418 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE cessé de souffrir depuis cette fatale époque. Il est aujourd’hui hors d’état de travailler pour faire subsister sa famille. Il demande que la Convention vienne à son secours, les faits avancés par lui étant constatés par les certificats du chirurgien et du médecin qui ont vu Gamain dans l’affreuse maladie qu’il éprouve depuis deux ans (1). MUSSET : C’était peu pour le dernier de nos tyrans d’avoir fait périr des milliers de citoyens par le fer ennemi; vous verrez, par la pétition que je vais vous lire, qu’il était familiarisé avec la cruauté la plus réfléchie, et qu’il a lui-même administré du poison à un père de famille, espérant ensevelir par là une de ses manoeuvres perfides. Vous verrez que son âme féroce avait adopté cette maxime que tout est permis aux rois de ce qui peut faire réussir leurs criminels projets. . «François Gamain, serrurier des cabinets et du laboratoire du ci-devant roi, et depuis trois ans membre du conseil général de la commune de Versailles, expose que, dans les premiers jours de mai 1792, il reçut l’ordre de se transporter à Paris. A peine fut-il arrivé que Capet lui ordonna de pratiquer une armoire dans l’épaisseur d’un des murs de son appartement, et de la fermer d’une porte de fer, opération qui ne fut achevée que le 22 du même mois, et à laquelle il a procédé en sa présence. Aussitôt cet ouvrage fini, Capet apporta lui-même au citoyen Gamain un grand verre de vin qu’il l’engagea à boire, parce qu’effectivement il avoit très-chaud. « Quelques heures après qu’il eut avalé ce verre de vin, il fut atteint de colique violente, qui ne se calma qu’après qu’il eut pris une ou deux cueillerées d’élixir qui lui firent rendre tout ce qu’il avait mangé et bu dans la journée. Il s’en est suivi une maladie terrible qui a duré quatorze mois, dans lesquels il en a été neuf perclus de ses membres, et qui même dans cet instant ne lui laisse aucun espoir que sa santé se rétablisse assez pour lui permettre de vaquer à ses affaires d’une manière à subvenir aux besoins de sa famille. « Telle est, citoyens, la vérité des faits qu’il prend la liberté de vous exposer; ils sont constatés par le certificat des officiers de santé qui ont suivi sa maladie. «Il vous observe en outre que, quoiqu’il ignorât entièrement à quel usage Capet destinait cette armoire, néanmoins il en fit la déclaration, et que c’est lui qui est l’auteur de la découverte de papiers intéressants qu’elle renfermait. « Il attend de vous, législateurs, que vous voudrez bien prononcer sur la pension qu’il espère, après vingt-six ans de service et les sacrifices qu’il a faits; son espoir est d’autant plus fondé que le mauvais état de sa santé ne lui laisse aucun moyen de subsistances. » MUSSET : A cette pétition est joint le certificat des médecins, qui constate le mauvais état de la santé du citoyen réclamant. Citoyens, si la scélératesse est commune aux rois, la générosité est l’apanage constant des représentants d’un peuple libre. Je demande que sa (1) P.V., XXXVI, 164. pétition soit renvoyée aux comités des secours publics et de liquidation, pour en faire un prompt rapport. Je demande qu’après le rapport les pièces soient déposées aux archives nationales comme un monument de l’atrocité des tyrans, et insérées au Bulletin, afin que ceux qui croyaient que Capet ne faisait le mal que parce qu’il était entouré de malveillants sachent que le crime était dans son cœur (1) . La lecture de cette adresse a été interrompue souvent par des cris d’indignation et d’horreur (2) . La proposition de Musset est décrétée en ces termes : «Sur la motion d’un membre [MUSSET], la Convention décrété que les pièces seront renvoyées aux comités de secours et de liquidation, réunis, pour en faire un prompt rapport à la Convention. 2° Après le rapport des comités de secours et de liquidation, les pièces seront déposées aux archives de la Convention, comme un monument éternel de la lâcheté et de la perfidie de Capet. 3n Les pièces seront insérées en entier au bulletin de correspondance, pour faire connoître à l’univers entier la profonde scélératesse du dernier tyran des Français » (3). 31 Un secrétaire donne lecture du procès-verbal de la séance du 4 floréal : Sa rédaction est adoptée (4). 32 L’agent national du district de Chinon fait passer 4 décorations militaires (5). [ Chinon , 3 flor. Il; Au présid. de la Conu.] (6). «Citoyen représentant, J’ai déjà fait passer à Guimberteau, lorsqu’il était à Tours, 22 croix dites de St-Louis; en voici encore 4 que j’ai découvert. Vils présents d’un despote qui en récompensoit la bassesse et l’intrigue de ses esclaves; à quoi bons pour-raients-ils être aujourd’huy que l’honneur et la vertu sont à l’ordre du jour ? A fondre dans le creuset national. S. et F. » Champigny. (1) Mon., XX, 322; J. Lois, n° 577; J. Mont., n° 166; J. Sablier, n° 1284; Feuille Rép., n° 299; J. Matin, n° 614; Ann. patr., n° 482; C. Eg., n° 618, p. 217. (2) Mess, soir, n° 618. (3) P.V., XXXVI, 164. Minute de la main de J.M. Musset (C 301, pl. 1068, p. 1). Décret n° 8963. Reproduit dans Bln, 8 flor.; Débats, n° 586, p. 101; Audit. nat., n° 581; M.U., XXXIX, 140; Rép., n° 129; J. Perlet, n° 583; Sans-Culottes, n° 437; C. Univ., 9 flor.; Ann. Rép., n° 150; J. Paris, n° 483. (4) P.V., XXXVI, 165. (5) P.V., XXXVI, 165 et 231. (6) C. 301, pl. 1080, p. 16. 