[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [6 août 1789.] 353 citoyens et sur tous les biens, de la même manière et dans la même forme, et il va être avisé aux moyens d’effectuer le payement proportionnel de toutes les contributions, même pour les six derniers mois de l’imposition courante. Art. 12. Une constitution nationale et la liberté publique étant plus avantageuses aux provinces que les privilèges dont quelques-unes jouissaient, et dont le sacrifice est nécessaire à l’union intime de toutes les parties de l’Empire, il est déclaré que lous les privilèges particuliers des provinces, principautés, villes, corps et communautés, soit pécuniaires, soit de toute autre nature, sont abolis sans retour, et demeureront confondus dans les droits communs à tous les Français. Art. 13. Tous les citoyens, sans distinction de naissance, pourront être admis à tous les emplois et dignités ecclésiastiques, civils et militaires. Art. 14. Les anDates et les déports sont supprimés. Art. 15. La pluralité des bénéfices et des pensions ecclésiastiques n’aura plus lieu pour l’avenir. Art. 16. Sur le compte qui sera rendu à l’Assemblée nationale de l’état des pensions et des grâces, elle s’occupera de la suppression de celles qui n’auraient pas été méritées, et de la réduction de celles qui seraient excessives, sauf à déterminer la somme dont le Roi pourra disposer pour cet emploi. Art. 17. L’Assemblée nationale décrète qu’en mémoire des grandes délibérations qui viennent d’être prises pour le bonheur de la France, une médaille sera frappée, et qu’il sera chanté un Te Deum, en actions de grâces, dans toutes les paroisses et églises du royaume. Art. 18. L’Assemblée nationale proclame solennellement le Roi Louis XVI, restaurateur de la liberté française. Art. 19 et dernier. L’Assemblée nationale se rendra en corps auprès du Roi, pour présenter à Sa Majesté l’arrêté qu’elle vient de prendre, pour lui porter l’hommage de sa respectueuse reconnaissance, et la féliciter du bonheur qu'elle a de commander à une nation si généreuse. Sa Majesté sera suppliée de permettre que ce Te Deum soit chanté dans sa chapelle, et d’y assister elle-même. Lecture faite du projet d’arrêté, il est reconnu que la discussion ne pourra pas porter sur le fond, mais uniquement sur la forme. La séance est levée et remise à demain neuf heures du matin. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. CHAPELIER. Séance du jeudi 6 août L789 (1) La séance est ouverte à neuf heures du matin. 11 est fait lecture des adresses de félicitation et d’adhésion des trois ordres de Saint-Maixant, de Toulon-sur-Ârroux, de la ville de Limoux, du sieur Louis Paulin de Lavie, avocat en parlement, habitant de la ville de Monestier-Saint-Chaffre en Yélay; des trois ordres de Felletin, de la ville de (1) Cette séance est incomplète au Moniteur. ’ lre Série, T. VIII. Berres ; de plusieurs citoyens, officiers municipaux, électeurs et commune d’Hennebont; delà ville de Digne, de la ville de Lorient, de la ville de Saint-Fargeau, de la ville de Villeneuve-le-Roux, de la ville d’Ambert en Auvergne, de la ville de Carcassonne; des trois ordres de Narbonne, des trois ordres de la ville de Montalieu, diocèse de Carcassonne; de la communauté de Draguignan ; des trois ordres de la sénéchaussée de Béziers; des citoyens de Lodève; des trois ordres de la ville d’Agde, de la ville et paroisse de Saint-Nicolas de Londeau, de la ville de Siste-ron; de la principauté, et nommément des arbalétriers d’Orange ; des jeunes citoyens de la ville de Bergues, à laquelle est jointe une délibération des officiers municipaux ; du comité des électeurs des communes du bailliage de Bourbon-Lancy, de la ville de Thiers, de la ville de Vanvez, diocèse de Nîmes; de la ville d’Arles, de la ville de Tours, de la ville de Calais, de la ville de Port-Louis, de la ville d’Alais, de la ville de Lunéville, du