[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [23 juillet 1791.] 529 M. le Président répond : « Messieurs, « Vous éprouvez ce que commande le véritable amour de la liberté; vous reconnaissez l’empire de la loi, et vous lui promettez un dévouement sans bornes. Avec ces sentiments, vous réaliserez les espérances de l’Assemblée nationale ; elle verra la liberté et la Constitution hors de toute atteinte, et la prospérité publique s’accroître rapidement. « L’Assemblée vous inviteà assister à sa séance. » {Applaudissements.) (L’Assemblée ordonne l’impression du discours de la députation et de la réponse du Président, ainsi que leur insertion dans le procès-verbal.) M. Heurtanlt-Eamerville, au nom du comité d'agriculture et de commerce , présente un projet de décret tendant à autoriser le directoire du département de l'Orne à faire vendre 40 étalons du haras du Pin. Ce projet de décret est ainsi conçu : « L’Assemblée nationale autorise le directoire du département de l’Orne à faire vendre, par estimation, 40 étalons du haras du Pin, à des cultivateurs de ce département, aux conditions que le directoire croira les plus avantageuses au bien public, et avec la clause expresse que ces étalons seront conservés dans l’étendue de ce département, pour y servir à la propagation de leur race. » (Ce décret est adopté.) M. Regnaud {de Saint-Jean-d' Angély). Messieurs, vous avez chargé hier votre comité diplomatique de vous présenter un rapport circonstancié sur les événements dont M. Duveyrier vous a rendu compte afin d’examiner si le droit des gens n’a pas été violé. Je viens vous proposer une autre mesure, non moins importante qui est la conséquence directe de la mission de M. Duveyrier, c’est d’ordonner au ministre des finances de faire mettre à exécution le décret que vous avez rendu contre Louis-Joseph de Bourbon-Condé. Vous avez décrété, en effet, entre autres dispositions, que faute par lui de rentrer sous quinzaine dans le royaume ou de s’éloigner des frontières, ses biens seraient mis sous séquestre. 11 n’a point fait de réponse; les délais sont plus qu’expirés; il ne s’est point soumis à la loi que vous aviez le droit de lui faire. Vous avez un double intérêt à faire exécuter votre décret, d’abord pour lui apprendre que ce n’est pas en vain qu’on manque à une nation ; en second lieu parce que, lorsque ses biens seront entre les mains de la nation, vous serez plus sûrs que les propriétés seront respectées. Je demande donc que l’Assemblée nationale décrète que le ministre des finances sera chargé de faire mettre à exécution le décret que vous avez rendu relativement à la séquestration des biens de Louis-Joseph de Bourbon-Condé. M. Rabaud-Saint-Etieime. J’observe que c’est l’exécution totale du décret que nous devons demander. M. le Président. Je crois qu’un nouveau décret n’est pas nécessaire pour cela. M. Camus. Voici ce que je propose à cet égard : « L’Assemblée nationale a décrété que le ministre de l’intérieur lui rendra compte, dans lre Série, T. XXVIIi. 3 jours, de l’exécution du décret rendu le 11 jui» dernier contre Louis-Joseph de Bourbon-Condé. » (Ce décret est adopté.) M. Camus. J’ai encore une autre proposition à faire. Je demande que le ministre de la justice rende compte incessamment de l’état dans lequel se trouvent les procédures relatives aux falsificateurs d'assignats. Il est inconcevable qu’après avoir pris des personnes sur le fait, ces personnes-là ne soient pas encore punies comme elles auraient dû l’être, et qu’aucune affaire de ce genre ne soit encore terminée. Voici mon projet de décret : « L’Assemblée nationale décrète que le ministre de la justice rendra compte, dans 3 jours, des diligences qui ont dû être faites et de l’état des procédures du tribunal de Paris, chargé du procès contre les prévenus du crime de falsification des assignats ». (Ce décret est adopté.) M. Eanjuinais. Je ne pense pas que l’on doive établir une différence entre M. de Condéet tous les autres officiers émigrés qui ne sont pas moins coupables que lui. Je demande que l’Assemblée se fasse rendre compte incessamment, par le ministre de