2Q4 (Assemblée nationale.] ennemis de la Constitution pour leur susciter autant d’accusateurs que d’hommes libres; elles vont fixer votre attention sur le sort d’un monument sacré, dont il faut arracher la destruction au temps, puisque les souvenirs que ce monument rappelle sont immortels. Si l’on vous disait que cet heureux vaisseau, cette arche précieuse, qui, au milieu du bouleversement du globe, sauva les restes du genre humain, existe encore près de vous et périt dans l’oubli, vous vous empresseriez de la déposer dans le plus beau de vos temples, et vous ne seriez que les interprètes des générations innombrables dont elle a été le berceau. Ces planches antiques n’auraient cependant sauvé que l’existence à quelques hommes, et les auraient également conservés pour la liberté, l’âme de la vie, et pour l’esclavage, pire que la mort. Si l’on vous disait que les représentants d’un grand peuple, envoyés auprès du trône pour faire une Constitution et créer des lois nouvelles, n’ayant d’autre force que ce saint caractère et cette auguste mission, d’autres gardes que les satellites d’un pouvoir qu’ils venaient détruire, et obligés d’attaquer la tyrannie en délibérant dans les palais même des rois, ont été forcés tout à coup de chercher au autre asile; et, comme si le même génie les eût également inspirés, se sont rendus sans concert dans le même lieu, sous un humble toit, retraite obscure que sa simplicité ne destinait pas à cette scène imposante ; que là, contents d’habiter des ruines quoique dépositaires delà souveraineté du peuple, contents de pouvoir graver sur des murailles le droit éternel des nations, la première explosion de leur courage fut un serment solennel de ne se séparer qu’après avoir conquis la liberté : si l’on ajoutait que ce serment fut une source féconde de patriotisme, de vertus et de bonnes lois, que ce peuple deviendra le plus heureux de la terre, et que cependant ce premier temple où la liberté prit naissance, reste sans honneur ; ne seriez-vous pas frappés d’une si étrange indifférence? Augustes organes du vœu de la France, l’en - ceinte de ce temple existe au milieu de nous, et ce temple est sans gloire ! Il existe, et la main du temps le détruit, lorsque sa durée doit atteindre la stabilité, l’éternité de vos lois. G’est ce Jeu de paume, qui, le 20 juin 1789, servit d’asile à six cents d’entre vous, lorsque l’entrée de votre salle vous fut refusée, qui recueillit les espérances d’un peuple de vingt-cinq millions d’hommes, et qui fut à jamais consacré par le serment dont il devint le dépositaire et le témoin. Que les autres nations vantent leurs monuments, ces antiques pyramides amoncelées par une multitude d�esclaves, ces palais, orgueilleuse retraite des dominateurs de la terre, ces tours sourcilleuses, instruments de la tyrannie. Il ne faut à des Français devenus libres, que des monuments qui attestent, d’âge en âge, la conquête de leur liberté. L’histoire peindra cet instant, où les députés errants dans les rues de Versailles, ne cherchaient qu’à se rencontrer pour se réunir; où le peuple consterné demandait ; Où est l’Assemblée nationale? et ne la trouvait plus ; où lej,despo-tisme, qui croyait triompher, expirait sous les derniers coups qu’il venait de se porter à lui-même ; où quelques hommes, à l’approche d’une horrible tempête, et dans un lieu sans défense, qui. pouvait devenir leur tombeau, sauvèrent une grande nation par leur courage. Mais ces murs nus et noircis, image d’une prison, et transfor-(6 novembre 1790.] més en temple de la liberté ; Ces planches servant de siège, et qui semblaient échappées à un naufrage; cette table chancelante sur laquelle fut écrit le plus durable et le plus redoutable serment ; ce ciel que chaque député prenait à témoin et qui ne donnait qu’une faible lumière, comme s’il avait voulu cacher cet auguste mystère à de profanes regards; ce peuple immense se pressant autour de cette retraite, attentif, comme s’il avait pu voir à travers les murs, silencieux, comme s’il avait pu entendre : et près de là ces palais des prétendus maîtres du monde, ces lambris dorés, d’où les législateurs d’une grande nation étaient repoussés; un tel tableau échapperait peut-être à l’histoire; c’est à l’immortel pinceau, c'est à l’impérissable burin à le retracer. Conservez, ô représentants des Français, conservez ce précieux monument; qu’il reste dans son inculte et religieuse simplicité ; mais qu’il échappe au torrent des années par des soins ca-ables de l’éterniser sans le changer, ni