344 [Convention nationale.! ARCHIVES PARLEMENTAIRES. I 26 brumaire an il ( 16 novembre 1793 18 à 25 ans; on l’a étendue aux hommes veufs, sans enfants, jusqu’à l’âge de 30 ans. Il était resté quelques muscadins traîneurs; Rühl les a rencontrés, il les a fait arrêter et conduire à leurs bataillons respectifs. Dans les districts que Rühl a parcourus, il a eu des éloges à donner à la philanthropie d’un grand nombre de citoyen¬ nes qui travaillent à faire de la charpie. Il a trouvé une sorte de manufacture de ce genre, fondée par la citoyenne Cornier, et qui a déjà fourni 1,300 livres de charpie. Dans un village, des femmes en avaient aussi préparé 100 li¬ vres, et se disposaient à les faire parvenir aux frontières. Rühl a voulu seconder ces établisse¬ ments précieux à l’humanité; en conséquence, il a mis le linge en réquisition dans le district de Reims. Dans la Haute-Marne, quatre ateliers pour la fabrication des armes à feu ont été établis. On a eu soin de les placer dans le voisinage des forges, des bois et des rivières. Elles seront bien¬ tôt d’une grande utilité à la République. Il y a à Langres, Chaumont et Nogent des fabriques de lames de sabre. Elles sont dans la plus grande activité, et font de très bon ouvrage. s Yoilà pour ce qui regarde l’armée. Quant aux mesures de Salut public, les premières que Rühl a prises ont eu pour objet les subsistances ; il en a procuré pour quatre mois à tous les dis¬ tricts du département de la Marne. A Epernay, il a été témoin d’un dévouement bien généreux; le peuple manquait de pain, il a envoyé lui-même les voitures qui transportaient des farines dans les magasins de la République. La Haute-Marne, à l’exception du district de Sézanne, ne pourvoirait pas à sa subsistance jusqu’à la ré¬ colte. Rühl espère que quand le battage sera fini, le recensement pourra être fait avec plus d’exac¬ titude, et promettre des résultats plus avan¬ tageux. Il prie néanmoins la Convention de ne pas négliger de s’assurer de l’approvisionnement des départements de la Marne et de la Haute-Marne, où règne le meilleur esprit, et qui main¬ tiennent avec courage la liberté et l’égalité. Rühl continue : après m’être occupé des subsistances, j’ai cru qu’il était de mon devoir de m’assurer des citoyens suspects. J’ai trouvé partout les comités de surveillance dans une grande activité. J’ai supprimé ceux en qui j’ai trouvé de la tiédeur ou de l'indifférence. J’ai ordonné à tous de me remettre sous les yeux le tableau des personnes qu’ils avaient arrêtées, les motifs de leur arrestation, les qualités des détenus. Après cela j’ai fait arrêter une grande quantité de nobles, de prêtres et de gens de robes. Dans le nombre s’est trouvé le ci-devant -prêteur royal de Strasbourg, aristocrate puant. Plusieurs autres ennemis déclarés de la liberté et de la République étaient connus de moi; ils sont renfermés. Comme les ex-nobles qui sont dans les départements sont nos ennemis nés, je m’en suis fait donner une liste détaillée et exacte ; je la remettrai au comité de Salut public pour que, le cas échéant, nous sachions sur qui porter nos coups. Quant aux prêtres, les réfractaires sont par¬ tout renfermés, déportés ou pourchassés. Un nommé Blanchard avait formé un rassemble¬ ment dans un bois ; il a péri sous le glaive des lois, avec Rossignol, grenadier des troupes de ligne, et qui était destiné à commander la révolte. L’attroupement a été dissipé. Rühl a détruit, autant qu’il était en lui, les monuments de l’infâme dynastie des rois. II a fait un autodafé solennel de tous les drapeaux fleurdelisés qu’il a pu découvrir, et des drapeaux rouges qui étaient restés dans quelques com¬ munes. La commission de Rühl portait aussi qu’il assurerait à la République les moyens de pour¬ voir aux frais de la guerre et de la marine. Il s’est attaché à accélérer le paiement des impôts. Il a trouvé la plupart des communes entière¬ ment acquittées envers la nation; d’autres ne l’étaient pas ; mais elles ont des droits à l’indul¬ gence publique; elles recueillent principale¬ ment du vin, et depuis cinq ans elles n’ont eu que de mauvaises récoltes. Rühl n’a rien négligé pour propager le meil¬ leur esprit public. Partout le peuple a juré avec lui de mourir, plutôt que de perdre la liberté et l’égalité. Les administrations du département de la Haute-Marne sont généralement bonnes, à l’ex¬ ception du conseil général de la commune de Saint-Dizier; il a été renouvelé en entier. Dans le département de la Marne, Rühl a trouvé peu d’administrateurs à la hauteur des circons¬ tances. Il propose à la Convention de décréter leur entier renouvellement. Cette mesure mettra le peuple à même de choisir ceux en qui il a le plus de confiance. Le gouvernement républicain développe par¬ tout les vertus civiques. A Yitry et à Montigny, les citoyens ont contribué personnellement pour approvisionner les armées. Vitry seul a fourni en un instant, et en contribution volontaire, 40 quintaux de farine. Les biens des contre-révolutionnaires se vendent à un très haut prix. Un bien d’émigré estimé 25,000 livres a été vendu 125,000 livres. Ce rapport, dont nous n’avons pu recueillir que les faits les plus importants, a été fait avec méthode, écouté avec un grand intérêt et sou¬ vent interrompu par des applaudissements. Philippeaux. Je demande l’insertion de ce rapport au Bulletin, et qu’il y soit fait une men¬ tion honorable du civisme