624 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [5 août 1790.] eurent peu de héros, beaucoup de philosophes, et furent encore plus heureux en législateurs. « Arrêtéau Jardin des plantes, le 30 juillet 1190. «Louis Bosc, ci-devant d’Anlic, président ; Ser-villiers; Buisson ; Broussonet; Gely; Pelletier; Jacquin ; Alexandre Miche; Lenoir ; Bayen ; Marin; Donadei ; d’Andrada ; Daca-mara; Lamarck; Fagozo; Faujay; Lacepède; A. -F. Gouin; Jean-Claude Vincent ; Giroud ; Dujonquau; Gruvel; Godon ; Laurent; du Picrv, Michauî, Ghr. Girtanner; L. Richard; Riche; Beaurain ; Hédouin; Bevot; Redouté; Thuillier ; Mallet, fils ; Fourcroy ; Boutteron; René Geoffroy; Bouttdlon ; Boureau; Bou-reau père; Defrousseanx ; Guillot; Jean-Gabriel Gai lot, D. M. ; Guilbert fils ; L. Reynier ; Noë-Gabriel Gai lot ; Deschamps fils; Robin ; Jupuis ; Hapenfratz ; Sumonneau fils; Guérin; Duhamel; Troussel des Grouse, maire de Mantes: E. Reynier; E. Delessert; Vilmorin; Jean Thouin; Desfontaines; Louis Miliin; secrétaire; Mallet père; Guillot; Duhamel; J.-G. Dtdametherie; Lefebvre; Gigot; J. -P. Saurine, député à V Assemblée nationale ; Groteste; Barrois; F. Lanthenas, û. M. ; J. Forster; Vallant ; Sage; Bayen; Desève; Léré; Parmentier; Lelièvre; Bulliard ; A. Richard, de l’Académie royale d'Orléans; Damand; Olivier ; Dauphinot, avocat auPar-lement ; J.-B. Taillaud; B. Manuel; Otcher; Grégoire, député ; G. Routine. » M. le Président répond : « Messieurs, la science que vous cultivez réunit tous les genres d'intérêt ; le philosophe et le laboureur, le savant et l’artiste s’y livrent avec la même ardeur comme avec la même utilité. Ceux qui, par la constance de leurs travaux et la force de leur esprit, ont surpris le secret de la nature, et nous ont fait connaître ses procédés, ont des droits éternels à la reconnaissance des nations, et le monde entier est leur patrie. L’hommage que vous vous proposez de rendre à leur mémoire, illustrera ceux qui en conçurent l’idée comme ceux qui en seront l’objet. « Les noms de Bulfon et Linnœus survivront aux monuments que vous leur destinez ; mais ceux qui ont tant aimé leurs ouvrages aimeront à se retracer leurs traits, et nul emplacement, sans doute, ne peut mieux convenir à leurs bustes, que le théâtre de leur gloire. « L’Assemblée nationale n’a rien statué encore sur l’administration du Jardin royal des plantes; elle voit avec intérêt parmi vous* ceux à qui cet établissement doit l’ordre que l’on y admire : le libre hommage que vous venez lui rendre, est digne de lui plaire et de l’interesser; elle vous permet, Messieurs, d’assister à sa séance. » M. Payen, député d’Artois, demande et obtient un congé de quinze jours pour affaires de famille. L’ordre du jour est un rapport du comité militaire sur la réclamation de M. Moreton-Chabril-lan. M.de Menou, rapporteur. Jacques-Henri More-ton-Ghabiillau fut fait colonel du régiment d’infanterie de laFère en 1785. II étaità celte époque capitaine des gardes de Monsieur, frère du roi ; il avait fait deux campagnes de guerre et le siège de Gibraltar. Le 24 juin 1788, M. de Moreton fut destitué du commandement de son régiment par une simple lettre de M. de Brienne, aiors ministre de la guerre. M. de Moreton réclama aussitôt contre cette destitution arbitraire : il écrivit à M. de Brienne, à M. le cardinal de Brienne, son fi ère, enfin il se détermina à présenter au roi un mémoire justificatif, à la fin duquel il suppliait Sa Majesté de lui rendre son régiment, ou de le faire juger par un tribunal légal, et punir selon la rigueur des lois, s’il était coupable de quelque délit. Cette démarche n’eut pas de succès. Monsieur, frère du roi, s’intéressa à la réclamation de son capitaine des gardes ; cette bonté de sa part fut infructueuse. Au mois d’octobre 1788, M. de Moreton, espérant toujours que la justice qu’il réclamait lui serait rendue, ht le dépôt de toutes les pièces ci-dessus à l’étude de M® Broron, procureur au parlement, ainsi que delà protestation contre sa destitution arbitraire. Enfin, M. de Moreton se détermina à présenter ses réclamations à tous les bailliages du royaume assemblés pour faire leurs cahiers et nommer leurs députés aux Etats généraux, ainsi qu’aux assemblées d’éleciions de Paris. Il écrivit en môme temps à Monsieur, frère du roi, auquel, par respect, il crut devoir soumettre sa conduite, et déposa ces nouvelles pièces chez le même officier