ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [29 déceüibrë 1T89.J 38 |[Assembîée nationale.] à Paris, rue' des? Quatfé-Fits, faisant fonctions de greffier, que nous avons commis d office, après avoir reçu de lui le serment, attendu l’absence du secrétaire-greffier ordinaire du comité ; M. Joseph Chefdeville, marchand chapelier à Paris, demeurant rue de Poitou, sergent-major, actuellement de service à la caserne de ce district, compagnie Périer : Lequel nous a déclaré qu’il y aune demi-heure, allant à la porte principale de la caserne, sise rue des Quatre-Fils, pour relever M. Trudon, marchand de vin, soldat citoyen de ce district, alors en faction à cette' porte, il l’avait trouvé très-agité, et se plaignant qu’il venait d’être assassiné par un particulier que la nuit l’avait empêché de bien distinguer* M. Chefdeville a trouvé en effet, dans la guérite où M. Trudon était lors de l’assassinat, une espèce de poinçon allongé, dont le fer rouillé est un peu faussé, et un petit papier plié en doux * M. Chefdeville a fait conduire aussitôt M. Trudon, factionnaire, au corps de garde de la caserne, et, après les premiers soins accordés pour le secourir,’ on a examiné le poinçon et ouvert le papier qui, ainsi que le poinçon, s’était trouvé dans la guérite aux pieds de M. Trudon. Sur ce papier on lit ces mots affreux, faits pour alarmer les bons citoyens auxquels la vie du général est si précieuse : Va devant et attends Lafayette. Ces caractères, tracés à la main, ont la forme des lettres moulées, et contiennent sür le papier trois lignes, en observant que le dernier mot, Lafayette , delà troisième ligne est rayé. Est aussi comparu M. Charles-Nicolas Chabanon, chirurgien-major de la garde nationale parisienne, district des Capucins du Marais, mandé et venu aussitôt l’évéïiement arrivé à M. Trudon, factionnaire ; Lequel nous a dit qu’examen fait de la blessure de M. Trudon, elle s’est trouvée heureusement n’être pas dangereuse ; que le coup de poinçon a porté obliquement à la partie antérieure et supérieure du col, au-dessous du menton, et a pénétré de quatre à cinq lignes. NoUs nous sommes ensuite transporté, accompagné dè notre greffier d’office, au principal Corps de garde, où nous avons trouvé M. Trudon, auquel nous avons fait lecture du présent procès-verbal. Lecture faite, il nous a dit que les faits qu’il contient sont exacts. Le poinçon et le papier représentés parM. Chefdeville lui ont été laissés pour les porter à l’hôtel de ville, où nous l’avons engagé à se transporter pour les y déposer, et y remettre copie du présent procès-verbal. Et ont MM. Chefdeville, Chabanon, Trudon, signé avec nous, commissaire, et notre greffier d’office ; la minute étant enregistrée au procès-verbal du comité du district des Capucins du Marais, commençant le 28 décembre 1789. Signé : GlBLÉE, commissaire , CAVALIER DE LA Vergnolle. Le comité des recherches de la commune de Paris certifie avoir entre ses mains le poinçon de bourrelier et le billet qui y est joint, mentionnés au procès-verbal, dont la copie ci-dessus est conforme à l’original. Le 28 décembre 1789. Garran de Coulon, Agier, Brissot de Warville, Oudart, Perron. f M. Castellanet continue le rapport de l’affaire de Toulon. Il est interrompu par le compte que rend le comité des recherches de la mission qui lui avait été confiée au commencement de la séance. M. Gaultier de ISIàuzàt. Le comité à envoyé deux de ses membres à l’hôtel des messageries. Les fermiers généraux étaient alors assemblés pouf le même objet. Nous avons pris d’etix tous les renseignements nécessaires, et nous nous sommes fait représenter les registres. Ces livres sont chargés avec détail d’un envoi de dix-huit pièces de numéraire, fait de la part de dix-sept personnes. Le tout est destiné à la ville dé Lyon, à l’exeption de 27,000 livres qui doivent être remises à Châlon-sur-Saône. fin commis a fait une imprudence en ne donnant pas au voiturier conducteur de la guimbarde une copie exacte de la feuille originale ; il croyait en être dispensé parce que le double de cette feuille avait été envoyé à Lyon ; iL a fait une autre imprU* dence en ne remettant au même conducteur qu’une note sans détail et sans signature. Le voiturier lui-même a eu tort de voyager de nuit, contre les usages de la messagerie, et de faire garder sa voiture avec l’appareil exposé dans le procès-verbal. Toutes ces circonstances rendent tfès-natü-relle la conduite de Villeneuve-le-Roi, quoique l’envoi des sommes retenues soit plus naturel encore. Le comité pense que M. le président doit être chargé d’écrire à Villeneuve-le-Roi, pour