457 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [13 décembre 1790.] M. Vieillard fait lecture de cette adresse dont voici l’extrait : « De Gahors, 7 décembre 1790. « En acceptant les places auxquelles la confiance publique nous a élevés, nous ne nous sommes pas dissimulé les peines et les dangers de nos fonctions ; et ni peines, ni dangers ne nous ont retenus quand il a fallu remplir nos devoirs; mais aujourd’hui nous serions découragés si nous n’étions sûrs de ne pas recourir vainement au pouvoir qui repose entre vos mains. Dès le mois de septembre nous vous avions instruits de nos efforts pour assurer le payement des rentes dues aux ci-devant seigneurs, de la résistance des censitaires, des signes d’insurrection, des potences, des mais élevés pour effrayer ceux qui voudraient payer... Sur la demande du district de Gourdon et de quelques municipalités, le conseil général du département requit cent hommes d’infanterie et deux brigades de maréchaussée de se rendre à Gourdon. Le directoire du district se servit de ces troupes pour rétablir l’ordre; il fit abattre les potences, les mais; il fit informer contre les principaux auteurs de l’insurrection. « Le calme se rétablissait ; mais aux approches du village de Saint-Germain on sonne le tocsin. Les paysans se rassemblent en armes ; les communautés voisines se joignent à eux, attaquent les troupes qui se replient sur Gourdon, et les poursuivent jusqu’aux portes de cette ville. Un chef, M. Joseph Linard, se met à la tète des séditieux, au nombre de quatre mille cinq cents. Il se conduit en général d’armée; il fait des propositions de paix à la municipalité ; il obtient l’entrée de la ville et agit en conquérant. Il va à la maison commune; il demande les ordres qui avaient été donnés par le directoire de district ; il se fait remettre toutes les pièces ; il rédige lui-même le procès-verbal ; il ouvre les prisons ; il promet que toutes les troupes seront congédiées, la maréchaussée anéantie, et il annonce qu’il va se retirer, lui et ses gens, en bon ordre. « Il se retire en effet, mais c’est le moment du pillage. La tête des administrateurs est mise à prix; leurs maisons sont les premières dévastées ; toutes les maisons des citoyens riches sont mises au pillage; il en est de même des châteaux et des maisons de campagne qui annoncent quelque aisance. M. Linard écrit au département pour annoncer ses exploits ; il exalte son patriotisme ; il se déclare protecteur du peuple du district de Gourdon contre le directoire de ce district. Suivant le procès-verbal, en date du 3 décembre, dressé par M. Linard, et la lettre adressée par lui au département, les causes ou les prétextes de l’insurrection sont les doutes répandus sur les décrets. On a cherché à persuader au peuple qu’ils étaient l’ouvrage des ci-devant seigneurs et qu’ils n’a-vaient point été rendus par l’Assemblée nationale. Les gardes nationales composées de censitaires, bien loin d’agir pour l’exécution des décrets, favorisent le refus du payement des rentes. Depuis l’événement de Gourdon les marques d’insurrection ont été rétablies. Nous avons pris, pour essayer de faire cesser les désordres, les mesures dont nous allons vous rendre compte. Notre garnison, autrefois de trois cents hommes, est affaiblie par des détachements. Nous avons requis cent cinquante hommes du régiment de Poitou cavalerie, et une partie du premier bataillon du régiment de Languedoc, et nous avons appelé près de nous MM. Esparbès et Puy-Montbrun pour qu’ils agissent sur nos réquisitions. Voici maintenant les ressources que nous sollicitons de la surveillance du roi. Nous demandons l’envoi d’un régiment complet, et que, dans tous les temps il y ait dans le chef-lieu du département une garnison d’un bataillon d’infanterie et de cent hommes de cavalerie. Nous pensons aussi qu’il est indispensable de nous laisser jusqu’au parfait rétablissement de l’ordre le régiment complet qu’on nous enverra, en le divisant entre les différents chefs-lieux de district. Nous désirons également que l’officier général qui commande dans le département soit toujours à portée de recevoir nos réquisitions. « Nous espérons que l’Assemblée nationale voudra bien prier le roi d’accélérer les ordres nécessaires pour mettre en œuvre ces différentes mesures. Nous lui demandons aussi de nous aider de sa sagesse pour l’organisation prompte des gardes nationales et la réduction des municipalités. » Telle est l’adresse des administrateurs du département du Lot. Le comité s’est uniquement occupé des moyens provisoires : il a pensé que l’Assemblée nationale devait prier le roi d’accorder le secours de troupes demandé, et d'ordonner l’information contre les coupables, sans indiquer le nom de personne, parce que la connaissance des coupables ne. peut être que le résultat de l’information. Voici le projet de décret que je suis chargé de vous présenter : « L’Assemblée nationale, après avoir entendu son comité des rapports sur tes pétitions des administrateurs du directoire du département du Lot, décrète que son président se retirera à l’instant par-devers le roi pour le prier : 1° De donner des ordres pour que, devant les juges du tribunal de district de Gourdon, il soit incessamment informé, à la réquisition de celui chargé de l’accusation publique près dudit tribunal, contre ceux qui, par des insinuations perfides, auraient cherché à égarer le peuple et à lui persuader que les décrets de l’Assemblée nationale des 18 juin, 13 juillet et 3 août derniers n’existaient pas ou ne devaient pas être exécutés, ainsi que contre les auteurs, fauteurs et complices des désordres qui ont eu lieu à Gourdon et lieux circonvoisins pour, après l’information faite, être de suite le procès fait aux accusés ; * 2° De donner également les ordres les plus prompts pour qu’il soit envoyé à Gahors une quantité de troupes suffisante pour, sur la réquisition desdits commissaires civils et des corps administratifs, concourir, avec les gardes nationales et la maréchaussée, au rétablissement de l’ordre et de la tranquillité publique. » M. Legrand. Les juges de Gourdon seraient juges et parties, puisque ce sont leurs biens qu’on a pillés. M. de Itlurinais. Il faut prévoir les erreurs que vous pourriez commettre; il faut vous empêcher vous-mêmes de tomber dans la faute que vous avez déjà commise à l’égard de Nancy; il faut déclarer que l’information, une fois commencée, ne pourra jamais être annulée et sera continuée jusqu’à parfait jugement. C’est ainsi que le peuple français prendra confiance en vous en voyant que vous marchez d’un pas ferme à la punition des coupables. M. Dupré. Je suis passé le 3 de ce mois à une lieue de Gourdon ; j’ai été rencontré par vingt