bourg de Chorges en Dauphiné; enfin, de la commune de Loriol en Dauphiné. M. le Président annonce qu’on va relire le projet d'arrêté rédigé par le comité de rédaction; il rappelle de nouveau aux membres qui auraient des observations à proposer, qu’elles ne doivent porter que sur la rédaction et non sur le fond. Le projet d’arrêté est relu pour être discuté article par article. Après celte lecture, un grand nombre d’orateurs se présentent pour discuter les articles. M. le curé de.... Tous les membres privilégiés se sont empressés de faire un généreux abandon des droits qui ne paraissent avoir d’autre fondement qu’un usage antique. Je conçois très-bien que la sanction royale n’est pas nécessaire pour l’abolition des droits abusifs dont le clergé et la noblesse viennent de faire un sacrifice à la chose commune. Mais il est des droits qui sont plus respectables. Vous pensez que le Roi réunit les droits d’une infinité de fondateurs. Croyez-vous, Messieurs, que l’on puisse se porter à l’abolition de ces droits sans la sanction expresse du monarque? Réfléchissez que ces droits remontent jusqu’à Charlemagne; que les dîmes sont des concessions consenties au moins tacitement par tous les Etats généraux précédents. Elles sont donc des propriétés, et à ce titre elles sont inviolables et sacrées. Forcez, Messieurs, les détenteurs de ces propriétés à en faire l’usage qu’ils doivent en faire; qu’elles refluent sur la classe indigente des citoyens. Sages médecins des maux de la France, ne souffrez pas que quelques individus soient des espèces de polypes qui absorbent tous les sucs nourriciers. Faites-les, ces sucs, couler par différents canaux pour vivifier le corps entier; mais gardez-vous d’en tarir la source. D’ailleurs, quand même je le voudrais, il n’est pas en mon pouvoir de consentir à la suppression des dîmes; ce serait aller diamétralement contre le vœu de mes commettants. Je demande donc que l’article des dîmes soit distrait de l’arrêté. Cette observation obtient peu de faveur, et elle excite des rumeurs dans une grande partie de l’Assemblée. Un noble du Limousin, qui, jusqu’ici enchaîné par des pouvoirs impératifs, jouissait des pre-23 354 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [6 août 1789.] miers moments de liberté que ses commettants avaient rendue à sa conscience, se félicite de pouvoir aussi participer de cœur et de volonté aux sacrifices de la noblesse, dans une circonstance, dit-il, où elle ajoute à la magnanimité de ses pères le plus généreux désintéressement. Un ecclésiastique prend place h la tribune. Je ne viens faire ici quelques réflexions que sur le préambule. Je respecte trop vos moments pour les employer à des discussions inutiles. J’aurais parlé dans les bureaux, mais ils sont fermés ; et puisque je suis privé des avis de ceux qui y parlaient avec autant de sagesse que ceux qui nous éclairent ici, pour remplir la mission dont je suis honoré, je suis forcé de m’expliquer. Je n’avais rien à offrir à la patrie; mais toutefois, en admirant le généreux désintéressement de ceux qui ont fait tant de sacrifices, je m’applaudis en secret de n’en avoir aucun à faire. J’ai deux réflexions à développer sur le préambule que nous discutons. II faut distinguer les intérêts généraux et les intérêts particuliers. Il me semble que l’arrêté ne doit contenir que les abandons faits par les villes et les provinces. Sur tout le reste, il faut encore y réfléchir longtemps ; nos démarches doivent avoir la sage lenteur de la loi. Ce n’est pas sur des proclamations faites dans l’enthousiasme, sur des offres de particuliers qui n’offrent rien en leur nom, -que l’on peut se décider... ( Violents murmures .) Cet ecclésiastique , qui revenait ainsi sur un objet déjà décidé, propose des comités pour le décider une seconde fois. Un autre ecclésiastique a cherché à mettre M. le président en contradiction avec lui-même. M. le président, dit-il, a annoncé qu’il ne pouvait faire aucun sacrifice sans en avoir consulté ses commettants; nous réclamons ici le même principe. En outre, il y a une infinité d’artjeles qui seuls méritent les plus mûres réflexions. Le règlement porte que l’on doit les discuter dans les bureaux. 