[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [17 mai 1791.1 447 fixé son attention ; il consiste à protéger le commerce de l'argent comme celui de toutes les autres denrées. Plusieurs membres n'ont aucun doute sur ce moyen, mais il a répugné à beaucoup d’autres. Je ne demande pas cpi’on l’adopte; mais, comme je crois ce moyen très bon dans les circonstances:présentes, je demande qu’une discussion s’ouvre dans l’Assemblée sur la question desavoir si la vente de l’argent doit être permise, autorisée et même protégée par la loi. (Applaudissements.) Je demande donc que le comité des finances veuille bien nous faire un rapport sur cet objet et qu’il nous soit fait dans trois jours au plus tard. M. de Montesquion. Il me semble que la proposition que j’ai faite relativement à la fabrication des gros sols est absolument indépendante du système monétaire. ( Non pas ! — Si ■ ait!) M. de Cussy. Dès l’instant que vous avez supprimé les Monnaies, toute espèce de surveillance y est aussi supprimée, et, dans ce moment, le pouvoir executif confère avec nous pour vous présenter dans l’instant une nouvelle organisation. Il faut dire que vous établissez dans toutes les Monnaies des commissaiies qui les surveillent. (Murmures.) M. de Montesquion . Vous n’avez pas le temps d’attendre que toutes vos Monnaies soient organisées. M. de "Wlrien. Je demande la parole à M. de Montesquiou qui craint apparemment la surveillance du comité. M. Rabaud-Saint-Etienne. J’ai été témoin du travail du comité monétaire; je sais que la commission nommée par le pouvoir exécutif s’est assemblée pour s’occuper de cet objet; mais je ne crois pas que cela puisse nuire. C’est la proposition de M. de Montesquiou que j’appuie; car, quel que soit ce plan, il nous faut des sols. Plusieurs membres : L’ajournement à ce soir. (Oui ! oui !) M. de Lachèze. L’Assemblée nationale doit prendre toutes les mesures qui sont en elle, • pour protéger efficacement le commerce de l’argent. Il en est de ce commerce comme de tous les autres commerces. La liberté est sa vie et son âme. Si un homme sait qu’il court un danger en vendant de l’argent, il le vendra plus cher. (Murmures.) D’après cela, je m’oppose à l’ajournement fixe qu’a propose M. Goupilleau, et je demande que l’Assemblée nationale décrète que ce commerce est parfaitement libre, et que les tribunaux, les administrations emploieront tous les moyens qui sont en leur pouvoir pour le protéger. M. Long. Je demande que, si la vente de l’argent est autorisée, les assignats ne soient plus forcés. M. Rcgnaud (de Saint-Jean-d' Angêly). Les lois protègent et doivent continuer de protéger toutes les espèces de négoce et de commerce possible, et le commerce de l’argent n’est qu’un négoce comme les autres. Il ne faut donc pas un décret qui autorise ce négoce, comme s’il ne l’avait pas été. Il faut que l’Assemblée nationale se borne à renvoyer au pouvoir exécutif, pour qu’il donne les ordres les plus précis à tous ses agents, à toutes les administrations, pour qu’ils protègent, suivant les lois, toutes les espèces de commerce, notamment celui des espèces d’or et d’argent. [La motion de M. Regnaud (de Saint-Jean-d’ An-gély) est adoptée.] En conséquence le décret suivant est rendu : « L’Assemblée nationale décrète que le pouvoir exécutif donnera les ordres les plus précis et les plus prompts pour que tous ses agents, les corps admimslratifs et municipaux, protègent, d’une manière efficace et par tous les moyens que la loi a mis en leur pouvoir, toutes les espèces de commerces échanges et circulation, et notamment la vente ou échange d< s as ignats contre le numéraire d’or ou d’argent, dont la libre circulation est essentielle à la prospérité de l’Empire. » M. le Président. Il y a une autre proposition, elle est de M. Malouet, c’est que le comité de révision se rassemble pour faire un rapport des différents décrets rendus pour le rétablissement de l'ordre, en présentant les moyens les plus efficaces qui pourraient ajouter à ceux déjà décrétés. MM. Malouet et de Cazalès insistent pour que le comité de révision soit chargé de faire