la guerre, de la liste des officiers transfuges et qu’il soit appliqué à ces officiers la même mesure qu’à M. de Condé. M. Regnaud {de Saint-Jean-d’ Angély). Dans le projet de décret que M. Emraery vous a présenté hier sur la discipline militaire, il y a une disposition relative aux officiers des troupes de ligne qui sont allés chez l’étranger. Lorsque cet article sera mis en discussion, la motion de M. Lanjuinais pourra être utilement examinée. M. Eanjuinais. Je consens au renvoi. (L’Assemblée renvoie la motion de M. Lanjui-nais à l’époque de la discussion du projet de décret sur la discipline militaire.) M. Rabaud-Saint -Etienne. Vous avez ordonné, il y a 10 ou 12 jours, le recensement général des habitants de Paris. 11 arrive dans Paris une infinité d’étrangers. Déjà on s’est aperçu que dans le nombre il y avait plusieurs repris de justice. Tous ces hommes sont infiniment suspects. Cependant nous n’avons pas encore appris que la municipalité de Paris ait très avancé son travail à cet egard. Je demande que l’on fasse incessamment ce recensement général, que l’on y mette les formes les plus exactes, que l’on vienne me demander, comme je m’y attendais tous les jours, qui je suis, où je demeure, d'où je viens et ce que Je fais à Paris; que l’on en fasse de même dans toutes les maisons : que tout citoyen soit obligé sur sa responsabilité et telle peine que la municipalité pourra proposer, de déclarer s’il recèle un étranger chez lui; qu’en un mot, chacun des étrangers arrivés à Paris, dans l’espoir de la curée générale qui leur avait été promise, soit dénoncé; que la vigilance des citoyens soit éveillée; que tout les citoyens de Paris se regardent comme les sentinelles de la Constitution, obligés en conscience de déclarer les étrangers suspects. Qu’ils les connaissent, afin que la ville de Paris soit connue, comme l’on connaît une maison. Que l’on prenne toutes les précautions nécessaires pour expulser les brigands, les assassins, les scélérats et les conspirateurs dont Paris 34 530 [Assemblée aationale.l regorge, et que le maire soit mandé pour nous en rendre compte. M. l’abbé Gouttes. Cette proposition est d’autant plus j : ste que le bruit court déjà dans le public qu’ou se prépare demain à de nouvelles scènes. Voix diverses : Bah ! Bah! À l’ordre du jour! M. Rabaud-Saint-Etienne. Je ne sais à quoi peut servir cette espèce de pusillanimité, de laquelle il résulterait que nous nous endormirions. Je crois que cette vérité doit être connue; je crois que si elle doit être dite, c’est ici, et par conséquent, je vais me permettre de vous dire ce que je sais. Messieurs, nous savons par M. de Montmorin qu’il y a lieu de croire que les émigrants se proposent de faire une tentative folle, extravagante; mais ils se proposent d’en faire une aux frontières. Il est possible que les conspira'eurs, qui sous prétexte de relever la royauté l’ont eux-mêmes avilie par leurs folies, il est possible que les conspira eurs ne lassent pas réflexion que, taudis qu’ils feront une invasion sur les frontières, le mécontentement du peuple de la ville de Paris soit giaud, et que peut-être la sûreté de personnes auxquelles nous nous intéres ons tous, soit en danger, ils seraient ainsi la cause, en attaquant les frontières, d’un mouvement dans Paris. C’est pour former ce mouvement qu’on a envoyé une foule d’étrangers, c’est (tour cela que nous voyons arriver de nos départements des hommes qui n’ont rien à faire ici. Plusieurs membres : C’est vrai! C’est vrai ! M. Rabaud-Saint-Etienne. Messieurs, les régiments sont dégarnis d’officiers; plusieurs ont été renvoyés par leurs soldats, d’autres se sont retirés d eux-mêmes, 2 ou 3,000 ont refusé de prêter le serment; une foule de soi-disant gentilshommes et une foule de ceux qui l’étaient, se sont rendus en foule à Pans. De tous ces moyens combinés il résulte évidemment, aux yeux de ceux qui veulent y réfléchir, que l’on ménage un mouvement dans Paris. Je n’ajoute point foi aux bruits qu'ils font courir, que l’on mine sous Paris, que l’on veut faire sauter l’Assemblée nationale; je les abandonne à la vigilance du département et de la municipalité; mais enfin, Messieurs, à moins que les conspirateurs ne soient insensés, ils doivent avoir combiné le mouvement extérieur avec le mouvement intérieur; et comme c’est à Paris qu’e.