11 faut donc se livrer d’abord à celte discussion préliminaire. M. de Castiiie. Je m’oppose à toutes les lenteurs que peut-être un repentir tardif apporte au plus noble désintéressement; je propose de laisser de côté le préambule, pour délibérer sur les articles. M. Buzot. Je crois devoir attaquer directement les propositions des préopinants ecclésiastiques, et d’abord je soutiens que les biens ecclésiastiques appartiennent à la nation. ( Violente agitation dans une partie de l'Assemblée ; applaudissements dans Vautre.) Je m’appuie même sur les cahiers des ecclésiastiques, qui demandent à la nation les augmentations des portions congrues : donc ils ont reconnu les droits incontestables de la nation sur les biens de l’église. Ils n’auraient pas proposé à ceux qui n’auraient aucun droit de partager des biens qui ne leur appartiennent pas. {On applaudit.) Le clergé n’a rien de mieux à faire que de sauver au moins les apparences, et de paraître faire de lui-même tous les sacrifices que les circonstances impérieuses le forceront à faire. Je demande si, après les sacrifices faits par Messieurs de la noblesse; si, après les sacrifices faits par Messieurs des communes, qui certes en font ausi de très-grands, à proportion de leur fortune ; je demande si on peut remettre en question ce qui a déjà été décidé ; je demande si, lorsque M. le président a pris sur un papier tous les arrêtés, et lorsque l’on a, presqu’à l’unanimité, adopté toutes ces vérités, on peut douter encore de leur adoption ? Il ne s’agit aujourd’hui que de savoir si la rédaction qui a été faite par le comité est conforme à la note de M. le président, sur laquelle nous avons été aux voix. Un membre de la noblesse. Je prends la parole pour parler des droits honorifiques. Il y aurait trop de désavantage à m’étendre après lès préopinants. Aucun sacrifice ne coûtera à la noblesse, et cependant, Messieurs, il ne faut considérer que les avantages ou les désavantages qui pourront en résulter pour les gens de la campagne, les colons et les cultivateurs. Une seconde réflexion que j’ai à vous soumettre, c’est que l’on ne peut attaquer une loi sacrée que vous vous êtes vous-mêmes prescrite. Vous avez dit vous-mêmes que, toutes les fois ue vous traiteriez une matière importante, l’on élibèrerait trois jours de suite. Je le répète, Messieurs, la , noblesse ne prétend pas rétracter ici les généreux sacrifices qu’elle a faits à la patrie ; mais elle réclame la loi qui vous fait un devoir de délibérer entièrement sur des objets importants. Elle désirerait avoir encore de nouveaux sacrifices à faire à la nation; elle ne désire, elle ne veut que conserver des droits qui ne nuisent à personne, droits honorifiques qu’elle a bien payés par les services rendus aux lois et à la patrie, plus encore payés par les flots de sang qu’elle a répandus. M. le comte de Montmorency. Toutes ces observations ne tendent qu’à écarter l’objet important de l’Assemblée, la rédaction du fameux arrêté. Il n’y a ici ni motion, ni amendement à faire ; c’est un sentiment de patriotisme qui porte la noblesse et les ecclésiastiques à faire des sacrifices. 