ce rapport. M. Buzot. Cet objet ne regarde pas le comité de révision. Il ne s’agit que de faire exécuter les lois existantes en renvoyant cette demande au pouvoir exécutif. M. Le Chapelier. Quoique le sentiment qui a inspiré à M. Malouet la demande des lois de police qu’il vient de vous faire soit très louable, il est inutile de prendre des mesures sur ce point, car le comité de Constitution doit vous faire au premier jour un rapport sur la force publique, qui remplira toutes ses vues. Je demande donc qu’on passe à l'ordre du jour sur la motion de M. Malouet et je demande en même temps que le comité de révision s’assemble fréquemment pour accélérer le travail dont il est chargé. (L’Assemblée passe à l’ordre du jour sur la motion de M. Malouet.) M. le Président. J’ai reçu de M. Duportail, ministre de la guerre, la lettre suivante : « Monsieur le Président, « L’Assemblée nationale a supprimé la retenue des quatre deniers pour livre sur les dépenses du département de ia guerre, dont trois étaient affectés à la subsistance de l’Hôtel des invalides; elle a de plus décrété la conservation de cet établissement utile et honorable ; mais, dans les circonstances, elle n’a point appliqué les fonds nécessaires à la subsistance et à l’entretien de l’Hôtel ; il est sur le point d’en manquer, il est doDC très pressant que l'Assemblée nationale, en attendant qu’elle ait statué définitivement sur la nouve’le organisation de cet établissement, sur la dispensation des fonds à accorder à l’Hôtel des invalides, veuille décréter qu’il sera remis, par 148 ’ [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [H mai 1791.] le Trésor public à rla caisse de l’Hôtel, jusqu’à concurrence de 150,000 livres par mois. « Signé : DüPORTAIL. » (L’Assemblée renvoie cette lettre au comité militaire pour en rendre compte incessamment). I L’ordre du jour est la suite de la discussion du projet de décret du comité de Constitution sur l’organisation du Corps législatif (1). M. le Président. La délibération en est restée à 'lu question de savoir si les membres d’une législature pourront être réélus à la législature suivante. M. Thouret, rapporteur. Par le décret que vous avez rendu hier, vous vous êtes mis en état de décider avec d’autant plus de désintéressement l’importante question qui est à l’ordre du jour, celle de l’élection des législatures futures, que vous vous êtes mis à couvert du reproche de l’intérêt personnel. Les raisons que j’ai données hier à ce sujet ne sont pas détruites, je pense même qu’elles ne le seront pas. Rien ne peut plus balancer la force du principe. Toutes les considérations particulières qui pouvaient faire impression sur vous doivent céder à l’évidence des raisons qui appuient la réélection. Le premier devoir du législateur doit être de veiller à entretenir constamment la force et l’énergie dans le Corps législatif. Il doit prévoir cette époque où l’esprit public, se refroidissant chaque jour dans un calme dangereux, a besoin d’être ranimé par les plus vifs ressorts de l’émulation. N’oublions pas que le Corps législatif, nôtre unique égide contre les entreprises du pouvoir exécutif, doit être maintenu sans cesse en état de le surveiller efticacement et de le contenir fortement dans cette lutte perpétuelle et naturelle. N'introduisons donc pas une inégalité d’avantages qui serait lout entière à notre détriment; car le pouvoir exécutif attirant sans cesse à son service, par la perpétuité de ses places nombreuses et par la stabilité qu’il est de sa politique de donner maintenant à ces places, tous ceux qui n’auraient pas été tentés par la seule considération des avantages de ces places, s’y livreraient par la considération des désavantages et de l’instabilité des places de la législature. Prenons donc des précautions pour retenir dans la carrière nationale un certain nombre d’hommes méritants, en leur présentant un grand sujet d’émulation. Nous avons beau chercher, nous n’en trouvons point d’autre que la .réélection.. ' Sans doute, il est nécessaire que la probité et le vrai civisme soient les qualités prédominantes dans une