[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [23 juin 1790.] 439 partiellement, à raison de 10,000 livres par année, à commencer en 1797. » (L’Assemblée renvoie cette proposition au comité des finances.) M. le Président. L’ordre du jour est la suite de la discussion du projet de décret sur le traitement du clergé actuel. La délibération sur l’article 1er commencée hier a été continuée à la séance d’aujourd'hui. AJ. l’abbé Expilly, rapporteur. Si j’ai bien entendu les honorables membres qui n’ont pas trouvé que le traitement accordé aux ecclésiastiques par le comité fût assez considérable, j’attribue ces craintes à leurs sollicitudes pour les bénéficiers endettés. Je vous annonce donc que le comité proposera un article additionnel pour déclarer la somme qui restera insaisissable dans le traitement des ecclésiastiques. M. Delley d’Agier. Vos décrets précédents sur l’aliénation des biens ecclésiastiques, la diminution dans le traitement de plusieurs fonctionnaires publics, répondent assez à ceux qui semblent encore douter si on peut porter quelques atteintes à la jouissance usufruitière des titulaires. Vous seriez dans la plus stricte justice en allouant au clergé actuel une somme égale à celle du clergé futur. Deux plans vous ont été proposés, un par le comité, et l’autre par M. Thouret. Je ne pense pas que le maximum doive être le même pour l’évêque qui, strict observateur de la loi, s’est borné à son évêché, et pour celui qui a en outre sollicité des abbayes. Je proposerais, en conséquence, de donner 40,000 livres pour le maximum à ceux qui n’ont pas d’abbaye, et 35,000 livres pour ceux qui en avaient ; 10,000 livres à tous les abbés septuagénaires ; 8,000 livres pour les sexagénaires, et 3,000 livres pour les abbés deSaint-Ruf et autres ordres. Je pense aussi que, jusqu’à une nouvelle doctrine, les chefs d’ordres réguliers doivent être assimilés aux autres abbés commandataires. M. Thouret, qui accorde 60,000 livres aux évêques, leur suppose sans doute 150,000 livres de revenus, et il propose de prendre pour base la déclaration des titulaires. Je proposerais une base sur laquelle vous ne devez pas craindre l’exagération, c’est-à-dire la déclaration pour la contribution patriotique, et de regarder ceux qui n’ont pas fait cette déclaration comme n’ayant point 400 livres de revenus. M. Stanislas de Clermont-Tonnerre (1). Messieurs, des considérations nombreuses, toutes puisées dans mon respect pour l’Assemblée nationale, et l'attachement que tout homme vraiment probe doit conserver pour ses propres opinions, jusqu’à ce qu’il cesse de les croire vraies, m’ont fait une loi du silence dans la discussion de tous les points relatifs au principe adopté par le Corps constituant, le 2 novembre derujer. Aujourd’hui qu’il ne s’agit évidemment de statuer que sur le sort d’un grand nombre d’individus, et de consulter sur la somme' de leur traitement, la justice et l’humanité, je crqjs pouvoir et devofr parler sur une question dont les éléments me sont connus, dont les données sont constantes, et qui peut se résoudre par des (1) Le Moniteur ne donne qu’uq sommaire du discours de M. de Clermont-Tonnerre. principes qu’il n’est permis à aucun citoyen de méconnaître : l’humanité et la justice. Vous avez changé la face de J’Empire français; après avoir suivi les abus dans leurs nombreuses ramifications, vous avez pensé qu’ils s’étaient tellement identifiés à tout ce qui existait, qu’il devenait indispensable de reconstituer, sur nos principes, l’universalité des institutions sociales, Après avoir créé les divers pouvoirs politiques et formé les instruments que fa Constitution leur confie, vous avez cru que fa morale, fortifiée par la religion, serait plus pure et plus constante ; vous avez voulu que les ministres du culte» soumis dorénavant à un nouvel ordre de choses, placés dans la Constitution et salariés par l’Etat, reçussent de vous une existence analogue au but auquel vous les destiniez. Je n’ai point à parler sur ces décrets, mais Messieurs, dans celui que vous allez rendre sur le sort du titulaire, il s’agit de passer de l’ancien état au nouvel ordre, sans un déchirement trop fort ; il faut, ce me semble, nous avouer, avec Ip rapporteur de votre comité ecclésiastique, qiiê nos travaux actuels portent l'empreinte de la destruction ; et cette image , toujours affligeante , altère fortement l'éclat du bien qu'elle couvre. Pénétré de cette vérité qu’il avoue, votre comité à dû, sans doute, ou vous présenter pour les titulaires un traitement convenable, ou vous démontrer invinciblement que la loi impérieuse dès circonstances vous empêchait de l’accorder. Je considérerai son travail sous ces den�. points de vue. Je me