11 ne s’agit que de les recevoir; il ne s’agit pas de délibérer trois jours pour accepter un bienfait. M. le dnc de Mortemart. J’observe que le règlement est ponctuellement exécuté, puisque c’est le troisième jour de la délibération. M. le duc de Liancourt objecte qu’il ne fallait pas se livrer à des discussions étrangères à l’ordre du jour, que c’était d’autant reculer le moment de la constitution. M. de h» Luzerne, évêque de Langres , prie l’Assemblée de ne pas attribuer à l’ordre entier des sentiments particuliers à quelques membres. M. Ocsmontters de Mérinville, évêque de Dijon, dit que le clergé saura faire tous les sacrifices que l’on exigera. M. l’abbé Gouttes. Tant que nos paroissiens n’éprouveront aucun besoin, les curés se trouveront heureux du bonheur de ceux qui les environnent. Après la déclaration de ces généreux sentiments de la part des préopinants, on en vjent [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [6 août 17S9-] 335 enfin au premier article du préambule, de Parrêfé. Cet article donne lieu à de grandes discussions. 11 s’est élevé sur cet objet une question fameuse qui embarrasse les jurisconsultes, que les tribunaux ont diversement jugée ; et pour la résoudre, il faut, pour ainsi dire, s’environner des ténèbres qui couvrent la jurisprudence féodale. Nous allons rappeler le premier article. « Les mainmortes, morte-tailles, corvées, droits de feu, guet et garde, et toutes autres servitudes féodales, sous quelque dénomination que ce soit, même les redevances, les prestations pécuniaires établies en remplacement de mêmes droits, sont abolis à jamais, sans aucune indemnité. » L’on a distingué entre les mainmortes personnelles et les mainmortes réelles. Les premières, a dit un noble, doivent être supprimées; les secondes sont une concession faite; elles sont des propriétés, donc elles doivent être rachetables. On a réclamé encore contre le droit de feu, qui, dans beaucoup d’endroits, est la banalité du four; il est représentatif d’une concession, donc il est encore rachetable. M. Target entre dans des détails très-étendus sur ces deux objets. Il réfute avec beaucoup de succès les sentiments du préopinant qui, se voyant convaincu, s’est écrié qu’il renonçait, au nom de scs commettants, à tous les droits dont la cause n’était pas utile à tous ceux qui les payaient. M. de Foucault, député de la noblesse , combat la cause de l’anarchie féodale avec un succès égal à celui qu’il avait déjà obtenu dans la dernière discussion de la féodalité. Que l’on ne dise pas, dit-il, que les mainmortes sont des concessions faites et acceptées librement. En Franche-Comté, en Bourgogne, elles prennent leur origine dans les guerres civiles des enfants de Louis le Débonnaire : les vainqueurs étaient les maîtres ; les vainqueurs firent la loi, et il a fallu se soumettre. En 1553, un arrêté des Etals de Bourgogne soumit les personnes libres, possédant mainmortes réelles, à tous les devoirs des gens de mainmorte. Ce sont là les droits que l’on veut contraindre à rembourser. 11 n’y en eut jamais qui méritèrent mieux l’anéantissement. Pour faire cesser les différentes opinions élevées sur la distinction de la mainmorte, il propose le changement suivant : Et toutes les autres servitudes pures , personnelles. Ce changement ne fait pas cesser les débats. Les uns proposent de faire entrer dans l’arrêté le droit de retrait féodal. Les autres parlent de droits honorifiques. Enfin les débats sur la mainmorte continuent ' toujours. M. de Talleyrand-Périgord, évêque d’Au-tun, propose l’arrêté suivant : « L’Assemblée nationale déclare que les servitudes féodales et personnelles sont supprimées, que tous les droits qui ont lieu sans qu’il y ait prestation et tradition, seront supprimés sans indemnité ; « Que tous les droits qui ont eu lieu par prestation et tradition seront rachetables ; « Et que les assemblées provinciales fixeront le mode de rachat. » Ce projet d’arrêté n’a également aucun succès. Plusieurs membres lisent ou modifient divers autres projets d’arrêté, sans pouvoir réunir les suffrages : les débats, les colloques s’échauffent, et l’on ne finit rien. M. Bouche en lit un qui ne trouve aucune approbation. Le commencement est à peu près le même que celui de M. l’évêque d’Autun, à l’exception qu’il parle des droits féodaux et seigneuriaux. Et il finit par dire que