16 [Aisemhlée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [6 mars 179Ô.1 Enfin, le suppléant sort, mais en s’en allant, il exprime son mécontentement par des gestes qui sont comme une menace adressée au président. Cette conduite excite dans l'Assemblée une vive désapprobation. M. le comte de* Mirabeau. M. le président, nous avons tous vu la personne envers laquelle vous avez exercé votre droit vous menacer, c’est-à-dire menacer l’Assemblée. J’ai l’honneur de vous observer que ni vous, ni nous, n’avons le droit de remettre un tel délit; c’est une insulte grave qui doit être punie sévèrement. Je demande que la personne soit jugée à l’instant même. M. le Président. Si l’outrage me regarde comme individu, je prie l’Assemblée de considérer qu’il est des délits en eux-mêmes, si ridicules et tellement insensés qu’ils ne doivent, en vérité, mériter que de la pitié; si c’est comme président que la menace m’a été faite, j’observe qu’il ne peut y avoir d’injure que d’égal à égal et que le président de l’Assemblée nationale ne connaît point d’égal. M. le comte de Mirabeau. C’est parce que nous n’avons pas considéré ce délit comme une insulte particulière que j’ai demandé que la personne lût punie; j’ai pensé que le délit devait être l’objet d une délibération soudaine; nous avons incontestablement le droit d’exercer la police dans cette salie et nous ne devons pas nous exposer au reproche de n’avoir pas fait respecter le Corps législatif. Je propose que le coupable soit envoyé pour 24 heures aux prisons de l’Abbaye. M. Hébrard. Je propose, en outré, qu’il soit décrété que les commettants nommeront un suppléant nouveau. M. l’abbé de Barmond. Je cède au désir que témoigne l’Assemblée de connaître les faits d’après un témoin oculaire et auriculaire. Je me permettrai de contredire M. le comte de Mirabeau sur quelques faits. La personne à qui l’huissier s’est adressé lui disait : je suis suppléant, je désire entendre la lecture du mémoire du ministre des finances, on ne doit pas aller aux voix; je n’ai pas trouvé place dans la tribune, je puis donc demeurer dans la salle sans inconvénient. Nous lui avons dit qu’il devait cependant sortir, et, en s’en allant, il a accompagné ses paroles de gestes qui ne regardaient point M. le président. M. le comte de Mirabeau. Nous ne parlons ni du même lieu, ni du même fait, je ne parle que des gestes que cette personne a faits au haut de l’escalier. Je ne me serais pas fié à la vue d’un seul homme, mais quand j’ai entendu un grand nombre de voix s’écrier : il menace le président, , je me suis élevé contre cette offense. Le haut de l’escalier est le moment où le prévenu a manqué à l’Assemblée. S’il pouvait y avoir des doutes sur uu fait aperçu par tout le monde, je demanderais que l’officier de garde fût entendu; mais le fait est connu de tous et je persiste dans mon opinion. (On demandeà aller aux voix sur la motion de M. le comte de Mirabeau.) M. lé Président, Je viens de recevoir du suppléant, sur le sort duquel vous délibérez, la lettre suivante : « Monsieur le Président, « J'apprends à l’instant que je suis accusé d’avoir insulté par mes gestes l’Assemblée nationale j je jure que jamais mon intention n’a été de lui manquer de respect, et certainement il y aurait de la démence à insulter l’Assemblée nationale, Si je n’obtiens pas la permission de venir me justifier à la barre, je vous supplie, Monsieur le Président, de vouloir bien exprimer mes sentiments, et combien je suis douloureusement affecté de cette accusation. « Je suis avec respect, « Monsieur le Président, « Votre très humble et très obéissant serviteur, « Signé : DË BLAIR, député suppléant de la Prévôté et Vicomté de Paris . » Plusieurs membres proposent, pouf clore l’incident, d’insérer cette lettre d’excuse au procès-verbal. Cette proposition est mise aux voix et adoptée. M. le b Aron de Menou. Je demande qu’à l’avenir on use de la plus grande sévérité envers les étrangers qui s’introduiraient dans la salle et qui viendraient troubler les travaux des représentants du souverain. Cette motion est renvoyée aux commissaires nommés pour la rédaction a’un règlement de police intérieure pour l’Assemblée; ils sont chargés de la prendre comme un des éléments de leur travail. M. le Président. L’Assemblée reprend sou ordre du jour. Un de MM. les secrétaires va continuer la lecture du mémoire de M. Necker. Mémoire de M. le premier ministre des finances envoyé à l’Assemblée nationale {Y}. Messieurs, ce n’est pas sans beaucoup de peine-que je me vois dans la nécessité de vous entr&- lenir, avec inquiétude, de la situation des finances, et cependant, éclairés par vos propres calculs, vous vous y attendez, et je ne dois pas différer de remplir le devoir que m’imposent ma place et la confiance du roi. Au mois de novembre dernier, je vous informai, Messieurs, qu’uu secours extraordinaire de 80 millions suffirait probablement aux besoins de l’année; mais je vous fis remarquer que ces. besoins s’accroîtraient : « Si, â commencer du l#r janvier prochain, (alors 1790) l’équilibre entre les revenus et les dépenses n’était pas encore établi dans son entier; « Si le remplacement de la diminution du produit sur la gabelle n’était pas effectué, à commencer pareillement du Ie' janvier prochain 1790: « Si le paiement de l’année ordinaire des droits et des impositions essuyait des retards ; « Si les anticipations sur l’année 1790, quoi-qu’infiniment réduites, ne pouvaient pas être renouvelées complètement. » (I) Il est nécessaire de faire remarquer que co mémoire doit être rapporté à la date du 20 février, époque à peu près de sa composition.