Assemblée législative; mais il faut entrer dans ce qui est convenable à l’état ordinaire et commun des hommes ; et pour jouir de ce que la nature humaine a de bon, il faut aussi savoir transiger avec ses imperfections. Or, l’abnégation complète, le renoncement absolu, le sacrifice de toute espèce d’intérêt et de jouissances n’est point dans la nature de l’homme. On voit bien quelques effets de ce genre dans les mouvements des grandes révolutions, parce qu’alors les esprits sont exaltés, les libres sont tendues sur un tou au delà du commun ; mais cet état-là n’est pas un état de longue durée, et le moyen le plus (1) Voy. ci-dessus, séance du 16 m i 1791, p. 109. sûr d’entretenir constamment l’esprit public, c’est de lui donner pour soutien une ambition honorable. Quand il y a un prix d’honneur établi chez une grande nation, pour dix qui l’obtiennent il y en a cent qui sont en émulation pour l’obtenir. J’ajoute une autre observation : c’est que dans les circonstances où la législature se trouvera en opposition avec le pouvoir exécutif, par l’effet d'un veto,, il est absolument utile que la nation ait un moyen d’exprimer son vœu, soit d’improbation ou d’approbation pour la loi présentée. Il faut donc que la seconde législature, qui aura à soutenir le projet de loi contre le veto, ou à l’abandonner à l’opinion nationale, ait un signal certain pour reconnaître cette opinion; or, chez nous, comme en Angleterre, le signal ne peut être donné que par la réélection; car si la loi est bonne, la nation se fera un devoir pour assurer son succès comme pour marquer son vœu, de réélire les auteurs de la loi : dans le cas contraire, il n’y aurait pas de réélection, et dans tous les cas l’opinion nationale sera manifestée. Je pense que l’opinion de l’Assemblée ne peut longtemps rester en suspens, et qu’elle adoptera le système de réélection. M. Pétion de 'Villeneuve. La question que vous allez agiter est une des plus importantes qui puisse vous être soumise. C’est celle sur laquelle ceux qui ont le plus réfléchi peuvent facilement être divisés, cardans les deux systèmes il y a des avantages et des inconvénients. Le principe est opposé en apparence au système de la non-réélection. On vous a dit et on vous a répété que vous n’avez pas le droit de gêner la liberté du peuple; que tout ce qui est de confiance ne peut être restreint sous aucun aspect, et que vous offensez le principe, si vou3 ne laissez pas à la nation le droit de choisir les défenseurs dans lesquels elle aura le plus de confiance, en qui elle reconnaîtra le plus de talents et de vertus. Je vous prie d’observer, Messieurs, que nulle part ce principe n’est resté intact; vous-mêmes y avez déjà porté atteinte. En Angleterre, il faut jouir d’un certain revenu en fonds de terre pour être éligible ; dans plusieurs États d’Amérique, il faut absolument que les fonctions publiques aient été inierrompues, pour pouvoir de nouveau être réélu. C’est là le moyen que je regarde comme le meilleur; et remarquez, Messieurs, qu’ici il ne s’agit pas d’empêcher celui qui a déjà mérité la confiance publique d'y être encore appelé : il s’agit seulement de mettre une interruption entre l’exercice de ces fonctions et un appel à ces nouvelles fonctions. Il est indispensable pour le salut publia de ne pas les laisser se perpétuer. Si on voulait suivre le principe dans toute sa rigueur et tel qu’on vous le présente, non seulement celui qui aura été élu à une des législatures pourra être élu à celle qui suivra, mais à toutes celles qui suivront, de sorte que cette chaîne sera sans interruption. Par là l’autorité se perpétuerait sur les mêmes individus. Dans le Parlement d’Angleterre, nous voyons plusieurs membres qui sont perpétués depuis 20 années dans la noble carrière qu’ils remplissent; et ne croyez pas que ce soient toujours les meilleurs défenseurs du peuple. Messieurs, il est un terme à tous les travaux ; et n’est-ce pas une assez noble carrière à parcourir, n’est-ce pas une carrière assez longue que d’avoir deux années entières ? Quand vous aurez bien réfléchi sur cette matière, vous verrez qu’eu