l’Assemblée nationale jugera seule des contestations qui s’élèveront sur ces différentes abolitions. M. Target propose l’arrêté suivant, qui n’a encore qu’un succès momentané. « Toutes mainmortes personnelles ou réelles, et toutes servitudes féodales personnelles, ensemble toutes les prestations pécuniaires, établies en remplacement, sont abolies à jamais ; tous devoirs et autres droits féodaux, quels qu’ils soient, sont rachetables au taux qui sera réglé par l’Assemblée nationale. » Un membre demande qu’on y ajoute cette phrase : en sorte que toutes féodalités et ç en-sives puissent être éteintes dans le royaume. M. Tréteau fait une remarque très-judicieuse sur le droit de boage, qui se trouverait compris sous le mot de servitudes. Ce droit qui existe dans plusieurs provinces , est concédé par des propriétaires qui se réservent, dans différentes saisons, la faculté d’y conduire des bœufs ; que, sur celte faculté, les pères de famille ont fait des établissements, ont assuré des dots, des douaires, et l’Assemblée ne doit point y porter atteinte. Un membre de la noblesse de Saintonge réclame ses mandats et s’oppose à toute abolition actuelle de la féodalité. 11 a fait, dit-il, tous les sacrifices qu’il pouvait faire en son nom ; mais il se réserve au nom de ses commettants. D'autres membres, mais en petit nombre, suivent cet exemple. M. Duport termine enfin ces longs débats. Il propose d’anéantir surtout la faculté d’exiger des aveux et dénombrements, et dans cet esprit il lit un projet d’arrêté qui paraît réunir tous les suffrages ; l’Assemblée marque son impatience pour aller aux voix. M. le Président avait déjà mis la motion de M. Duport en délibération, lorsque quelques voix réclament l’arrêté de M. Target ; M. Mounier demande la parole. M. Target dit qu’il adopte avec empressement l’arrêté de M. Duport. M. Mounier n’obtient la parole que très-difficilement, après une longue opposition 11 s’élève contre une phrase de l’arrêté deM. Duport, où il est dit que toutes redevances et prestations pécunaires mises en remplacement seront abolies. Ces droits, dit-il, se sont vendus et achetés depuis des siècles; c’est sur la foi publique qu’ils ont été mis dans le commerce, que l’on en a fait la 856 [Assemblés nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [6 août 1789.] Hase de plusieurs établissemeuts ; en les anéantissant, c’est anéantir des contrats, ruiner des familles entières, et renverser les premiers fondements du bonheur public. M. Mounier propose de retrancher la phrase qu’il vient de citer. La glèbe, ajoute-t-il, a été générale dans le royaume ; il n’est pas étonnant qu’elle soit devenue la base de plusieurs conventions qu’il importe de ne pas anéantir. M. Duport. Tout ce qui est injuste ne peut subsister. Tout remplacement à ces droits injustes ne peut également subsister. Donc on ne peut les exiger. L’est la jurisprudence des tribunaux. Toutes servitudes réelles y sont abolies, et les droits qui les représentent sont également abolis. (On applaudit.) M. le Président met l’arrêté de M. Duport en délibération. Le voici tel qu’il a été adopté à la grande majorité (1 ). « L’assemblée nationale détruit entièrement le régime féodal ; elle décrète que, dans les droits etdevoirs tant féodaux que censueis, ceux qui tiennent à la mainmorte réelle ou personnelle, et à la servitude personnelle, et ceux qui les représentent, sont abolis sans indemnité. Tous les autres sont déclarés rachetables, et le prix et le mode du rachat seront iixes par l’Assemblée nationale. Leux desdits droits qui ne sont point supprimés parce décret continueront néanmoins à être perçus jusqu’au remboursement. » Quelques membres de la noblesse ayant observé qu’il n’était pas question dans cet article des droits honoritiques, et qu’il était juste de les conserver aux seigneurs ; M. le président a demandé à l’Assemblée si elle voulait délibérer sur cette proposition. M. le duc de Liancourt. S’occuper de la discussion de ces droits qui ne sont attaqués par personne, c’est les infirmer. M. de Montmorency. J’appuie l’observation de M. le duc de Liancourt ; il n’y a là ni amendement ni motion ; il n’y a pas lieu à délibérer. Un membre réclame avec force contre les observations des préopiuanls, et fait la motion expresse de la suppression de tous les droits honorifiques. On met en délibération s’il y a lieu à délibérer. 