l’autoriser à laisser partir la voiture qui a été arrêtée. L’Assemblée rend Un décret conforme à cette opinion. La séance est levée à trois heures et demie. ASSEMBLÉE. NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. DÉMEUNIER. Séance du mardi 29 décembre 1789, au soir. M. le Président annonce que M. le baron de Noyelles, député de Lille, a donné sa démission par une lettre en date du 14 décembre. M. le baron d’Elbehcq, suppléant de M. de Noyelles, se présente pour le remplacer. — MM. du comité de vérification ayant trouvé ses pouvoirs en bonne forme, son admission est prononcée. Les députés des colonies demandent que l’affaire de Saint-Domingue soit mise en discussion. L’un d’eux dépose sur le bureau un tableau de la situation des colonies. {Voyez ce document annexé à la séance.) L’Asssemblêe donne la priorité à l'affaire du dm des Genevois. M. de Volney donne des éclaircissements sur la nature de cette offre de 900,000 livres. Il étaj blit qu’elle est faite par des chefs de ce peuple, dont la servitude a été garantie par des traités antérieurs ; que nous ne devons point recevoir le prix honteux de son esclavage, et qu’il faut répudier un don des créanciers de l’Etat, qui n’ont point l’avantage d’en être les citoyens. L’orateur cite ce paragraphe d’une lettre qui [Asséibbléâ nationale.] ARCHIVÉS PÀRLEMÊHTAÎRES. [29 décembre 1789.] � lui avait été adressée par des citoyens de Genève : « Nous ne voulons pas dire ( Extrait de la lettre de MM. Clavier e, du Roveray, et Dumont à M. de Volney) que ce don, annoncé par les Genevois comme l’effet de leurs égards particuliers pour M. Necker, soit ou le prix de sa complaisance, ou une condition sans laquelle la garantie qui leur a été accordée parle gouvernement n’aurait pas eü lieu; mais nous affirmons comme des faits notoires dans Genève que les dernières assurances données par M. Necker aux magistrats genevois sur l’obtention de la garantie coïncident pour le temps avec l’invitation qui leur a été faite en son nom, de s’intéresser dans la contribution patriotique ; — que les souscriptions relatives à ce dernier objet ont commencé à peu près à la même époque; — qu’elles sont restées ouvertes jusqu’à l’arrivée des pleins pouvoirs en vertu desquels la garantie a été signée; et que c’est seulement alors que le dernier résultat de cette souscription a été adressé au ministre. ( Voy . aux annexes le texte de la lettre adressée à M. de Volney.) M. de Yolney conclut à ce que le don soit rejeté. M. le marquis de iToulongeon. Pourquoi supposerait-on aux Genevois d’autre motif que celui de contribuer pour leur part au rétablissement de nos finances, puisque toute leur fortune est inséparable de notre prospérité, et que nos malheurs entraîneraient leur ruine? M. le comte de Mirabeau. Ce n’est pas une supposition gratuite ; leur lettre suffit pour connaître et apprécier leurs motifs ; je ne veux pas ici vous parler des vraisemblances ; je ne veux que commenter ce qu’ils ont eux-mêmes écrit ; vous n’y verrez que trop de quoi soutenir par la raison cette défiance qu’un instinct de liberté vous fit éprouver au moment où ce don vous fut annoncé. Quel est ce don en lui-même? Gen’est pointune contribution patriotique. Les Genevois ont depuis longtemps l'honneur d’avoir une patrie. C’est un bienfait de leur générosité, c’est un secours philanthropique, c’est une occasion précieuse et unique à saisir, disent-ils, d’exprimer leur respect, leur dévouement, leur gratitude à un Roi bienfaisant, à une nation généreuse qui ont donné dans tous les temps à leur république des marques d’intérêt et de bienveillance. Ce n’est donc point ici cette contribution que nous avons décrétée; et rien ne ressemble moins au quart des revenus que ces 900,000 livres qu’on nous offre, puisque Genève possède en France au moins 12 ou 15 millions de rentes. Qui sont les donateurs? Autre considération qui n’est pas de simple curiosité. Ceux qui ont signé cette lettre sont précisément des aristocrates genevois, c’est-à-dire de ceux-là même qui n’ont cessé de vouloir suspendre sur la tête de leurs concitoyens le glaive des garanties étrangères. Oui, Messieurs, tous sont des aristocrates, excepté deux qui appartiennent au parti populaire et qu’on a pu tromper, comme l’a dit un des préopinants ; mais d’ailleurs ils sont tous, sans exception, membres du gouvernement, dece corps inamovible qui n’est plus élu par le peuple, et qui, en 1782, s’empara de tous les droits de l’Assemblée souveraine, comme des enfants dénaturés qui feraient interdire leur père afin d’usurper tous ses biens. La lettre des donateurs nous apprend