes parts.) M. le Président répond : « Monsieur, « L’Assemblée nationale reçoit avec respect et avec confiance le message que lui a adressé un roi continuellement occupé de gouverner par la loi et de régner par la sagesse. « L'Assemblée n’oublie pas que le ministre qui lui apporte ce message, après avoir longtemps bien mérité de la patrie par ses services militaires, a professé hautement, dans le sein de cette même Assemblée, les maximes de la Constitution et de la liberté, et depuis en a transporté l’application et la pratique que le roi a confiée à ses soins. « L’Assemblée nationale sait que l’armée est un des objets majeurs de la Constitution, un de ceux qui méritent le plus et le plus instamment de fixer ses regards, et son comité militaire s’occupe de cet objet important, et sera prêt incessamment à soumettre les résultats de son travail aux regards de l’Assemblée. « Elle sait que sur la force publique reposent au dedans la justice, au dehors la sûreté; elle sait que sans la discipline l’armée est nulle pour la protection extérieure, effrayante pour la tranquillité intérieure et des citoyens. « Elle sait enfin que le titre de soldats et celui de citoyens doivent être inséparablement unis, et que celui-là serait indigne de mourir pour la [4 juin 1790.] patrie, et qui pourrait vivre parjure au serment qu’il a fait de maintenir la Constitution. «“C’est d’après ces principes, Monsieur, que l’Assemblée nationale examinera avec la plus sérieuse aîtention le mémoire qu’elle vient d’entendre, et qu’elle vous invite à déposer entre mes mains. » (M. de La Tour-du-Pin, ministre de la guerre, se retire.) Plusieurs membres demandent la parole et font des motions. M. le Président. On fait plusieurs motions. On demande que le mémoire qui vient d’être lu soit imprimé; que le comité militaire rende compte incessamment de ce mémoire et qu’il soit fait une adresse de remerciement au roi. (L’impression du mémoire lu par M. de La Tour-du-Pin est ordonnée.) M. le baron de Menou. Sous huit jours le comité militaire espère être en état de vous faire un rapport sur tout ce qui regarde l’armée et sur les obiets présentés par le ministre. Je crois, en conséquence, qu’il n’est pas à propos d’obliger le comité à rendre compte du mémoire que vientde lire M. de La Tour-du-Pin, avant que nous ayons présenté un rapport général. J’adhère à la proposition de faire une adresse au roi. M. le comte de Custine. Il est important de faire cesser les insurrections ; le terme de huit jours est trop long. Je demande que le rapport du comité soit fait au plus tard mardi prochain, ou que du moins on nous mette à même d’opiner incessamment sur le mémoire qui vient d’être lu de la part du roi. M. le baron de Menou. Le travail du comité ne peut supporter un rapport partiel. Il est fait de concert avec le conseil, et de manière que dans l’espace de vingt-quatre heures vous puissiez décréter tout ce qui concerne l’armée. M. Bureaux de Pusy. Le mémoire a pour objet d’indiquer les causes de l’insurrection des corps militaires ; ces causes sont de deux espèces : l’organisation actuelle de l’armée et ses rapports avec les municipalités. Quant à l’organisation de l’armée, il est impossible de faire un rapport partiel ; quant aux relations de l’armée avec le pouvoir civil, quelques membres du comité militaire se sontréunis pour travailler avec le comité de Constitution. On pourrait renvoyer cet objet à un court délai. M. Fréteau. J’appuie ces réflexions, car il me paraît nécessaire d’adopter des dispositions provisoires. M. le marquis de Beauharnais. II faut empêcher ces comités qui se sont formés dans les régiments et dans les ports. M. Malouet. Le rapport du comité militaire, au sujet des relations de l’armée avec les municipalités, est un objet de législation et de constitution absolument étranger aux incidents exprimés par le ministre. Avant ce rapport constitutionnel, il serait nécessaire de marquer la satisfaction de l’Assemblée aux régiments qui ne se sont point écartés de la discipline, et son improbation à ceux qui se sont mal conduits. ARCHIVES PARLEMENTAIRES.