[Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [25 janvier 1791. | 489 contre ceux qui se coaliseraient et exciteraient la rébellion contre vos décrets. Quoi qu’il en soit, votre comité ecclésiastique a cru essentiel d’empêcher les tribunaux de se mêler des affaires d’administration. Dans vos décrets sur l’organisation judiciaire, vous avez défendu aux tribunaux d'exercer les fonctions administratives; vous avez même statué que dans ce cas la forfaiture serait acquise. Dans les décrets sur l’organisation des corps administratifs, vous statuez que les administrations ne pourront jamais être troublées dans l’exercice de leurs fonctions... Le jugement du tribunal d’Amiens, ainsi que le plaidoyer de M. Maillard et le discours du commissaire du roi, causèrent une grande rumeur dans la ville. Il y eut sur-le-champ des dénonciations portées au directoire : dénonciations dans lesquelles on impute au commissaire du roi d’avoir professé publiquement et dit aux juges, sans avoir été interrompu, que la loi du 26 décembre était un piège tendu à la bonne foi des prêtres par une assemblée politique dont les membres professent hautement les sectes les plus anticatholiques, et d’avoir qualifié l’arrêté du directoire, de libelle. On l’accuse, de plus, d’avoir dit que le serment prêté par les prêtres réfractaires était le seul qu’ils dussent prêter, et qu’il devait leur acquérir l’estime de tous les honnêtes gens. (La partie droite applaudit.)... Dans toute cette affaire le comité a vu trois points essentiels : Ie entreprise sur le pouvoir administratif, de la part du tribunal d’Amiens; 2® erreur de la part de l’administration du département, qui, ne connaissant pas l’instruction que vous avez dernièrement décrétée , a cru que les ecclésiastiques devaient cesser leurs fonctions du moment même où iis refusaient de prêter le serment; 3° dénonciation faite par le directoire contre les auteurs des écrits distribués dans le département. C’est sur ces objets réunis que vos comités ecclésiastique et de Constitution vous proposent le projet de décret suivant ; « L’Assemblée nationale, instruite d’un jugement rendu le 20 de ce mois par le tribunal du district d’Amiens, sur l’exécution d’une délibération du directoire du département de la Somme, en date du 17 du même mois, au sujet du remplacement des ecclésiastiques fonctionnaires publics, refusant de prêter le serment prescrit par la loi du 26 décembre précédent; après avoir entendu le rapport qui lui a été fait au nom de ses comités de Constitution et ecclésiastique : » Décrète que l’exécution de la loi du 26 décembre dernier appartient aux corps administratifs et aux municipalités, sauf aux tribunaux à prendre connaissance seulement des cas portés aux articles 6, 7 et 8 de ladite loi; » Déclare le jugement du tribunal du district d’Amiens comme non-avenu ; approuve la conduite du directoire du département de la Somme; le charge néanmoins de procéder au remplacement des ecclésiastiques fonctionnaires publics, refusant de prêter le serment prescrit par la loi du 26 décembre dernier, conformément à l’instruction de l’Assemblée du 21 de ce mois; » Au surplus, renvoie au comité des recherches, tant la dénonciation que le directoire du département a arrêté de faire à l’accusateur public dudit tribunal, par sa délibération du 17 de ce mois, que celle faite le 20 du même mois au même directoire, pour, du tout, être rendu compte à l'Assemblée. » M. l’abbé Maury demande la parole, l’obtient et monte à la tribune. M. de Foucault de Lardimalie. Je demande qu’on remette entre les mains de M. l’abbé Maury la déclaration du curé de Saint-Rémi pour la lire comme elle doit être lue. Je crois que c’est une belle pièce en conscience et en honneur... Elle fera sur vous l’effet qu’elle a fait sur moi... Si vous refusez cette lecture, je demande l’impression pour ma propre édification et pour la vôtre. M. l’abbé Maury. Je tomberais moi-même dans l’inconvénient que je dénonce, si je discutais une affaire particulière dont je viens d’entendre les détails pour la première fois. Je me bornerai à exposer des principes généraux, indépendants de toutes les circonstances, principes de tous les temps et de tous les lieux. Dans ces observations, j’examinerai trois objets : le décret sur requête qu’on vous propose de rendre ; les droits des corps administratifs, et le renvoi au comité des recherches ; quant au décret sur requête, vous savez que dans les tribunaux, dans les temps barbares d’où nous sortons... (On rit et on applaudit.) On ne se permettait pas, dans ces temps déplorables, de rendre des jugements sur requête sans avoir constitué en demeure les parties intéressées, sans les avoir entendues. Je n’examine point l’autorité judiciaire de cette Assemblée; mais je ne croirai jamais qu’elle puisse, sans inspiration, se permettre de juger un particulier sans l’entendre. Un grand nombre de voix : On ne veut pas juger. M. l’abbé Maury. Je suis peut-être dans l’erreur. Plusieurs voix : Oui ! oui ! M. l’abbé Maury. Mais j’avoue qu’il m’est impossible de reconnaître dans un décret qui intéresse un ou plusieurs citoyens, autre chose que décret sur requête : or, jamais une loi ne peut être rendue sur requête. Vous êtes législateurs et non juges; vous ne voulez pas rendre un décret par requête: car, malgré la puissance dont vous vous investissez, ce décret serait révocable par sa nature même. Je passe à la seconde partie de mes observations : l’objet dont il s’agit appartient-il aux corps administratifs? Avant d’entrer en matière, je remarque que les parties et leurs défenseurs sont sans intérêts, je ne plaide que par l’ordre public, je demande donc si les corps administratifs peuvent s’interposer entre deux citoyens, s’ils sont chargés de l’application de vos lois, quand il ne s’agit pas de l’impôt ..... Si leur opinion vous est favorable à Amiens, prenez garde qu’ail-leurs il n’en soit pas de même; alors pour votre comité, vous demanderez que les juges prononcent et que les administrateurs se taisent. Plusieurs voix: C’est une insolence effroyable ! M. Popnlus. Je demande que M. l’abbé Maury soit rappelé à l’ordre. M. l’abbé Maury. Les corps administratifs ont reçu de vous une compétence que j’ai bien étudiée dans votre Constitution; je demande qu’on me montre un seul article qui leur ait