permettrai ensuite de vous présenter les idées que j’oppose à son projet, et les calculs qui démontrent que ces idées ne sont point inexécutables. Le comité présente-t-il un traitement convenable ? Première question. Je pourrais saus doute vous dire, avec votre comité : Si les ecclésiastiques du clergé futur sont des hommes nouveaux et doivent trouver dans le traitement qui va leur être assigné , ce qui suffira aux vrais besoins , il n'en est pas de même des titulaires actuels ; ils ont connu les avantages que donnent les richesses, ils ont vu naître autour d'eux les besoins factices qu elles, entraînent , ils y seront encore assujettis: n'y a-t-il pas une sorte de justice à user d’ indulgence à leur égard , à leur fixer un sort gui puisse leur conserver les jouissances qui ne leur sont' pas rigoureusement interdites (1)? Cette considéra|ioq, Messieurs, dont votre comité assure qu’il '§’est pénétré, aurait dû le conduire à des résultats différents ; il aurait sans doute pu penser qu’à moins éf 'être ce qu’il appelle un homme nouyeim," Ip titulaire d’un bénéfice très considérable aaU§ l’ordre qc-r tuel, ne trouvera pas dans Je maximum qu’il fui assigne, toutes les jouissances qui ne Itii sqnf pas rigoureusement interdites. Mais, Messieurs, jp ne me pénètre point commp votre comité, de la considération précédente, pt je présente contre soq plan nn motif plus puissant sans doute, parce qu’il est puise dans 1$ justice la plus exacte. Avqnt Je 2 novembre dernier, titulaire, comptable envers sa conscipnce et envers sa conscience spule, jouissait de son bénéfice sous lq sauvegarde déjà foi publique, et de ja loi de l’Etat ; après avoir acquitté les charges, le bénéficier sjm-(1) J’ai été interrompu par des marques d’improba-tiqn; oq oubliait que ce passage était textuellement tiré du rapport du comité ecclésiastique. 440 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [23 juin 1790.] pl e, dont le bénéfice était cen sé soit une retraite, soit la récompense de ses travaux, ne devait compte à personne de l’emploi de ses revenus ; il pouvait, spéculant avec des probabilités dont les calculs sont connus et les données positives, consommer dans une année, appliquer, soit à des établissements utiles, soit même à l’amélioration de son bénéfice, l’emprunt hypothéqué sur les revenus des années suivantes. Plusieurs, sans doute, l’ont fait, et vous ne pouvez, sans une souveraine injustice, leur ôter la possibilité d’acquitter ces engagements. Je ne comprends pas comment l’on prétend repousser cette objection : II y aurait certes de l'impudeur à prétendre que le créancier nest point recevable à présenter un titre que la mort de son débiteur aurait légalement annulé. Sans doute, le créancier avait cette chance contre lui, il la connaissait, il l’avait calculée, il s’était réglé sur elle dans son prêt; mais ce créancier n’a pu ni connaître, ni calculer la nouvelle chance que vos travaux ont fait naître; le créancier pourra toujours vous dire avec vérité : Je savais que mon débiteur pouvait mourir, mais je ne savais pas que vous pouviez le dépouiller. C’est par ce seul argument que j’attaque le maximum proposé par le comité ecclésiastique. Je soutiens que le titulaire d’un bénéfice de soixante mille livres de rente, qui a consacré par an vingt mille francs pour la dépense du cuite public, dans l’étendue de son bénéfice, et l’acquittement de ses charges, quia donné vingt mille francs par an aux pauvres, dont le soulagement était son premier devoir, a pu et dû, dans l’ancien état, consacrer à ses dépenses personnelles, à ses œuvres de miséricorde ou à des établissements utiles de son choix, les vingt mille livres restant, s’il s’est présenté un établissement utile qui exigeât une somme de soixantemillefrancs ; ce titulaire, pour qui les deux premières portions de son revenu étaient sacrées, qui était lui-même dans un âge où les probabilités de vie sont encore longues, a pu sans doute trouver un homme qui, calculant sur cette probabilité, connaissant la chance de mort qui annulait sa créance, a pu sans doute lui prêter la somme nécessaire, et s’associer ainsi à l’œuvre utile qu’il consommait par cette anticipation de revenus. Eh bien, Messieurs, dans cette hypothèse, votre comité réduit à six mille livres le titulaire dont je parle : s’il est honnête, ou que son créancier use de ses droits, ce titulaire est réduit à la mendicité, pour qu’au bout de dix ans, s’il les vit, son créancier soit payé ; et cependant, Messieurs, ni l’un ni l’autre n’ont eu tort, tous deux ont agi sagement, avec bonne foi, sous la sauvegarde de la foi publique; et voilà l'objection que votre comité ecclésiastique croit avoir refutée victorieusement, lorsqu’il