que ceux qui l’ont signée sont les membres d’un comité chargé par les souscripteurs de vous faire parvenir ce don. Je ne saurais voir dans la composition de ce comité l’effet du hasard ; mais j’y vois les intentions du gouvernement qui, sans agir par lui-même, veut qu’on le confonde avec ses membres et je les vois encore mieux dans la solennité de ce don, dans l’intervention de l’agent de la république, et dans celle du ministre des finances. Et dans quelle circonstance leur don vous est-il offert? Il coïncide aussi précisément pour le temps, avec la garantie qu’ils ont obtenue, que s’il en était le prix et le retour; les soupçons se fortifient quand on voit dans la lettre des donateurs que, loin d’être le superflu de l’abondance, ce don est un sacrifice arraché à la disette et au besoin. Singulière générosité! Quoi! les citoyens de Genève voient autour d’eux un peuple qui leur tient par les relations les plus fortes, par les affections sociales et celles de la patrie ; ils sont témoins de son indigence, ils nous en font eux-mêmes un tableau lugubre; et lorsque leur bienfaisance peut et doit s’exercer sur des frères, ils préfèrent la répandre au dehors, l’envoyer au loin avec les trompettes de la renommée ! ils nous offrent un présent magnifique dans le cadre de la misère ; ils ne pensent pas que notre délicatesse nous inviterait plutôt à leur offrir des secours, et qu’au moins nous leur dirions : Excitez les arts languissants, soutenez vos manufactures, appelez dans votre sein l’abondance, avant de nous offrir des présents que l’humanité ne nous permettrait d’accepter que pour les reverser avec usure sur les habitants de votre patrie. (Ici les applaudissements s'élèvent de tous les côtés de la salle.) Toutes ces réflexions naissent de la lettre même des donateurs :mais quels événements j’aurais à vous décrire, si je voulais approfondir ces bienfaits, ces marques d’intérêt et de bienveillance qui animent la reconnaissance des aristocrates genevois ! Il faudrait vous montrer, en 1766, les citoyens de Genève luttant contre l'orgueil et le despotisme de M. de Choiseul qui, pour les réduire et pour les punir de leur noble amour pour la liberté, sévissait contre eux par les menaces, par l’interdiction du commerce, par un cordon de troupes qui les enfermait dans leur murs. Il faudrait vous montrer en 1782, Genève assiégée, envahie, les défenseurs du peuple exilés, le peuple lui-même désarmé, traité comme une conquête, soumis aü double joug du despotisme civil et du despotisme militaire, et 500 Genevois s’éloignant avec horreur de leur patrie opprimée. C’est ainsi que nous avons servi les aristocrates de Genève; tels sont les bienfaits dont ils nous apportent le prix. Mais le moment n’est pas venu d’agiter cette question des garanties nationales, d’examiner si nous laisserons aux ministres le pouvoir de mêler la France dans les tracasseries intérieures de3 autres pays, de préparer pour l’avenir des semences de difficultés, de guerres, de dépenses onéreuses pour nous, absurdes en elles-mêmes, et odieuses à nos voisins. Cette question vous sera portée par les Genevois eux-mêmes, qui, dans le moment où leur gouvernement sollicitait la garantie, ont commencé à se réunir, mais lentement, pour vous demander de les laisser aussi libres chez eux que vous voulez l’être chez vous. Vous verrez alors, Messieurs, ce qü’ont été ces garanties, ces prétendus bienfaits, èt pdur Genève et pour la France : [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [â(L décembre 1789.] Pour Genève une source continuelle d’agitations et de troubles depuis 1738 ; Pour la France une série de bévues, de fautes, d’actes qui déshonoreraient la nation, si nous pouvions être comptables de ce que nos ministres ou leur plats commis faisaient en son nom quand elle n’était rien. Cet odieux tissu d’intrigues et d’injustices tôt ou tard vous sera soumis, et vous déciderez si de telles garanties sont conformes à la morale et aux droits des nations. C’est à vous à évaluer maintenant et la grandeur et la nature du don qui vous est offert, et la pureté des vues qui ont déterminé à vous l’offrir. Je propose l’arrêté suivant : Qu’il sera répondu par M. le président au ministre des finances : « Que l’Assemblée nationale, vivement touchée de l’état de détresse où se trouvent les arts, le commerce et les manufactures de la ville de Genève, ainsi que de l’énorme cherté du prix du blé, dont il est fait mention dans la lettre que le ministre lui a communiquée, estime que les 900,000 livres qui lui sont offertesdans cette lettre seront appliquées d’une manière plus