l’em-ellir; qu’une garde de citoyens l’environne, comme s’il concentrait encore tout l’espoir d’une grande nation, comme s’il était encore le berceau de la loi ; qu’il soit, qu’il demeure surtout fermé comme le temple de la guerre, puisque nous ne verrons jamais renouveler le combat des pouvoirs qui fit sa glorieuse destinée. Monument instructif pour les enfants des rois, il servira de contraste à leurs demeures ; il leur retracera l’époque où commença leur véritable puissance. A jamais respecté de la nation, il lui rappellera le courage, les vertus de ses véritables fondateurs. Un jour la vénération publique en environnera l’enceinte, comme d’une barrière impénétrable aux vils adorateurs du despotisme; et quand le temps aura couvert d’un voile religieux son origine, les générations futures verront encore le génie de la liberté veillant sur les destinées de l’Empire. C’est là que chaque législature, en prêtant son premier serment, rendra grâces à l’Auteur de l’homme et de ses droits imprescriptibles, de n’êtreplus exposée aux dan-ers qui immortalisèrent le choix de cet asile. es étrangers mêmes, en abordant notre terre hospitalière, viendront recueillir sur le seuil de ce sanctuaire les impressions profondes qu’il fera naître, et emporteront dans leur patrie les germes féconds d’une sensible et courageuse liberté. O premiers législateurs des Français 1 ou plutôt premiers organes des lois de la nature ! couronnez nos vœux, en agréant l’hommage du tableau qui représentera votre héroïque serment ! Il sera éternel, ce monument dédié au temps et à la patrie, si, placé dans la salle même de vos assemblées, il a sans cesse pour spectateurs des hommes capables d’imiter le patriotisme, dont il retracera l’image. M. le Président répond : L’émotion que l’Assemblée a ressentie au récit des événements que vous lui avez rappelés, les applaudissements qu’elle vous a donnés, vous prouvent l’intérêt qu’elle attache à vos demandes. . . Il est aisé de concevoir ce que peuvent les arts, sous les yeux de la liberté, pour la conservation précieuse des monuments qui en rappellent la conquête.. . L’Assemblée prendra vos propositions en très grande considération, et vous invite à assister à sa séance. (L’Assemblée ordonne l’impression de ces deux discours, et le renvoi de la pétition de la société ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 295 (Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [6 novembre 1790.1 des amis de la Constitution au comité des rapports, pour en rendre compte incessamment.) M. le Président. Le comité des rapports a la parole, au sujet de la non-exécution du décret concernant les membres de la chambre des vacations du parlement de Toulouse. M. de Broglie, rapporteur. Vous vous rappelez sans doute que, le 8 octobre dernier, sur le compte que j’eus l'honneur de vous rendre au nom des comités des rapports et de Constitution des arrêtés pris les 25 et 27 septembre précédent par les membres de la ci-devant chambre des vacations du parlement de Toulouse, vous rendîtes un décret qui, en attribuant le jugement de ces magistrats au tribunal qui serait incessamment formé pour juger les crimes de lèse-na-tion, portait que le roi serait supplié de donner des ordres pour s’assurer de leurs personnes, ainsi que tous antres ordres nécessaires pour l’exécution de ce décret. Le jour même, ce décret fut porté à la sanction du roi; une lettre de M. Guignard, ministre du département, nous apprend qu’il fut sanctionné le 12, et qu’il fut adressé le 14 à la municipalité de Toulouse avec une proclamation du roi. Cependant nous sommes forcés de vous dire ue ce décret n’a point reçu son exécution. C’est e ce fait que votre comité m’a chargé de vous rendre compte. Je vais vous en développer les motifs, et vous donner lecture de la lettre qui a été adressée à l’Assemblée nationale par la municipalité de Toulouse; elle est datée du 27 octobre dernier. M. le rapporteur fait lecture de cette lettre : « Nous nous trouvons dans la situation la plus critique; exposés aux efforts des mécontents de notre ville, ayant à lutter sans cesse contre leurs intrigues, leur acharnement, nous sommes dans la plus grande perplexité par le défaut d’instructions. Le ministre s’est contenté de nous envoyer le décret que vous avez rendu contre les ci-devant magistrats du parlement de Toulouse, tandis que ce décret portait expressément que le roi serait supplié de faire donner des ordres pour son exécution et d’en déterminer les mesures. N’ayant point de troupes à notre disposition, nos gardes nationales n’étant point armées, nous n’avons pu exiger de la part des ci-devant magistrats que des déclarations de ne pas s’éloigner. Il se fait à Toulouse des envois d’armes qui nous inquiètent; depuis huit mois nous en demandons en vain au ministre pour notre garde nationale; il ne nous a pas même répondu. Voici la lettre d’envoi dont il a accompagné la proclamation du roi .