dit : De telles hypothèses ne doivent point diriger vos résolutions si des bénéficiers ont contracté des dettes, il faut penser qu’elles ne sont pas considérables ; et, dans ce cas, le traitement que vous leur attribuerez, fournira facilement aux hommes sages et économes les moyens de les acquitter. Sans doute, vous ne trouverez pas cette obj ection résolue, vous pèserez dans votre sagesse, etl’hy-pothèse que je viens de vous présenter, et celle sans doute non moins commune de tous les ouvriers pères de famille, fournisseurs ou entrepreneurs, à qui la connaissance de la fortune des titulaires a permis ou de faire une année d’avance ou du moins de n’arrêter leurs factures qu'à la fin de chaque année, et qui, par votre décret, se trouveraient, à l’égard de quelques titulaires, soit imprudents, soit coupables, n’avoir plus que 6000 livres pour gages d’une fourniture de cent mille francs. Vous aurez égard à ce motif dans les réductions que vous croirez indispensables; et vous sentirez avec moi que la ruine d’un grand nombre de familles, que le désespoir des individus, la violation des engagements sacrés et légaux, ne peuvent jamais être les éléments dont se compose la prospérité publique. Je conclus que votre comité ecclésiastique n’ayant point eu dans la fixation du sort des titulaires actuels, les égards que lui commandaient les considérations morales, ne vous a présenté, pour eux, qu’un traitement insuffisant, et n’a point rempli votre but. Voyons maintenant, Messieurs, s’il vous a démontré rigoureusement qu’un traitement plus convenable était décidément impossible par la nature des circonstances. Et, d’abord, je vous demanderai si vous avez consulté ces circonstances, lorsque forts d’une seule vérité, l’existence et la loyauté de la nation française, vous avez consacré cette dette encore inconnue, cette dette dont le traitement des titulaires, quelque somptueux qu’on le suppose, ne serait pas encore un des éléments les moins purs. Quels sont, en effet, les éléments de cette dette? Quelques capitaux véritablement fournis, les traitements arriérés, mais surtout des masses énormes d’intérêts accumulés, et toujours calculés, d’une part sur l’incertitude du payement et sur l’avidité du prêteur. — Et certes, le créancier de ce genre est placé dans une hypothèse bien différente de celle qui a établi les calculs. Il s’est dit, il a dû se dire : Je ne serai peut-être jamais payé, il faut que je combine mon prêt de manière que, par la succession de mes opérations, je sois plus que couvert de mes fonds, avant même qu’on me les ait payés. El vous, Messieurs, vous avez dit à ce créancier : Nous te payerons et nous laissons subsister ta combinaison financière, comme quand tu ne croyais pas être payé. — Et qu’on ne prétende pas que vous avez fait une imprudence. Vous vouliez alors être libres, et vous saviez qu’il fallait commencer par être justes ; vous vouliez faire aimer cette Révolution à laquelle vous aviez attaché votre gloire; vous n’étiez pas encore à ce point de prospérité où la voix de la justice paraît moins impérieuse, et où ceux mêmes qui la réclament n’osent plus employer que les accents de la prière. Cette grande puissance, écueil des rois et des peuples, n’en doit pas être un pour votre sagesse ; vous ne devez pas oublier que vous ne serez forts que tant que vous serez justes ; que si l’œuvre sainte de la liberté que vous avez entreprise ne peut pas même être anéantie par vos fautes, votre gloire personnelle serait du moins flétrie par une véritable iniquité. Vous ne perdrez pas de vue ces principes; je ne croirai jamais que vous les avez perdus de vue, et je n’aurai point à vos yeux le tort d’employer des supplications pour vous rappeler des devoirs. Et cependant, Messieurs, cet empire des circonstances, qui ne devrait pas vous arrêter, votre comité ecclésiastique ne l’a point établi sur des raisonnements irrésistibles. Les calculs ne pourraient, sans doute, se composer que de bases bien positives et d’éléments incontestables ; il fallait certainement vous dire : les biens nationaux montent à tant ; les charges dont vous les avez grevés montent à tant ; les titulaires sont en tel nombre, il ne peut leur être partagé que [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [23 juin 1790 ] tant ; alors, vous eussiez eu à décider si ce partage se ferait au marc la livre de leurs anciens revenus, ou si vous suivriez la méthode que le comité ecclésiastique a cru devoir préférer à ce moyen si naturel. — Votre comité, cependant, après avoir dit en général que les biens du clergé rapportent 170 millions, que le traitement des bénéficiers actuels s’élèvera à 140: que la nation ne retiendra que 30 millions pour