554 [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. J® KX/lTOS Bourdon (de l'Oise). Je viens vous dénoncer un fait grave. Un folliculaire, le rédacteur de la Sentinelle du Nord, a inséré cette note : « Il est arrivé dans ce port (le Havre) un navire danois, chargé de 20,000 fusils, envoyés à la République par le roi de Danemark. Le vaisseau fut arrêté sur les côtes d’Angleterre. Il exhiba un passe¬ port constatant que sa destination était pour l’Espagne. Une fois passé, il prit la route de la France, au moyen du double passeport dont il était muni. » Il termine par cette réflexion : « Comme il a de l’esprit, le roi de Dane¬ mark ! » Vous concevez, citoyens, jusqu’à quel point une pareille note compromet les intérêts de la République vis-à-vis la puissance danoise, d’au¬ tant qu’il est impossible de supposer des inten¬ tions droites à ce journaliste. Je vous dénonce un second fait non moins grave. Le même journaliste a publié que trois représentants du peuple avaient été mis en état d’arrestation dans le département des Côtes-du-Nord. Ainsi, vous voyez a vec quelle perfidie on suit le système de diffamation contre la représentation nationale; et Isoré, à ce sujet, m’écrivait ces jours derniers que ce journaliste n’était pas le seul qui s’attachât à ce système, qu’il était par¬ faitement secondé par les agents du conseil exécutif, dont les opérations odieuses jetaient une défaveur singulière sur le gouvernement révolutionnaire. Je demande le renvoi de ma dénonciation au comité de Salut public, qui sera chargé de vous rendre compte des mesures qu’il aura prises à cet égard. Merlin demande à ajouter un fait à la dénon¬ ciation de Bourdon. Il dénonce l’agent du conseil exécutif qui, à Thionville, cette ville célèbre par sa défense héroïque en 1792, et sa constance patriotique depuis la Révolution, se permit de décerner un mandat révolutionnaire en vertu duquel un citoyen, excellent patriote, était tenu de payer une somme de 1,000 livres, sous trois heures, sous peine d’être traité révo-lutionnairement. Merlin appuie le renvoi au comité de Salut public. cianzel demande la suppression de ces agents. Lecointre voudrait que chacun d’eux indivi¬ duellement fût tenu de rendre compte de sa conduite au comité de Salut public, qui ferait un rapport général. On cite quelques autres faits. Cambon a la parole. Citoyens, dit -il, vous aviez pris une grande mesure en décrétant un emprunt forcé d’un milliard. Les mesures de détail relatives à cette loi ont été exécutées à Paris avec exactitude parce que votre séjour dans cette commune en impose à l’arbitraire. Il n’en a pas été de même des départements de l’intérieur, parce que les agents du conseil exécutif, les prétendus délégués des représen¬ tants du peuple, peut-être quelques agents révolutionnaires, se sont permis des taxes arbi¬ traires, dont le dépôt ou l’emploi nous sont éga¬ lement inconnus. Sans doute il faut que les aris¬ tocrates paient les frais de la guerre; mais il faut qu’ils les paient seuls. Il ne faut pas que ces taxes coûtent une larme aux patriotes, autre¬ ment l’intention de la Convention ne serait pas remplie. Le peuple exigera peut-être que nous lui fas¬ sions compte des sommes qu’il a payées de cette manière, et elles montent à plus d’un million. Cependant, je dois le déclarer hautement, il n’en est pas entré un sol dans le trésor public. Je dois même prévenir la République qu’il y aura sans doute un déficit dans le résultat des dons immenses faits à la patrie des objets servant jadis au culte catholique. Le désordre avec lequel les dépouillements ont été faits, le défaut d’inventaire, le défaut d’organisation des bu¬ reaux destinés à recevoir ces dons, jusqu’aux dilapidations presque inséparables d’une pareille opération, tout a concouru à diminuer la valeur d’une offrande de cette importance. Je me résume. Il faut ordonner aux direc¬ toires de district de se faire rendre compte des détails des taxes révolutionnaires, de recevoir les réclamations des patriotes, mais des patriotes seulement, et de vous en envoyer note. Vous allouerez ce qui a été payé aux Sociétés populai¬ res, si l’emploi vous paraît juste. Vous allouerez les secours accordés aux indigents, l’un des prin¬ cipaux objets de cet emprunt. Vous allouerez les indemnités accordées aux sans-culottes; mais, sans doute, vous ne permettrez point qu’il reste rien de toutes ces sommes entre les mains des agents qui les ont perçues. Voilà ma pro¬ position. Taillefer l’appuie. On demande que le comité des finances soit chargé de présenter une loi générale à ce sujet. On demande que les faits soient renvoyés au comité de sûreté générale pour les examiner. Ces différentes propositions sont décrétées. II. Compte kendu de Y Auditeur national (1). Bourdon (de VOise) a dénoncé le journal inti¬ tulé la Sentinelle du Nord pour avoir inséré, dans l’un de ses numéros, les prétendus faits suivants : « Le roi de Danemark vient d’en¬ voyer 20,000 fusils à la République française. Le conducteur du navire était muni de deux passeports, l’un pour l’Espagne, l’autre pour la France. Arrivé à la hauteur de l’Angleterre. on l’a arrêté. Il montre son passeport pour l’Espagne, mais il n’est pas plutôt passé qu’il prend la route de France et qu’il vient de débar¬ quer au Havre. Il faut avouer, ajoute le jour¬ naliste, que le roi de Danemark a de l’esprit. » Le second prétendu fait est annoncé ainsi : « J’apprends à l’instant que les députés de la Convention à l’armée du Nord viennent d’être arrêtés par ordre du comité de Salut pu¬ blic. » Bourdon fait remarquer qu’il est évident qu’avec son air de bonhomie, le faiseur de gazet¬ tes est sinon un imbécile, au moins un mal¬ veillant qui cherche à diffamer les représentants du peuple près des armées, et indisposer les puissances neutres, celle de Danemark en par-(1) Auditeur national [n° 451 du 27 frimaire an II (mardi 17 décembre 1793), p. 2].