11 est arrêté qu’il y a lieu à délibérer. M. le comte de Mirabeau. L’Assemblée nationale vient de décider que c’est le cas de délibérer sur les droits honorifiques ; mais il ne s’ensuit pas de là qu’il faille en faire la suite de l’arrêté qui vient d’être pris ; car c’est diamétralement opposé. Je ne crois pas qu'on puisse délibérer à trois heures sur une chose aussi importante ; je ne crois pas que l’ordre du jour puisse permettre cette délibération et que l’on suspende l’arrêté pris dans la nuit du mardi, arrêté que (1) Nous donnons cet article, tel qu’il a été inséré au procès-verbal, il diffère par quelques mots de la version du Moniteur, toute la France attend avec empressement, et si nécessaire pour faire renaître le calme. Ces raisons ont fait rejeter la délibération sur les droits honorifiques. Trois heures et demie étant sonnées, M. le President a levé la séance, et en a indiqué une autre à six heures du soir. Séance du soir. M. le Président dit que, pour se conformer aux ordres de l’Assemblée, il s’est rendu chez le Roi, pour lui parler de l’affaire de Brest et de celle des trois évêchés ; qu’il a trouvé Sa Majesté seule ; qu’elle l’a accueilli avec beaucoup de boulé, et qu’elle lui a dit qu’elle ferait connaître incessament sa réponse à l’Assemblée. 11 a dit que M. le garde des seaux l’avait préveau que le Roi avait accordé les entrées familières de sa chambre au président de l’Assemblée nationale, pour rendre à l’avenir la correspondance plus facile entre Sa Majesté et l’Assemblée. M. le Président annonce qu’un des premiers magistrats du royaume vient de faire supprimer un droit de péage très-avantageux pour lui, mais très-nuisible pour le commerce. Le respectable magistrat avait instamment prié M. le président de ne pas le nommer ; c’était la seule récompense qu’exigeait sa modestie ; mais elle aurait trop coûté à l’Assemblée : M. le président a cru devoir nommer l’auteur de cette belle action ; c’est M. le premier président du parlement de Bordeaux, M. Le Berthon. M. le Président a dit enfin que M. Volter de Neurbourg avait fait le même sacrifice dans ses domaines ; qu’il abandonnait en outre les droits de lods et ventes qui lui appartenaient dans toute l’étendue du territoire de Sentrits, et une somme de 6,692 liv. 5 s. qui lui était due par le gouvernement pour arrérages d’une pension ; que son acte d’abandon, qui était sur le bureau, serait déposé dans les archives de l’Assemblée. M. le marquis de Lusignan s’est approché du bureau pour donner lecture des nouveaux pouvoirs qu’il avait reçusdeses commettants ; et il s’est expliqué en ces termes : Connaissant le respect et la confiance de mes commettants aux lumières de cette auguste Assemblée, j’avais prévenu leur permission en adhérant à ses décrets, bien convaincu que leur approbation justifierait mon zèle et répondrait à tous les vœux de mon cœur. Le comité des rapports a rendu compte a l’Assemblée de l’affaire de M, le duc de la Vauguyon. M. Desmeuniers. Il a été ministre dans des temps où toute la cour trempait dans la conjuration la plus atroce. Il a été ministre, et n’a pas refusé: il est dans un état de suspicion, et il doit être détenu jusqu’à la preuve authentique de son innocence. M. l'archevêque de Langres réfute M. Desmeuniers. M. l’abbé Sieyès parle aussi en faveur de M. le duc de la Vauguyon ; il invoque les principes qui veillent à la sûreté de tous les individus.