les frais du culte, les charités publiques et les impositions, après avoir ajouté plus loin qu’il pourra, si cela devient nécessaire, vous prouver par des calculs la vérité de ses propositions, ajoute enfin : les revenus que le clergé remet à la nation ne sont pas assez considérables pour permettre une maximum plus élevé. — Vous me pardonnerez, sans doute, Messieurs, de n’avoir trouvé, ni dans ce peu de mots, ni dans des calculs que l’on annonce sans les avoir encore donnés, des preuves suffisantes et victorieuses, desquelles on ne pourrait cependant pas encore déduire la nécessité d’être durs et iniques envers les titulaires actuels. Persuadé, Messieurs, qu’il existait un moyen de traiter avec moins de rigueur les ecclésiastiques actuels, j’ai cherché les calculs qui pouvaient me fournir quelques données; je vais vous les soumettre avec confiance, et je vous prie de m’accorder de l’attention; vous devez avoir le désir d’apercevoir la possibilité de ce dont vous sentez la justice. Voici, Messieurs, la manière dont j’ai posé le problème dont j’ai cherché la solution. Je me suis demandé d’abord quelle est la somme d’indemnité que les titulaires peuvent attendre de Ja justice de la nation ? J’ai cherché ensuite à découvrir quelle est la somme qui demeurera libre après avoir prélevé, sur les biens déclarés nationaux, les dépenses dont ils sont chargés. J’ai enfin rapproché ces deux résultats, et c’est sur leur rapprochement que j’établis les mesures que je vous propose de décréter, pour connaître la somme et le genre d’indemnité qui peut être dû aux titulaires. J’examine d’abord le genre de leurs revenus, et les charges dont ils étaient légitimement grevés. Les revenus ecclésiastiques consistent en biens-fonds et en dîmes ; mais ni l*un ni l’autre n’étaient à leur absolue disposition ; chargés justement de la dépense du culte, du soulagement des pauvres, ils ne pouvaient sans doute se soustraire à l’acquittement de ces charges, elles tombaient également sur la dîme et sur les biens-fonds ; mais la dîme était, de plus, assujettie à une charge particulière et spéciale, l’acquittement des portions congrues et de toutes les augmentations dont les portions congrues étaient vraiment susceptibles. Voilà, Messieurs, les charges qu’il est d’abord essentiel de prélever sur les revenus ecclésiastiques, et il est incontestable que cet objet prélevé n’est, de sa nature, susceptible d’aucune sorte d’indemnité, puisqu’il n’a jamais dû faire partie de la jouissance du titulaire ; pour opérer ce prélèvement, je raisonne et calcule ainsi : les biens du clergé forment une masse de revenus évalués, par votre comité lui-même, à deux cents millions, ci ........... 200.000.000 fr. La charge spéciale de la dîme composée : 1° Du traitement des curés de campagne, au nombre de trente-trois mille cinq cent vingt-neuf, à 1,200 fr. ; quarante millions deux cent trente-quatre mille huit cents liv-, ci ..... 40.234.800 Du payement de quatre mille cinq cents annexes, à sept cents livres, trois millions cent cinquante mille livres, ci ....... Du traitement de neuf mille autres vicaires, à sept cents livres, trois millions, ci ........ Forme un total de cinquante-deux millions six cent quatre-vingt-quatre mille huit cents livres, ci ...................... Cet objet, qui n’est évidemment pas susceptible d’indemnité, étant retranché des deux cents millions ci-dessus, réduit d’abord cette somme à celle de cent quarante-sept millions trois cent quinze mille deux cents livres, ci ..................... Vous avez porté à une nouvelle augmentation le sort de plusieurs curés ; prenons pour terme moyen six mille curés portés de dix-huit cents à quatre mille livres, c’est un excédant de deux mille deux cents livres, qui forment un total de treize millions six cent mille livres, ci ..................... J’établis que cette charge doit être encore prélevée sur les revenus des titulaires, et je l’ôte du reliquat précédent, ce qui réduit encore la somme susceptible d’indemnité, à cent vingt-six millions sept cent quinze mille deux cents livres, ci. . . . Les religieux et religieuses, dont vous avez fixé le sort, présentent encore une masse de quarante-cinq millions cinq cent mille livres qui n’est susceptible de l’indemnité dont il s’agit ; je la retranche du dernier reliquat, et je la réduis ainsi à la somme de quatre-vingts millions, ci ............ Il existe pour à peu près dix-huit cent mille livres de bénéfices vacants ; ils ne sont point susceptibles d’indemnité, je retranche encore cette somme de la précédente, et j’ai soixante-dix-neuf millions quatre cent quinze mille deux cents livres de revenus, sur lesquels il me paraît nécessaire et juste de faire encore un dernier prélèvement. J’ai dit que le soulagement des pauvres et les frais du culte étaient une charge légitime des revenus ecclésiastiques : vous avez vu, Messieurs, que les précédentes réductions, la plupart relatives au culte, diminueraient déjà de plus de trois cinquièmes les revenus des titulaires : eh bien, Messieurs, je consacre encore au soulagement des pauvres et au supplément des frais du culte, la moitié de la somme restante, et je doute 441 3.150.000 3.000.000 52.684.800 147.315.200 13.600.000 126.715.200 80.000.000 442 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [23 juin 1790.] que l’homme le plus sévère puisse me trouver généreux lorsque je réduis en déünitive, à une somme de quarante millions, la somme susceptible d’indemnités sur les deux cents millions de revenus dont jouissaient paisiblement les titulaires actuels. Je crois avoir établi, Messieurs, d’après des aperçus exacts , quelle est la véritable somme d’indemnités que les ecclésiastiques ont un droit incontestable d’exiger de votre justice. Examinons maintenant quelles sont les ressources que vous présentent pour y subvenir les biens déclarés nationaux. Le revenu des ecclésiastiques en biens-fonds est estimé par votre comité ecclésiastique à soixante et dix millions, ci. . . . Et j’observe que, dans cetfe évaluation, on convient que l’on pourrait facilement porter à cent millions ce qu’on ne veut compter que pour soixante-dix. En supprimant la dîme, on vous a proposé de la remplacer par un impôt de cent trente millions, et l’on vous a dit qu’il y avait trois millions de bénéfice pour les contribuables dans le nouvel ordre de choses, ci ... . Partant de ces données, nous avons, comme je l’ai dit, un revenu de deux cents millions, ci. Examinons maintenant les charges dont est grevé ce revenu. 40.0Q0.00Q 70.000.000 13Q.QOO.OOO 200.000.000 Vous avez décrété un prélèvement de quatre cents millions sur les biens nationaux; mais dans leur masse est compris le fonds des anciens domaines de la couronne, et ce fonds, je l’estime sans exagérer à cent vingt millions, ce qui réduit à deux cent quatre-vingts millions le fonds à prendre sur les biens ecclésiastiques. ! Deux cent quatre-vingts millions au denier vingt fpnt un revenu de quatorze millions, ci. 14,000,000 Je les retranche des deux cents millions ci-dessus, il resfe cent quatre-vingt-six millions, ci.. 186,000,000 Les dettes du clergé, comme corps , montent d’après votre comité à onze millions, cj. . . . : 11,000,000 Je retranche cette sommé de la précédente, il resfe cent soixante et quinze misions, ci. 175,000,000 Les frais du culte, d’après les propositions de votre comité, sans tenir compte des modifications peu importantes que vous leur avez faites » présen-tent : 1° Pour les évêques : un million deux cent mille livres, ci.. 1 .200, ûûû 2° Pour les curés de campagne, vingt-deux millions trois cent mille livres, ci ........... 22,300,000 3° Pour les vicaires, vingt-deux millions neuf cent mille livres, ci ............ . ........ 22,900,000 4° Pour les curés des villes , six millions huit cent mille livres, ci ..................... 6,800,000 5° Pour l’entretien des bâtiments et frais du culte, douze millions , ci .................. 12,000,000 6° Pour les hôpitaux, collèges, séminaires , etc., douze millions, ci ..................... 12,000,000 Total soixante et dix-sept millions deux cent mille livres, ci. 77,200,000 Je retranche encore cette somme de mon dernier reliquat: il me reste quatre-vingt dix-sept millions huit cent mille livres, ci .................. . ........ 97,800,000 Sur cette somme, j’ai encore à prélever pour le moment une charge viagère , qui décroîtra nécessairement et s’éteindra dans peu d’années; je la porte cependant dans le calcul comme une charge constante, c’est le traitement décrété pour les religieux et religieuses. Si les calculs du comité sont exacts, je puis porter quinze mille religieux à huit cents francs, et trente mille religieuses à six cents, ce qui me donne un total de trente millions, ci.... 30,000,000 Je retranche cette somme de mon dernier résultat, et il me reste soixante-sept millions huit cent mille livres, ci ........... 67,800,000 C’est sur cette dernière somme, restée libre après les charges déduites, qu’il n’est sans doute permis d’établir l’indemnité, que j’ai prouvé ne devoir être qu’un objet de quarante millions. — Il restera encore entré les mains de la nation française un revenu de vingt-sept millions huit cent mille livres, et la perspective de l’extinction des trente millions de rentes viagères accordés aux religieux des deux sexes. Voilà, Messieurs, le résultat satisfaisant auquel m’ont conduit d’une part les données établies par votre comité ecclésiastique, et l’examen des principes sur lesquels pouvaient s’établir les indemnités qui sont dues aux titulaires dépossédés. 