public, en renouvelant ses protestations. Une grande partie des cahiers des bailliages contient des articles sur les d stitu lions, et plu>ieurs, notamment celui de Paris, fout une mention expresse de M. de Moreton. D’après les faits énoncés ci-dessus et les pièces à l’appui, il résulte : 1° que la destitution de M.de Moreton a été entièrement arbitraire ; 2° qu’il n’a cessé de réclamer contre cette injustice , 3° que l’opinion de presque tous les officiers supérieurs de l’armée, que celle des Etats du Dauphine, que celle d'une grande partie des baildagesdu ro\aume a été en sa faveur ; 4° que M. de Boyer ri’a accepté le régiment de la Fère, que comme un dépôt qu’il était prêt à rendre ; 5° que M. de Moreton n’a ïamais donné sa démission, et n’a pas reçu 50, 0Ü0 écus de la finance de son régiment, qui auraient dû lui rentrer, si sa destitution avait été légale et consentie par lui. Votre opinion, Messieurs, sur la destitution, est et a été consacrée de la manière la plus solennelle ; ainsi, je n’entrerai pas dans l’examen du principe dont la vérité est incontestable et fondée sur la raison. Je me donnerai bien de garde aussi de faire aucun reproche au roi ; les principes d’équité qui animent notre monarque sont bien connus ; il nous en donne les preuves les plus convaincantes; mais le malheur des rois est d’être souvent trompés;i!s ne peuvent voir que parlesyeux des autres, et cette glace est le plus souvent infidèle. Mais Louis XVI, le restaurateur de la liberté française, sait trop combien il est glorieux de réparer des injustices que des agents infidèles et passionnés lui ont fait commettre, et que les rois ne sont jamais plus grands, que lotsque éclairés par ceux qui n’ont aucun intérêt à les tromper, ils reconnaissent leurs erreurs. La conduite de M. de Brienne, ministre de la guerre, qui a fait destituer M. de Moreton, est d’autant plus repréhensible, qu’il n’existe ni accusateur, ni accusation, et, par conséquent, point de corps de délit ; que les lois, tant anciennes que nouvelles du royaume, s’expliquaient formellement contre les destitutions arbitraires, daus quelque état que ce soit. Je ne remonterai pas [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [5 août 1790.] jusqu’aux capitulaires de nos rois ; mais Louis XI, ce roi despote, avait fait une ordonnance, en date du 21 septembre 1568, contre les destitutions arbitraires; elle est rapportée dans les Observations sur l'histoire de France, par M. l’abbé de Mably, t. V, page 269, édition en 6 vol. in-12, et jamais cette loi n’a été abrogée. Hiput, Code militaire, t. Ier, titre IV, rapporte à ce sujet toutes les ordonnances et règlements contre les destitutions arbitraires; dans tous les temps, elles ont été proscrites. J’observerai encore à l’Assemblée nationale que M. de Bricnne lui-même croyait M. deMoreton si peu coupable, qu’il lui faisait conserver, quoique destitué, son rang pour être maréchal de camp, et lui faisait même espérer un autre régiment; mais que devaient penser tous les militaires, que devaient croire tous ceux qui entendaient parler de l’affaire de M. de Moreton? C’est qu’il est extrêmement coupable, et que sa destitution sans jugement n’était qu’une grâce qu’on lui faisait, et à sa famille qu’on ne voulait pas déshonorer. Tout le monde devait penser que ce n'était qu’à raison des liaisons de M. de Moreton à la cour, que ce n’était que par faveur qu’il était ainsi traité ; mais son déshonneur n’en était que plus complet dans l’esprit du plus grand nombre, qui ne connaissaient ni M. de Moreton, ni son affaire; car, pour tous les autres, sa conduite pleine de courage et d’énergie, son refus constant de donner sa démission, et ses réclamations, sans cesse réitérées, sont une preuve non équivoque de son innocence. J’ai demandé à l’Assemblée nationale, sans plus amples réflexions, si l’honneur d’un seul citoyen peut et doit dépendre de la volonté et de la fantaisie d’un ministre? D’après toutes ces considérations, le comité militaire a l’honneur de vous proposer le projet de décret suivant : « L’Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité militaire, déclare que M. Jacques-Henri Moreton-Chabrillan ayant été privé de l’exercice de la charge de colonel du régiment de la Fère, sans accusation, instruction, ni jugement préalable, et d’une manière entièrement contraire aux principes consacrés par les ordonnances, ledit Jacques-Henri