de la citoyenne Cor¬ nier. (Applaudi.) On demande, en outre, qu’il soit envoyé à cette citoyenne un extrait du procès-verbal de la séance de la Convention. Ces propositions sont décrétées. Un membre proposait de décréter le renou¬ vellement des administrations de la Marne. On observe qu’un représentant commissaire est encore dans ce département, et qu’il est auto¬ risé à faire le renouvellement demandé. La Convention passe à l’ordre du jour, motivé sur ces observations. II. Compte rendu du Mercure universel (1) Rühl, représentant du peuple dans les dépar¬ tements de la Marne et circonvoisins, fait un rapport sur sa mission. « Tous les citoyens, dit -il, depuis 18 ans jusqu’à 40, sont partis pour la défense de la patrie, avec un brûlant amour de la liberté. J’ai renvoyé les traîneurs de l’armée à leurs batail-(1) Mercure universel [27 brumaire an II (di¬ manche 17 novembre 1793), p. 270, col. 1]. [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j Jj brumaire an II 345 Ions, et les muscadins, qui étaient à Eeims, à leur poste. J’exigeais de ceux qui se disaient infirmes les certificats de deux officiers de santé. J’ai trouvé dans ces départements une fabrique de charpie pour les plaies de nos frères d’armes. La citoyenne Cornier en avait déjà pour sa part 1,300 livres pesant. Dans la commune de Mon¬ tigny, il y en avait déjà 100 livres de faite. J’ai mis le vieux linge en réquisition à Chaumont, à Nogent, à Langres, trois manufactures de la¬ mes de sabre sont établies. Eeims, Epernay, avaient besoin de subsistances, je les ai appro¬ visionnées; Epernay l’est pour quatre mois. « Les administrations étaient bonnes, à l’exception de celle de Saint-Dizier, que j’ai renouvelée. Cependant, je ne puis le dissimuler, il faudrait les renouveler toutes. Les deux dépar¬ tements sont arriérés de sept millions. Dans leurs dépositions, la commune de Montigny seule a payé toutes les contributions. Les biens des émigrés se vendent très bien; un, estimé 26,000 livres, a été vendu 125,000. » (Applau¬ dissements.) La Convention nationale décrète l’insertion de ce compte au Bulletin, et la mention honora¬ ble du zèle de la citoyenne Cornier; elle décrète que la commune de Montigny a bien mérité de la patrie. III. Compte rendu du Journal de Berlet (1). Eühl, de retour du département delà Marne, . où. il avait été envoyé en qualité de représentant du peuple, rend compte de sa mission. La réqui¬ sition s’est faite avec joie et célérité; les musca¬ dins, qui s’étaient Gâchés ou qui avaient déserté les drapeaux de leurs bataillons, ont été recon¬ duits par la gendarmerie à leurs corps respectifs ; les administrations ont été renouvelées ; les sociétés populaires sont dans les meilleurs prin¬ cipes ; les contributions ont été très bien payées, en grande partie; les biens des émigrés se ven¬ dent à merveille. Tous les citoyens de ce département sont à la hauteur de la Eévolution; ils pourchassent et arrêtent journellement les prêtres réfractaires, les ci-devant nobles, les gens suspects. Le fils de Dietrieh, ancien maire de Stras¬ bourg, a é' é arrêté à Nogent et transféré à Paris, où sa conduite sera scrupuleusement examinée. Ce compte rendu par Eühl sera inséré au Bulletin. La Convention nationale approuve sa conduite et toutes les mesures de sûreté générale qu’il a prises. ’ ; i (1) Journal de Perlel [n° 421 du 27 brumaire an II (dimanche 17 novembre 1793), p. 377]. CONVENTION NATIONALE Séance du 27 brumaire, l’an II de la République française, une et indivisible. (Dimanche 17 novembre 1793) La séance est ouverte à 10 heures et demie (1). On donne lecture de la correspondance comme il suit : Le conseil général de la commune de Poitiers envoie une adresse dans laquelle il félicite la Convention sur la punition d’Antoinette, sur la destruction du fédéralisme et du fanatisme; il invite la Montagne à rester inébranlable. Mention honorable, insertion au « Bulletin » (2). Suit V adresse du conseil général de la commune de Poitiers (3). Adresse du conseil général de la commune de Poitiers, à la Convention nationale. « La liberté ou la mort! « Citoyens législateurs, « La tête de l’infâme Antoinette est donc enfin tombée. Cette nouvelle messaline ne souil¬ lera donc plus de sa présence odieuse le sol de la liberté. Puissent comme elle les brigands cou¬ ronnés expier bientôt leurs forfaits. Le fédéra¬ lisme abattu, le fanatisme anéanti, les manda¬ taires infidèles punis, la Vendée purgée des monstres qui l’habitaient; Lyon, cette ville orgueilleuse et rebelle soumise et détruite, voilà votre ouvrage. Vous avez tout fait pour la patrie, vous avez bien mérité d’elle. Montagne sacrée, c’est à vous seule à qui nous adressons nos hom¬ mages. Votre énergie a fait disparaître la plaine et le marais. Vous seule avez sauvé la Eépubli-que. Eestez à votre poste, braves Montagnards, achevez le grand œuvre de votre régénération, tels sont vos devoirs, tels sont les vœux de tous les sans-culottes. « Grâces vous soient rendues encore, citoyens législateurs, nous possédons le brave Ingrand, sa présence achètera de purifier notre atmo¬ sphère. « Les membres du conseil de la commune en permanence. » (Suivent 24 signatures. ) (1) Procès-verbaux de la Convention, t. 25, p. 266. (2) Ibid. (3) Archives nationales, carton G 279, dossier 754; Second supplément au Bulletin de la Convention du 27 brumaire an II (dimanche 17 novembre 1793).