-t le foyer du pouvoir actuel, c’est contre ce pouvoir que tout a été combiné. Vous avez vu des société? populaires qui, dans le commencement, étaient dans de très bons princip s, mais qui ensuite ont été égarées; vous avez vu des homme-, des étrangers soudoyés qui répandaient de l’argent, qui, par des insurrections, dirigeaient les c mps de ce peuple tiompé contre l’Assemblée nationale qui avait sauvé le peuple même. Ils font agir, d’un autre côté, les émigrants contre l’Assemblée nationale et les conspirateurs de toutes les provinces. Ainsi, Messieurs, je répète ma motion, que le maire soit mandé à la barre; mais j’ajoute aux dispositions générales qui vous ont été présentées hier par le comité militaire, dont j’ai admiré la sagesse, quelques dispositions additionnelles. Il ne nous suffit pas de savoir que nous sommes [23 juillet 1791. J en état de mettre sur pied 143,000 hommes de troupes de ligne, que nous avons 9,700 gardes nationaux enregistrés, etc.; tous ce< projets-là me paraissent mfin ment sages, mais je ne m’y fie que quand cela sera exécuté. Je demande donc, Messieurs, que votre comité militaire soit tenu de venir, ainsi que le ministre de la guerre, vous rendre compte, non pas des dispositions que l’on veut faire, mais des dispositions que l’on a faites. _ J’observe ensuite qu’il y a quelques contradictions entre ce qui nous est rapporté sur les bonnes dispositions des frontières et les lettres que reçoivent les députés des front ères. Je crois que le peuple, qui se fait aisément illu-ion, et qui s’et fraie facilement, peut avoir exagéré le défaut de défense de certaines frontières. Mais je demande que le comité militaire se concerte avec les députés des fron ières, afin que des connaissances particulières que l’on aura acquises, il en résulte que vous soyez parfaitement rassurés à cet égard. M. Rewbell. Gomme il paraît que l’Assem-semblée se dispose à mander M. le maire de Paris, je demanderai que l’on lui fasse une question bien sim pie qui jettera un très grand jour sur la question. On m’a assuré de bonne part, que parmi les personnes blessées ou tuées dans les malheureux événements dont nous avons été les témoins, il y avait plusieurs chevaliers de Saint-Louis dont on a trouvé la croix dans la poche. Plusieurs membres : Oui ! oui I M. Rabaud-Saint-Etlenne. Voici mon projet de décret : « L’Assemblée nationale décrète que le maire de Paris sera appelé ce matin à l’Assemblée, pour rendre compte des mesures prises par la municipalité pour le recensement générai des habitants et des étrangers qui se trouvent à Paris. » (Ge décret est adopté.) M. d’André, au nom du comité diplomatique. Avant d’avoir l’honneur de vous rendre compte, au nom du comité diplomatique, de Y affaire de Porentruy, je crois devoir dire un mot relativement à ce que vient d’observer M. Rabaud. Il vous a dit que le ministre des affaires étrangères nous avait fait craindre une invasion des émigrants. IL est vrai que le ministre nous a dit qu’il ne répondait pas que les émigrants ne fissent une tentative; mais sans vouloir nous endormir dans une fausse et trompeuse sécurité; je crois cependant qu’il serait utile pour prévenir le mauvais effet que pourraient fa re sur la fortune publique des craintes exagérées; je crois, dis-je, qu’il est nécessaire de vous dire l’état dans lequel se trouvent les émigrants, d’après les rapports les plus sûrs. D’après un rapport que M. Fréteau doit avoir fait, il s’ensuit que le recensement des émigrants est d’environ 5 à 6,000 hommes, dont 3,500 ont été nombrés, et de ces 3,500 on compte 306 ci-devant conseillers au parlement (Rires). Il y a ensuite un régiment de prêtres, de chanoines, etc. (Rires.) Je le répète, mon intention n’est pas, en citant ce fait, d’endormir l’Assemblée nationale par une fausse tranquillité, je pense au contraire qu’il faut prendre toutes les mesures possibles pour ARCHIVES PARLEMENTAIRES.