Moreton doit être remis en possession des fonctions de son emploi, et que le roi sera supplié de donner ses ordres à cet effet. » M. Martineau. Le Corps législatif ne peut prononcer un jugement sur la demande d’un particulier. Tout ce que l’Assemblée nationale pourrait faire, ce serait de supplier le roi de prendre en considération la réclamation de M. Moreton. M. Alexandre de Lnmeth. Il ne s’agit point de donner un effet rétroactif aux décrets de l’Assemblée nationale, mais de réparer une injustice contraire même aux principes de l’ancien régime. M. Moreton ne demande qu’une chose, et l’Assemblée ne peut la lui refuser: c’est d’être jugé. M. l’abbé Maury. Q’est une triste condition pour un représentant de la nation, que d’élever la voix contre un de ses concitoyens. C’est pour la première fois que je remplis ùn aussi déplorable ministère. Quand vous forcerez un de vos collègues à descendre du faîte de la législation pour s’occuper de l’affaire d’un particulier, c’est le comité militaire qu’il en faut accuser. Le Corps législatif est dans l’ordre de ses fonctions quand il s’occupe des intérêts de la France entière; il SÉRIE. T. XVII. 625 en sort chaque fois qu’il donne à des intérêts privés une attention que le salut public exige tout entière. Je répondrai cependant aux sophismes qui composent le discours du rapporteur du comité. On vous a cité une loi de Louis XI, qui défend les destitutions arbitraires, et vos propres décrets. A-t-on pu se jouer de notre ignorance au point d’imaginer que nous serions dupes d’une pareille loi que M. le rapporteur n’a jamais lue? (Il s’élève des murmures.) Je crois que M. le rapporteur ne l’a pas lue, parce que je l’ai lue, et qu’à coup sûr sa sagacité en aurait saisi l’esprit. Louis XI était fils de Charles VII, qui le premier avait institué les troupes réglées. Les gentilshommes avaient acheté les compagnies, et Louis XI était trop bon politique pour arrêter leur bonne volonté, en les exposant à des destitutions arbitraires. Ce trait d’érudition honore infiniment les études de M. le rapporteur, mais ne fait rien à l’affaire. Je me souviendrai toute ma vie d’avoir entendu citer une loi de Louis XI, par un membre du côté gauche. Vous savez que l’organisation de l’armée et des finances ne date que de Henri III; jusqu’à cet instant on n’a pas mis en doute si le roi avait le droit ou non de nommer des colonels. On vous a cité l’ordonnance du conseil de guerre qui fut malheureusement institué par M. de Brienae lui-même : cette ordonnance n’a point été mise à exécution, parce que la pratique en a été reconnue impossible. D’ailleurs, il n’y est parlé que de la destitution des officiers et des capitaines; les colonels y sont formellement exceptés. — Le despotisme ministériel avait couvert toutes les parties de l’empire, et disposait arbitrairement de la fortune, de la liberté, et même de la vie des citoyens. Mais nous avions du moins conservé l’honneur comme un débris précieux ; vingt-cinq années de cachots ne répandaient aucun nuage sur l’honneur d’un citoyen qui restait pur aux yeux de la nation. Non, jamais les Français n’ont mis leur honneur à la merci des rois, des ministres : un militaire renvoyé, un ambassadeur révoqué, n’en jouissaient pas moins de toute la considération qu’ils méritaient d’ailleurs. Ces principes sont tellement vrais, qu’un militaire renvoyé ne s’appelait pas un citoyen déshonoré, mais un citoyen disgracié. Ces commissions n’étaient regardées que comme des preuves de confiance, et plus souvent des marques decrédit. QueM.de Moreton soit rassuré, son honneur n’a pas plus été compromis par sa destitution, que sa gloire n’a été assurée par sa nomination. Ses réclamations ne peuvent être dictées que par l’ambition. Je conclus qu’en accordant à M. de Moreton toutes les marques d’intérêt qu’il mérite, l’Assemblée décide qu’il n’y a pas lieu à délibérer sur le projet présenté par le comité. M. de Broglie. Le décret proposé ne porte pas que le régiment de La Fère sera rendu à M. de Moreton, mais qu’il n’a pu être destitué sans un jugement. M. Bonchotte. Je demande qu’on établisse un tribunal chargé d’instruire contre les abus d’autorité. M. Gaultier de Biauzat propose le décret suivant : « L’Assemblée nationale décrète que son président se retirera devers le roi pour le prier de faire prononcer par un conseil de guerre, composé conformément aux ordonnances, sur larécla-40