11 ne me reste plus qu’à fixer le mode de répartition juste et convenable, qui doit être mis en usage, pour que les titulaires ne trouvént pas une nouvelle rigueur dans l’opération rigoureuse à laquelle ils vont se soumettre. Cette répartition sera naturellement fixée par les mêmes principes qui m’ont guidé dans l’évaluation de l’indemnité dont il s’agit, et je vous en présenterai le mode dans le projet de décret qui terminera mon opinion. Mais, Messieurs, avant de finir, permettez que je vous présente encore quelques considérations puissantes : Je vous ai prouvé que vous pouviez, dans le moment, traiter avec justice les titulaires actuels ; j’ai appuyé de calculs les proportions que j’ai faites; eh bien, quand toutes mes preuves seraient incomplètes, quand tous [23 juin 1790.] 443 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. mes calculs seraient inexacts, votre obligation étroite ne cesserait pas d’être la même ; la justice ne vous dirait pas avec moins d’empire, avec moins d’évidence : laissez aux hommes que la loi et la bonne foi publique défendaient, la somme de jouissance et d’usufruit que la loi leur permettait de conserver ; laissez à des créanciers qui ont prêté sous l’égide de la loi et de la bonne foi publique, le gage sur lequel ils ont eu droit de compter, le gage qui leur appartient, et que la force et l’iniquité peuvent seules leur enlever, en consommant leur ruine. Le poids de cette considération ne peut être affaibli par aucun autre : c’est le créancier, c’est le créancier légitime que vous ne pouvez pas spolier ; c’est le débiteur, et le débiteur de bonne foi que vous ne pouvez pas rendre insolvable par sa faute, est un homme infâme. L’homme insolvable par le crime d’un autre a le droit éternel de rejeter sur lui l’infamie de sa faillite. On se résoud à la misère, on sacrifie facilement les jouissances du luxe et de la vanité, mais le droit de payer ses dettes et les dettes que l’on a pu faire légitimement, on ne le perd qu’en maudissant l’oppresseur qui nous l'arrache; on environne cette violence de tous les cris du désespoir et de la haine ; et ce désespoir est juste et cette haine est juste ; et certes, vous ne voudrez pas créer’ de tels ennemis à votre régénération ; vous ne voudrez pas placer ces ennemis dans le cœur de l’homme vertueux, en faisant des victimes. — Et quels hommes vous proposait-on de réduire a ces affreuses extrémités? Je ne vous rappellerai pas que les ministres des autels ont, en général, des droits acquis à la reconnaissance des peuples ; que les prêtres français, malgré les nombreux abus dont les plus sages étaient les premiers à gémir, sont cependant et ont constamment été, par leur doctrine et les mœurs, le clergé le plus recomandable de l’Europe; mais je vous rappellerai qu’à cette époque, qu’il m’est peut-être permis de me retracer avec satisfaction, et dont un jour, qui s’approche, ramènera l’anniversaire, lorsque des citoyens de l’ordre de la noblesse vinrent immoler leurs préjugés et leur existence politique sür l’autel de la patrie, nous le trouvâmes environné de la majorité, de ce clergé qui avait devancé nos pas, qui, invité par vous, au nom du Dieu de paix, à terminer de funestes discussions, est venu d’abord reconnaître les principes qui l’anéantissaient comme ordre, et qui, successivement conduit de sacrifices en sacrifices, n’a sans doute pas mérité que le dernier de tous fût celui de son honneur, et la déclaration d’une faillite aussi honteuse que désespérante, aussi désespérante qu’inutile. Etez-vous donc un homme ou un roi, pour ne pouvoir faire entrer le temps comme élément dans l’exécution de vos projets? Qu’un despote se hâte de faire, qu’il fasse avec violence, qu’il sacrifie les hommes du jour, la justice du moment, à ce qu’il croit bien pour les générations futures, je l’excuse; il est seul, il est homme, il est mortel, jl se hâte d’exécuter ce qui ne le serait point, si la mort venait à le surprendre ; mais vous! une nation! une nation libre et éclairée ! rièn ne vous prescrit une telle précipa-tion. N’avez-vous vous pas des forces immenses? les siècles avenir ne vous appartiennent-ils pas comme celui-ci pour l’exécution d’un projet utile et juste? Pourquoi donc des déchirements, des violences, des injustices? Tous ces moyens sont indignes de vous, et rien ne vous les commande. Je conclus, en vous présentant un projet de décret, dans lequel, guidé par cette considération puissante, et me renfermant toutefois dans la latitude de moyens de finance, avoués par votre comité ecclésiastique, je