convenable, si on les emploie au soulagement des Genevois eux-mêmes, et qu’en conséquence elle a arrêté de n’en pas accepter la proposition. » (De nouveaux applaudissements se font entendre.) M. l’abbé Maury dit que les Genevois, comme créanciers de l’Etat, peuvent sous ce rapport être assimilés aux propriétaires français, quoique non résidant en France. Cette comparaison déplacée a excité quelques murmures, et la fin du discours de l’orateur, qui s’est très-adroitement retourné, lui a mérité les plus grands applaudissements. Il établit que la France ne pouvait pas accepter une offre qui pouvait humilier sa dignité : dans ses malheurs, dit-il, il est permis de se souvenir de sa gloire. Les malheurs de la France recevront un nouveau lustre par son courage à les supporter et sa constance inépuisable à les réparer. La question mise aux voix, l’Assemblée décide qu’elle n’acceptera pas l’offre faite par les Genevois, et que M. le président fera part du présent décret au ministre des finances. M. le Président lit une lettre de M. Bertrand, inspecteur général des ponts et chaussées, qui fait à la nation l’offre d’un don patriotique de 2,802 livres en une quittance à valoir sur M. Thoi-net, trésorier général des ponts et chaussées. M. Hébrard,sau nom du comité des rapports, fait le rapport de l'affaire de Bélesme. Les conclusions du comité sont qu’il n’y a pas lieu à délibérer. M. Bailleul résume les griefs des habitants de Bélesme contre l’intendant d’Alençon et contre son subdélégué le sieur Bayard de La Yingtrie. M. le comte de Puisayë veut profiter de l’occasion pour faire rendre un décret général contre les procédures prévôtales et faire aunuler celles dirigées contre les habitants de Bélesme. M. ümmery observe que la lenteur extrême des accusations formulées contre Bayard de la Yingtrie les rend singulièrement défavorables. Enfin après différents débats sur les deux procédures prévôlale et présidiale qui ont eu lieu en cette affaire, l’Assemblée prononce le décret suivant : « Sur la discussion élevée entre M. de La Ving-trie, subdélégué deM.l’intendant d’Alençon, et les citoyens de Bélesme, l’Assemblée nationale a décrété que la question serait ajournée, et que M. le président se retirerait par devers le Roi pour supplier sa Majesté d’ordonner : « 1° L’apport des deux procédures, l’une prévo-tale et l’autre présidiale, qui ont été commencées sur cette affaire. « 2° La suspension de toute procédure prévô-tale. » M. le Président lève la séance et l’ajourne à demain, 9 heures du matin. [ANNEXES à la séance de l'Assemblée nationale du 29 décembre 1789. lra ANNEXE. TABLEAU de la situation actuelle des colonies présentée à l'Assemblée nationale (1). Messieurs, lorsque vous avez tracé les éléments de la législation de l’empire français, vous n’avez pas cru qu’ils fussent également applicables à toutes les parties qui le composent ou qui y correspondent ; et, en décrétant qu'il n'y avait pas lieu à la formation d'un comité colonial, vous avez reconnu que les colonies avaient le droit de faire elles-mêmes leur constitution.Celle de Saint-Domingue, qui doit être maintenant assemblée, se livre à ce travail important; bientôt sans doute ses députés le présenteront à la sanction de la métropole j et cet acte solennel consolidera à jamais une union d’où résultera leur prospérité mutuelle. Mais, en attendant ce jour désiré de tous les bons citoyens, il est des maux pressants dont l’idée seule effraie l’imagination, dont les suites seraient incalculables, et que votre sagesse, nous osons dire plus, que votre justice peut et doit prévenir. Vous connaissez, Messieurs, cette doctrine répandue par quelques hommes qui ne paraissent animés que des plus purs motifs. Mais la vertu et l’humanité ont aussi quelquefois leur fanatisme, et il est d’autant plus dangereux, qu’il se présente sous les couleurs de ce qu’il y a de plus respectable sur la terre. Le choix du moment a dû favoriser leur entreprise; et c’est lorsque le mot de liberté est dans toutes les bouches et retentit dans tous les cœurs, qu’on a cru devoir solliciter avec ardeur l’affranchissement des nègres et l’abolition de la traite. Votre opinion, Messieurs, est sûrement déjà fixée sur cette grande question, ou du moins vous avez suspendu un jugement qui doit être éclairé par les réclamations des colons et du commerce. Qu’il nous soit permis cependant de relever quelques contradictions palpables dans le système de nos adversaires, adopté par quelques écrivains très-connus. Il est en effet bien extraordinaire que les mêmes écrivains qui (1) Ce document n'a pas été inséré an Moniteur.