418 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE cessé de souffrir depuis cette fatale époque. Il est aujourd’hui hors d’état de travailler pour faire subsister sa famille. Il demande que la Convention vienne à son secours, les faits avancés par lui étant constatés par les certificats du chirurgien et du médecin qui ont vu Gamain dans l’affreuse maladie qu’il éprouve depuis deux ans (1). MUSSET : C’était peu pour le dernier de nos tyrans d’avoir fait périr des milliers de citoyens par le fer ennemi; vous verrez, par la pétition que je vais vous lire, qu’il était familiarisé avec la cruauté la plus réfléchie, et qu’il a lui-même administré du poison à un père de famille, espérant ensevelir par là une de ses manoeuvres perfides. Vous verrez que son âme féroce avait adopté cette maxime que tout est permis aux rois de ce qui peut faire réussir leurs criminels projets. . «François Gamain, serrurier des cabinets et du laboratoire du ci-devant roi, et depuis trois ans membre du conseil général de la commune de Versailles, expose que, dans les premiers jours de mai 1792, il reçut l’ordre de se transporter à Paris. A peine fut-il arrivé que Capet lui ordonna de pratiquer une armoire dans l’épaisseur d’un des murs de son appartement, et de la fermer d’une porte de fer, opération qui ne fut achevée que le 22 du même mois, et à laquelle il a procédé en sa présence. Aussitôt cet ouvrage fini, Capet apporta lui-même au citoyen Gamain un grand verre de vin qu’il l’engagea à boire, parce qu’effectivement il avoit très-chaud. « Quelques heures après qu’il eut avalé ce verre de vin, il fut atteint de colique violente, qui ne se calma qu’après qu’il eut pris une ou deux cueillerées d’élixir qui lui firent rendre tout ce qu’il avait mangé et bu dans la journée. Il s’en est suivi une maladie terrible qui a duré quatorze mois, dans lesquels il en a été neuf perclus de ses membres, et qui même dans cet instant ne lui laisse aucun espoir que sa santé se rétablisse assez pour lui permettre de vaquer à ses affaires d’une manière à subvenir aux besoins de sa famille. « Telle est, citoyens, la vérité des faits qu’il prend la liberté de vous exposer; ils sont constatés par le certificat des officiers de santé qui ont suivi sa maladie. «Il vous observe en outre que, quoiqu’il ignorât entièrement à quel usage Capet destinait cette armoire, néanmoins il en fit la déclaration, et que c’est lui qui est l’auteur de la découverte de papiers intéressants qu’elle renfermait. « Il attend de vous, législateurs, que vous voudrez bien prononcer sur la pension qu’il espère, après vingt-six ans de service et les sacrifices qu’il a faits; son espoir est d’autant plus fondé que le mauvais état de sa santé ne lui laisse aucun moyen de subsistances. » MUSSET : A cette pétition est joint le certificat des médecins, qui constate le mauvais état de la santé du citoyen réclamant. Citoyens, si la scélératesse est commune aux rois, la générosité est l’apanage constant des représentants d’un peuple libre. Je demande que sa (1) P.V., XXXVI, 164. pétition soit renvoyée aux comités des secours publics et de liquidation, pour en faire un prompt rapport. Je demande qu’après le rapport les pièces soient déposées aux archives nationales comme un monument de l’atrocité des tyrans, et insérées au Bulletin, afin que ceux qui croyaient que Capet ne faisait le mal que parce qu’il était entouré de malveillants sachent que le crime était dans son cœur (1) . La lecture de cette adresse a été interrompue souvent par des cris d’indignation et d’horreur (2) . La proposition de Musset est décrétée en ces termes : «Sur la motion d’un membre [MUSSET], la Convention décrété que les pièces seront renvoyées aux comités de secours et de liquidation, réunis, pour en faire un prompt rapport à la Convention. 2° Après le rapport des comités de secours et de liquidation, les pièces seront déposées aux archives de la Convention, comme un monument éternel de la lâcheté et de la perfidie de Capet. 3n Les pièces seront insérées en entier au bulletin de correspondance, pour faire connoître à l’univers entier la profonde scélératesse du dernier tyran des Français » (3). 31 Un secrétaire donne lecture du procès-verbal de la séance du 4 floréal : Sa rédaction est adoptée (4). 32 L’agent national du district de Chinon fait passer 4 décorations militaires (5). [ Chinon , 3 flor. Il; Au présid. de la Conu.] (6). «Citoyen représentant, J’ai déjà fait passer à Guimberteau, lorsqu’il était à Tours, 22 croix dites de St-Louis; en voici encore 4 que j’ai découvert. Vils présents d’un despote qui en récompensoit la bassesse et l’intrigue de ses esclaves; à quoi bons pour-raients-ils être aujourd’huy que l’honneur et la vertu sont à l’ordre du jour ? A fondre dans le creuset national. S. et F. » Champigny. (1) Mon., XX, 322; J. Lois, n° 577; J. Mont., n° 166; J. Sablier, n° 1284; Feuille Rép., n° 299; J. Matin, n° 614; Ann. patr., n° 482; C. Eg., n° 618, p. 217. (2) Mess, soir, n° 618. (3) P.V., XXXVI, 164. Minute de la main de J.M. Musset (C 301, pl. 1068, p. 1). Décret n° 8963. Reproduit dans Bln, 8 flor.; Débats, n° 586, p. 101; Audit. nat., n° 581; M.U., XXXIX, 140; Rép., n° 129; J. Perlet, n° 583; Sans-Culottes, n° 437; C. Univ., 9 flor.; Ann. Rép., n° 150; J. Paris, n° 483. (4) P.V., XXXVI, 165. (5) P.V., XXXVI, 165 et 231. (6) C. 301, pl. 1080, p. 16.