vous propose un mode d’emploi d’indemnité, qui assure aux titulaires actuels ce qui leur appartient de droit, et leur facilite le payement de leurs dettes légitimes, par un moyen simple, conforme à la plus exacte justice, et qui ne présente à la nation aucun surcroît de charge à supporter. L’Assemblée nationale considérant que les titulaires actuels des bénéfices dont les revenus se trouvent réduits ou supprimés par la nouvelle organisation ont le droit d’obtenir de la justice une indemnité proportionnée à la partie de ces revenus, qu’aucune charge spéciale ne grevait ; Considérant que la répartition de cette indemnité doit être de manière à ce que chaque individu ait une indemnité proportionnée à ce dont il jouissait légitimement; Considérant enfin qu’il est de la justice de la nation française de faciliter aux titulaires actuels les moyens d’acquitter les dettes qu’ils ont pu légitimement contracter. A décrété et décrète ce qui suit: Art. 1er. Il ne sera donné aux titulaires déci-mateurs aucune indemnité de la portion de leurs revenus, équivalent à l’augmentation actuelle de la portion congrue des curés et vicaires des paroisses, dans lesquelles leurs dîmes sôat perçues, dans le cas où cette augmentation n’excéderait pas les deux tiers de leur revenu. Art. 2. Il sera fixé aux 4écimateurs une indemnité relative à la portion de leurs revenus' en dîmes excédant l’augmentation actuelle, rappelée dans l’article premier. ' ! Art. 3. Dans le cas où la charge de l’augmentation, rappelée dans l’article premier, absorberait plus que les deux tiers du revenu de tout genre d’un titulaire, son indemnité sera fixée q 4 va-leur d’un tiers de ce revenu. Art. 4. Là partie des revenus en dîmes, dont l’indemnité a été fixée par les articles précédents, sera ajoutée aux revenus en biens-fonds de chaque titulaire, et le tout sera soumjs qux clauses et conditions fixées par les articles Suivants. Art. 5. Il sera donné au titulaire de bénéfice simple une pension yiagère équivalente aux quatre dixièmes de son revenu, déterminé d’après l’article 4, jusqu’à Page de 45 ans, une pension équivalente aux cinq dixièmes jusqu’à 55 ans; et une pension des six dixièmes appès 55 ans révolus. Art. 6. Les archevêques, évêques et curés auront une pension viagère, équivalente aux cinq dixièmes de leurs" revenus, déterminés d’après l’article 4. Art. 7. Les pensions viagères ci-dessus énoncées pourront être remboursées, soit en assignats, soit en biens nationaux ; les remboursements seront fixés jusqu’à 45 ans, dqns la proportion de huit pour cent, depuis 45 ans jusqu’à 55, dans celle de’ dix pour cent, et depuis 55 dans celle douze pour cent. M. Ricard, député de Castres. Il y a peut-être de la témérité de ma part à monter à cette tribune après M. de Clermont, pour soutenir un avis tout à fait différent du sien. Je ne viens point prendre ici l’intérêt de quelques individus, je viens défendre la papse du peupje. J’îii eutejidq invdqüer l'indulgence et les lois pour dès bommeS 444 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [23 juin 1790.] à qui vous avez accordé 30,000 livres de revenu. L’excédent serait une violation manifeste de vos principes : ce que le préopinant appelle un acte de justice, je l’appellerai moi un acte d’injustice et un oubli de tous nos devoirs. Il existe une première loi canonique; je ne citerai ni saint Chrysostome, ni saint Paul, ni saint Bernard : je ne les connais pas ; mais je connais bien cette loi, que nul ne peut posséder plus d’un bénéfice, cette loi sage, d’après laquelle un ecclésiastique ne peut jouir que d’un tiers net de son revenu : et cependant qui aurait pu assouvir l’insatiable avidité d’un seul de nos titulaires ? Ils se seraient emparés des biens ecclésiastiques des trois royaumes. Quel est le bénéficier qui les aurait refusés ? S’il est de bonne foi, qu’il me réponde ; de pareils abus ne se prescrivent pas contre la loi. Après les grands coups que vous avez portés, qui vous empêche de prononcer? Je vous en supplie, au nom de l’habitant des campagnes, jusqu’ici malheureux et méprisé. En réduisant les évêques à 30,000 livres, vous leur accorderez bien au delà du nécessaire, vous ferez exécuter les lois trop longtemps oubliées. Eh ! quels sont donc leurs titres, pour venir ici réclamer des préférences ? Où sont donc leurs preuves de patriotisme, pour nous disposer à des sacrifices en leur faveur? Leurs noms sont-ils sur la liste des contributions patriotiques ? Ont-ils, par des mandements pacifiques, préparé le peuple à la plus belle des révolutions qui se soit jamais opérée ? Pour vous donner une preuve de leur esprit, vous rappellerai-je ces assemblées de prélats délibérant sur le sort du