« Je vous envoie, ci-joint, la proclamation du roi sur le décret do l’Assemblée nationale. Je vous prie de m’en accuser la réception et de m’instruire des mesures que vous aurez prises pour assurer son exécution. » Voici une autre pièce : « Les officiers municipaux étant assemblés le 10 octobre dans le consistoire de la maison commune, le sieur Ferrny a apporté un paquet adressé à son père, attendu qu’il ignorait absolument où il était. Sur ce que nous lui avons observé qu’il devait se donner quelques soins pour découvrir son père, il a répondu qu’il lui était impossible de le trouver, qu’il n’était ni à Toulouse, ni à sa maison de campagne; et il a déposé le paquet sur le; bureau. Le corps municipal envoya ensuite sou secrétaire-greffier chez M. Marivaux, ci-devant président de la chambré des vacations. Celui-ci ne s’était point enfui : mais il a déclaré qu'il n’avait depuis longtemps assistéaux séances de sa chambre... Voici la déclaration dont nous avons dressé le modèle, et que nous avons fait signer par dix magistrats • « Je soussigné, etc., certifie et m’oblige, sur ma parole d’honneur, de me représenter sur le réquisitoire de la municipalité, et, en conséquence, si je m’absente, soit pour aller à ma maison de campagne ou ailleurs, j’en demanderai la permission à la municipalité. » M. de Broglie continue. Il résulte des faits énoncés dans cette lettre, ainsi que dans les pièces qui y étaient jointes, que la municipalité de Toulouse n’ayant à sa disposition ni troupes réglées, ni milice nationale armée, n’ayant reçu du ministre du département qu’une simple lettre d’envoi, n’étant, d’après les principes constitutionnels, nullement destinée a remplir les fonctions exclusivement attribuées au pouvoir exécutif ou à ses agents, n’a pu ni dû se conduire autrement qu’elle ne l’a fait, et néanmoins que les personnes dont la détention avait été ordonnée sont en pleine liberté; qu’elles peuvent, d’un moment à l’autre, échapper par la faite aux dispositions du décret prononcé contre elles, et que la forme même de l’espèce d’engagement qu’elles ont souscrit de se représenter toutes les fois qu’elles en seraient requises renferme évidemment des moyens faciles d’évasion. Enfin il est certain que M. Ferrny, un des prévenus, s’est déjà mis à l’abri de la poursuite de la loi. Votre comité, après avoir lu la lettre de la municipalité de Toulouse, n’a pu se persuader que le ministre du département eût apporté une telle négligence dans l’accomplissement de ses devoirs ; il a cru devoir écrire à ce ministre pour le prier de lui donner connaissance des ordres que le roi l’avait chargé de donner pour procurer à Toulouse l’exécution du décret du 8 octobre dernier. Le ministre a répondu la lettre suivante, et y a joint des pièces dont il est aussi de mon devoir de vous donner lecture. (On fait lecture de ces pièces : ) « Je m’empresse d’envoyer au comité une copie des lettres patentes et des lettres particulières que j’ai adressées au département de Lot-et-Garonne et à la municipalité, et de la réponse de la municipalité. » Lettre de M. Guignard au directoire. . . « L’Assemblée nationale a rendu le décret ci-joint. J’en ai envoyé une copie à la municipalité J’ai l’honneur d’être, etc. » Copie de la proclamation. . . « Vu par le roi le décret de l’Assemblée nationale dont la teneur suit, etc. ; le roi a sanctionné et sanctionne ledit décret; en conséquence, a ordonné et ordonne aux officiers municipaux de Toulouse de le faire exécuter en sa forme et teneur. » M. de Broglie. Vous voyez qu’il résulte delà réponse même du ministre que l’exposé de la municipalité de Toulouse est parfaitement exact ; que, par une attribution illégale et contraire à l’esprit de la Constitution, M. Guignard a abandonné à des corps administratifs le soin de procurer l’exécution du décret de l’Assemblée nationale sanctionné par le roi, tandis que cette fonction est exclusivement attribuée au pouvoir exécutif et à ses agents, lesquels sont personnellement responsables de l’insuffisance des moyens employés par eux pour l’exécution exacte des décrets; que le ministre du département n’a