clergé de second ordre, accordant 700 livres aux curés, 300 livres aux vicaires, et se retirant, disaient-ils, le cœur navré de ne pouvoir accorder davantage : 30,000 livres ne les contentent pas; ils réclament la justice. Quel est le général d’armée qui ne s’en contenterait pas? Où est le citoyen vertueux à qui celte somme ne suffirait pas pour entretenir lui et une nombreuse famille ? J’appuie le projet du comité, et je demande par amendement que les curés dont le traitement n’excédera pas 3,000 livres en jouissent en entier. M. Pétion. Il ne s’agit pas de s’emparer des biens ecclésiastiques, mais d’en faire une nouvelle distribution. Le clergé lui-même disait que la répartition de ses biens était inexacte. Gomment la changer, si ce n’était en diminuant les revenus de ceux qui possèdent trop? Il ne s’agit uniquement que de cette opération. Voilà le total du revenu du clergé; faisons-en une nouvelle distribution. L’opération me paraît simple. Vous avez présenté un maximum pour le clergé futur ; je le prends pour le minimum du traitement actuel, et en suivant une proportion graduelle personne n’aura à se plaindre. ( Les murmures empêchent d’ entendre la voix de l’opinant pendant le reste de son opinion). M. de Cazalès. Parmi le grand nombre d’orateurs qui ont parlé dans cette question, tous sont convenus que le droit qu’ont les titulaires de jouir des bénéfices qu’ils possèdent est une véritable propriété. (Plusieurs membres de la partie gauche s'écrient qu'on n'est pas convenu de cela.) S’il existait deux espèces de propriétés devant la loi, s’il existait des propriétés privilégiées, celles des titulaires devraient être du nombre ; leurs jouissances reposent sur toutes les conventions nationales, suivant les règles et les formes établies ; mais, comme [on vous l’a dit, à charge onéreuse, à la charge de se lier à un état auquel ils ne peuvent plus renoncer. Si, sous prétexte que quelques-uns ont une fortune excessive, on pouvait composer avec les propriétés, si on adaptait à toutes les matières les principes d’égalité, on irait jusqu’à demander la loi agraire et la subversion de tous les liens politiques. Les titulaires ont le droit de propriété aux jouissances usufruitières qui leur ont été accordées, et toute espèce d’ultimatum est incompatible avec ces principes. Je conclus en adoptant l’opinion de M. Thouret, en ôtant l’ultimatum. M. Chasset. Je dois remettre sous vos yeux la position dans laquelle s’est trouvé le comité. Rappelez-vous le décret qui assigne un traitement aux religieux, dont quelques-uns étaient sans revenu ; rappelez-vous que l’état des religieuses n’est point encore fixé ; que vous vous proposez d’augmenter le traitement des vicaires ; que vous vous chargez de l'entretien des pauvres. La seule opération qui était soumise à votre comité, c’était un nouveau partage, par lequel on ôtait le superflu aux uns, pour donner le nécessaire aux autres. On vous a proposé une répartition proportionnelle aux richesses des titulaires. Eh bien ! je suppose que vous ayez à partager entre deux individus, dont l’un aurait 500,000 livres et l’autre 2,000 livres ; en déduisant les deux tiers qui ne leur appartiennent point, vous laissez au premier beaucoup trop, et le dernier n’a pas le nécessaire. Je fais cette simple réflexion, pour vous montrer dans les plans proposés l’impossibilité de l’exécution, et les vues sages qui ont guidé le comité. M. le Président. Il vient d’arriver de Perpignan une lettre des officiers du régiment de Touraine , et un procès-verbal au sujet de V enlèvement des cravates de leurs drapeaux. Un de MM. les secrétaires va en faire lecture. M. de Pardieu, secrétaire , lit ces deux pièces. « Nosseigneurs, le corps des officiers du régiment de Touraine, indigné de l’enlèvement de ses drapeaux par M. le vicomte de Mirabeau, supplie l’Assemblée nationale de lui rendre prompte justice, et nous certifions que le procès-verbal ci-joint est véritable, « Nous sommes avec un profond respect, Nosseigneurs, vos très humbles et très obéissants serviteurs. « A Perpignan, le 13 juin 1790. « Signé : Le chevalier d’Iversay , de Chariot, Pontavie, Larroux, Meyvière, d’Artois, La Caudelle, Gorvey, Martin, Baudreuil, de Châteaugaillard, Du Beiloy, Hainaud, Thorème, le vicomte de Bonne, de Préchâteau, Chéron, Patel, de Bonne, Serre, de Pontoux, Jory. » « PROCÈS-VERBAL Dü 1 1 JUIN rédigé à 11 heures du matin , en la maison du sieur d’Aguilar, maire de la ville de Perpignan , par les officiers, adjudants, bas-officiers caporaux et soldats du régiment de Touraine. « La compagnie des grenadiers, MM. Patel et Martin, officiers, et M. Serre, porte-drapeau, à leur tête, d’après l’ordre du sieur d’Iversay, s’étant